Algérie / Industries en sursis

14.01.2019

par Mahdi Boukhalfa.-

On a beaucoup disserté, du côté du gouvernement, sur la nécessité de la protection de la production nationale et, surtout, de la protéger contre l’importation de certains produits qui entrent en concurrence directe et déloyale avec les produits locaux. Trois lois de finances 2016, 2017 et 2018 après, la production nationale n’est non seulement pas protégée contre l’importation déloyale de produits étrangers concurrentiels à la production nationale, mais, pire, rien n’a été fait pour soutenir le label algérien. Certes, il y a bien cette fameuse liste ‘’négative » de 871 produits interdits temporairement à l’importation établie par le ministère du Commerce, mais au fond rien n’a changé. 

Pis, en dépit d’une détérioration des finances publiques, des réserves de change qui ont baissé au niveau de 80 milliards de dollars, le passage à la ‘’planche à billets », le ministère du Commerce, que l’on devrait appeler ‘’ministère des importations », est revenu sur cette interdiction, affirmant à la fin de l’année 2018 que les importations vont reprendre avec un mécanisme fiscal devant taxer plus les produits importés. Ce que ne dit pas le ministre ou ce qu’il ignore, même si le doute est permis, c’est que des filières agro-industrielles sont en train de mourir à petit feu, avec des pertes d’emplois par milliers et, surtout, l’anéantissement de métiers rassemblant plusieurs secteurs d’activité. Le cri d’alarme est venu des producteurs du concentré de tomate, une filière agro-industrielle dont la survie et le développement ne dépendent que d’une simple décision gouvernementale: revoir complètement l’importation de triple concentré de tomate. Une décision qui devrait, outre ce geste tant attendu par la corporation, encourager cette filière à cheval entre l’agriculture et l’industrie de transformation et donner des gages de garantie du gouvernement aux professionnels de la filière, agriculteurs comme industriels. 

Sur la base des derniers chiffres des importations de triple concentré de tomate, qui sont passées de 30.000 tonnes en 2011 à 130.000 tonnes actuellement, il est vraiment difficile pour le ministère du Commerce comme pour le gouvernement de jouer sur le terrain de la protection de la production nationale pour ce type de produit agro-industriel. Le cas de la filière des conserveries n’est pas isolé, mais il est un exemple de ce que le gouvernement ne voit pas, c’est-à-dire tuer d’une belle mort l’industrie de transformation, la manufacture, les petites entreprises manufacturières familiales, les petits métiers du terroir sur lesquels des nations hyper-développées, dont l’Allemagne, les Etats-Unis, la Chine ou la Corée du Sud, ont bâti leur réputation de grands pays industrialisés. 

En annonçant en novembre dernier la fin de la suspension temporaire de l’importation de 871 produits, le ministre du Commerce comme le gouvernement, même avec ce fragile mécanisme de protection du droit additionnel provisoire de sauvegarde (DAPS), a comme donné un coup de couteau à tous les espoirs du label local de survivre, d’avoir ses parts dans un marché noyé de produits étrangers, très compétitifs. Avec cette différence qu’ils participent autant à la hausse des transferts inutiles de devises à l’étranger, à ruiner les petites manufactures locales, fermer les débouchés pour l’agriculture et en fin de parcours augmenter le chômage et appauvrir un peu plus les Algériens. Le cas des conserveries, pour ne pas parler des autres filières industrielles directement menacées par les produits importés, est symptomatique d’une terrible déviance de toutes les politiques commerciales depuis au moins 20 ans et plus spécifiquement le désastreux accord de libre-échange avec l’UE. 

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