En Libye, la France cherche à défendre ses objectifs économiques et géopolitiques avec Haftar (+vidéo)

   Pour nombre d’experts, le chaos libyen découle de l’intervention française de 2011 pour faire tomber l’ancien dirigeant du pays.

par Yusuf Özcan,Enes Canlı,Tuncay Çakmak
 

En Libye, la France cherche à atteindre et défendre ses objectifs économiques et géopolitiques à travers le général putschiste Khalifa Haftar, un soutien qui dérange la communauté internationale.

Alors que le gouvernement légitime libyen de Fayez al-Sarraj multiplie les victoires militaires sur le terrain contre les milices du putschiste Haftar, tous les yeux se tournent vers la France qui aujourd’hui, après avoir longtemps essayé de faire croire qu’elle avait une approche impartiale, se montre de plus en plus agressive.

Khalifa Haftar, dont l’offensive pour prendre le contrôle de Tripoli a échoué, trouve son plus grand soutien européen en France. Mais la France a toujours officiellement nié ce soutien, même si ces dernières semaines, les médias français soulignent l’existence de cet appui au putschiste.

Très silencieuse au moment de condamner les crimes de Haftar, Paris est autant muette quant aux aides financières et militaires de la Russie, de l’Égypte et des Émirats Arabes Unis à ce dernier.

– L’appétit libyen de Sarkozy au moment des Printemps arabes :

Après son élection, l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, a reçu en grandes pompes à Paris le chef du gouvernement libyen, le colonel Kadhafi.

Mais la justice française se penchera plus tard sur des accusations de financement occulte libyen de la campagne électorale de Sarkozy, à coup de dizaines de millions de dollars.

C’est dans ce contexte que Sarkozy, qui s’assura le soutien de l’Angleterre, pour renverser Kadhafi au moment du « Printemps arabe ».

Pour nombre d’experts, le chaos libyen découle de l’intervention française pour faire tomber l’ancien dirigeant du pays.

Ainsi, Jean-Marc Four, journaliste à France Inter et directeur de l’information internationale de Radio France est l’un des premiers à mettre en exergue l’ingérence de la France dans la politique libyenne. Dans sa chronique du 23 juin sur France Inter, il estime que la France n’a pas de leçon à donner à la Turquie. Ainsi, il rappelle que le chaos libyen a été déclenché par Paris en 2011 en allant bien au-delà de la résolution de l’ONU. Rappelant par la suite, les ventes d’armes françaises à la Libye par des intermédiaires, il évoque la légitimité de la Turquie qui soutient un gouvernement reconnu par l’ONU.

Il rappelle en outre que la France s’engage aux côtés de partenaires douteux comme les Emirats Arabes Unis, l’Egypte et la Russie et accuse le pays de ne pas avoir misé « sur le bon cheval ».

Enfin, il conclut en soulignant que désormais ce sont « la Turquie et la Russie qui tirent les ficelles en Libye ».

Par ailleurs, publié en 2019 et passé inaperçu jusqu’à présent, « Histoire secrète de la DGSE », le livre du journaliste Jean Guisnel détaille l’intervention de la France en Libye depuis 2011 et surtout à partir de 2014 avec le rapprochement du chef de la diplomatie française Jean-Yves le Drian avec Haftar.

En 2016, un accident d’hélicoptère à Bengazi en Libye, faisant 3 morts parmi des employés de la DGSE, fait dire à Haftar : « la France a sacrifié ses enfants pour nous ».

C’est cette même année que la France intensifiera son appui à Haftar, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense sous François Hollande, et ministre des Affaires étrangères actuel de Macron, fut l’initiateur de cette politique.

– L’offensive de Haftar pour prendre Tripoli et le pouvoir par la force :

En plein cessez-le-feu en vigueur en Libye, Khalifa Haftar lance une offensive contre Tripoli le 4 avril 2019, le jour où le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres arrive à Tripoli pour les préparatifs d’une conférence nationale doit avoir lieu sous le patronage des Nations Unies.

Paris n’a jamais ouvertement cité le nom de Haftar dans ses condamnations, se contentant d’appeler les parties au calme.

Mais rapidement, des informations dans les médias de la région ont rapporté un soutien sécuritaire de la France à Haftar.

Deux semaines seulement après le début de l’offensive, 13 citoyens français sont arrêtés à la frontière avec la Tunisie, voulant entrer dans ce pays sans « remettre leurs armes et munitions ».

Les autorités tunisiennes n’ont alors pas confirmé les déclarations de l’ambassade de France à Tunis qui affirmait avoir informé les autorités sur ces personnes.

Le gouvernement légitime libyen décida dans ce contexte de suspendre ses différends accords avec la France.

De plus, en juin 2019, l’armée libyenne découvrira à Garian, libérée des forces de Haftar, des fusées américaines de type « Javelin », exclusivement vendues par Washington à Paris.

Des faits que Paris reconnaitre après que ces informations furent reprises par les médias français, expliquant cependant que ces fusées ont été utilisées en Libye dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

– Les intérêts économiques :

Paris a toujours montré beaucoup d’intérêt à la Libye.

Pour la France, l’instabilité de la Libye est une menace du point de vue des flux migratoires venant d’Afrique mais aussi du point de vue des intérêts stratégiques de la France dans les pays de la région sub-saharienne.

Mais la Libye, qui compte les plus grandes réserves de pétrole sur le continent africain, est aussi synonyme d’intérêts économiques.

Dans une tribune en 2018, le site d’information français Mediapart mentionnait la richesse en pétrole de la Libye.

« Nous savons que tout est lié au pétrole. Par exemple Total est fortement présent en Libye. Les anciens dirigeants libyens avaient promis de donner une priorité aux sociétés françaises et britanniques », pouvait-on lire dans cet article.

La radio RFI indiquait en 2019, qu’après la prise de contrôle des milices de Haftar des champs de pétrole en 2016, Le Drian rencontra plus régulièrement le maréchal Haftar.

Selon les données de l’INSEE, le pétrole en provenance de Libye a été multiplié par 2,5 entre 2014 et 2018.

Tout cela montre bien le critère économique de la politique française en Libye.

Par ailleurs, son voisinage avec la Tunisie et l’Algérie, de colonies françaises, donne une importance géopolitique à la Libye. A sa frontière sud, se trouvent le Niger, riche en uranium, et le Tchad, base essentielle pour la présence militaire française en Afrique.

– La politique libyenne de Macron :

Le président français actuel, Emmanuel Macron, s’est fortement engagé en Libye sous l’impulsion de Le Drian.

Il invita à Paris, dès le début de son mandat, les parties du conflit libyen pour restaurer « la paix et la stabilité » en Libye.

Ces initiatives, au visage diplomatique impartial, avaient aussi pour but de dissimuler le soutien français à Haftar. Mais ce soutien est connu de tous, en France comme à l’international.

Dernièrement, le journal Le Monde s’interrogeait sur les appels de la France à un cessez-le-feu, alors qu’elle soutient politiquement Haftar qui combat le gouvernement légitime libyen reconnu par les Nations Unies.

Après sa réunion avec la Chancelière allemande Angela Merkel, lundi, dans la capitale Berlin, Macron avait critiqué le rôle de la Turquie en Libye, précisant que « ce rôle menacerait l’Afrique et l’Europe », selon ses dires.

« Nous avons espéré que le président Macron exprimerait son rejet de l’agression de Haftar contre la capitale Tripoli, depuis 14 mois, c’est-à-dire depuis l’attaque perfide », a déclaré le ministre libyen des Affaires étrangères, Mohamed Taher Siala.

L’accord de coopération signé par le gouvernement libyen et la Turquie semble avoir profondément dérangé Paris, d’autant plus que les victoires de Tripoli à la suite de cet accord se sont multipliées face à Haftar.

Le soutien d’Ankara au gouvernement légitime libyen a complètement déstabilisé les plans français en Libye, menaçant ses intérêts conditionnés à Haftar.

De Sarkozy à Macron : l’héritage du chaos sur les terres libyennes

Alors que « le printemps arabe » semble gagner nombre de pays arabes, notamment en Afrique du Nord, en février 2011, la révolution frappe à la porte de la Libye.

Les combats opposent les forces fidèles au colonel Mouammar Kadhafi à celles des rebelles opposés à son régime. Les insurgés ayant perdu beaucoup de terrain se sont retranchés notamment à Misrata et surtout Benghazi. À la veille de l’assaut final contre cette dernière ville, ils sont alors menacés d’une répression sanglante par le régime libyen.

– La France au premier plan pour une intervention en Libye

C’est de Paris que viendront les premières initiatives pour une intervention internationale en Libye.

Le 10 mars 2011, l’ancien président français, Nicolas Sarkozy, reçoit à Paris les représentants du « conseil national de transition » et est le premier chef d’État à reconnaître officiellement cet organe de l’insurrection comme seul représentant de la Libye. Le lendemain, 11 mars 2011, la France, avec le soutien de Londres, soumet au sommet de Bruxelles une demande d’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. La chancelière allemande, Angela Merkel, refuse et reçoit le soutien d’une majorité des 27 États de l’Union européenne. Le président Sarkozy se retrouve isolé lors du sommet du G8 à Paris. Cependant, c’est auprès de pays du Moyen-Orient, en froid avec Kadhafi, que Paris trouve son appui. La Ligue arabe demande l’instauration de cette zone d’exclusion aérienne.

L’avancée des troupes de Kadhafi sur Benghazi est telle qu’un massacre de grande ampleur est annoncé. Le président américain, Barack Obama, rejoint le président Sarkozy et le Premier ministre britannique en place, David Cameron.

Le 19 mars, deux jours après le vote de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies, la France débute la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen.

[La résolution 1973 : Le Conseil de sécurité a décidé, ce soir, d’interdire tous vols dans l’espace aérien de la Jamahiriya arabe libyenne pour protéger la population civile et pour faire cesser les hostilités.

Aux termes de la résolution 1973, adoptée par 10 voix pour et 5 abstentions (Allemagne, Brésil, Chine, Fédération de Russie et Inde), le Conseil a décidé également que cette interdiction ne s’appliquera pas aux vols dont le seul objectif est d’ordre humanitaire ou encore l’évacuation d’étrangers.

La résolution, qui était présentée par la France et le Royaume-Uni, autorise en outre les États Membres à prendre au besoin toutes mesures nécessaires pour faire respecter l’interdiction de vol et de faire en sorte que des aéronefs ne puissent être utilisés pour des attaques aériennes contre la population civile.

La résolution renforce de plus l’embargo sur les armes imposé par la résolution 1970 (2011) -qui estimait que « les attaques systématiques et généralisées commises contre la population civile pourraient constituer des crimes contre l’humanité »-, en demandant aux États de la région de faire inspecter, dans leurs ports et aéroports, les navires et aéronefs en provenance ou à destination de la Jamahiriya arabe libyenne.]

– L’intervention internationale et le rôle de l’OTAN

Le drame de la Libye, nombreux l’oublient ou l’occultent, notamment en France, a été planifié, programmé et exécuté en 2011, par l’Élysée qui y a impliqué l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, sous prétexte de débarrasser ce pays du Colonel Mouammar Kadhafi, ce « dictateur » que la France avait pourtant, peu de temps auparavant, accueilli en grand chef d’État, lui ouvrant ses jardins pour qu’il y installe sa tente.

Dans la forme, à la suite d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU à laquelle personne – pas même la Russie et la Chine – ne s’opposera, une coalition de 50 États se donne les moyens d’arrêter ce qui s’annonçait comme une catastrophe à grande échelle.

Sur les interventions militaires en Libye, la confusion règne. Il n’y a pas une opération en Libye mais quatre, voire cinq avec la mission Frontex de l’Union Européenne.

Le 19 mars 2011, la France, lance l’opération Harmattan, opération aéromaritime « pour protéger la population libyenne contre les attaques des forces du colonel Kadhafi ».

Le même jour, les États-Unis démarre l’opération « Odyssey Dawn », avec pour objectif de détruire les positions de l’armée de l’air libyenne et empêcher les bombardements.

Toujours le 19 mars, le Royaume-Uni lance son opération « Ellamy », dans le but de frapper les nœuds de communication stratégiques et de systèmes de défense anti-aérienne libyens.

Le dernier pays a lancé sa propre opération se trouve être le Canada, avec l’opération Mobile, dans le but de faire respecter la zone d’exclusion aérienne au-dessus de la Libye ainsi qu’un embargo sur les armes décidés par l’ONU.

À partir du 31 mars 2011, l’ensemble de ces opérations des pays engagés en Libye, sont conduites par l’OTAN dans le cadre de l’opération « Unified Protector ».

Mais rapidement, notamment à Moscou, les frappes de l’OTAN en Libye ont été dénoncées, estimant que l’OTAN « outrepasse son mandat » en « ne faisant que bombarder », et appelant au plus vite à la phase politique.

L’opération a officiellement pris fin le 31 octobre 2011, après que les chefs rebelles, officialisés au Conseil national de transition, aient déclaré la Libye libérée le 23 octobre.

– La « guerre de Sarkozy » en Libye

Le rôle premier de la France de Sarkozy dans l’intervention internationale en Libye, pour faire disparaitre Kadhafi, est pour certains, la preuve que l’ancien chef de l’État français voulait se débarrasser d’une affaire devenue trop encombrante, à tel point que Nicolas Sarkozy, en 2011, aurait plaidé de toutes ses forces en faveur d’une intervention en Libye.

Il s’agissait pour l’ancien président de la République française d’éloigner les témoins gênants, au premier rang desquels figure le colonel Kadhafi.

La destruction massive que le président Sarkozy a entreprise et son acharnement à faire disparaître celui qui auparavant faisait partie des convives privilégiés, ont commencé à révéler leurs machiavéliques dessous, à commencer par la disparition des preuves d’un occulte financement d’une campagne présidentielle. Sans compter les perspectives de juteux contrats pétroliers, gaziers et de reconstruction du pays à conclure avec les successeurs du « tyran ».

– La mort de Kadhafi

En août 2011, la capitale Tripoli passe aux mains des rebelles. Kadhafi fuit à Syrte, sa ville natale, plus à l’est.

Les bombardements de l’OTAN finissent par obliger Kadhafi à une nouvelle fuite. Mais le 20 octobre 2011, son convoi est repéré et bombardé par des chasseurs français.

Le colonel Kadhafi est finalement retrouvé par les rebelles, qui finissent par le lyncher en direct, une mise à mort filmée par de nombreux téléphones et caméras.

– Les soupçons « de financement libyen de la campagne de Sarkozy »

La justice française étudie toujours les présumées irrégularités dans le financement de la campagne électorale de Nicolas Sarkozy en 2007, qui aurait été financée justement par le défunt Kadhafi.

En mars 2018, l’ancien président français a même été placé en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur « l’argent libyen » qui a débuté en 2013.

Le 21 mars 2018, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour « corruption passive, financement illégal de campagne électorale et recel de fonds publics libyens’’. Plusieurs de ses collaborateurs, ainsi que d’anciens ministres, Brice Hortefeux, Eric Woerth ou encore Claude Guéant, sont également mis en cause et mis en examen.

Selon le média d’investigation indépendant français, Mediapart, des documents affirment que Tripoli aurait, en 2006, donné son accord pour un financement à hauteur de 50 millions d’euros.

– Le chaos libyen

L’instabilité et la guerre en Libye perdurent depuis 2011, après l’intervention internationale voulue par Nicolas Sarkozy.

La France, qui aujourd’hui prétend s’inquiéter du conflit opposant le GNA, Gouvernement d’entente nationale, reconnu par l’ONU et dirigé par Fayez al-Sarraj, au putschiste Haftar, est pourtant la première responsable dans l’enlisement de ce pays dans le chaos.

Le journaliste français, Jean-Marc Four, l’a récemment souligné dans une de ses chroniques au micro de la radio France Inter.

« Le péché originel est français. C’est Paris, en l’occurrence Nicolas Sarkozy en 2011, qui a déclenché le chaos libyen. En allant bien au-delà de la résolution de l’ONU sur le sujet, numéro 1973. Avec une intervention militaire visant à liquider Kadhafi sans avoir préparé la suite ».

L’ancien président, dans sa fixation à éliminer Kadhafi au plus vite, sans se soucier de la transition post-Kadhafi, a sans nul doute, une part de responsabilité très importante dans la crise libyenne qui perdure depuis 2011.

– La politique du président Macron en Libye

Aujourd’hui, Paris, par le biais du président Macron et du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, accuse Ankara « de jouer un jeu dangereux en Libye », en référence au soutien apporté au gouvernement légitime libyen, le GNA.

La France semble ne pas apprécier les défaites répétées et le recul sur le terrain de son petit protégé, Haftar, accusant Ankara de violer l’embargo sur les armes imposé à la Libye.

Or, Paris ignore ouvertement les livraisons d’armes des pays soutenant Haftar, les EAU, l’Arabie Saoudite ou encore la Russie. Une situation qui se trouve d’ailleurs être dénoncée en France même. D’autant plus que certaines armes, exclusivement vendues par Washington à la France, se sont retrouvées dans les mains des forces pro-Haftar !

Le politologue François Burgat partageait il y a quelques jours sur les réseaux sociaux :

« Indécence française en Libye :

L’ingérence franco émiratie et russe en Libye ne peut pas être renvoyée dos à dos avec l’appui apporté par la Turquie au gouvernement légal de Tripoli, à sa demande. Les projets respectifs, la contre révolution autoritaire sur le modèle de Sissi d’un côté et de l’autre, le soutien d’un gouvernement qui reste à ce jour l’héritier légitime de la dynamique révolutionnaire ne jouent pas dans la même catégorie.
Piétiner en coulisses à Tripoli le multilatéralisme onusien que l’on prône à Washington, envoyer ses forces spéciales pour guider la percée d’un vilain candidat dictateur, pas grave quand on s’appelle Le Drian-Macron. En faire la moitié en s’appelant Erdogan, et avoir le culot de réussir, c’est juste in-to-lé-rable ! ».

Face au discours de Macron, d’autres médias n’hésitent pas non plus à s’interroger sur la légitimité de la France dans ce conflit, citant des diplomates français sous couvert d’anonymat.

Le Canard Enchaîné a publié le 24 juin un article citant ces diplomates :

« Erdogan est le seul à jouer franc-jeu, sans dissimuler ses ambitions géopolitiques, militaires, pétrolières et gazières. Y compris en mer Méditerranée, au large de la Libye et près de Chypre ».

Dans sa chronique sur France Inter, Jean-Marc Four poursuit ainsi :

« Plus récemment, on ferait mieux de se taire aussi à propos du viol de l’embargo sur les armes. Vu que plusieurs indices témoignent d’une aide militaire française au maréchal Haftar : la mort à Benghazi de trois membres des services secrets français en 2016 et la découverte sur place de missiles américains vendus exclusivement à Paris ».

De surcroît, le journaliste a expliqué que « Enfin, le soutien diplomatique français à peine dissimulé au maréchal Haftar ces dernières années, pose question. Puisque le pouvoir libyen reconnu légitime par l’ONU, c’est l’autre, le gouvernement Sarraj, celui que soutiennent les Turcs. Donc à ce compte-là, Ankara est plus légaliste que Paris. Et peut ironiser en disant : « C’est plutôt la France qui joue un jeu dangereux en Libye ».

Par ailleurs, le journaliste français a souligné que « à cause de son soutien à Haftar, la France se retrouve désormais « engagée aux côtés de partenaires douteux ».

« On peut objecter que le droit c’est secondaire et qu’en politique, seuls les résultats comptent. Admettons. Sauf que là non plus, côté résultats concrets, la France n’a pas de leçons à donner. Sur le terrain, on a misé sur le mauvais cheval. En pariant plutôt sur Haftar parce qu’on veut un homme fort à Tripoli face aux menaces djihadistes venant du Sahel. Paris n’a pas fait le bon calcul », a-t-il martelé.

« Par-dessus le marché, la France s’est brouillée par la même occasion avec l’Italie qui elle est restée opposée à Haftar. Ça va un peu mieux maintenant, mais la plaie n’est pas totalement cicatrisée. Et l’Europe reste cacophonique sur le sujet libyen ».

La France, qui joue un rôle très ambigu en Libye, contrairement à ce qu’elle affirme, un rôle qui est loin d’être irréprochable du point de vue de l’embargo d’armes et de ses liens avec des régimes très contestables du Moyen-Orient, est en train de se marginaliser sur ce dossier. Ses partenaires européens et dans l’OTAN ne partagent pas forcément la position anti-Turquie de Paris, du moins pas avec la même virulence, et estiment que le véritable danger en Libye est la présence de la Russie.


https://www.aa.com.tr/fr/afrique/en-libye-la-france-cherche-à-défendre-ses-objectifs-économiques-et-géopolitiques
https://www.aa.com.tr/fr/analyse/analyse-de-sarkozy-%C3%A0-macron-lh%C3%A9ritage-du-chaos-sur-les-terres-libyennes/1890539

FLASH VIDEO/ UNE SEULE ALTERNATIVE EN LIBYE: LA ‘PAX AFRICANA’ OU LE CHAOS OCCIDENTAL

par LUC MICHEL – J’ai poursuivi mon analyse de la spirale du chaos libyen, organisé par les USA, avec l’OTAN, depuis la destruction de la Jamahiriya de Kadhafi en 2011, étape majeure du soi-disant “Printemps arabe”. Interrogé sur la position iranienne, j’ai plaidé pour la seule alternative qui puisse pacifier la Libye : la « Pax africana » de l’Union africaine – notamment portée par la diplomatie algérienne, la diplomatie tchadienne du Président Deby et de Moussa Faki le président (tchadien) de la Commission africaine, et celle du Président congolais Sassou Nguesso. Les occidentaux écartés, c’est la paix entre africains par les africains, amenant toutes les fractions libyennes (elles sont une bonne dizaine à se partager la Libye, bien loin du « storytelling » de l’Occident et de l’ONU qui évoque faussement une Libye divisée en deux, entre Tripoli et Benghazi) …

L’introduction du DEBAT de press TV :

Interviewé par la chaîne Al-Jazeera, le haut conseiller du Leader de la Révolution islamique et ancien ministre de la Défense, le général Hossein Dehghan, a commenté certaines informations qui font état du soutien de l’Iran au général Haftar. « C’est une prétention ridicule. La crise en Libye n’a pas de solution militaire », a dit le général tout en affirmant que ce qui est soutenu par l’Iran, c’est l’idée d’un État uni et intègre qui peut décider de son sort, loin des ingérences étrangères.
PressTV a interrogé l’ex-ambassadeur iranien en Libye, Hossein Akbari, qui appuie les propos du général. Pour l’ex-ambassadeur, la scission de la Libye en deux parties est et ouest a eu lieu au lendemain même de l’intervention de l’OTAN de 2011: « Depuis lors, la guerre civile a commencé pour ne jamais finir… Il y a plus d’un an, les mêmes puissances qui ont divisé de facto la Libye ont misé sur un nouveau conflit, mais ont décidé d’avance à image couverte : le fait que Serraj et le gouvernement de Tripoli soient soutenus par la Turquie et le Qatar soit des Frères musulmans ou que l’Ouest libyen avec le pétrolifère Syrte soit contrôlé par les anti-Frères musulmans que seraient Haftar et ses forces, n’est qu’à vrai dire le devant du décor. Tripoli n’est pas plus pro-Frères musulmans que Syrte, tout comme Syrte qui n’est pas plus contre cette confrérie qu’ailleurs en Libye. Au fait, il s’agit d’une division imaginaire inventée par les puissances qui méprisent les intérêts du peuple libyen et qui cherchent à s’emparer du gaz offshore de la côte libyenne tout comme de la seule région pétrolifère libyenne qui exporte du pétrole à savoir Syrte pour leurs propres intérêts. Les Frères musulmans libyens ne se reconnaissent d’ailleurs pas dans ces divisions.
Ceci étant, l’Égypte a le droit de s’inquiéter puisque la Turquie, est l’OTAN, une fois maître de Syrte elle empêcherait la Libye d’avoir des relations normales avec son voisin de l’est. Mais de là à dire que Sissi finirait par s’engager directement en Libye pour faire face à l’armée turque. Je n’y crois pas, car les deux pays s’y battent par mercenaires interposés et n’ont aucun intérêt à se battre entre eux. C’est une querelle de clocher ultra médiatisée qui vise à éclipser une réalité qui depuis la chute de Kadhafi est de rigueur en Libye : c’est un peuple pris en otage des grandes puissances. Que Syrte reste entre les mains de Haftar ou qu’elle tombe entre les mains de Sarraj, peu importe, l’argent va droit à la banque centrale. Or cette banque est avant tout sous l’emprise du FMI et des Occidentaux… »

Hassan Alibakhshi, analyste des questions africaines et Luc Michel, géopoliticien s’expriment sur le sujet.

Sources :

* La Video sur LUC-MICHEL-TV
sur https://vimeo.com/433431416

* L’article sur
http://french.presstv.com/Detail/2020/06/28/628428/Libye–et-le-positionnement-de-lIran–Dbat

(Sources : Press TV – EODE Think Tank)
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.luc_michel.290620b.htm


>> La Manul peine à relancer le processus du dialogue interlibyen : Haftar à l’ombre des champs pétroliers


   L’ambassadeur de Turquie s’explique face aux sénateurs : une audition sous haute tension

L’ambassadeur de Turquie nie toute manœuvre agressive envers la frégate Courbet

L’ambassadeur de Turquie en France, Ismaïl Hakki Musa, était auditionné ce mercredi par la commission des Affaires étrangères du Sénat. Interrogé par les sénateurs sur les tensions grandissantes entre la France et la Turquie, notamment en Libye, les échanges ont été particulièrement musclés.

01 JUIL 2020  Par Mathilde Nutarelli
 
La situation libyenne, instable depuis la mort de Mouammar Kadhafi en octobre 2011, continue de se dégrader. Le pays est le théâtre d’une guerre civile qui ne passe pas, dans laquelle des puissances étrangères prennent une part active. Le gouvernement d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU et soutenu par la Turquie, y est opposé aux forces du maréchal Khalifa Haftar, soutenu par l’Égypte, les Émirats arabes unis et la France, entre autres. Un sommet s’est tenu à Berlin à la fin du mois de janvier, afin d’arriver à un apaisement des tensions. Il a débouché sur une déclaration appelant à un cessez-le-feu, à une relance du « processus politique » et à un embargo sur la vente d’armes.

Ces derniers jours, les tensions entre la France et la Turquie sur le dossier libyen se sont intensifiées, notamment suite aux propos d’Emmanuel Macron. Il accusait la Turquie d’avoir une « responsabilité historique et criminelle » en Libye. L’audition de ce mercredi matin s’annonçait donc explosive.

« Quand on vous fait une queue de poisson, vous êtes plutôt énervé, et cela risque de provoquer un incident »

Premier point de tension de l’audition : l’incident qui s’est déroulé au large de la Libye le 10 juin. Une frégate française participant à une opération de l’OTAN chargée de faire respecter l’embargo sur la vente d’armes, le Courbet, a fait l’objet de trois illuminations radar de la part d’une frégate turque, l’Oruçreis. Dans le monde de la marine, cela équivaut à un marquage de cible. Cet acte a immédiatement été qualifié « d’extrêmement agressif » par Florence Parly, la ministre des Armées. Le Courbet surveillait un navire tanzanien censé transporter des marchandises humanitaires, mais soupçonné d’être chargé d’armes. Il était escorté par « trois navires de guerre turcs assez lourdement armés », selon le président de la commission des Affaires étrangères du Sénat, Christian Cambon.

Lors de l’audition, ce dernier a demandé à l’ambassadeur turc des explications sur cet incident. « Le navire Oruçreis n’a pas éclairé le Courbet, il l’a seulement désigné pour surveiller les manœuvres », explique Ismaïl Hakki Musa. Dans la version du gouvernement turc, la frégate française aurait mené des « manœuvres agressives », à « une vitesse extrêmement élevée », faisant une « queue de poisson » à Oruçreis. « Quand on vous fait une queue de poisson, vous êtes plutôt énervé, et cela risque de provoquer un incident », affirme-t-il pour justifier les signaux lumineux de la frégate turque.

Les échanges se tendent encore un peu plus concernant la cargaison tanzanienne. D’après Ismaïl Hakki Musa, le bateau aurait été interrogé trois fois en moins de 24h par des navires grec, italien et français, faisant partie de l’opération de l’OTAN. « Ils considèrent cela comme une anomalie et font appel aux forces maritimes pour ne pas avoir de difficultés », explique-t-il. « C’est peut-être parce qu’on a un doute sur ce qu’il y a dans le bateau », répond Christian Cambon. Les versions divergent, les deux points de vue sont irréconciliables, chacun s’appuyant sur un avis ou une expertise de l’OTAN.

La situation reste bloquée. Quelques heures après l’audition, le ministère des Armées annonce le retrait temporaire de la France de l’opération de sécurité maritime de l’OTAN, dans le cadre de laquelle l’incident du Courbet a eu lieu. Il indique attendre « l’obtention de réponses à des demandes » concernant les tensions avec Ankara.

« Quand certains pays soutiennent Haftar, autrefois terroriste […] ils ne jouent pas un jeu dangereux ? »

Pour l’ambassadeur de Turquie : Haftar est un « ancien terroriste » qui commet des « atrocités »
 

Malgré ce premier échange tendu, tous les sujets explosifs n’ont pas été abordés. Lors de son propos liminaire, Ismaïl Hakki Musa revient sur l’échange par médias interposés qui a eu lieu quelques jours auparavant entre Emmanuel Macron et le ministre turc des Affaires étrangères. Le 22 juin, le président français avait en effet déclaré que la Turquie jouait à un « jeu dangereux » en soutenant militairement le GNA. Le lendemain, le ministère turc des Affaires étrangères rétorquait qu’en réalité, c’était la France qui jouait à un « jeu dangereux », en soutenant des « acteurs illégitimes », faisant ici référence aux forces du maréchal Khalifa Haftar.

C’est la même rhétorique qui est employée par l’ambassadeur de Turquie devant les sénateurs. « Quand certains pays soutiennent Haftar, autrefois terroriste […] on ne joue pas un jeu dangereux, mais quand on soutient le gouvernement légitime, là on joue un jeu dangereux ? », demande-t-il. Il ne mentionne pas directement la France, mais l’accusation est aisément comprise par les membres de la commission.

Ismaïl Hakki Musa dénonce ensuite le comportement de la France dans la situation libyenne sans mâcher ses mots. « Atrocités », « fosses communes », sa description des actes des forces du maréchal Haftar sont sans équivoque. « J’aimerais bien voir la presse française en faire état. […] Haftar, ce n’est pas un ange », regrette-t-il.
Il fait ici référence aux huit « charniers » découverts dans la ville de Tarhouna après le départ des forces d’Haftar, le 5 juin. Cette découverte a horrifié l’ONU et la communauté internationale. Elle fait actuellement l’objet d’enquêtes, afin de déterminer l’origine de ces « fosses communes ».

D’une durée de deux heures, cette audition sous haute tension a été l’occasion d’aborder d’autres sujets brûlants, comme les frictions entre la Grèce et la Turquie au sujet de Chypre et les attaques envers les populations kurdes.

Publié le : 01/07/2020 

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