LIVRES / DOC’ MUSIC !

        par Belkacem Ahcene-Djaballah 

                                    Livres

La musique autrement. De la note à la thérapie. Essai du Dr Mouloud Ounnoughene. Editions Dar Khettab, Alger 2022, 143 pages, 750 dinars

Dans cet ouvrage, l’auteur doublement spécialiste (médecin et musicien) ne se suffit pas ou ne se limite pas aux connaissances générales pour aborder la chose musicale, tentant (et réussissant) à nous la présenter dans sa dimension scientifique. Sous toutes ses coutures… techniques et sensitives. De tous horizons et de tous temps. De ce fait, il convoque de très grands noms de la pensée : Nietzsche, Richard Brown (médecin), Platon et Pythagore, Avicenne, la chanteuse Azzat el Maalia (décédée en 733), le poète Omar Ibn Abderrahmane, l’Empereur indien Bharata, le moine italien Guy d’Arezzo, Al Maïmoun, Ishaq el Mawsili, Al Kindi, Al Farabi, l’historien romain Dion Cassius, Debussy, Théodore Reinach, Ahmed Tifachi de Gafsa, Thomas Shaw, El Ouancharissi, Ziryab et d’autres et d’autres.

La conclusion de l’auteur est claire et sans appel : «La musique est douée d’une puissance immanente. En effet, elle présente une compétence cognitive qui mobilise plusieurs régions de notre cerveau. L’écoute et la pratique musicales sont susceptibles de «remodeler» le cerveau en créant de nouvelles connexions nerveuses et en modifiant ainsi la structure et la fonction du cortex». Elle est aussi porteuse de beaucoup d’espoirs en les améliorations des capacités intellectuelles de celles et ceux qui l’écoutent, l’apprécient et ou la pratiquent. D’autant qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre, apprécier ou découvrir la passion de la musique. Avis aux concernés et intéressés ! Sans limites d’âge. Et, avec la floraison des écoles et d’associations de musique, tout est (encore) possible.

L’Auteur : Docteur en médecine, neurochirurgien, musicien, ancien producteur et animateur d’émissions radiophoniques sur les musiques du monde. Ayant produit (avec son groupe Massin’s) un album de fusions musicales. Passionné par les effets de la musique sur les cerveaux. Déjà auteur d’un ouvrage sur les «Influences de la musique sur le comportement humain» et spécialiste de l’œuvre d’Iguerbouchène

Extraits : «Les instruments à vent ont une grande symbolique, c’est le souffle de la vie, ce qui sort de soi, l’allusion est faite précisément au ney, qui représente par excellence l’instrument des soufis» (p 30), «Par sa robustesse neuronale, la musique déconstruit, remue, étire et provoque un remodelage cérébral inimaginable» (p 35), «Dès le neuvième siècle, les Arabes possédaient des unités hospitalières où l’on distillait de la musique afin d’apaiser les conflits psychiques inhérents aux maladies mentales» (p62), «La musique est un espéranto d’émotions qui agit comme un révélateur de nos états d’âme enfouis» (p 129).

Avis : Un livre qui n’est pas seulement destiné aux «fous» de musique, aux musicologues et aux spécialistes qui doivent et/ou veulent se servir de la musique pour susciter des vocations, encourager les volontés ou pour guérir leurs patients… mais aussi et surtout, je crois, à toutes celles et tous ceux qui veulent découvrir (ou tout simplement comprendre) le monde des «sens» à travers et grâce à la musique. Pas facile à lire mais d’une lecture très utile, entre autres, aux parents.

Citations : «Sans la musique, la vie serait une erreur» (Nietzsche cité, p 7), «Viendra-t-il le jour où à chaque fêlure de notre âme, nous prescririons une harmonie musicale, du genre pharmacopée» (p 15), «En définitive, la musique participe à l’expression globale de l’être humain et s’avère être un révélateur d’émotions enfouies» (p 30), «La perfection des arts théoriques et pratiques est l’un des sens de la sagesse» (p 64), «La musique a toujours accompagné et rythmé le labeur de l’homme, elle crée une dynamique impulsive et répétitive qui facilite le mouvement «(p 75), «La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie» (Beethoven cité p 129).

Mohamed Iguerbouchène, une œuvre intemporelle. Essai de Mouloud Ounnoughene. Dar Khettab, Boudouaou 2015, 127 pages (Extraits. Fiche de lecture déjà publiée. Pour lecture complète voir in www.almanach-dz.com/culture)

«Une personnalité pareille, une sommité pareille devait être «exploitée» ; elle recélait un trésor de connaissances musicales, il fallait tirer de lui le maximum de profit culturel… ce n’est guère un musicien théoricien ; il était excellent «praticien»… la RTA est passée à côté d’Iguerbouchène».

Ainsi s’exprime Zoheir Abdelatif, directeur de la Chaîne II durant vingt ans (1963-1983) et producteur au sein de la radio et de la télévision algérienne. Le drame c’est que peu ou pas d’archives existantes sur les passages du grand artiste… et il a fallu attendre quelques décennies avant que Boualem Aïssaoui (Cim) lui consacre une série télévisée.

Du talent ? Bien plus, un génie de la musique universelle puisant dans le patrimoine national.

Né un vendredi 13, en novembre 1907, à Aït Ouchène du côté de Azzefoune. C’est du côté du kiosque «square Bresson» qu’il rencontre le monde enchanteur des orchestres. Le reste est fait d’un hasard heureux. Parti en Angleterre, «adopté» en 1919 – après accord du père – par un vieux seigneur écossais, le comte Ross, ayant «découvert» (à l’école anglaise sise rue du Croissant) le petit prodige, sa vie est depuis jalonnée d’études dans les meilleures écoles de musique : Londres, France, Italie, Allemagne. A vingt ans, il écrivait ses premières pages et durant l’été 1925, se trouvant en Autriche, il présenta (du côté du lac de Constance) deux rhapsodies mauresques sur des thèmes spécifiquement algériens dont «La Kabylie rhapsodie n° 9».

On dénombre près de 600 œuvres et 86 musiques de films (dont celles de «Pépé le Moko» et de «Les plongeurs du désert» de Tahar Hennache en 1955) éparpillées en Europe, aux Etats-unis et en Algérie. Inexploité ou/et mal exploité car ignoré ou méprisé par l’Algérie indépendante, et travaillant (à la RTA) au cachet, formateur direct ou indirect car exemplaire, «il s’en est allé, le 21 août 1966 (à Hydra Alger), pianissimo, à l’âge de 59 ans, méconnu, avec un petit sourire moqueur au bout des lèvres, comme s’il voulait dire, «Vive l’amour et la liberté» (Mustapha Sahnoun, témoignage).

L’Auteur : Voir plus haut

Extrait: «Père du métissage musical en Algérie, Iguerbouchène a synthétisé, voire assimilé, différentes cultures musicales» (p 6).

Avis : La musique du monde… et d’Algérie présentée par un neurochirurgien. Un petit bijou de connaissances.

Citations : «Le théâtre et le cinéma ont largement contribué au développement de la chanson algérienne avec sa diversité tant harmonique, rythmique que stylistique» (p 33), «Iguerbouchène avait la vie pleine de notes ; sa vie était musique, il en maîtrisait pratiquement tous les genres et styles musicaux (Témoignage de Mustapha Sahnoun, p 103).


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