Algérie : Khaled Drareni, Rachid Nekkaz et des dizaines de détenus du Hirak libérés

Le journaliste algérien Khaled Drareni à sa sortie de prison, le 19 février 2021 à Alger. © Ryad Kramdi Source: AFP

 

Au moins 33 détenus en relation avec le mouvement de contestation du Hirak ont été libérés le 19 février 2021 à la suite de l’annonce d’une grâce présidentielle survenue la veille. Parmi eux, le journaliste Khaled Drareni et l’opposant Rachid Nekkaz. Plus de 30 détenus condamnés en marge du Hirak, dont le journaliste et militant Khaled Drareni, ont été libérés le 19 février à la faveur d’une grâce présidentielle accordée à trois jours du second anniversaire du soulèvement populaire qui a rassemblé une partie du peuple algérien. «Au total, 33 personnes ont été libérées jusqu’ici.

Les procédures sont en cours pour le reste», a fait savoir un communiqué du ministère de la Justice sans préciser de noms. Au total, le président de la République Abdelmadjid Tebboune avait annoncé plusieurs dizaines de libérations le 18 février. Des photos et vidéos relayées sur les réseaux sociaux ont montré les personnes libérées retrouvant leurs proches et soutiens dans plusieurs régions, dont celles emprisonnées au centre pénitentiaire de Koléa, près d’Alger.

Parmi eux, Khaled Drareni, devenu le symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie, qui avait été condamné à deux ans de prison en septembre dernier pour «incitation à attroupement non armé» et «atteinte à l’unité nationale».

«Je remercie tous ceux qui m’ont soutenu et qui ont soutenu les détenus d’opinion, car votre soutien est essentiel pour nous tous et il est la preuve de notre innocence», a réagi le journaliste de 40 ans après sa libération dans une vidéo relayée sur Twitter. Il est apparu sur des images de réseaux sociaux porté par une foule de sympathisants.

Correspondant en Algérie de la chaîne TV5 Monde et de Reporters sans frontières (RSF), Khaled Drareni avait couvert le mouvement de contestation populaire inédit Hirak, notamment via ses comptes sur les réseaux sociaux, avant la suspension des manifestations à cause de la pandémie de Covid-19. Selon l’un de ses avocats, Abdelghani Badi, il s’agit d’une mesure de «liberté provisoire». Le journaliste est en attente d’une décision de la Cour suprême le 25 février sur son pourvoi en cassation. Sa condamnation avait suscité l’indignation en Algérie et à l’étranger.

«Il faisait son métier»

Ahmed Benchemsi, un responsable régional de Human Rights Watch (HRW), s’est dit «très heureux de savoir Khaled Drareni enfin libre». «Il n’aurait pas dû passer une minute en prison. Il ne faisait que son métier. Honneur à lui», a-t-il écrit sur Twitter. Les Etats-Unis ont salué la libération de militants par l’Algérie. «Nous espérons voir se poursuivre des étapes encourageantes comme celle-ci», a déclaré un porte-parole du département d’Etat.

L’opposant Rachid Nekkaz fait aussi partie des détenus libérés, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD). Incarcéré à la prison d’El Bayadh (sud-ouest), il avait commencé une grève de la faim plus tôt dans la journée pour protester contre sa détention prolongée et sans jugement, malgré la détérioration de son état de santé selon son entourage.

Dans son discours à la nation du 18 février, le président Abdelmadjid Tebboune a déclaré : «Le « Hirak béni » a sauvé l’Algérie. J’ai décidé d’accorder une grâce présidentielle […] Entre 55 et 60 personnes rejoindront leurs familles». Selon les derniers chiffres du CNLD avant ces libérations, quelque 70 personnes étaient détenues en lien avec le Hirak et/ou les libertés individuelles. Plusieurs militants ont salué ces libérations, alors que le pays est miné par une triple crise politique, économique et sanitaire. Au lendemain de son élection en décembre 2019, Tebboune avait déjà accordé une grâce à 76 détenus, dont des figures du Hirak.

De nouvelles manifestations avant la date anniversaire du Hirak

Ce nouveau geste d’apaisement du président, sitôt de retour d’une longue hospitalisation en Allemagne, survient avant le second anniversaire du Hirak, le 22 février, qui avait forcé l’ex-homme fort Abdelaziz Bouteflika à abandonner le pouvoir. Avant la date anniversaire du Hirak, des manifestations ont eu lieu le 16 et le 19 février dans plusieurs villes et des appels à manifester le 22 février dans tout le pays circulent sur les réseaux sociaux.  «A part la libération des détenus […], Tebboune maintient toujours sa feuille de route et son agenda d’aller aux législatives pour achever le Hirak», a déploré Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme. Abdelmadjid Tebboune a annoncé dans son discours des législatives anticipées d’ici fin 2021, ainsi qu’un remaniement ministériel «dans les 48 heures au maximum». «En offrant des perspectives électorales et de participation à la vie politique, le président espère changer la donne et remettre la vie politique dans les institutions pour l’extraire définitivement de la rue», analyse l’écrivain et chroniqueur Abed Charef.


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