Espace euro-méditerranéen et Africain

La formation d’une coalition de volontaires sous la direction des États-Unis pour éradiquer l’État islamique en Irak et en Syrie soulève plusieurs questions importantes. Parmi eux, le plus important est: cette manière de fonctionner est-elle dans l’intérêt de la sécurité du continent européen? La marginalisation des Nations Unies Le gouvernement français a souligné dans son dernier Livre blanc français sur la défense et la sécurité nationale de 2013 qu’il demanderait toujours l’autorisation d’utiliser l’action militaire par l’intermédiaire du Conseil des Nations Unies. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, il est dans l’intérêt de la France d’avoir son mot à dire sur toutes les affaires de sécurité mondiale. La deuxième guerre en Irak en 2003 a montré que les débats au Conseil de sécurité étaient importants pour la France, l’Allemagne et la Russie pour défendre leur point de vue, même si la coalition des volontaires décidait de contourner le Conseil de sécurité, détruisant en même temps leur légitimité. .

Il y a aussi une contradiction fondamentale lorsque les États-Unis et les États membres de l’Union européenne critiquent d’autres États comme la Russie de ne pas respecter le droit international mais de contourner l’organisation eux-mêmes. Les pays européens, en tant que puissances de rang intermédiaire, ont intérêt à ramener ce processus au Conseil de sécurité de l’ONU s’ils ne veulent pas que d’autres grandes puissances agissent de manière unilatérale. La composition de la coalition contre l’État islamique Comment se fait-il que les principaux «alliés» des États-Unis soient ces pays qui ont en fait alimenté l’État islamique en finances et en armes (Arabie saoudite, Qatar, Émirats arabes unis)? L’Arabie saoudite évite de prendre des engagements concrets mais ne fait que des promesses formelles de soutien à Washington car l’État islamiste présente désormais une menace réelle pour le régime saoudien. L’État islamiste était en fait un instrument pratique pour l’Arabie saoudite pour atteindre ses propres objectifs géopolitiques dans la région: contenir l’Iran (et l’expansion chiite), lutter contre Assad et maintenir l’instabilité en Irak (car ils pourraient essayer de destituer le Premier ministre Maliki ).

Dans le cadre des négociations de coalition, la condition minimale ne serait-elle pas de forcer l’Arabie saoudite et le Qatar à cesser de soutenir l’État islamique (y compris via différentes associations caritatives et ONG)? Pourquoi accepter pour les pays européens le gouvernement des États-Unis comme chef de file de cette opération sans aucune critique alors qu’ils savent que c’est la guerre américaine contre l’Irak en 2003 qui a été le principal facteur de déstabilisation avec l’élimination de Saddam Hussein. Le changement de régime après la guerre de Libye en 2011 avec l’élimination de Kadhafi (avec l’aide active de la France et du Royaume-Uni en 2011) et l’objectif d’un changement de régime en Syrie n’ont fait qu’ajouter au chaos actuel. Il serait cependant utile aux Européens de faire le bilan des échecs passés dans lesquels beaucoup d’entre eux ont également été actifs (notamment dans la coalition des volontaires en 2003), de demander aux États-Unis de s’engager dans une véritable stratégie mondiale, et d’élargir la coalition à travers le Conseil de sécurité des Nations Unies avant de s’engager dans une action militaire. Quel est le véritable objectif politique de l’opération? Cette opération est-elle une opportunité pour le président américain Obama (et ses principaux alliés européens) de tenter de rétablir l’influence américaine au Moyen-Orient après le fiasco syrien?

La véritable cible est-elle l’élimination de l’État islamique, ou est-ce la suppression de Bachar el Assad à plus long terme ?. Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius [1], a de nouveau souligné qu’après la lutte contre l’Etat islamiste, l’objectif de la destitution de Bachar el Assad est toujours à l’ordre du jour et que «l’opposition modérée» doit être soutenue. Mais où est l’opposition modérée? M. Fabius continue donc à affaiblir la diplomatie française dans cette région et transforme la doctrine de la «politique arabe» du général de Gaulle basée sur un soutien aux États-nations laïques arabes sur le modèle français en un mélange incohérent de politique islamiste et moraliste (lutte contre les djihadistes dans la région du Sahel, soutenant l’opposition à Bachar el Assad en Syrie composée principalement d’islamistes). La manière dont l’opération est gérée suscite la méfiance du gouvernement russe et cela pose problème pour l’éradication à long terme des vagues extrémistes islamistes dans cette région, car il devrait être dans l’intérêt commun des États-Unis, des États membres de l’Union européenne et de la Russie de coordonner leurs actions. En réalité, il faudra peut-être trop de temps (peut-être des années) pour former une opposition viable au président syrien actuel. Le flirt occidental avec les radicaux syriens a créé un terrible monstre dans la région. Les premières semaines de l’opération occidentale contre l’État islamiste ont également montré un faible niveau d’efficacité inquiétant: quelques dizaines de combattants seulement ont été éliminés tandis que de nombreux civils et des objets d’infrastructure civile se sont révélés être sous le feu. Il y a un paradoxe lorsque les membres de la coalition avaient auparavant accusé Bachar el Assad de bombarder des civils (qui sont utilisés par les terroristes comme bouclier comme dans toutes les guerres asymétriques).

On soupçonne aussi que les pays occidentaux tentent de contenir l’Etat islamiste mais utilisent aussi les islamistes dans d’autres théâtres d’opérations pour affaiblir les autres grandes puissances comme la Russie ou la Chine. La nécessité d’une vraie stratégie En lançant cette aventure militaire, l’Occident prend le risque de conduire toute la région dans le chaos. La «guerre contre le terrorisme», comme l’a commenté l’ancien Premier ministre français et ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin donne une légitimité à l’État islamiste, a pour effet de rallier les populations sunnites et donne une opportunité à des États de la région comme la Turquie et l’Arabie saoudite poursuivre leurs propres objectifs cachés [2]. Premièrement, un bon diagnostic sur les évolutions géopolitiques de la zone Moyen-Orient et Afrique du Nord doit être une condition préalable à l’action. Il y a des dangers majeurs dans cette situation géopolitique actuelle: -Comme l’a démontré Carlo Facci (chercheur et expert du Moyen-Orient-Bruxelles) [3], le rapport de force international au Moyen-Orient provient des accords Skykes-Picot de 1917 et de la redéfinition de cet équilibre nuirait aux intérêts européens et conduirait à une nouvelle redéfinition du pouvoir en faveur des forces islamistes.

L’absence d’une véritable stratégie géopolitique inclusive entre les États membres de l’Union européenne, les États-Unis, la Russie et les puissances régionales, mais aussi le manque étonnant de soutien aux minorités chrétiennes dans la région va à l’encontre des intérêts européens à long terme. -Une bombe à retardement à plus long terme est le prosélytisme islamiste des alliés du Golfe des gouvernements américain, français et britannique dans la région MENA mais aussi en Europe. La manipulation future des extrémistes musulmans au sein des minorités européennes après des années d’immigration incontrôlée, de politiques multiculturalistes et de soutien inconditionnel aux révolutions arabes sera tentante pour les États à tendances islamistes en arc de crise sur le flanc sud-européen. Il y a un manque général de stratégie globale pour éradiquer les mouvements islamistes mais aussi ses racines mondiales. Cet objectif nécessite des discussions au sein de l’ONU, une coalition plus large avec la Russie et la Chine qui ont un intérêt commun à long terme avec les gouvernements européens et américains dans la négociation d’une stratégie globale. Il faut également que les Européens se distancient des doctrines moralistes ou idéologiques comme la promotion de la démocratie occidentale.

La mondialisation signifiant une rivalité renouvelée pour les espaces géopolitiques entre une multitude de pouvoirs et d’acteurs, la doctrine de l’équilibre des pouvoirs est la méthode adaptée pour parvenir à la sécurité et à la stabilité. Cette nouvelle approche suggère de promouvoir un équilibre des pouvoirs entre sunnites et chiites (cela signifie une réinitialisation des relations entre les États européens, l’Iran et la Syrie) et d’inclure tous les acteurs régionaux dans les négociations car cela permettrait également de réconcilier les différentes visions.


[1] «Après Kobané, sauver Alep« par Laurent Fabius [2] Dominique de Villepin, «la France gesticule mais ne dit rien», le Monde diplomatique décembre 2014 [3] Carlo Facci, «anciens clivages et nouveaux enjeux en Syrie, un défi pour les équilibres Sykes-Picot », conférence à l’institut culturel italien, 18 novembre 2014


 

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