60 ans d’indépendance Etat des Lieux Nouveaux challenges et parler vrai

 

   «Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain.”    Antoine de Saint-Exupéry

 «La lutte pour l’indépendance, c’est l’épopée! L’indépendance acquise, c’est la tragédie.»

                                                                        Aimé Césaire

Résumé

Nous sommes à la veille de la commémoration du 60e anniversaire, Un premier miracle, l’Algérie n’a pas disparu, elle n’a pas été reshapée.  . Elle a résisté jusqu’à présent au post colonialisme, aux printemps arabes. Elle organise à la façon d’un pays développé les Jeux Méditerranéens d’une façon professionnelle.  Elle profite de l’embellie due au prix du pétrole et du gaz qui lui permettrait d’après l’aveu difficile  du  FMI une rente de Dame Nature de 58 milliards de dollars reculant le spectre de l’ajustement structurel  Tout les signaux sont au vert ! Après le Rubicon des années 2020 et 2021  (Une rente minimale   et l’épreuve du Covid au sortir  d’une double décennie  blanche  qui nous avait fait rater notre entrée scientifique technologique économique dans le XXIe siècle

Et pourtant l’Algérie actuelle  n’est pas encore  sortie de l’insécurité multidimensionnelle  malgré  des efforts de redressement après la belle révolution du 22 février 2019 qui a montré plus que jamais  que le peuple doit être acteur de son destin  et par-dessus tout gouter à la liberté en luttant notamment contre toutes les ingérences par une vigilance de tout les jours non pas par des salamalecs sans lendemain mais par le savoir la connaissance et les nuits blanches. Plus que jamais nous devons nous rappeler la phrase prophétique  de Mohamed  Boudiaf d’un des architectes du premier novembre , un certain 29 juin 1992 il y a trente ans  Parlant des pays développés occidentaux il  eut ce cri du cœur : « Bache Fatouna ? Fatouna Bil al3ilm !! »  Dans cette réflexion nous allons décrire à grand trait les principales étapes  parcourues depuis soixante ans. Puis  je décrirai ce que je crois être les chantiers importants du futur. Modèle énergétique, Hydrogène vert…

 Quelques rappels de l’épopée de la Révolution

La Révolution algérienne fut en son temps une aventure humaine  qui compte parmi les grandes  épopées pour la liberté  des peuples. Petit rappel qui permet de situer  l’immense prestige de la  Révolution algérienne où chaque algérien(ne) a fait son devoir mais pas seulement nous devons rassembler dans le même hommage  tout les amies de la Révolution  notamment européens d’Algérie mais aussi des Français et ceci pour bien faire la différence entre le pouvoir colonial et ses relais à Paris et toutes  celles et ceux qui se sont engagés au nom de l’aspiration à la liberté du peuple algérien.  Ceci devrait nous inciter à comprendre qu’à côté des colons possesseurs des terres, il y a avait tout un petit peuple d’Européens d’Algérie, nés en Algérie, sur même plusieurs générations, qui a quitté l’Algérie en catastrophe, aiguillonné par l’OAS. Cela a été un déchirement, l’équivalent d’un cataclysme analogue à celui qui a suivi la Reconquista et qui a vu l’afflux des Andalous, qu’ils soient musulmans ou juifs, accoster et être accueillis en Algérie. Il y eut cependant des Français qui sont restés et ils ont continué à vivre sans problème dans le pays.(1)

A l’Indépendance, nous étions tout feu, tout flamme et nous tirions notre légitimité internationale de l’aura de la glorieuse Révolution de Novembre. La flamme de la Révolution s’est refroidie en rites sans conviction, pour donner l’illusion de la continuité. Mieux encore, le moteur de la Révolution qu’était le FLN a été confisqué au profit d’une caste   Pourtant, de par le monde, tous les partis uniques ont fait leur mue ou on disparu!  Pour le regretté Boudiaf: «Le FLN est mort en 1962.» Le FLN qui a rempli son immense tâche historique qui a abouti à l’indépendance est la propriété de tous les Algériens sans exclusive

 Ce qui aurait pu être l’Algérie post-indépendance 

 

 Le faux départ de 1962  a fait détourner le fleuve selon la belle expression de Rachid Mimouni. Sans faire de procès nous allons expliquer que la marche de la révolution aurait pu être tout autre si les dispositions de la Plate-forme du Congrès de la Soummam conçus par Abane Ramdane et Larbi Ben Mhidi, ont été appliquées. En fait,  Quelques jours après l’indépendance, Ben Bella et Boumediene foncent sur Alger avec une force de frappe en canons qui n’avaient pas servi contre l’adversaire mais qui ont pris du service contre les moudjahed qui n’avaient que leur courage pour se battre.  On connait la suite un pouvoir sans partage, une constitution adoptée à la hussarde comme l’a dénoncé Ferhat Abbas dans sa fameuse lettre de démission de la présidence de l’assemblée. Un FLN qui avait terminé sa mission historique mais qui fut annexé par les  gouvernants. successifs.

Ce faux départ de l’Algérie est-ce une singularité?   Il faut bien en convenir les décolonisations furent bâclées. L’Algérie n’échappe pas à la règle. Pourtant deux pays ont su intelligemment négocier le virage de l’indépendance en ne se vidant pas le pays de ses élites européennes. Il  s’agit de l’Afrique du Sud et à un degré moindre la Tunisie. Pourtant si les dirigeants avaient eu la sagesse de s’inspirer de du texte fondateur de la Plate-forme de la Soummam réalisée dans des circonstances extraordinaires  pour l’émergence de la démocratie, des droits de l’homme et aussi de l’alternance On en serait pas là !

Que prônait le Congrès de la Soummam?  nous lisons :

« La lutte engagée est une «lutte pour la renaissance d un État algérien sous la forme d’une République démocratique et sociale garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d’une même patrie, sans discrimination. La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses qui peuplent l’Algérie, mais entre d’une part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine, et, d’autre part, les colonialistes et leurs soutiens, La citoyenneté algérienne signifie que l’Algérie de souche Européenne aura les mêmes droits et les mêmes devoirs que l’Algérien de souche autochtone, sur les plans politiques et civique dans le cadre d un état Algérien unitaire   Cela n implique pas la négation des caractéristiques culturelles spirituelles et morales des Algériens de souche Européenne» (2).

On sait  aussi que dans les Accords de Evian n’avaient pas prévu un exode aussi brutal. De fait tout s’est joué pendant les trois mois à partir du 19 mars 1962.  Il eut comme on le sait une politique de la terre brûlée qui a tout fait pour élargir le fossé entre les communautés.   Benyoucef  Ben Khedda  ancien président du GPRA regrettait que le chaos  provoqué par l’OAS mais aussi par la prise de pouvoir violente de juin-septembre   Il écrit : « (…)  Lorsqu’une crise éclate dans un pays qui possède des structures, ce pays vit sur des réserves et sur son organisation et le conflit reste limité au sommet jusqu’à sa solution. Chez nous venant après tant de bouleversements le vide politique est aggravé dans certains endroits par  un vide d’organisation sociale. L’action de certains dans les grandes villes surtout , à l’encontre d’étrangers, d’Européens dans le pays à besoin , de Français dont la présence est conforme aux Accords d’Evian nous cause un grave préjudice sur le plan moral et économique et risque de faire baisser le prestige de notre révolution à l’extérieur» (3)

L’écrivain Amine Maalouf membre de l’Académie française, ne dit pas autre chose dans son ouvrage : «Le naufrage des civilisations». Beaucoup de pays ont pu se développer quand ils ont fait preuve de lucidité pour rassembler les ethnies qui vivaient à un moment donné de l’histoire en bonne intelligence dans le  même pays où ils sont nés .

«Je suis persuadé, écrit-il, que la bonne attitude en la matière c’est celle qu’a adoptée un autre grand dirigeant du continent africain : Nelson Mandela. Quand après avoir passé 26 ans de sa vie dans les geôles du régime ségrégationniste, il était sorti triomphant et s était retrouvé président de l’Afrique du Sud, il ne s’est pas demandé si les Blancs l’avaient soutenu lors du combat pour la libération. S’ils s’étaient départis de leur arrogance de colons et de leur sentiment de supériorité et s’ils avaient donc mérité de faire partie de la nouvelle nation. C’est une toute autre interrogation qu’il avait à l’esprit. Mon pays se porterait-il mieux si les Afrikaners y restaient au lieu de s en aller? Et la réponse lui paraissait évidente : pour la stabilité de l’Afrique du Sud, pour sa santé économique, pour le bon fonctionnement de ses institutions, pour son image dans le monde, il valait mieux retenir la minorité blanche quel qu’ait pu être son comportement jusque-là. Et le nouveau président fit ce qu’il fallait pour encourager ses ennemis d’hier à ne pas déserter son pays (4).

Amine Maalouf poursuit :

« On pourrait dire exactement la même chose de l’expulsion des musulmans et des juifs par les rois catholiques au lendemain de la prise de Grenade en 1492. A cause de cette mesure dictée par l’intolérance et la suffisance, l’Espagne se verra incapable de tirer les bénéfices de sa conquête des Amériques ; Elle mettra 500 ans à rattraper son retard sur les autres nations européennes (.. ) Que de pays ne s en sont jamais remis!» (4)

L’Algérie n’a pas eu son Mandela ! Elle a subi comme l’écrit si bien Aimé Césaire ; après l »épopée , la tragédie de la division pour une lutte sans merci pour le pouvoir .Si on doit faire brièvement un inventaire de cette période, la confiscation de la volonté du  peuple a commencé avec le hold up du bureau politique légitimées par les canons de  l’armée des frontières la période Boumediene vit une séquestration des libertés, les adversaires étaient réduits au silence . De ce fait , dès le départ  il y eut un déficit de légitimité en face d’un peuple harassé par près de huit de malheur qui en avait plus qu’assez  avec le fameux cri du coeur   » Sab »a sinine  barakat ».  » Sept ans de malheur cela  suffit ».

Cependant , si nous ne devons pas oublier et si le devoir d’inventaire  de cette période est toujours d’actualité avec l’ancienne puissance coloniale, nous ne pouvons pas l’incriminer chaque fois que nous échouons dans la plus pure tradition de la théorie du complot Nous devons faire notre mea culpa  L’indépendance nous a  donné l’illusion que tout était permis, la misère morale et matérielle devait faire place à la liberté de parole, de travailler, bref, de donner la pleine mesure de son talent. Les espoirs furent rapidement confisqués par des dirigeants qui jouèrent le même rôle que l’ancien occupant tout en s’éliminant mutuellement

La période 1965-1978 avec Boumediene  a démarré  par la prise de pouvoir brutal mais il faut reconnaitre que l’Algérie malgré ses faibles moyens humains et matériels avait une vision notamment avec les  trois plans triennal et quadriennal. Il serait honnête de reconnaître que des dizaines d’usines furent construites, l’Algérie tentait de se faire une place. La nationalisation des hydrocarbures, la construction de la trans-saharienne et aussi le Barrage vert dont on découvre les vertus trente ans après, furent des réussites L’essentiel de l’outil de raffinage date de cette période. Ensuite  la période 1979-1992 avec le président Chadli, nous avons vécu la période «euphorique» du programme anti-pénurie (PAP). Du fait d’une conjoncture favorable, le baril était à 30 dollars et le dollar à cinq francs, l’Algérie découvrait la société de consommation. Sans mérite  ni valeur ajoutée Les gouvernements successifs ont détricoté minutieusement tout ce qui a été construit. Dès 1984, le retournement du marché amena l’Algérie à s’endetter pour se nourrir, la dette grimpa avec l’incurie. Ce qui amena d’abord les événements de 1988 et là encore, l’ouverture proposée par le président Chadli fut de courte durée.

En janvier 1992, l’arrivée de Boudiaf remobilisa la jeunesse qui découvrait que l’amour du pays pouvait transcender les partis. En vain. La parenthèse de l’espoir dura 165 jours. Elle donna ensuite lieu au chaos de la tragédie nationale de la décennie  rouge 200.000 morts plus tard le président  Zeroual eut à se battre pour maintenir l’Etat debout et se battre contre le FMI qui nous a ajusté structurellement plusieurs fois…La dernière période avec Abdelaziz Bouteflika 1999 -2019   vit une baisse progressive du terrorisme, grâce notamment aux lois discutables de la   rahma  Une rente insolente de plus de 1000 milliards de dollars a permit de faire du social sans création de richesse. Les constructions de milliers d’écoles, de lycées, et d’universités permirent de répondre quantitativement mais l’acte pédagogique subit une détérioration lente   2014  le prix du baril chute brutalement les réserves de changes de 192 milliards de dollars ont fondu rapidement dans un contexte ou le pouvoir a utilisé tout les subterfuges pour pouvoir durer.  Nous avons rater note entrée dans le XXIe siècle La révolution tranquille du 22 février 2019 mit brutalement fin à la gabegie du 5e mandat.

Le vide constitutionnel a amené l’armée à obliger  le président bouteflika à la démission. Des  élections ont été  le 12 décembre 2019  Le président Tebboune a été élu avec une faible participation Il est encore  trop tôt pour faire le bilan de ces deux ans et demie. Les anciens responsables  aussi bien politiques que dans le milieu des affaires sont rattrapés  par la justice. Certains purgent déjà leur peine Une nouvelle constitution , de nouvelles élections législatives et des textes lois décrets ,consolident dans les textes l’Etat de droit gravé dans la constitution. 

Un partie des engagements du président sont réalisées.  Des chantiers sont lancés : GaraDjebilet , Port d’El Hamadia Phosphate de Djebel  Onk ..  De même Il nous faut être honnête, s’il faut dénoncer vigoureusement tout les travers, force est de reconnaître que des efforts ont été faits  4000 athlètes de 26 pays présents en ce moment à Oran .En tant qu’Algérien j’avais très peur que ces Jeux Méditerranéens risquent d’être annulés car en retards pour les préparatifs. Tout a fonctionné parfaitement ! C’est une réussite de l’Algérie qui refait surface sur le théâtre du monde en maîtrisant les technologies le savoir faire avec  professionnalisme.  Ceci pour la partie visible de  l’iceberg qu’en est il  en profondeur ? Sommes nous sortis des temps morts ? Avant nous régler tout  les problèmes qui freinent  l’essor réel du pays ? Non !! trois fois Non !!

Le projet de société qui ne doit pas être différé

Malgré les efforts, il reste   avant tout  et toujours la nécessité de réconcilier les Algériens avec leur pays, leurs cultures et leur histoire. Ce   chantier crucial du pays est celui du vivre ensemble puis du faire ensemble. Il pourra être adopter  par étape car cet « oubli »  ouvre un boulevard à tout ceux tentés par l’aventure de tenter de fracturer un pays que 132 ans de colonisation abjecte n’ont pas pu réaliser. L’étendue du pays, sa richesse en hydrocarbures et en terres agricoles, sont autant de critères de vulnérabilité. On ne laissera pas tranquille un pays de 2387 642 km² – le premier pays d’Afrique après la partition du Soudan- avec sa profondeur stratégique, son potentiel énergétique, ses différents climats… son potentiel archéologique et touristique.  Si rien n’est fait en termes de consolidation de l’Etat, notamment par la mise en place d’un projet de société basé sur un désir de vivre-ensemble nous irons au devant de problèmes existentiels  La quête d’un récit national consensuel, qui fait siens aussi bien Massinissa que Jugurtha que l’Émir Abdelkader et qui se réfère à un Islam de 1 400 ans  fait de tolérance, devrait être revendiqué par chacun de nous de l’Est ou de l’Ouest du Nord ou du Sud. Une  algérianité assumée  coupera la route à l’aventure de ceux qui cherchent leur légitimité soit auprès de l’ancien colonisateur ou d’une sphère moyen-orientale installée dans les temps morts. Des pays se créent ou sont défaits   au gré de la volonté des puissants.    

Les regards sont braqués sur l’Algérie. Nous ne sommes pas à l´abri d´un tsunami, nos frontières sont de plus en plus vulnérables. L’Algérie a besoin de tous ses fils et filles sans exclusive.  Seul un ciment puissant permettra à l’Algérie de ne pas voler en éclats. Une contribution ancienne de Maâmar Farah, mais qui n’a pas pris un pli  est plus que jamais d’actualité Il écrit : « le besoin de décentralisation est impérieux dans un pays de plus de deux millions de kilomètres carrés, . Il vaut mieux parler de régionalisation dont les bienfaits sont évidents.  (…) Le monde pullule d’exemple d’États forts et respectables s’appuyant sur une large décentralisation qui donne aux régions les moyens démocratiques de mettre en valeur leurs potentialités et d’assurer sécurité et prospérité à leurs habitants. La nation où ils vivent où tous les Algériens vivent  est un legs précieux de leurs ancêtres. Ses contours ont été tracés par le sang, depuis les époques lointaines des résistants contre les envahisseurs romain, vandale, byzantin, arabe, espagnol, turc, jusqu’à la lutte contre l’occupant français. C’est cela l’idée de l’Algérie : une idée née autour des valeurs de luttes pour l’indépendance et de combats pour la dignité. (….)?»  (5)

Il parait évident que la réussite de ce challenge de l’unité ne peut totalement être réussi que dans le temps long d’autant que c’est une construction toujours recommencée et que demande une veille permanente  qui doit se traduire  au quotidien dans chacune de nos actions  on ait en tête constamment Llame Achamle ( Réconcilier , rassembler) Ce vivre ensemble que nous devons concrétiser d’une façon multidimensionnelle  Ainsi  à titre d’exemple  l’Apport du  Service national a été un facteur important dans le brassage des régions du pays. Il serait important qu’il soit toujours en première ligne  De même Une distribution intelligente des lycées et des Etablissements supérieurs peut favoriser le brassage   La culture, peut favoriser le brassage, le sport peut favoriser le brassage et par dessus tout le rappel permanent d’un destin commun est la meilleure antidote contre les démons de la division qui, ne nous faisant pas d’illusion est un projet de certaines officines pour problématiser  l’algérianité.

Le système éducatif devrait être la prunelle de nos yeux

Un autre chantier peut être le plus important est celui de l’éducation et de la formation Une école ouverte sur l’universel , qui tourne le dos à l’irrationalité est le meilleur garant d’une formation   de qualité .Le monde avance et n’a que faire de nos états d’âme et de ses combats d’arrière-garde  Il nous faut former une élite républicaine en commençant par des lycées d’excellence avec des Ecoles Normales d’excellence  pour la formation des enseignants.  Nous ne devons pas vivre dans l’illusion que nous sommes invulnérables.  Il est temps de ré-étalonner notre rapport au monde. Un maître-mot : le savoir. Si nous décidons de donner une visibilité à l’Algérie. Nous devons former l’élite dans différentes disciplines   Il serait présomptueux d’en attendre des résultats dans un futur immédiat. Nous ne pouvons entrer dans le développement  par effraction, c’est une lente maturation, ce sont des nuits blanches, c’est une autre Révolution qu’il faut mener en rassemblant toutes les opportunités pour déceler l’élite à tout les niveaux.   La formation professionnelle ne doit pas être vue comme le réceptacle des laissez pour compte. Elle doit être  un maillon entre l’Education et l’Enseignement Supérieur

Dans l’Enseignement Supérieur, l’Université devrait former des créateurs de richesse et pas seulement des demandeurs d’emplois. Cependant quelle  que soit la  santé financière, il  nous faut former  une élite . Le campus de Sidi Abdallah à Alger  devrait pouvoir avoir toutes les sollicitudes en termes de moyens. L’élite formée dans de bonnes conditions devrait pouvoir permettre de donner la pleine mesure de son talent en étant sécurisée du point de vue de l’emploi.  Il nous faut former chaque année des dizaines de milliers d’informaticiens, d’ingénieurs en intelligence artificielle/an.   Les écoles d’intelligence artificielle et de mathématiques devraient être complétées par les autres concernant les autres domaines. C’est le cas de la nanotechnologie  l’informatique, de la robotique, de l’électronique, de la transition énergétique (ITEER)…  ll faut mettre en place un campus de l’intelligence à Sidi Abdallah où nous devons former les futures troupes scientifiques capables de répondre d’une façon appropriée aux différentes  challenges et agressions d’un nouveau type, où vous ne voyez plus votre adversaire «à l’ancienne». (6)

Un Haut Conseil de l’Energie Boussole stratégique

La configuration mondiale notamment de l’énergie   des changements climatiques catastrophiques nous incitent à avoir une stratégie. Certes le Haut conseil d l’Energie a té créé ? Pour le rendre opérationnel il est plus que nécessaire qu’il soit adossé à un centre de réflexion sur la stratégie flexible et constamment adaptable de l’Algérie d’ici 2030 et même 2050. Ce qui implique une coordination des ministères concernés l’énergie, la transition  énergétiques, l’environnement l’eau, l’agriculture et l’Enseignement supérieur. C’est une boussole qui permettra au Haut Conseil de l’Energie de décider en connaissance de cause S’il faut se féliciter que pour la première fois l’Algérie renoue avec les projets des années 70 avec le complexe phosphate , le port central et le complexe de Gara Djebilet ce qui est une prouesse après une léthargie de plus de 40 ans,  Le chantier   de la Transition énergétique gagnerait à être revitaliser  en étant lucide quant à la rente passagère. Le kWh solaire moins cher que le kWh thermique ,tout retard est de fait un gaspillage voulu du gaz naturel

De plus il parait de plus en plus que la Révolution de l’hydrogène vert va structurer l’énergie dans le futur. Nous ne devons pas perdre de temps. De plus  le dossier des économies reste entier C’est le cas des textes visant les économies d’énergie dans l’habitat, dans les normes avec le Commerce et avec le transport et l’industrie s’agissant du plan sirghaz  (GPL) et dual gaz et aussi de la locomotion électrique  qui s’imposera de plus en plus et que nous avons intérêt à mettre en œuvre.

Nous devons connaitre nos intérêts : Nécessité d’un aggiornamento

S’agissant de nos rapports avec la France, notamment en ce qui concerne le rappel lancinant de  l’exode brutal  des européens d’Algérie qui avaient le choix entre la valise ou le cercueil, il est bon de rappeler ceci : « Dans une contribution à ce propos, Aurel et Pierre Daum expliquent que les Algériens ne sont pas rancuniers et que si les Européens sont  partis (..) Si la raison véritable de cet exode massif n’était pas le risque encouru pour leur vie et leurs biens, qu’y a-t-il eu d’autre? (…)  La grande majorité des pieds-noirs a quitté l’Algérie non parce qu’elle était directement menacée, mais parce qu’elle ne supportait pas la perspective de vivre à égalité avec les Algériens!  Nous vivions de facto avec un sentiment de supériorité. Nous nous sentions plus civilisés. Et puis, surtout, nous n’avions aucun rapport normal avec les musulmans. Ils étaient là, autour de nous, mais en tant que simple décor. Ce sentiment de supériorité était une évidence ».     (7)

Ceci écrit, l’OAS a certainement contribué  à créer le chaos et que des dérapages dans cette période charnière sont à déplorer et qui se sont soldés par  des pertes humaines qui ne sont pas le fait  de l’ALN ou de l’embryon de gestion de la crise. Des exemples d’Européens  sauvés par des Algériens existent mais sont ignorés sciemment. Le député FN qui lors de l’installation de l’Assemblée  française  début juillet 2022 vivant encore dans une utopie a plus parlé du « bon vieux temps des colonies » que de la réalité

Dans le même ordre de l’amnésie sélective  et dans une interview Arnaud Montebourg, le président de l’Association France-Algérie   nous conseille de ne pas regarder dans le rétroviseur  , nous interdisant de faire l’inventaire de ce qui s’est passé en 132 ans . Ainsi   et sans faire dans  la concurrence victimaire  il nous conseille  d’effacer  les six millions de morts en 132 an soit pour 48180 jours , l’équivalent de 120 morts par jour ! c’est assurément un génocide à bas bruit qui mérite mille Nuremberg ».

Arnaud Montebourg  met sur le mêle plan l’agresseur sanguinaire et l’agressé. Il  plaide pour la construction de projets communs entre les deux pays. «C’est en nous projetant  déclare-t-il vers l’avenir, en bâtissant des projets communs que nous condamnerons le mieux l’erreur historique de la colonisation » Justement c’est de cela qu’il faut parler de ce devoir d’inventaire  et de vérité  évaluer et reconnaître non pas l’erreur mais  la faute  et discuter ensuite du contenu de la réconciliation. Il est vrai que nous avons beaucoup en partage Le président Chirac avait affirmé à l’époque qu’un Français sur dix avait des racines algérienne La France a plus besoin de l’Algérie que l’Algérie de la France  Il est vrai  aussi que dans la tourmente économique de la mondialisation, la  globalisation sans morale la réorganisation du monde les  défis climatiques sont autant de défis  pour les deux pays qui peuvent les appréhender dans l’égale dignité des peuples. Nous pouvons inventer un nouveau dialogue, il faut pour cela être à deux. Si la France des «droits de l’Homme» en théorie à portée universelle fait son aggiornamento en reconnaissant que la colonisation est une suite de déni de la personne humaine, la torture, les enfumades sont autant de crimes imprescriptibles, alors rien ne s’oppose à un nouveau départ. pour regarder vers l’avenir une fois apuré le contentieux mémoriel ». (8)

Dans  ce cadre il y a un dossier d’avenir pour les deux pays et qui devra être la préoccupation majeure des gouvernants est comment rentabiliser les élites expatriées et ralentir l’hémorragie qui fait que les meilleurs s’en  vont et profitent aux pays réceptacles la France et à un degré moindre le Canada  « L’Algérie n’a pas d’amis ou d’ennemis , elle n’a que des intérêts permanents. disait Winston Churchill. Nous aurons de plus ne plus de par la réalpolitk a tenir avec nos principes aussi respectables soient Ils  Si au long de ces 60 ans d’indépendance nous avons montré que nous pouvons être résilients face au gouvernement du monde aux alliances qui se font et défont, peut être qu’il faille faire un aggiornamento pour redéfinir nos relations. A titre d’exemple, devons-nous continuer à faire porter la faute originelle  de leurs pères aux  enfants  des harkis ? Ce sont des dizaines de milliers de jeunes Français, avec des racines algériennes. Allons-nous leur tourner le dos et ne pas répondre à leur désir de garder le lien avec l’Algérie de leurs pères? N’est-il pas venu le moment de lancer justement une réflexion sur le futur Imaginons que nous arrivons à regarder ensemble vers une coopération avec ces jeunes qui, sans avoir connu les affres de la guerre, souhaitent garder le lien avec le pays de leurs aïeux. (9)

Conclusion

Que reste-t-il de ce feu sacré qui animait l’Algérie au sortir de l’Indépendance?  La révolution des Pères fondateurs doit être pour  les jeunes une source de ressourcement Tout le miracle consiste à faire  émerger une autre Révolution celle de de l’intelligence. Il nous faut chaque fois réinventer le sens de l’Indépendance nationale.  Notre mimétisme de l’Occident ne concerne que la dimension consommation et non dans celle du travail, de l’effort, de l’intelligence et de l’endurance;  L’Algérien veut, sans effort, tout et tout de suite. Nous donnons un très mauvais signal en distribuant la rente sans contrepartie, en termes de travail et de création de richesse  N’est-il pas venu le moment de voter pour la vérité celle d un cap vers le futur  nous devons en tirer les leçons dans notre rapport au monde dans ce XXIe siècle de tous les dangers. Nous devrons procéder à une déconstruction sans état d’âme de tout ce qui n’a pas marché, tenir compte de l’environnement international en continuelle reconfiguration où les ennemis d’hier sont les amis d’aujourd’hui Le peuple algérien «vacciné» contre les «ismes», socialisme de la mamelle, islamisme, capitalisme sauvage, et plus généralement dirigisme, souhaite être acteur de son destin.

Le nouveau langage n’est plus celui des armes classiques  mais celui de la technologie du Web2.0, des nanotechnologies, du génome, de la lutte contre le réchauffement climatique et des nouvelles sources d’énergie du futur. Il faut tourner le dos à la rente, qui a fait de nous des paresseux   Il faut faire émerger de nouvelles légitimités basées sur le savoir, bien dans leurs identités, pétries de leur histoire et fascinées par le futur. C’est un fait, nous avons des difficultés à être nous-mêmes et à réveiller la flamme du patriotisme que chacun, à des degrés divers, rêve de voir réanimer pour montrer que l’Algérie renaît chaque fois de ses cendres, Nous devons encore de tracer un destin pour ce pays. Ce peuple n’a pas besoin du m’as-tu-vu Le langage du parler vrai avec une justice de tout les instants  pourra le remobiliser. Notre pays pourra alors  libérer les énergies en réhabilitant les valeurs du travail, de l’effort et du mérite. Il n’y a pas d’autre issue. Le célèbre écrivain  Antoine de Saint-Exupéry  écrivait notamment: : «Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu’ils se haïssent, jette-leur du grain.”  Saint-Exupéry nous met en garde contre  la distribution d’une rente éphémère sans contrepartie  . Nous pensons à tort que l’assistanat est  générateur de paix sociale , rien n’est moins vrai. S’il existe des franges de la population qui méritent  des aides ciblées. Nous devons arrêter de distribuer des subventions qui à 80 % profitent aux classes aisées, notamment dans l’énergie et l’eau qui  vont nous amener à des situations intenables, si non ne met pas en place une stratégie de  production d’énergie  et de maîtrise de consommation . Cette stratégie sera la véritable boussole du pays  et donnera alors son importance  à la pertinence du Haut Conseil de l’Energie.

Nous avons plus que jamais besoin de nous mobiliser autour d’une utopie  Mutatis mutandis, nous devons faire naître au sein de la jeunesse  le désir d’être utile et d’être acteurs de leur  destin, ce désir de construire, de se sentir responsable de l’avenir du pays et ceci par  par des chantiers permanents. Le développement du Sud dans ses multiples dimensions : utilisant les énergies renouvelables,   développant   l’agriculture,   créant des villes nouvelles autant de chantiers qui créeront  une nouvelle utopie., celle de faire du Sahara une nouvelle Californie. Avec son Kararna taemime el mahroukate    » Nous avons décidé de nationaliser nos ressources en hydrocarbures » Boumediene a mobilisé les jeunes universitaires du Service National Ce fut la création de Sonatrach par des ingénieurs trentenaires  , le barrage vert, la transsaharienne. Les 1000 villages qui devaient remplacer les 10.000 villages  brûlés au napalm . Si on explique aux Algériens la politique de grands travaux de la transition énergétique, la transsaharienne électrique le Sud « agricole » je suis convaincu que nous pourrions aller vers le développement durable avec la mobilisation de chacun, de l’écolier à l’imam au ministre .

Pour terminer à l’occasion de la fête de l’indépendance Le président  pourrait amorcer la pompe du dialogue en réduisant les peines des détenus  d’opinion Ce serait un beau geste qui montrerait que l’Algérie commence à maîtriser son destin pour barrer la route à l’aventure de ceux qui cherchent leurs légitimités à l’extérieur. La démocratie participative  devrait de plus en plus être le cap.. Pour cela donner l’exemple et parler vrai  et la seule façon de mobiliser à cette jeunesse en capable d’aller à la conquête du monde avec   des réflexes de vainqueurs. Bonne fête aux Algériennes et Algériens. De grandes espérances sont à notre portée  Nous allons enfin réhabiliter   le travail bien fait et la satisfaction  d’avoir accompli sa part du bien commun que  représente cette immense Algérie qui nous tient tant à coeur  !

Professeur  émérite Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique Alger

 

Note :

1.Chems Eddine Chitour   https:// www. lexpression. dz/chroniques/l-analyse-du-professeur-chitour/les-oublies-de-lhistoire-288660

2.Lettre du FLN aux Européens d Algérie ; Journal El Moudjahid janvier 1961

3.Benyoucef Ben Khedda : L’Algérie à l’indépendance, la crise de 1962. Editions Dahlab. p. 155 , 1997

4.Amine Maalouf le naufrage des civilisations p 49 2019 Editions Grasset Paris

5.Maamar Farah: https://www.le soirdalgerie.com/haltes-estivales/lettre-a-un-independantiste-66493

6.https://books.openedition.org/irmc/1531?lang=fr  .https://www.mondialisation.ca/lalgerie-du-xxie-siecle-une-elite-scientifique-pour-une-guerre-de-quatrieme-generation/5660050  

7.Ni valise, ni cercueil. de Pierre Daum. Préface de Benjamin Stora. Ed. Média-Plus, 2012.

8.Lilia Benameur https://www.tsa-algerie.dz/algerie-france-arnaud-montebourg-appelle-a-construire-lavenir 30 Juin 2022

9.C..E. Chitour:19-03-2022,  https://www.lesoirdalgerie.com/contribution/19-mars-1962-cessez-le-feu-19-mars-2022-la-guerre-des-memoires-continue- 77521

Article de référence  Numéro  Spécial Le Soir d’Algérie page 17 https://www.lesoirdalgerie.com/fr/pdf/edition/download?date=05-07-2022  

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