Eloge de la femme pour sa résilience : plaidoyer pour d’autres conquêtes

      Par le Professeur émérite Chems Eddine Chitour, école polytechnique, Alger

«La femme a le droit de monter à l’échafaud ; elle doit avoir également celui de monter à la tribune.»
Olympe de Gouges est l’une des premières féministes guillotinées de l’Histoire

«En prenant l’enfant par la main, on prend la mère par le cœur.»
(Proverbe danois)

Résumé
Avec un rituel bien huilé, on se rappelle de la moitié de l’humanité, pour ensuite l’oublier pendant 364 jours. Un bref inventaire de la condition de la femme en convoquant les pouvoirs aussi bien en Occident que dans les pays en développement. La condition de la femme, malgré des avancées, est loin de la parité. Cet être qui peut être notre mère, notre sœur, notre fille ou notre épouse. Reléguée très souvent à un rôle mineur par la chape de plomb sans état d’âme, soutenu en cela par des textes religieux mal compris, la femme se bat toujours pour une visibilité sociale pour donner la pleine mesure de son talent. Nous citerons quelques belles conquêtes de la femme dans tous les domaines, aussi bien de la gouvernance que des savoirs. En fait, il n’y a pas de domaines potentiellement interdits à la femme. Les femmes ont en plus que l’homme ce supplément d’âme et d’intelligence des situations, la perspicacité, l’argument, l’espièglerie.
On apprend que les pays arabes envoient dans l’espace des jeunes femmes ! Et si on envisageait nous aussi d’aller dans l’espace ? Je suis sûr que si l’opportunité est donnée à la jeunesse d’aller dans l’espace, un challenge à notre hauteur, nul doute que des milliers de jeunes filles compétentes et instruites relèveront le défi et seront éblouies de transporter dans l’espace le drapeau algérien. C’est peut-être un chantier utopique qui nous permettra de montrer que nous sommes d’utopies mobilisatrices.

Introduction
Les femmes ont toujours été des battantes. L’Histoire regorge d’itinéraires hors du commun comme celui de la révolutionnaire Olympe de Gouges qui s’st battue pendant la Révolution française et d’une façon prémonitoire avait prévu de monter sur l’échafaud pour ses idées. Tout dans la femme est énigme, et tout dans la femme a une solution. C’est la femme qui génère le surhomme ! Il semble qu’il n’y ait pas d’obstacles de conditions physiques ou intellectuelles à ce qu’une femme exerce un métier d’homme, la frontière est de plus en plus poreuse. Cependant, la plus grande qualité de la femme, son intelligence des situations, est encore inaccessible à l’homme. En définitive : «Qu’est-ce que la femme ?» 422 millions de réponses sur Google ! C’est dire si le sujet est essentiel ! Pour le philosophe Guillaume Von der Weid, «une femme est un être humain de sexe féminin. Définition génétique, définition pauvre, mais définition claire. Parce qu’elle constitue un enjeu central de la société, certain(e)s diront : le seul, c’est ainsi que la femme s’est trouvée réduite à ces trois dimensions : la gestation biologique, la gestion familiale et la grâce culturelle».(1)
Les femmes constituent la moitié de l’humanité, et dans beaucoup de pays elles dépassent numériquement les hommes. Cependant, pendant des siècles, on les a considérées comme des êtres inférieurs. Elles ont coupé les arbres et tiré l’eau des puits ; elles ont peiné dur pour une contrepartie matérielle minime et elles ont bénéficié, aux yeux de la société, d’un modeste statut. Elles ont reçu moins d’instruction, elles se sont vu refuser les plus élémentaires des droits civiques. Que l’on traite de la condition humaine, quel que soit l’angle d’attaque, nous trouverons toujours en bonne place la femme en ce sens qu’elle est de tous les combats. Le premier des combats sans fin date de la place de la femme dans les sociétés humaines. «Une femme, en effet, est à la fois l’origine de la société, son moyen et son but (par la ‘’sublimation’’ culturelle qu’elle suscite. C’est ainsi que la femme s’est trouvée réduite à ces trois dimensions : la gestation biologique, la gestion familiale et la grâce culturelle.»(2)
C’est de ce fait une gageure que de prétendre cerner la femme si ce n’est d’avoir des reflets d’une nature mystérieuse, une sorte de Ghayb (inconnaissable) spécifique de la femme et consacré par le Coran. La femme n’échappera pas à cet ostracisme. Reléguée très souvent à un rôle mineur par la chape de plomb d’un patriarcat sans état d’âme, soutenu en cela par des textes religieux mal compris, la femme se bat toujours pour une visibilité sociale pour donner la pleine mesure de son talent. On oublie que du ventre de la femme a jailli l’humanité. Cette Eve assignée à accoucher dans la douleur de par les récits religieux et de par les patriarcats quelles que soient les civilisations et ceci depuis l’avènement de l’humanité. Ce fut un combat perpétuel et pourrait-on dire atemporel que celui de la femme pour une visibilité revendiquée mais toujours mythe de Sisyphe. Comme Sisyphe condamné à faire rouler éternellement en haut d’une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet, la femme doit tout le temps se disculper et convaincre.

Patriarcat et religions : effets d’aubaine
S’il est vrai que dans les récits bibliques l’accouchement est vu comme une punition, ce fut un combat perpétuel que celui de la femme pour une visibilité confisquée depuis le péché originel. Les progrès de la science ont tordu le cou à cette fatalité et atténué la douleur de l’enfantement. La femme peut accoucher sans douleur, voire même sous-traiter sa grossesse par GPA interposée. C’est dire que des déconstructions s’avèrent de plus en plus nécessaires pour enlever la gangue accumulée par des millénaires de patriarcat et de misogynie ! Nous sommes au XXIe siècle, les parcours sociaux de la femme sont en général toujours un cran en-dessous de ceux des hommes,
Le vécu originel de la femme est un long et douloureux calvaire. Les deux grands écueils qu’elle rencontre sont sa «faute originelle», à en croire les religions monothéistes, et plus tard, le patriarcat. Tout est parti du récit biblique emprunté peut-être par les rédacteurs de la Bible (la Genèse) dans les récits des civilisations à travers les âges. L’histoire de la naissance d’Ève à partir de la côte d’Adam pourrait être issue du mythe mésopotamien d’Enki et de Ninhursag. Le récit de la création et de l’interprétation des textes sacrés des religions monothéistes puise dans ses récits : la sujétion de la femme confortée par les visions patriarcales — d’avant et après les Révélations — qui ont accompagné l’enfance.
Dans le Coran, l’aventure humaine est réalisée par Adam et Eve dans l’égale dignité et dans l’équivalence de leur apport à traverser la vie. La docteure Asma Lamrabet explique en quoi dans le Coran point d’asservissement de la femme : «L’histoire universelle et l’imaginaire populaire sont marqués de façon indélébile par une même et unique croyance(…) Du côté de l’islam ou plutôt du texte coranique lui-même poursuit on ne retrouve nulle part cette image de la conception d’Eve à partir d’une des côtes d’Adam. Cependant, il est stupéfiant de voir à quel point les différents commentaires, ouvrages religieux et par-delà l’imaginaire musulman, sont restés profondément imprégnés de la version traditionaliste judéo-chrétienne ! ! Dans le Coran, plusieurs versets vont illustrer une conception bien différente de celle largement répandue aujourd’hui… Nous retrouverons donc d’abord un verset central, celui de la sourate «An-Nisa» (Les Femmes)
Verset 1 : «ô vous êtres humains, craignez votre Seigneur qui vous a créés d’une seule essence (Nafss wahida) et qui a créé d’elle son conjoint (Zawjuha) et qui de ces deux-là a fait propager beaucoup d’hommes et de femmes…» «Zawj», quant à lui, indique à la fois le conjoint, la paire ou le partenaire. Il est souvent utilisé pour parler indifféremment d’époux ou d’épouse. C’est ce que le Coran énonce dans ce verset : «Et de toutes choses, nous avons créé deux éléments de couple (Zawjan) » 51 ; 49(3)
Pour Karima Berger, les exégètes musulmans usèrent de cela «comme d’un véritable effet d’aubaine les autorisant à continuer à danser sur l’imposture au mépris même de l’écriture coranique. (…) Cette aberration interprétative dit la persistance de vouloir imposer la primauté d’Adam sur Eve et continuer de jouir de ses ‘’effets’’, l’infériorité ‘’naturelle’’, ‘’ontologique’’ et ‘’universelle’’ de la femme. (…) Il n’y a pas de faute d’Eve commise dans le Coran, sinon celle commise en commun avec Adam. Cela n’empêche pas la ‘’faute de la femme’’ d’essaimer partout dans la tradition islamique de produire pendant des siècles son travail du négatif, poursuivant l’entreprise de dépréciation de l’être féminin».(4)
Pour le Cheikh Khaled Bentounès, guide spirituel de la confrérie soufie Alawiyya : «Pour savoir ce qu’il en est de la place des femmes, reportons-nous au Coran et au prophète. Reportons-nous à la vie du Prophète qui fut sans doute le plus affable, le plus aimable et le plus galant des hommes auprès des femmes. ‘’Il m’a été donné d’aimer trois choses de votre monde : le parfum, les femmes et la prière.’’ Regardez la place qu’il a donnée à la femme… entre les voluptés dégagées par l’essence du parfum et l’élévation que procure l’état d’oraison. Par sa sensibilité, son adresse et parfois sa malice, les problèmes étaient résolus et les conflits apaisés. (…) Dans la tradition islamique, la femme est effectivement prisonnière d’un ordre social, mais les hommes le sont aussi. Nous avons été emprisonnés par des coutumes locales et ancestrales qui vont à l’encontre de ce qui est écrit dans le Coran. Il est important de les dénoncer et de revenir vers ce texte sacré qui est à même de pouvoir nous libérer.»(5)
«Pour l’islam, la femme est l’égale de l’homme aussi bien sur le plan de la création que sur celui de l’être. Métaphysiquement, il n’y a pas de différence. La femme est aussi capable que l’homme d’atteindre les états spirituels les plus élevés, il existe simplement une différence de nature. Quant au Coran, il dit clairement : ‘’On vous a créé d’une seule âme (nafs wahida, terme féminin) et d’elle nous avons tiré son conjoint (zaoudjaha, terme masculin)’’ (Coran, Sourate 4, verset1). L’islam est la voie du juste milieu car il prend la nature humaine telle qu’elle est. (…) Pour conclure, je dirais que l’avenir de l’islam est entre les mains de la femme musulmane, car c’est la femme qui fait évoluer la société ou qui peut causer sa décadence. Je l’invite à demander les droits que Dieu et son Prophète lui ont donnés et que la société masculine rétrograde lui a volés.»(5)

Les dates-clés de l’égalité homme-femme : un combat intemporel
Dans cette aventure du savoir au féminin, un nom émerge : «Avec ses textes écrits cinq siècles avant l’épopée de ‘’Gilgamesh’’, la princesse sumérienne Enheduanna apparaît comme la première auteure connue dans la littérature mondiale. Princesse, poète et grande prêtresse d’Ur, une des plus importantes cités de Mésopotamie, Elle est ainsi le plus ancien poète dont le nom a été enregistré par des textes. Il est remarquable que nous en sachions tant sur une femme qui a vécu il y a plus de 4 000 ans, l’Exaltation de Inanna a 700 ans de plus que le Livre des morts égyptien, plus de 1 000 ans de plus que le I Ching et 1 500 ans de plus que la Bible.»(6)

Les femmes scientifiques injustement «oubliées» par le Nobel
Les exemples sont légion de femmes qui ont été dépossédées de leurs inventions au profit des hommes dans une véritable conspiration du silence des hommes à l’endroit des femmes. Parmi les innombrables femmes qui ont contribué au savoir dans les champs de la science, il nous plaît de rendre une justice symbolique à la femme d’Albert Einstein, Mileva Maric, la seule femme inscrite en 1896 dans la section mathématiques et physique. Parmi les étudiants figure un certain Albert Einstein, de trois ans son cadet. Ils se rencontrent autour d’un exercice de mathématiques qu’Albert ne parvient pas à résoudre et dont Mileva détient la solution. Mais sans Mileva, Albert serait-il devenu Einstein ? (…) Lui recherchait toujours le jugement de celle qu’il considérait comme incorruptible et infaillible.(7)
L’historienne des sciences Margaret Rossiter théorise l’effet Matilda : elle remarque que les femmes scientifiques profitent moins des retombées de leurs recherches, et ce, souvent au profit des hommes. Citons les scientifiques suivantes dépossédées du prix Nobel. En plus de la physicienne Mileva, Lise Meitner, une des plus grandes scientifiques de son époque à qui l’on doit notamment la découverte de la fission nucléaire en 1938. Rosalind Franklin (1920-1958). Ses recherches, publiées dans la prestigieuse revue Nature en 1953, vaudront un prix Nobel à ses collègues James Watson, Maurice Wilkins et Francis Crick en 1962, mais pas à elle. Jocelyn Bell Burnell (née en 1943). C’est alors qu’elle était encore étudiante à Cambridge en 1967 que Jocelyn Bell Burnell découvrit le premier pulsar. Jocelyn Bell Burnell n’avait pas été récompensée en raison de son sexe.
Chien-Shiung Wu. Née le 13 mai 1912 à Shanghai-16 février 1997 à New York) est une physicienne sino-américaine.
Spécialiste de physique nucléaire, elle fut la première lauréate du prix Wolf en physique en 1978, que certains considèrent comme l’équivalent du prix Nobel.

Les femmes illustrent le savoir, le pouvoir

Parmi les prouesses scientifiques, citons à titre d’exemple le parcours de Maryam Mirzakhani, 37 ans, première femme d’un pays musulman à décrocher la médaille Fields équivalent du prix Nobel de mathématiques, en août 2014. Il a fallu donc attendre 78 ans avant que la médaille Fields ne soit décernée à une femme… musulmane
Les femmes ont toujours travaillé et participé à l’évolution de nos sociétés. Pourtant, leurs actions ont longtemps été invisibilisées, leur fonction étant limitée à la gestion du foyer, les écartant ainsi des organes de décisions. Cléopâtre VII est, sans conteste, l’une des personnalités féminines les plus passionnantes de l’Histoire. Reine de l’Egypte antique entre -51 et -30 avant J.-C. Catherine II de Russie, «la Grande Catherine», son règne a marqué l’histoire de son temps. Aujourd’hui, les femmes sont devenues incontournables dans la gestion des pays : tout gouvernement qui souhaite avoir une légitimité démocratique doit compter avec elles.
Souvent présentée comme l’héritière de Cléopâtre, la reine Zénobie de son vrai nom, s’est avancée sur une scène politique encore dominée par les hommes. Cette reine de Palmyre a conquis l’Égypte avant de prendre d’assaut des provinces romaines, faisant de son royaume un empire aussi puissant que Rome. «Chajar ad-Durr (date de naissance inconnue – 1257), esclave devenue l’épouse d’un sultan d’Égypte puis la régente chargée d’organiser la défense du pays. « Aïcha al-Horra, la Reine mère de Boabdil Héroïne dont on ne retient que la fameuse phrase à son fils, «pleure en femme un royaume que tu n’as pas su défendre en homme», est un exemple de détermination, de courage et de perspicacité faite femme.
Parmi les femmes politiques sans être exhaustif de dirigeantes qui ont réussi et dont l’Histoire retient leur «performance» dans une gestion soft, «une main de fer dans un gant de velours» : «Elles sont aujourd’hui vingt-neuf. Vingt-neuf femmes à diriger un pays ou un gouvernement sur les 195 États reconnus par l’Organisation des Nations unies.

Les femmes dans l’espace
Seuls 10% des astronautes sont de sexe féminin. La première femme dans l’espace était soviétique : Valentina Terechkova, en 1963, Elle est la seule femme au monde à avoir effectué un vol individuel. Sa compatriote Svetlana Savitskaïa a été la deuxième, en 1982. Lors de sa seconde mission, en 1984, elle a été la première a réaliser une sortie extravéhiculaire. La troisième femme était l’Américaine Sally Ride. Elle a effectué son premier vol en 1983. La seule Française spationaute a été Claudie Haigneré, qui a volé a bord de la station Mir en 1996. Liu Yang est devenue la première femme astronaute chinoise en 2012. Samantha Cristoforetti a été la première femme astronaute italienne en 2014. Enfin, les Américaines Christina Koch et Jessica Meier ont effectué, en 2019, la toute première sortie dans l’espace uniquement féminine.

Les femmes musulmanes dans l’espace
L’espace n’est pas l’apanage des Occidentales, les femmes musulmanes ont aussi les mêmes ambitions. Ainsi, la musulmane dans l’espace a une dimension symbolique pour montrer qu’aucun domaine réputé masculin au niveau des savoirs de l’aptitude physique et de la peur ne peut arrêter la femme dans sa course. La première femme musulmane à s’envoler pour les étoiles, en 2006, est l’Américano-Iranienne Anousheh Ansari. «Elle prend place dans un vaisseau Soyouz le 18 septembre. Elle encourage les femmes à poursuivre leur rêve. Anousheh Ansari se présente comme une femme musulmane et iranienne. Le décollage de sa mission est diffusé en direct à la télévision iranienne. Elle parvient à tenir le tout premier blog. Plus de 20 millions d’internautes la suivent et interagissent avec elle. Depuis son retour, elle voyage à travers le monde pour partager son histoire et susciter des vocations pour les femmes, en Iran et au-delà.»(8)
Le 4 août 2022, l’Égyptienne Sara Sabry était la première femme africaine et arabe à effectuer un vol en orbite, à bord de la fusée New Shepard. Cette ingénieure de formation raconte son voyage aux confins de l’atmosphère terrestre. «Le fait qu’une personne égyptienne soit envoyée dans l’espace pour la toute première fois, je pense que cela montre beaucoup de progrès. Je pense que nous sommes sur la bonne voie», poursuit Sara Sabry.»(9)
Le pays le plus rigoriste va frapper un grand coup. L’Arabie saoudite va envoyer deux astronautes, dont une femme, vers la Station spatiale internationale (ISS) pour la première fois de son histoire au cours du deuxième trimestre 2023. L’envoi de Rayana Barnawi et d’Ali Al-Qarni sera organisé depuis les États-Unis, Ces projets ont été mis en place dans le cadre du plan «Vision 2030» du prince héritier Mohammed ben Salmane (MBS) qui a lancé de vastes réformes économiques et sociales, notamment le droit pour les femmes de conduire.(10)
Même avec de faibles moyens, la Tunisie veut prouver sa détermination : «Le président Kaïs Saïed insiste pour que le candidat soit une femme. La Tunisie ambitionne d’envoyer son premier cosmonaute sur la Station spatiale internationale (ISS) à l’horizon 2023. Une façon de présenter le pays sous un jour moderne, en rupture avec la réputation de la région.»(11)
De même, pour la première fois une femme émiratie quittera la terre pour se rendre dans l’espace. : «Nora Al Matrooshi vient tout juste d’être sélectionnée par le Centre spatial. Nora Al Matrooshi est née en 1993. Ingénieur en génie mécanique, elle travaille actuellement pour la National Petroleum Construction Company (NPCC). depuis son enfance, elle est passionnée par l’espace. Son véritable rêve serait d’atterrir sur la Lune à bord d’un engin spatial émirati. Et au regard des nouvelles ambitions affichées par son pays en matière de conquête spatiale, le rêve semble permis.»(12)

La femme algérienne entre avancées et reculs

Il est indéniable que, malgré des reculs, le statut de la femme algérienne en particulier et de la femme musulmane en général est fait d’avancées et de reculs rétrogrades comme le phénomène des féminicides. Pour Mohamed Charfi : «Le monde musulman reste sous-développé parce que la moitié des citoyens est maintenue dans une position d’infirmité. La mentalité patriarcale, le désir profond des hommes de garder leurs privilèges sont le véritable obstacle au changement qui est d’autant plus difficile à contourner qu’il utilise la couverture religieuse. C’est la responsabilité de tous les patriotes de dénoncer inlassablement les attitudes rétrogrades.»(13)
Ce que nous devons à la femme en général ce sont ses luttes et ses victoires, toujours remises systématiquement en question par une société qui est structurellement patriarcale, confortée par la religion mal comprise pour qui c’est une aubaine. Au cœur des douleurs, au cœur des chants, au cœur des écrits féminins, ce sont les témoignages du corps souffrant qui s’affichent car elles ont besoin de parler. Cet exutoire nous fait toucher du doigt la condition de la femme qui, malgré tout, assume et avance. C’est donc des « récitantes de l’histoire nationale » par d’autres moyens. Une écriture des femmes ne peut être comparée à une écriture d’homme ; Kateb Yacine a bien raison d’écrire que «l’écriture de la femme vaut son pesant de poudre».
L’Algérie renferme en elle, du fait de son histoire tumultueuse, des battantes. Ces héroïnes sont consubstantielles du récit national de cette Algérie depuis plus de 25 siècles. Tin Hinan, la princesse du Hoggar ; Roba la Berbère ; Kahina ; Fatma Tazoughert ; Lalla Fatma n’Soumer nous interpellent. Guerrières et combattantes de tous les temps, Hassiba Ben Bouali, Djamila Bouhired, Djamila Boupacha, Zohra Drif, Fadéla Saâdane, Annie Steiner, Nafissa Hamoud, et tant d’autres à qui nous devons d’être libres.(14)
De ce fait, l’apport de la femme algérienne dans le récit national est un dossier ouvert. Notre dette vis-à-vis de la femme algérienne, notre mère, notre sœur, notre épouse est entière. Bien que le chemin soit long, tout n’est pas perdu ! C’est une révolution invisible mais silencieuse à laquelle ont participé les femmes algériennes depuis une vingtaine d’années. Après avoir fait son devoir dans ce qu’elle croit l’égale dignité avec l’homme, la femme algérienne à l’indépendance s’est vu graduellement ghettoïsée. Sur 194 membres, la première Assemblée nationale constituante compte dix femmes, toutes anciennes militantes. Elles ne seront plus que deux sur les 138 membres à la deuxième Assemblée.
Il faut bien convenirque le destin de l’Algérie n’est pas fait d’accommodements subissant l’usure du temps. Il est fait de rupture ! dussent-elles durer 132 ans. La tragédie terroriste, une décennie de sang et de larmes, est aussi une rupture.
Les Algériennes et les Algériens tinrent bon. Ce fut véritablement une seconde révolution pour défendre une certaine idée de l’Algérie. En ces temps de désespoir, la magnifique victoire aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992 de Hassiba Boulmerka a délivré plusieurs messages, une simple course sur 1500 mètres de quelques minutes et des poussières avait changé la donne.
La femme s’est émancipée aussi par le savoir. Il y a près de 60 % d’étudiantes. Un corps médical important. Le problème de la parité salariale ne se pose pas en Algérie, les traitements au sein de la Fonction publique sont équivalents à ceux des hommes. De plus, la femme investit paisiblement tous les domaines réputés masculins. Comme par exemple l’armée. En effet, depuis le 5 janvier 1978, les femmes ont intégré les rangs de l’ANP. Le 3 juillet 2014, l’ANP compte quatre femmes généraux. Pièce essentielle mais invisible, indispensable en ce qu’il y a de meilleur, de plus précieux et de plus profond fait que la nation algérienne dans sa belle diversité a une dette envers l’Algérienne. Cette faculté toujours recommencée à «rebondir», à vaincre des situations traumatiques a un nom. C’est la résilience et le combat continu.

Conclusion
La maman, rabate el bayte, la gardienne du temple qui est en première ligne et qui, avec sa force tranquille, a pu surmonter les écueils. La femme est toujours là pour nous aider à nous relever, à ne pas se laisser abattre, à rebondir. Ce sont donc des reconstructions permanentes en se dépassant de jour en jour, d’année en année, de siècle en siècle, pour être ce que nous sommes. Plus largement première de cordée dans la douleur en plus de faire le coup de feu comme l’homme, la femme offre à l’humanité cette sensibilité qui est peut-être le meilleur atout de la femme pour le meilleur et le pire. Il nous plaît de citer cette dimension de la femme maman apostrophant affectueusement son fils :« Je suis ta mère, je l’ai été, je le serai toujours. Oui, petit bonhomme, du berceau jusqu’au tombeau. Et même séparés, nous sommes connectés.Ton ventre fut mon ventre. Je suis ta mère, ton seul véritable repère. Qu’est-ce que tu me chantes ? Tu es un homme maintenant ? C’est toi le poète ? Et moi ? Je suis la langue dans laquelle tu t’exprimes et imprimes tes caractères. Ta mère, c’est ta grammaire, le lien secret entre le verbe et l’adverbe. Ainsi tu es peut-être le maître du monde, mais, pour moi, tu es toujours un petit bonhomme. Et pour toi je serai toujours la source, l’origine, la base. Qu’est- ce que tu racontes, l’Homme est toujours supérieur à la femme ? C’est l’histoire que l’on raconte, que tu te racontes, que tous les hommes se racontent pour dissimuler leur faiblesse, leur petitesse, leur étroitesse. Dors bonhomme, ta maman veille sur toi.» (15)
Respect à la femme et que cent fleurs s’épanouissent pour sa résilience qui nous vient de la nuit des temps.
C. E. C. 

1. Guillaume von der Weid : «Qu’est-ce qu’une femme ?» Le Nouvel Obs ; 4 09 2016
2.https: //leplus. nouvelobs.com/ contribution/ 1554197-comment-la-femme-triple-centre-de-la-societe-s-est-trouvee-marginalisee.html
3. Dre. Asma Lamrabet http://www.asma-lamrabet. com /articles/au-tout-debut/
4. Karima Berger : Les gardiennes du secret . p. 199-200 Editions Albin Michel 2022
5.Entretien avec le Cheikh Khaled Bentounès https:// www.cairn.info/revue-outre-terre1-2003-2-page-93.htm
6.May Makarem, https :/ /www. lorientlejour .com/article /1284646/le-premier-auteur-dans-lhistoire-etait-une-femme.html14 décembre 2021
7.Tania Kahn https ://www.liberation.fr/ culture/ 2019 /07/23/mileva-einstein-l-inconnue-de-l-equation_1741652/
8.https://www.letemps.ch/societe/anousheh-ansari-lastronaute-revait-dun-monde-meilleur
9.Sara Sabry, première Égyptienne dans l’espace https://fr.africanews.com/2022/08/04/sara-sabry-premiere-egyptienne-a-participer-a-un-voyage-spatial//
10.https://www.lesoirdalgerie.com/flash/l-arabie-saoudite-va-envoyer-une-femme-dans-l-espace-10564 13-02-2023
11.https://www.leprogres.fr/science-et-technologie/2021/08/21/la-tunisie-veut-envoyer-une-femme-cosmonaute-dans-l-espace
12.https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/espace-espace-nora-al-matrooshi-sera-premiere-femme-arabe-astronaute-86779/
13.Mohamed Charfi : Préface Femmes d’Algérie de Lucie Prévost Edits Casbah. P. 7. 2001
14. Chems Eddine Chitour Hymne aux fidèles de l’Algérie ; Éditions Anep 2021
15.Bouhafshttps://www.facebook.com/1314410362/posts/pfbid02hWDf37iSn4PJa7ktU7UEtnSVprh8hjodyBne1E


   Ces femmes invisibles qui ont marqué l’histoire de l’Algérie

Cet article a été publié pour la première fois le 13 mars 2013.

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«Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie. Ont droit qu’à leur cercueil la foule vienne et prie. Entre les plus beaux noms leur nom est le plus beau. Toute gloire près d’eux passe et tombe éphémère; Et, comme ferait une mère, La voix d’un peuple entier les berce en leur tombeau!» Victor Hugo

Beau poème qui nous invite à être reconnaissants envers celles et ceux qui ont des siècles durant combattu pour l’Algérie. Comment rendre hommage aux femmes? Doit on dans un rituel bien rodé attendre le 8 mars de chaque année? Cet être qui peut être notre mère, notre soeur, notre fille ou notre épouse. Rendons-nous justice à cette «proximité» en la ghettoïsant dans une journée comme «un minimum syndical» un tribut à payer pour avoir la paix jusqu’à la prochaine fête? Sacha Guitry avait-il raison de déclamer sur un ton mi-sérieux, mi- badin: «Je veux bien croire que les femmes nous sont supérieures pourvu qu’elles ne se prétendent pas nos égales»? Que fête-t-on réellement? La libération? Est-ce une servitude que la femme doit à l’instar du mythe de Sisyphe affronter au quotidien et «prouver» qu’elle est l’égale de l’homme? Tragique erreur s’il en est! Non! Rien de tout cela. Les femmes algériennes devraient être des exemples à suivre, nul besoin de se référer ailleurs.

Nos mères et l’Algérie

Pour parler à la fois de la femme comme mère et symboliquement comme représentant l’Algérie, il me vient à l’esprit deux petites histoires que j’ai «prises» de l’Internet. C’est une maman qui ne s’entendait pas avec sa bru. Son fils était tiraillé entre sa mère et sa femme. Un jour cette dernière lui dit: «Nous n’aurons la paix que si tu tues ta mère, amène-la dans la forêt, tue-là et ramène-moi son foie comme preuve». Il obtempéra, tua sa mère et glissa le foie dans son capuchon. A son retour, il rencontre des brigands qui s’apprêtaient à le tuer quand soudain le foie frétilla, sortit du capuchon, tomba à terre et commença à parler en suppliant les brigands: «Je suis sa mère, il m’a tué mais ce n’est pas un mauvais garçon.» (1)

La seconde histoire, tout aussi merveilleuse, m’est parvenue par mail et je ne remercierai jamais assez l’auteur anonyme. Je vous la conte: «Un Algérien raconte son aventure… J’étais en voiture, sur le chemin du retour depuis New York pour Montréal, où j’habite depuis maintenant plus de 20 ans. Au poste frontière, je remettais mon passeport à la préposée à la douane, et lorsqu’elle lut: ‘Lieu de naissance: Algérie », elle me demanda: ‘- Comment va l’Algérie? – Ca peut aller, lui répondis-je. Tout ce que l’on souhaite, c’est que ça continue à aller autant bien que mal…

– Lequel des deux aimez-vous le plus, l’Algérie ou le Canada?

– La différence que je fais entre l’Algérie et le Canada, est exactement celle que je fais entre ma mère et mon épouse. Mon épouse, je l’ai choisie, je suis tombé sous son charme, mais elle ne peut en aucun cas me faire oublier ma mère. Je n’ai pas choisi ma mère, mais je sais que je lui appartiens. Je ne me sens bien que dans ses bras; je ne pleure que sur son épaule. – Ma mère est peut-être pauvre; elle n’a pas de quoi me payer mes soins, encore moins les honoraires du médecin, mais la tendresse de son giron quand elle m’étreint, et la chaleur de son coeur lorsque je suis dans ses bras, suffisent à me guérir. Elle n’a pas la beauté blonde, mais la vue de son visage vous apaise. Elle n’a pas les yeux bleus, mais sa vue vous met en sécurité. Ses vêtements sont simples, mais elle porte dans ses plis bonté et miséricorde… Elle ne se pare pas d’or et d’argent, mais elle porte à son cou un collier d’épis de blé, dont elle nourrit tout affamé. Les brigands l’ont spoliée, mais elle continue de sourire ».»  «Envoi par internet»

Ces deux belles histoires nous confortent dans l’idée que rien ne peut remplacer une mère et, qu’à bien des égards, l’Algérie devrait être pour nous une mère que nous devons chérir et défendre. Renier l’instinct maternel a été une étape nécessaire à la «libération» de la femme, mais cette attitude handicapante montre aujourd’hui ses limites: les jeunes mères sont déchirées entre ce qu’elles ressentent et ce que leur vie professionnelle leur impose. Curieusement, nos «valeurs familiales» que nous avons désertées, sont redécouvertes en Occident…

Les Algériennes qui ont marqué l’Histoire

L’histoire de l’Algérie est jalonnée de battantes. Les Algériennes de coeur, qui ont défendu l’Algérie et qui méritent mille fois d’être à l’honneur, bien que leur modestie et leur grandeur d’âme leurs interdisent de faire dans le m’as-tu-vu et d’être aux premières loges pour avoir les faveurs des gouvernants et surtout à mille lieux de l’image que nous nous faisons de nos mères, humbles et discrètes. Le but de ce plaidoyer pour la femme est de convaincre qu’au-delà de la dimension de mère d’épouse, qu’il faut absolument conforter, le combat des femmes a donné ses lettres de noblesse à l’histoire de ce pays. Aussi loin que nous plongeons notre regard dans notre histoire, nous trouvons sans difficulté comme exemple de bravoure l’Algérienne.

La première héroïne qui nous vient à l’esprit est Tin Hinan la princesse du Hoggar. Tin Hinan est le nom que des traditions orales donnent à l’ancêtre originelle des Touareg nobles du Hoggar. Tin Hinan serait, selon la tradition touarègue, une princesse originaire de la tribu Berabers, dans le Tafilalet; elle serait venue dans le Hoggar en compagnie de sa servante Takamat (ou Takama), laquelle est pour sa part donnée comme la mère des Touareg. En 1925, à Abalessa, dans le Hoggar, des archéologues découvrent la tombe d’une femme. Ils y trouvent outre un squelette bien conservé, des pièces de monnaie à l’effigie de l’empereur romain Constantin, des bijoux en or et en argent, ainsi qu’un mobilier funéraire. La tombe, qui date du ive siècle, est attribuée par les archéologues à Tin Hinan

A la même époque, qui a entendu parler de Roba la berbère dont le sacerdoce a été récupéré par l’Eglise romaine? Il n’y a rien d’européen dans le martyre de Salsa de Tipaza ou de Roba la Berbère qui luttèrent pour leur foi et pour un christianisme des déshérités.

Au septième siècle , une autre héroïne Kahina Dihya ou Damya reine guerrière berbère zénète des Aurès qui combattit les Omeyyades lors de l’expansion islamique en Afrique du Nord au VIIe siècle. Plusieurs penseurs disent que c’est une des premières féministes bien avant le Moyen Âge et une des premières reines guerrières de l’Histoire. De nombreux auteurs la considèrent comme juive, d’autres comme chrétienne et Ibn Khaldoun lui attribue des pouvoirs surnaturels. Elle était issue de la tribu des Djerawa. Fille unique, elle aurait été élue ou nommée par sa tribu après la mort de son père. Dihya procéda à l’appel de nombreuses tribus de l’Afrique du Nord orientale et du Sud pour déclencher la guerre. Elle défait par deux fois la grande armée des Omeyyades grâce à l’apport des cavaliers des Banou Ifren. Elle règne sur toute l’Ifriqiya pendant cinq ans. Vaincue en 693 par Hassan Ibn en N’uman, elle est faite prisonnière, puis décapitée au lieudit Bir El Kahina. Les chefs de l’armée Omeyades envoient sa tête en trophée au calife Abd al-Malik en Syrie. Dihya sera la seule femme de l’histoire à combattre l’Empire omeyyade. (2)

Un autre fait glorieux qui met en scène la femme algérienne est celui du mystère de Fatma Tazoughert (la rouquine?). Nous lisons dans une contribution de Nadhir Sbaâ:

«Guerrière redoutable, elle sacrifia ses deux frères pour exalter le respect de la discipline.» «Née dans la montagne de Hitaouine (Merouana, les Aurès inférieurs, Titaouine), Fatma «la Rousse», (1544-1641) prêtresse et reine, réussit sous son règne, non seulement à unir plusieurs groupes berbéro-arabes, mais à perpétuer le matriarcat en désignant uniquement des femmes au sein du conseil des sages.Unique femme, dit-on, des siècles après la Kahina, qui ait régné avec majorité sur les Aurès et perpétué le matriarcat, on la retrouve partout dans les chansons des «Rahabas» et les «contes». Ses caractères distincts, sa forte personnalité et son instruction avaient fait d’elle, comme écrit Nadhir Sbaâ, une femme «crainte, prêtresse admirée, jouissant d’un grand prestige grâce à sa culture ancestrale». (…) Malgré les affres du temps et grâce à la mémoire de la population et aux poèmes, son souvenir s’est immortalisé et a pu voyagé à travers le temps. Ainsi, ses héritiers pérennisent et sauvent de l’oubli cette figure nationale et emblématique en lui tissant contes et poèmes.» (3)

Nous arrivons au XIXe siècle, la figure altière de Lalla Fatma N’Soumer nous interpelle. En effet, lors de la phase de conquête, les troupes coloniales françaises eurent à affronter en Kabylie, une armée dirigée par une femme, Lalla Fatma N’Soumeur. Dans une Algérie qui vit les défaites successives d’Ahmed Bey et de l’Emir Abdel Kader, l’insurrection organisée dans les montagnes du Djurdjura, par Lalla Fatma N’Soumeur redonna espoir à une population nullement résolue à la capitulation. (…) Lalla Fatma N’Soumeur, avec son armée qui comprenait également de nombreuses femmes de la région, dirigeait les combats… Lalla Fatma N’Soumeur mourut en prison en 1863 seulement âgée de 33 ans. La fin de l’épopée de Lalla Fatma N’Soumeur ne signifia nullement que le chapitre des insurrections était clos, elles devaient encore agiter l’Algérie jusqu’à la fin du XIXe siècle.» (4)

Les héroïnes de la guerre de Libération

Il est impossible de recenser toutes celles qui -surtout modestement- ont contribué à l’Indépendance du pays. Nous prenons le risque de citer quelques-unes qui, outre leur prestigieux combat, se distinguent par leur «invisibilité» estimant qu’elles n’ont fait que leur devoir et n’ont pas à en faire un fonds de commerce.

Nafissa Hamoud (1924- 2002) est une femme militante du FLN durant la Guerre d’Algérie. En 1944, elle fait partie des premiers noyaux d’étudiantes en médecine, En 1950, elle prend contact avec la Fédération internationale des femmes en vue de célébrer pour la première fois en Algérie la journée du 8 Mars. Elle rejoindra finalement les rangs du FLN en 1954, et devient commandante de l’Armée de libération nationale. Nafissa Hamoud sera par la suite professeur de médecine et continuera son combat pour une médecine de qualité. Nafissa Hamoud entre au gouvernement le 18 juin 1991, comme ministre de la Santé et devient la première femme algérienne à accéder à un tel poste de responsabilité..

Annie Steiner, née le 7 février 1928 à Hadjout est une militante algérienne du FLN. Juriste, elle s’engage dans les Centres sociaux, membre du «réseau bombes» de Yacef Saadi. Arrêtée le 15 octobre 1956, elle est condamnée en mars 1957 par le Tribunal des forces armées d’Alger à cinq ans de réclusion pour aide au FLN et incarcérée à la prison de Barberousse. Elle est libérée en 1961. La moudjahida a tout sacrifié en s’engageant pour la cause juste de son pays, à savoir sa libération. Lors d’une rencontre avec les étudiants, elle fera le récit de son parcours, qui est à la fois exemplaire et douloureux.(4)

 « Dans une conférence à Batna, accueillie en véritable héroïne, cette femme, qui a milité pour l’Algérie, reste fidèle et déterminée à transmettre aux jeunes d’aujourd’hui le message de leurs aînés en leur racontant les sacrifices consentis. Elle n’a cessé répéter qu’elle savait que l’Algérie allait gagner. Elle a également rendu hommage à Ahmed Zabana et à Fernand Yveton, ainsi que les 58 moudjahidine exécutés à la prison de Serkadji. Le témoignage émouvant d’Annie a eu un écho auprès des étudiants: youyous, larmes d’émotion, applaudissements nourris, notamment lorsqu’elle a prononcé les dernières phrases des guillotinés: «Allah Akbar Achate El-Djazaïr horra» (vive l’Algérie libre). Elle a, par ailleurs, raconté les scènes de vie vécues dans les six prisons où elle a été incarcérée. «On n’avait pas peur de mourir. Qui est prêt à mourir aujourd’hui?» (5)

Fadila Saâdane naquit le 10 avril 1938 à Ksar El Boukhari. Dès l’âge de 16 ans, elle participa aux activités de l’Association de la jeunesse estudiantine musulmane de Constantine dominée par le PPA. Durant la révolution, Fadila Saâdane fut interpellée en compagnie du Dr Amor Bendali et tous furent incarcérés à la prison du Coudiat fin novembre 1956. Elle fut libérée fin 1957, autorisation lui fut accordée de poursuivre ses études, à condition de quitter le pays. Après l’obtention de son deuxième baccalauréat, elle partit début 1958, étudier en France à Clermont-Ferrand. De retour en Algérie, après la mort de sa soeur, elle intégra un commando de fidayine, ces fameux combattants des villes que la Bataille d’Alger rendit célèbres. Fadila Saâdane, membre de la logistique de l’OPA, fut affectée à la nahia 2, qui avait pour chef Saïd Rouag dit Si Amar, elle évolua donc dans le périmètre du centre-ville, en compagnie d’une autre femme fidaïa, Malika Bencheikh El Hocine.(…) Le 17 août 1960, le commando composé de 4 personnes, Amar Rouag, Fadila Saâdane, Malika Bencheikh El Hocine et Amar Kikaya, occupa une maison située rue Vieux. C’est dans cette bâtisse qu’ils se firent surprendre par l’armée française.(…) C’est lors de ce dernier affrontement avec l’armée colonialiste que Fadila Saâdane mourut les armes à la main. Ainsi s’acheva, à l’âge de 22 ans, l’itinéraire de la femme algérienne combattante que fut Fadila Saâdane.(4)

On ne peut pas terminer sans dire quelques mots de l’illustre Djamila Bouhired, l’icône oubliée de la Guerre d’Algérie, qui rejoint le Front de libération nationale durant ses années d’étudiante. En avril 1957, elle est blessée dans une fusillade et capturée par les parachutistes. (..)Torturée et condamnée à mort. Son exécution est stoppée par une campagne médiatique (..) Aujourd’hui, après plusieurs années, même si elle s’en défend, Djamila Bouhired est devenue l’icône de toutes les combattantes et combattants du FLN, qui eux aussi, étaient tombés dans une vieillesse très précarisée. (6)

Pour Malek Bennabi:

«(…) La figure de Fadila Saâdane, sa vie exemplaire, constituaient pour la femme algérienne, une formidable alternative aux modèles féministes proposés et exportés par l’Occident. Ainsi il précisa «notre féminisme algérien doit par conséquent, pousser ses racines dans l’humus si riche qui a fait fleurir l’âme d’une Soumyya, l’âme d’une Lalla Fatma ou celle d’une Fadila Saâdane». (4)

Où en sommes-nous de cette errance qui nous incite à commémorer les fêtes décidées par les autres dans d’autres contextes ? Doit on fêter ce 8 mars comme un solde de tout compte annuel de notre reconnaissance envers ces femmes ,nos mères nos filles nos épouses ou avoir constamment à l’esprit par des preuves au quotidien de notre attachement à  ce qu’elles font pour nous ?

Nous avons besoin de réhabiliter notre histoire. Pour cela, il nous faut déconstruire les repères occidentaux et se ressourcer à nos propres valeurs, sinon nous continuerons dans un mimétisme ravageur à singer beaucoup de «valeurs» discutables de l’Occident perpétuant ainsi le mal le plus grand, l’errance qui fait de nous à Dieu ne plaise, des apatrides ballotés dans tous les sens, par une doxa occidentale du magister dixit. Tous nos repères sont brouillés. Ne persistera en définitive, que le décorum sans épaisseur de cette commémoration sous forme d’une grande bouffe rituelle tous les 8 mars, une  « zerda » pour utiliser un terme de l’Algérie profonde. Non, nous devons nous réveiller de ce grand sommeil

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-edu.dz

 

Notes :

1. Alliouche www.liad-alger.fr/joomla/images/LIAD/cdi/journal/Journal_liad_N05_reduit.pdf

2. La Kahina: Encyclopédie Wikipédia

3. Nadhir Sbaâ B. Belcacem Le mystère de Fatma Tazoughert. L’Expression 22 – 05 – 2005

4. Nadjib Achour: Fadila Saâdane: itinéraire d’une femme Algérienne combattante Algérie – 08-12-2010

5. http://www.liberte-algerie.com/culture/une-lecon-de-vie-la-moudjahida-annie-fiorio-steiner-a-batna-176889

6. http://www.reflexiondz.net/Djamila-Bouhired-l-icone-oubliee-de-la-Guerre-d-Algerie_a20317.html  Mardi 30 Octobre 2012

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