Algérie / Des universitaires relancent le débat sur le hirak

      17.06.20

    A l’initiative de la CNUAC

Samedi dernier, à l’occasion du premier numéro de cette série de rencontres virtuelles, des enseignants-chercheurs de différentes universités du pays ont mis l’accent, lors de leurs interventions, sur la réalité et les perspectives du mouvement populaire enclenché le 22 février 2019.

Le débat sur le mouvement populaire enclenché, à l’échelle nationale, depuis le 22 février 2019 pour le changement du système reprend ses droits à travers la Toile où des rencontres virtuelles sont régulièrement animées aussi bien en Algérie qu’à l’étranger où la diaspora engage aussi des échanges d’idées sur le hirak.

Dans le sillage de cette dynamique, la Coordination nationale des universitaires algériens pour le changement (CNUAC) organise, en direct sur sa page facebook, des visioconférences pour permettre aux enseignants-chercheurs de plancher, notamment sur les réalités et les perspectives de la Révolution du sourire.

Samedi dernier, à l’occasion du premier numéro de cette série de rencontres virtuelles, les intervenants ont ainsi mis l’accent sur la genèse du hirak comme ils ont également souligné, en outre, les voies et moyens susceptibles d’aboutir à la satisfaction des revendications de ce mouvement.

Ainsi, Mustapha Ghobrini, de l’université de Mostaganem, a estimé que le peuple a toujours un point de repère avec histoire pour entreprendre un mouvement allant dans le sens à réclamer le changement. D’ailleurs, a-t-il fait remarquer, c’est le mouvement nationale et la guerre de libération qui a donné la légitimité aux militants de cette mobilisation populaire sans précédant. «La guerre de Libération nationale a donné la légitimité pour les revendications du hirak.

D’ailleurs, nous avons remarqué que les marcheurs ont souvent brandi les portraits des symboles de la Révolution de 1954, comme Amirouche et Boudiaf ou d’autres martyrs qui ont unifié le peuple algérien. Cet élément fondamental justifie l’irruption du hirak sur la scène politique», a-t-il expliqué tout en précisant que le mouvement populaire du 22 février 2019 a une perspective maghrébine comme celle, a-t-il ajouté, des militants de l’Etoile nord-africaine, en 1926. De son côté, Nabila Bechkhi, de l’université de Tlemcen, a estimé que le hirak était prévisible.

Et pour étayer ses propos, la même enseignante souligne que les raisons de ce soulèvement sont essentiellement liées à la corruption et les passe-droits qui ont gangrené le pays. «La candidature de Bouteflika pour briguer un cinquième mandat à la magistrature suprême n’est que la goutte qui a fait déborder la vase. Les Algériens ont investi la rue pour sauver le pays, car ils ont carrément perdu confiance en les décideurs», a-t-elle déclaré tout en mettant en exergue l’ouverture de la jeunesse sur le monde extérieur. «Le système ne sait pas que le société s’est transformée.

Les jeunes sont conscients de la situation que travers notre pays, c’est pour cela qu’ils se sont soulevés pour sauver l’Algérie», a-t-elle insisté avant que son confrère d’Annaba, Mohamed Zaâf, ne rappelle que la jeunesse a investi la rue pour réclamer un état de droits avec toutes ses spécificités. Abordant pratiquement dans le même sens, Farid Amrouche de l’université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou a parlé de la crise de 1962 provoquée, a-t-il martelé, par le coup d’Etat de l’armée des frontières, qui est, selon lui, l’un des éléments qui ont favorisé la Révolution du sourire. «Les raisons du soulèvement populaire national du 22 février 2019 ne se limite pas seulement à la période passée sous le règne du pouvoir autoritaire de Bouteflika, mais aussi elles s’étalent jusqu’au coup d’Etat de l’armée des frontières en 1962», a-t-il déclaré.

Pour sa part, M. Sifaoui de l’université de Béjaïa a rendu, entre autres, hommage à la femme qui a remarquablement, a-t-il dit, marqué de son empreinte son implication dans le hirak. Par ailleurs, notons que même le collectif des enseignants et personnel ATS de l’université Abderahmane Mira de Béjaia organise des débats en ligne, ces jours-ci, avec des chercheurs pour aborder différents thèmes de l’actualité nationale, notamment ceux en rapport avec la situation politique du pays.

Appel à la mobilisation

La CNUAC, faut-il rappeler, s’était élevée, dans son dernier communiqué rendu public récemment, contre ce qu’elle qualifie de «pouvoir despotique» qui refuse d’aller vers un véritable changement politique. La Coordination s’est interrogée quant à la réalisation du changement tant réclamé et voulu par le mouvement du 22 février et a estimé que la source de la crise politique est ce pouvoir qui refuse, comme l’exige le peuple algérien à travers le hirak, d’aller vers une transition démocratique, permettant de réhabiliter l’Etat de droit et l’avènement des réformes économiques, sociales et culturelles. «C’est dans cette alternative de rupture d’avec le système que se trouve la solution politique à la crise», a affirmé cette Coordination, selon laquelle le constat est irréversible, en ce sens qu’«il n’intéresse pas le pouvoir de faire de l’université algérienne une institution digne de ce nom».

Dénonçant la situation dans laquelle se trouve l’université, la CNUAC considère que la crise est profonde et nécessite une solution consensuelle. Elle lance à cet effet «un appel solennel à la communauté universitaire pour se mobiliser». Pour elle, la mobilisation des universitaires algériens «vise à s’approprier leur université pour en constituer un cadre de débats d’idées et de propositions, à même de garantir et de promouvoir la liberté de penser, de produire le savoir et de rejeter toute forme d’allégeance et de compromission à un système qui persiste à ignorer les aspirations exprimées par le peuple algérien».

L’organisation universitaire est revenue, par ailleurs, sur les mesures prises par la tutelle durant cette crise sanitaire. «Les décideurs politiques ont opté pour le télé-enseignement et l’utilisation des plateformes numériques. C’est un choix qui a été aussi celui de beaucoup d’universités à travers le monde. Cette démarche n’a pas suscité l’engouement attendu de la communauté universitaire car, au-delà des nombreuses contraintes objectives, elle est l’expression de la vision unilatérale d’une administration, en décalage avec la réalité de l’université algérienne.

Une université gérée à coup d’instructions et d’arrêtés contradictoires, sans concertation, aucune, avec les principaux acteurs de l’université, à savoir les enseignants et les étudiants.» La Cnuac a estimé que «le télé-enseignement ne pourra être, tout au plus, qu’un moyen complémentaire pour maintenir une activité pédagogique et ne pourra, en aucun cas, être sanctionné par une évaluation des étudiants(es) comme suggéré par la tutelle». «Le faire serait une atteinte grave à l’éthique et à la déontologie universitaires.

Songer à remplacer l’enseignement en présentiel par le télé-enseignement est un pas que même les pays qui l’ont initié n’ont pas encore franchi, y compris dans ce contexte de crise sanitaire mondiale.» Par conséquent, la CNUAC a estimé que «la validation du deuxième semestre ne pourra être envisagée qu’après une mise à niveau de l’ensemble des étudiants en présentiel», affirmant refuser de «cautionner une mesure qui vise principalement à obtenir un effet d’annonce».

Et d’ajouter que cette mesure «s’inscrit dans le processus d’idéologisation de l’université au détriment du savoir». Pour la Coordination, «l’administration a encore eu recours à des injonctions, ignorant délibérément les enseignants et les étudiants.

Or, sans leur adhésion et leur participation, rien n’est vraiment possible». La Cnuac revendique ainsi «l’implication des enseignants et des étudiants dans les décisions pédagogiques» car elle considère qu’elles relèvent des seules prérogatives des comités pédagogiques, des comités scientifiques et des équipes formatrices. «Une décentralisation et un fonctionnement démocratique de l’université s’imposent, aujourd’hui», a indiqué la Coordination qui estime que l’université algérienne «ne peut continuer d’être en décalage avec le champ du possible ouvert par le hirak». «La priorité aujourd’hui devrait être la préparation, en concertation avec les vrais acteurs de l’université, de l’inévitable phase de déconfinement pour accueillir les étudiants, les enseignants et les personnels de soutien dans les meilleures conditions sanitaires possibles, et de leur assurer toutes les protections nécessaires pendant toute la durée de cette phase», conclut la CNUAC.

Hafid Azzouzi


 

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