Bonne année les Brics et bye-bye le pétrodollar

       

 

Par Aït Kaci Houria, journaliste
L’année 2023 sera décisive pour le groupe Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). L’élargissement attendu à plusieurs membres (dont l’Algérie) et les actions escomptées pour cette alliance de grands pays émergents vont renforcer le Nouvel ordre mondial multipolaire qui se dessine et qui sonne le glas de l’ancien monde unipolaire basé sur l’hégémonie américaine. Un des effets boomerang de la guerre en Ukraine a été l’accélération du processus de dé-dollarisation dans les échanges inter-Brics. Bye-bye pétrodollar !
Depuis la chute de l’ancienne Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1991, le système capitalise occidental, dominé par les Etats-Unis, a régné seul et le dollar s’est imposé dans le monde comme la monnaie de réserve de change international et le pétrodollar comme système de paiement des achats de pétrole dont le prix du brut était fixé à la Bourse de New York ou de Londres.
Aujourd’hui, ce système est proche de l’effondrement, secoué par une crise financière sans précédent et par la concurrence de nouvelles puissances émergentes du bloc Brics (créé en 2008), qui planche sur une monnaie alternative au dollar. Les pays du Brics utilisent d’ores et déjà leurs monnaies nationales respectives pour acheter du pétrole et du gaz russes sans passer par le pétrodollar, ignorant superbement les sanctions occidentales contre la Russie.
La fin de la domination du dollar comme monnaie d’échange international et du pétrodollar s’accélère avec l’effet boomerang des sanctions économiques occidentales contre la Russie, suite à son intervention en Ukraine.
Ainsi, la Chine et l’Inde ont commencé à effectuer leurs achats de pétrole et de gaz russes en rouble russe ou dans leurs monnaies respectives, yuan et roupie, et à des prix en-dessous du marché. Ils réexportent ensuite sur le marché européen, sous forme de gaz naturel liquéfié (GNL), pour la Chine, et sous forme de produits raffinés tels que le diesel, pour l’Inde. La Chine et l’Inde réalisent de cette façon de substantiels bénéfices en réexportant le pétrole et le gaz russes en Europe, laquelle Europe boycotte l’énergie russe !
La Russie, l’Iran et le Venezuela, qui représentent environ 40% des réserves pétrolières prouvées du monde, vendent du pétrole pour des renminbis ou yuan chinois avec une forte réduction et non à des prix majorés comme en Europe. Ce qui pousse les grandes industries utilisatrices de beaucoup d’énergie à s’installer en Chine, qui reste «la destination prioritaire pour les investissements étrangers en 2023», selon le ministère chinois du Commerce.
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Sud mondial : Des monnaies adossées à l’or pour remplacer le dollar américain


Autre fait marquant, l’Arabie saoudite va vendre son pétrole à la Chine en yuan et sera rejointe par les autres pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe), comme cela a été évoqué lors de la visite du Président chinois Xi Jinping dans ce royaume pétrolier. Le pétrodollar est mort. Il est mort là où il est né, après l’accord conclu, en 1973, entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite. Il sera remplacé par le pétroyuan. La mort des pétrodollars qui servaient à financer l’économie américaine annonce la fin de la domination américaine sur l’économie mondiale.
Lors de sa visite dans les pays du Golfe, le Président Xi Jinping a déclaré que la Chine utilisera sa monnaie, le yuan, pour le commerce du pétrole, par l’intermédiaire de la Bourse nationale du pétrole et du gaz de Shanghai. Il a promis «d’importer du pétrole brut de manière cohérente et en grandes quantités du CCG», ainsi que pour le gaz naturel.
Depuis les cinq dernières années, la Chine est devenue le plus grand importateur mondial de l’or noir, dont une grande partie en provenance de l’Arabie saoudite. Ce qui ouvre la voie à de nouveaux échanges commerciaux et de partenariats stratégiques. Des accords commerciaux d’une valeur de plus de 30 milliards de dollars ont été signés entre les deux pays, dont un grand nombre concernent les projets liés au projet planétaire de «l’Initiative Ceinture et Route» (BRI) initié par la Chine, auquel sont connectés de nombreux pays (dont l’Algérie).
Pour ceux qui avaient des doutes sur la fin des pétrodollars, cela vient d’être rappelé par le ministre saoudien des Finances, Mohammed al-Jadaan, lors du dernier forum de Davos (janvier 2023) (qui réunit chaque année quelques super-milliardaires et dirigeants pour décider du sort de la planète à l’avantage des multinationales). Il a déclaré que l’Arabie saoudite «envisagera d’effectuer des transactions dans des monnaies autres que le dollar américain».
Il a ajouté avec prudence : «Nous entretenons une relation très stratégique avec la Chine et nous entretenons la même relation stratégique avec d’autres nations, dont les États-Unis, et nous voulons développer cette relation avec l’Europe et d’autres pays.»
La dé-dollarisation de l’économie mondiale a été envisagée il y a longtemps par les cinq pays fondateurs des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui ont créé, en 2014, la Nouvelle banque de développement (NDB), avec un capital initial de 50 milliards de dollars, qui est appelé à doubler. Cette banque sert à financer le développement de ces pays émergents, mais sans conditions contraignantes, comme cela est pratiqué par les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque mondiale), ce système financier international dominant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Les sanctions financières décidées par Washington et Bruxelles contre la Russie, membre actif des Brics, n’ont pas fait effondrer ce pays et ont, au contraire, relancé le processus de dé-dollarisation. Elles ont démontré que l’on ne pouvait faire confiance aux pays de la zone dollar/euro, puisque, du jour au lendemain, ils peuvent décider de bloquer les avoirs d’un pays, déposés dans leurs banques, et même de se les approprier.
Les Brics ont gagné en popularité depuis le conflit en Ukraine et sont appelés à se renforcer avec l’adhésion de nouveaux membres, comme l’Algérie, l’Iran, l’Argentine, et l’Indonésie qui ont officiellement posé leur candidature. La Turquie, l’Arabie saoudite, l’Égypte et l’Afghanistan sont également intéressés à devenir membres ainsi que le Kazakhstan, les EAU, la Thaïlande, le Nigeria, le Sénégal et le Nicaragua.
Selon le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, il faudra du temps aux Brics actuels «pour analyser les immenses implications géopolitiques et géoéconomiques d’une expansion» à tous ces candidats, qui sont unis par «la possession de ressources naturelles massives : pétrole et gaz, métaux précieux, terres rares, minéraux rares, charbon, énergie solaire, bois, terres agricoles, pêche et eau douce. C’est l’impératif lorsqu’il s’agit de concevoir une nouvelle monnaie de réserve basée sur les ressources naturelles pour contourner le dollar américain». Lavrov confirme ainsi la poursuite du projet d’une monnaie Brics.
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D’autres initiatives sont prévues pour cette année 2023 comme celle du Président Lula du Brésil (pays membre fondateur) et Alberto Fernandez de l’Argentine (pays candidat aux Brics), qui ont annoncé, ce 23 janvier, des discussions autour du projet de création d’une monnaie commune sud-américaine. Elle concerne les échanges financiers et commerciaux pour «réduire les coûts de change et la vulnérabilité extérieure» dans cette zone géographique considérée comme une chasse gardée des Etats-Unis.
En Argentine toujours, des mesures sont prises pour «devenir indépendant de la devise US pour éviter une dévaluation» en mettant en place une monnaie nationale non convertible, à usage interne, comme support du système productif. Il s’agit de «séparer le système monétaire du taux de change».
Dans ce pays, on a vu également la Banque industrielle et commerciale de Chine (ICBC) lancer, au cours de novembre 2022, un système de compensation bancaire pour les opérations de correspondance en monnaie asiatique, qui permet d’effectuer directement les exportations et les importations de pesos (monnaie de l’Argentine) en yuans et vice-versa.
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En Asie, les Brics s’efforceront de s’interconnecter avec l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), qui compte elle-même plusieurs acteurs désireux de devenir membres à part entière et de nouer des liens étroits avec d’autres organisations commerciales régionales tels la zone commerciale arabe, la zone de libre-échange continentale africaine, le CCG (Conseil de coopération du Golfe), l’Union économique eurasienne (UEE), le Mercosur (Amérique du Sud), etc.
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En attendant la naissance de la monnaie Brics adossée à l’or ou aux matières premières, certains pays ont recours au vieux système de troc (échange d’un bien contre un autre) utilisé par les humains avant qu’ils n’inventent la monnaie ou encore au système des crypto-monnaies (monnaie numérique, sans passer par les banques).
Le ministre sud-africain des Affaires étrangères, Naledi Pandor, dont le pays abritera le prochain sommet des Brics en été 2023, a déclaré récemment que ces derniers souhaitent trouver un moyen de contourner le dollar américain et de créer «un système de paiement plus juste et non biaisé en faveur des pays les plus riches». Les Brics disposent déjà d’une plateforme pour leurs délibérations approfondies en 2023.
Cela fait plusieurs années que Yaroslav Lissovolik, le chef du département analytique de l’activité entreprises et investissements de la banque russe Sberbank, planche sur le projet d’une monnaie de réserve des Brics. La première proposition formulée en 2018 fut «de créer une nouvelle monnaie de réserve basée sur un panier de devises des pays des Brics».
Selon lui, «à plus long terme, la monnaie R5 des Brics (en référence aux cinq pays fondateurs) pourrait commencer à jouer le rôle de règlement/paiement ainsi que de réserve de valeur/réserves pour les banques centrales des économies de marché émergentes». Le projet R5, soutient-il, peut devenir «l’une des plus importantes contributions des marchés émergents à la construction d’un système financier international plus sûr».
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La guerre en Ukraine a donc paradoxalement joué en faveur des Brics qui ont saisi cette opportunité, augmenté leurs échanges commerciaux et amélioré leur part dans le PIB mondial, en dépit des guerres hybrides impérialistes, pour ralentir leurs projets d’intégration économique. L’art de la politique n’est-il pas de savoir retourner à son avantage les situations défavorables créées par les concurrents ?
Cette fois, la dé-dollarisation a sans doute plus de chance de passer que le projet du Président libyen Mouammar Kadhafi qui fut assassiné et mutilé en 2011 pour avoir tenté de créer une nouvelle monnaie africaine. Une révolution de couleur, avec BHL en tête des manifestants, avait servi à camoufler ce coup d’Etat sanglant contre «le dictateur» et à mettre la Libye dans un chaos dévastateur dont les effets se font sentir jusqu’à présent.
Ou encore «le dictateur» irakien, le Président Saddam Hussein, qui a été renversé, pourchassé et pendu pour avoir voulu mettre fin à l’hégémonie du billet vert en vendant son pétrole en euros aux pays européens qui étaient ses principaux clients. En février 2003, l’Irak, qui a vendu plus de 3 milliards de barils pour 26 milliards d’euros, était envahie par l’armée américaine.
Il en a été de même pour le Président du Venezuela, Hugo Chavez, qui, après avoir annoncé en 2000 son intention de vendre son pétrole en euros et non plus en dollars, a fait l’objet d’une tentative de coup d’Etat qui échouera mais créera le chaos et le blocage de l’économie, jetant la population dans la pauvreté. Tous les présidents du Venezuela qui ont voulu sortir du pétrodollar et du giron US ont été renversés.
C’est ainsi partout dans le monde, depuis 1971, quand les Etats-Unis avaient décidé de suspendre la convertibilité du dollar en or, considérant que le billet vert valait tout autant que l’or ! C’était la voie ouverte à la planche à billets, c’est-à-dire à l’impression des billets verts sans détenir la contre-partie de l’équivalent à la valeur émise en biens réels. Ce qui a ouvert la porte à la domination du dollar américain et à l’inflation sur les marchés.
Depuis des années, plusieurs tentatives ont été menées pour échapper à l’hégémonie du dollar, sans grand succès. Mais, aujourd’hui, le rapport de force a changé avec la montée en puissance des économies émergentes des Brics, surtout celles de la Chine, de la Russie et de l’Inde. Poutine a franchi le pas, en décidant, en riposte aux sanctions occidentales, de ne pas vendre son pétrole et son gaz ni en dollars ni en euros.
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La guerre des mondes : La fin de l’hégémonie du dollar US


La domination unipolaire des Etats- Unis sur le monde a donc pris fin le 24 février 2022, lorsque la Russie a déclenché une «opération militaire spéciale» pour «démilitariser et dénazifier» l’Ukraine, son voisin, qui cherchait à intégrer l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), menaçant directement la Russie.
Cette opération signifiait que la Russie n’acceptait plus la domination américaine à travers une guerre hybride par Ukraine interposée, programmée depuis 2014. Jusque-là, Moscou, qui avait cru à la mondialisation et aux promesses des Occidentaux, a évité de croiser le fer directement avec Washington. Mais quand l’OTAN fut à ses portes et la ligne rouge dépassée, le Kremlin décida de réagir pour protéger les frontières et les populations russes.
Aujourd’hui encore, les faucons à la Maison-Blanche et à Bruxelles refusent le dialogue et décident de fournir des armes lourdes à Kiev pour pousser la Russie, puissance nucléaire, dans ses derniers retranchements. Ils prennent ainsi le risque de mettre en péril l’avenir de l’humanité, suspendue au chantage d’une Troisième Guerre mondiale.
Que les gens sages en Occident et tous les peuples, partout, disent non à cette folle escalade qui profite à une minorité d’oligarques du complexe militaro-industriel et financier américain, d’extrémistes et de nostalgiques de l’ordre ancien, un ordre impérialiste, ennemi de la paix et ennemi des peuples.
A. K. H. 

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