Vietnam / 110e Anniversaire de la naissance du Général Giap – le héros de la bataille de Dien Bien Phu

       A l’occasion du 110e Anniversaire de la naissance du Général Giap (25/8/1911 -25/8/2021) – le héros de la bataille de Dien Bien Phu

67 ans se sont passés depuis la victoire mémorable de Dien Bien Phu, et les répercussions de cette bataille n’ont pas encore fini de se faire sentir. Les discussions passionnées qu’elle soulève ne sont pas closes. Comment se fait-il que l’Armée populaire vietnamiennes, issue d’un peuple essentiellement paysan, équipée au départ de faoon rudimentaire, était arrivée à battre une armée moderne, aguerrie, non plus au cours de petites embuscades, d’engagements minimes, mais sur un champs de bataille moderne, au cours d’une campagne de longue durée, nécessitant la coordination entre diverses armes ? Y-a-t-il eu erreurdu Haut Commandement français ou, en d’autres termes, quelle a été la part des responsabilités personnelles des protagonistes, et celle des nécessités historiques qui devaient conduire le Corps expéditionnaire français à la défaite? A toutes ces questions, nulle réponse, nul commentaire ne saurait avoir le poids d’un exposé des évènements fait par le personnage principal du drame, le général Vo Nguyen Giap, alors commandant en chef de l’Armée populaire vietnamienne, surtout quand cet exposé analyse avec clarté et profondeur la stratégie qui a été mise en œuvre, et jette une lumière des plus vives sur tous les facteurs militaires, politiques qui ont concouru à la victoire.

 

INTERVIEW ACCORDEE A L’HEBDOMADAIRE “LA REVOLUTION EN AFRIQUE ” A L’OCCASION

DE LA VICTOIRE DE DIEN BIEN PHU (Mai 1963)

Le général Vo Nguyên Giap (en veste noire) organise les opérations militaires lors de la bataille de Diên Biên Phu.


Question : Général, d’après vous quel est le facteur le plus décisif de la victoire de Dien Bien Phu ?

Réponse : La bataille de Dien Bien Phu est la plus grande des victoires de notre peuple et de notre armée populaire dans la lutte pour leur libération contre les impérialistes français et les interventionnistes américains.

Parmi les facteurs qui ont décidé de cette victoire historique, il faut distinguer les facteurs stratégiques et des facteurs tactiques.

Je veux dire avec force que le facteur le plus important et le plus décisif de la victoire historique de Dien Bien Phu fut la détermination inébranlable, la combativité et le courage de notre peuple et de notre armée qui ont répondu à l’appel du Parti et du Président Ho Chi Minh en concentrant résolument toutes leurs forces pour exterminer totalement un ennemi bien entraîné à l’intérieur du camp retranché de Dien Bien Phu.

L’autre facteur fondamental qui a décidé de la victoire de Dien Bien Phu fut celui-là même qui a mené notre lutte, longue et difficile, pour la libération nationale à la victoire finale, à savoir la justesse de la ligne politique et militaire du Parti des Travailleurs vietnamiens. C’est le Parti qui a réuni notre peuple tout entier au sein d’un front national unifié, qui a créé et instruit notre armée populaire, qui a dirigé avec talent la guerre populaire contre l’agression impérialiste, qui a énoncé le mot d’ordre “conquérir l’indépendance nationale, donner la terre à ceux qui la cultivent et progresser vers le socialisme”.

Un autre facteur important fut l’approbation et le soutien ardent des peuples du monde entier épris de paix et de liberté, surtout ceux des pays socialistes, du peuple français et des peuples des colonies françaises. Ce soutien nous donne beaucoup de courage.

Q : Quel a été le rôle de la population à l’arrière dans les préparatifs et l’exécution de la campagne de Dien Bien Phu ?

R : La noble résistance du peuple vietnamien contre les colonialistes français et les interventionnistes américains, dont le sommet est Dien Bien Phu, a pour caractères essentiels d’être une guerre populaire, une guerre totale, une guerre juste.

La contribution en hommes et en matériel du peuple vietnamien aux neuf années de sa résistance n’a jamais été aussi importante qu’au cours de l’hiver-printemps 1953-1954, c’est-à-dire pendant les préparatifs et l’exécution de la campagne de Dien Bien Phu.

Avec pour mot d’ordre “tout pour le front et tout pour la victoire” et avec la joie d’être devenus propriétaires des terres qu’ils cultivent, des dizaines des milliers de jeunes gens, des paysans pour la plupart, se sont enrôlés dans les équipes de dân công qui ont franchi des milliers de kilomètres pour assurer le transport des vivres et des munition, pour réparer les routes et soigner les blessés. La population a fourni volontairement des milliers de tonnes de riz et vivres pour nourrir nos soldats, sans compter les moyens de transport, véhicules et embarcations.

A l’arrière des lignes ennemies, dans les villes occupées, la population a mis tout son cœur à fournir le riz et à faire la collecte d’articles nécessaires au front.

C’est grâce au sacrifice et au courage sans borne de la population de l’arrière qui a servi le front de tout son cœur que nous avons pu nous ravitailler en vivre et munitions. L’ennemi pensait que nous en serions incapables tant ce problème était difficile à résoudre. Nous y sommes parvenus sur le front de Dien Bien Phu comme sur les autres fronts de moindre importance en établissant de gigantesques files de transporteurs qui ont acheminé leurs charges de provisions sous le pilonnage incessant des avions français et américains. La contribution de la population de l’arrière est immense.

Q : Est-il vrai que les Etats-Unis aient apporté une aide importante au Corps expéditionnaire français pour la campagne de Dien Bien Phu ?

R : Dès les premières années de notre résistance, les impérialistes américains, en liaison étroite avec les colonialistes français, leur ont fourni armes, munitions, avions et navires de guerre pour massacrer le peuple vietnamien.

Après avoir été chassé de Chine et après avoir lamentablement échoué en Corée l’impérialisme américain s’ingère profondément dans les affaires du Vietnam en profitant des difficultés que rencontrent les français en Indochine pour les en chasser. La vérité, c’est que ce sont les américains qui, depuis 1953, tirent les ficelles de la guerre d’Indochine, le plan Navarre en est la preuve.

Depuis, 1951, l’aide américaine et leurs contributions en armes et en munitions n’ont cessé d’augmenter.

L’aide américaine est passée de 119 millions de dollars en 1951 à près de 800 millions de dollars en 1954.

Les quantités d’armes américaines acheminées chaque mois en Indochine sont passées, en moyenne, de 6000 tonnes en 1951, à plus de 20.000 en 1953 et à près de 100.000 en 1954 au moment de la campagne de Dien Bien Phu.

Dès que les colonialistes français ont commencé à parachuter du matériel sur Dien Bien Phu et y construire leur camp retranché, en novembre 1953, les impérialistes américains ont établi des ponts aériens pour les ravitailler en armes et vivres. Le porte-avion de leur 7e flotte s’est introduit dans le golfe du Bac Bo (Tonkin), ils ont envoyé leurs pilotes et leurs avions massacrer le peuple vietnamien sous les couleurs de la France.

La vérité, c’est que pour les colonialistes français, la guerre d’agression au Vietnam, particulièrement la campagne de Dien Bien Phu, est une sale guerre pour laquelle leurs soldats et leurs mercenaires ont versé tant de sang, une sale guerre payée avec les dollars américains et nourrie de leurs bombes.

Q : Quelles sont les principales conclusions que nous pouvons tirer du succès de Dien Bien Phu ?

R : Des leçons que nous ont enseignées la lutte de peuple vietnamien pour sa libération, et plus particulièrement la victoire de Dien Bien Phu, je pense que nous pouvons tirer les conclusions suivantes :

  1. a) La victoire de Dien Bien Phu n’est pas seulement une grande victoire du peuple vietnamien mais aussi celle de l’humanité progressiste, de tous les peuples en lutte contre le néocolonialisme, d’une manière ou d’une autre, pour leur indépendance et pour leur liberté. C’est la victoire du socialisme, de la démocratie et de la paix dans le monde.

Cette victoire a fait la preuve que dans le contexte actuel à l’échelle du monde, un peuple, même petit et faible, qui a une ligne politique juste, qui est uni et résolu dans sa lutte pour l’indépendance et la démocratie contre l’impérialisme et le néo-colonialisme et qui bénéficie du soutien et de l’approbation des peuples du monde, est certain de remporter la victoire finale.

  1. b) Dans leur lutte pour la liberté, face aux violences et aux agressions des impérialistes et colonialistes, les peuples opprimés n’ont pas d’autre issue que la guerre politique et militaire. La lutte politique et militaire du peuple, la guerre du peuple, de l’armée du peuple, du front national unifié de tout le peuple, telle est la seule issue qui puisse leur donner la victoire et la vie.
  2. c) Comme nous le savons, à la Conférence de Genève de 1954, Dien Bien Phu a ouvert la voie au rétablissement de la paix en Indochine et à la reconnaissance de la souveraineté, de l’indépendance, de l’unification et de l’intégralité territoriales du Vietnam, du Laos et du Cambodge.

Nous pouvons donc en conclure que toutes nos négociations doivent se fonder sur la lutte résolue de notre peuple, quelle que soit la forme qu’elle revêt, contre les complots sournois et malveillants des impérialistes qui n’abandonneront leurs privilèges et ne reconnaitront nos droits légitimes qu’au prix d’une amplification incessante de l’énergie que notre peuple consacre à sa lutte.

Une autre conclusion est que la longue résistance, courageuse et difficile, du peuple vietnamien, et particulièrement la grande bataille victorieuse de Dien Bien Phu, n’est pas seulement la lutte d’un peuple pour son indépendance nationale mais aussi pour la paix au Vietnam et en Asie du Sud-Est, une paix que les impérialistes américains cherchent par tous les moyens à saboter au Sud Vietnam comme au Laos.

  1. d) Une autre conclusion importante touche de très près le peuple vietnamien. S’il a été capable par le passé, en particulier à Dien Bien Phu, de vaincre les impérialistes américains et français, il est certain aujourd’hui que sa juste et courageuse lutte pour la libération du Sud contre l’agression non déclarée et barbare des impérialistes et de leurs valets, pour difficile qu’elle soit, conduira finalement à la victoire. La libération du Sud et l’unification de la nation et du peuple vietnamiens connaitront certainement la victoire.
  2. e) Les impérialistes américains font la preuve de leur barbarie et de leur brutalité à l’égard du peuple vietnamien par les complots agressifs et ouvertement interventionnistes qu’ils ourdissent contre lui. Sous le masque de gendarme de la planète qu’ils se plaisent à porter ils sont l’ennemi le et le plus dangereux des peuples du monde entier et de leur mouvement de libération nationale.

Nous sommes convaincus que partout dans le monde, en Asie, en Afrique et en Amérique latine, les complots fallacieux et malveillants que tissent les impérialistes, avec à leur tête les Américains, pour asservir les nations se solderont par une défaite. Dans leur lutte pour la liberté les peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine remporteront une glorieuse victoire.

Q : Général, pourriez-vous, pour terminer, adresser quelques mots aux lecteurs de la revue La Révolution en Afrique, un hebdomadaire qui apporte un soutien sans réserve à la lutte des peuples africains pour leur libération.

R : Je tiens à adresser aux lecteurs de la revue “La Révolution en Afrique”, ainsi qu’à tous mes amis africains, mes salutations les plus chaleureuses, solidaires, fraternelles et résolument déterminées à vaincre le colonialisme sous toutes ses formes, mes vœux les plus sincères pour l’indépendance et la liberté des peuples d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, pour qu’une paix véritable règne dans le monde, une paix dans l’indépendance nationale, la liberté et le bonheur.

Les peuples d’Afrique considèrent souvent noc victoires, particulièrement celle de Dien Bien Phu, comme les leur. Je tiens à leur exprimer les remerciements sincères et émus de notre peuple pour le soutien dévoué qu’ils ont donné, hier comme aujourd’hui, à sa résistance pour le salut national, à l’œuvre d’édification du socialisme du Nord du Vietnam et à sa lutte pour la libération du Sud.

Je vous adresse mes souhaits les plus ardents pour le succès de votre lutte pour une Afrique libre des jougs impérialiste et colonialiste, quelle que soit la forme, ancienne ou nouvelle, qu’ils revêtent.


 

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