Algérie / Maîtrise des données statistiques : Une question de sécurité nationale

       Par Dr Abderrahmane Mebtoul

Professeur des universités, expert international, Directeur des études aux ministèresde l’Industrie et de l’Énergie 1974/1979-1990/1995-2000/2008-2013/2015, Hautmagistrat et directeur général des étudeséconomiques à la Cour des comptes 1980/1983, président du Conseil national des privatisations 1996/1999 avec rang de ministre délégué.

 

Le président de la République a mis en relief, dans son discours aux Assises de l’agriculture, le manque de cohérence et d’informations contradictoires, faute d’un système d’information fiable en temps réel, émanant de plusieurs départements ministériels , ce qui peut engendrer des surcoûts exorbitants. Cette situation souligne l’urgence d’une planification stratégique. Face à la nouvelle reconfiguration des relations internationales, nous devrions assister entre 2023/2030 à une recomposition du pouvoir économique mondial -la guerre en Ukraine le monde ne sera plus jamais comme avant-avec la percée de la Chine, de l’Inde, du Brésil, de la Russie et de certains pays émergents constituant le groupe des BRICS

Tout projet doit montrer clairement la hiérarchie des objectifs, les résultats escomptés par secteur, ainsi que la portée, les indicateurs de performance, les indicateurs des objectifs et des échéanciers précis et enfin l’hypothèse de risques. Or, lecontrôle de la qualité de gestion doit avoir pour finalité l’appréciation des conditions d’utilisation et de gestion des fonds gérés par les services de l’Etat ainsi que les établissements et organismes publics et l’évaluation des projets, programmes et politiques publiques. Souvent on constatel’absence de maîtrise dans la gestion des projets qui font l’objet de surcoûts et de réévaluations permanentes, d’où la faiblesse de l’impact de ces projets en termes de rentabilité et de retour sur investissements. Les déficiences observées dans le processus budgétaire et les goulets d’étranglement institutionnels ont entraîné systématiquement une mauvaise exécution des programmes d’investissement. Toutes ces insuffisances ont abouti à une mauvaise programmation, à la surestimation des dépenses et à de longs retards dans la réalisation. Parmi les carences importantes observées dans ce registre, le décalage entre la planification budgétaire et les priorités sectorielles, l’absence d’interventions efficaces dues à un morcellement du budget résultant de la séparation entre le budget d’investissement et celui de fonctionnement et les écarts considérables entre les budgets d’investissement approuvés et les budgets exécutés. Ce qui témoigne de la faiblesse de la capacité d’exécution des organismes concernés. Les nombreuses faiblesses trouvent leur origine dans la faiblesse de la préparation technique du personnel d’exécution et la qualité des projets qui sont généralement faibles et inégales et le chevauchement des responsabilités entre les diverses autorités et parties prenantes. Il s’agit d’éviter, selon les données du Premier ministère reprises par l’APS fin 2021,tous ces assainissements répétés des entreprises publiques (250 milliards de dollars durant les trente dernières années)et les différentes réévaluations des projets d’investissement publics (entre 60/70 milliards de dollars durant les 10 dernières années) qui constituent un gouffre financier.

Pour s’adapter à la nouvelle configuration des relations internationales, l’action gouvernementale doit définir clairement les objectifs stratégiques. Il s’agit de se poser les bonnes questions : comment se pose le problème ? quelles sont les contraintes externes (engagements internationaux de l’Algérie) ? quelles sont les contraintes socio-économiques, financières et techniques internes ? quels sont les choix techniquement possibles et les ensembles de choix cohérents, et quelles sont les conséquences probables de ces choix ? quelles méthodes de travail choisir qui permettent de déterminer les paramètres (moyen et long terme) et les variables (court terme) dont dépend un système complexe ? Après avoir décomposé la difficulté en éléments simples, il convient de se poser des questions et apporter des réponses opérationnelles, loin des théories abstraites, réalisations physiques et plan de financement sur chacun des éléments : Quoi ? Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Pourquoi ? Comment faire ? L’on devra distinguer dans la hiérarchisation les projets capitalistiques dont le seuil de rentabilité, si le projet est lancé en 2022, ne sera réalisable que dans 7/8 ans ‘à horizon, des projets moyennement capitalistiques, avec un seuil de rentabilité au bout de 4/5 années et des projets faiblement capitalistiques (PMI/PME) au bout de 2/3 années. L’on devra tenir compte des nouvelles mutations mondiales qui seront dominées par ce que Jacques Attali nomme les «industries de la vie» : la santé, l’alimentation, l’écologie, l’hygiène, l’éducation, la recherche, l’innovation, la sécurité, le commerce, l’information, la culture ; et bien d’autres, ces segments étant capables d’augmenter leur productivité, et donc d’améliorer sans cesse leur capacité de satisfaire la demande sociale nouvelle, fonction de nouveaux comportements. Il s’agit d’éviter la vision bureaucratique, de croire que l’élaboration de lois sont la seule solution alors que la solution durable est de s’attaquer aux blocages du fonctionnement de la société avec des actions concrètes sur le terrain loin des discours et promesses utopiques.

En conclusion, il existe un lien dialectique entre le politique et l’économique, la sécurité et le développement. Le redressement national passe par une évaluation lucide et sans complaisance de l’environnement politique, économique, social interne et externe et par une identification des acteurs internes et externes afin de concilier, pour paraphraser le langage militaire, les objectifs tactiques de court terme avec les objectifs stratégiques à moyen terme. Depuis fort longtemps, l’Algérie semble chavirer un moment et reprendre avec hésitation ses équilibres à un autre moment. Pourtant, au-dessus de tout, l’Algérie reste un pays dynamique, plein de vitalité, qui se cherche et cherche sa voie où face aux nouveaux enjeux du monde, sous réserve d’une nouvelle gouvernance et la valorisation du savoir, a toutes les potentialités pour devenir un acteur stratégique tant sur le plan énergétique et économique au niveau de l’espace méditerranéen et africain.

A. M.


     La puissance économique d’un Etat, sous-tendue de chiffres précis et réels

Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a affirmé mardi à Alger que la puissance économique d’un Etat était sous-tendue de chiffres et de statistiques précis et réels, loin des données approximatives.

Dans son allocution lors des Assises nationales de l’Agriculture, qui se tiennent au Palais des Nations (Club des pins) sous le slogan  »Agriculture: pour une sécurité alimentaire durable », le Président Tebboune a affirmé que « l’Etat qui veut s’ériger en puissance économique, voire agricole, doit disposer de chiffres précis ».

Insistant sur l’importance de disposer de « statistiques précises » loin des « données approximatives », le Président Tebboune a fait observer que « l’investissement et l’importation sont orientés par les statistiques pour peu qu’elles soient précises ».

Il a évoqué, dans ce cadre, « les disparités et l’incohérence » des chiffres publiés ces dernières années concernant les ressources agricoles nationales, notamment pour ce qui est du cheptel et des surfaces cultivées chaque saison.

« Les chiffres avancés concernant la production agricole étaient les mêmes pendant des dizaines d’années, des chiffres qui ne reflétaient point la réalité », a-t-il déploré, citant pour exemple « la superficie des terres cultivées à travers le pays évaluée, alors, à 3 millions d’hectares, mais les enquêtes menées dans le cadre de la numérisation, ont démontré que ce chiffre ne dépassait pas 1,8 million d’hectares, ce qui signifie qu’il y a encore des terres arables non exploitées ».

Le Président Tebboune a indiqué, dans le même sillage, que le recensement du cheptel a fait ressortir que l’Algérie disposait de 19 millions de têtes ovines « et non pas de 23 millions, encore moins de 29 millions d’après les anciennes statistiques », rappelant que les statistiques précises facilitaient la planification, l’investissement, la production et une bonne régulation de l’importation.

Soulignant l’impératif d’accélérer le processus de modernisation du secteur agricole, le Président Tebboune a indiqué que l’Algérie « est engagée dans une véritable course contre la montre pour restructurer et moderniser l’activité agricole ».

« L’Algérie a certes besoin de véhicules touristiques, mais son économie exige davantage la modernisation et l’importation d’engins et de tracteurs », a-t-il dit, relevant la nécessité de passer d’une agriculture traditionnelle à une agriculture reposant sur l’investissement étudié.

Le Président Tebboune a affirmé, dans ce cadre, que les régions du sud du pays étaient en mesure d’assurer une production similaire à celle des pays qui couvrent les besoins du monde en céréales.

Grâce aux superficies disponibles, tout aussi que l’eau, au climat favorable et à l’investissement dans l’hydraulique, « nous sommes capables de produire jusqu’à 60 quintaux/hectare de céréales ».

Relevant le faible taux de la production actuelle de céréales par hectare (23 quintaux/hectare), le président de la République a mis l’accent sur l’impératif de « réaliser un bond qualitatif en la matière, particulièrement au sud ».

« Il est inadmissible de continuer à importer avec les recettes pétrolièresdes produits comme l’ail et d’autres produits agricoles, au moment où nous disposons de terres agricoles et de 87 barrages », a-t-il regretté.

2023: encourager les agriculteurs produisant deux récoltes par an

Le Président de la République a soutenu que les autorités publiques œuvraient à promouvoir la filière céréalière en la plaçant en tête des priorités, ajoutant que la consommation nationale avoisinait les 9 millions de tonnes/an, alors que la production nationale, en dépit de son augmentation, n’a atteint que « la moitié de ce chiffre ». « Le manque de rigueur est à l’origine de ce taux », a-t-il estimé.

Il a indiqué que le taux de récolte de la production nationale en matière de céréales avait atteint 70% pour cette année, déplorant l’utilisation des céréales dans l’alimentation du bétail.

« Les wilayas du sud peuvent produire 100% des besoins des régions du nord en matière de fourrage », a-t-il souligné, révélant que l’Etat accordera en 2023 des avantages à tout investisseur activant dans une double production (deux récoltes/an) notamment dans le sud.

Il a également exprimé la disponibilité de l’Etat à contribuer au financement à hauteur de 90% des projets d’investissement dans les domaines agricole et agroalimentaire, ajoutant que les 10% restant seront pris en charge par l’investisseur qui aura tout le soutien pour l’exportation.

Selon les données avancées par le Président Tebboune, la production agricole est passée de 3.500 mds da (25 mds usd) en 2021 à 4.550 mds da en 2022, soit une hausse de 9 à 10 mds usd.

L’Algérie exporte, aujourd’hui, certains produits alimentaires, à l’instar du sucre importé comme matière première après son raffinement, a fait observé le Président de la République appelant à investir dans la production et l’exportation de certains produits à forte valeur ajoutée, à l’instar de la pistache, de l’amande et de l’argan.

Il a tenu à remercier les producteurs d’huile d’olive pour les efforts consentis, louant, à ce propos, l’huile d’olive de la wilaya d’El-Oued ainsi que la production de la wilaya de Biskra.

Il est désormais possible de produire d’huile de table à travers l’investissement dans le soja, a-t-il dit, exprimant son souhait de voir cette année « au maximum le mois de mai » la production de la première bouteille d’huile algérienne « des champs au consommateur ».

Concernant la production de la pomme de terre, le Président de la République a mis en exergue les efforts déployés par les producteurs en vue de contribuer à la réalisation de l’autosuffisance, soulignant que le prix de la pomme de terre est désormais « stable et raisonnable ».

S’agissant de la disponibilité du foncier agricole, le Président Tebboune a mis l’accent sur la nécessité de « trouver une solution définitive à ce problème », critiquant l’existence d’intrus dans la profession de l’agriculture.

Evoquant le barrage vert, le Président de la République a affirmé que sa réhabilitation était une « très bonne idée » car contribuant indirectement à la promotion du secteur agricole et le développement des campagnes, enjoignant de ne pas interdire aux agriculteurs et aux éleveurs l’accès aux espaces forestiers.

APS

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