FNTP 2018 : Premier cas de censure au Théâtre algérien depuis l’indépendance

Au deuxième jour de la 13e édition du FNTP, la manifestation a été ternie par le premier cas de censure au Théâtre algérien depuis l’indépendance.

Cette gravissime atteinte à la liberté d’expression et de création a frappé El Mina, mise en scène par Chawki Bouzid, sur un texte de Rachdi Redouane, pour le compte du tout nouveau théâtre de Biskra. Sollicité par El Watan, Mohamed Yahiaoui, le commissaire du festival, explique : «C’est une affaire qui concerne le théâtre de Biskra.

Nous avons reprogrammé le spectacle pour jeudi à 15h, parce que les décors du spectacle n’ont pas été acheminés d’Alger.» La veille déjà, Chawki Bouzid, qui a fait le déplacement d’Alger avec ses comédiens, à leurs frais, s’inquiétait au non-acheminement des décors et des costumes. Faute de ces derniers, l’équipe se proposait de jouer en scène nue et sans costumes.

Ce que le directeur du TR Biskra n’a pas vu d’un bon œil et l’a amené à adresser un fax au festival pour supprimer de la programmation d’El Mina. Le bruit a couru, au grand émoi des festivaliers, qu’une commission visionnerait le spectacle pour juger de sa censure ou pas. «Ce sont des spéculations. Rien de tel n’a été envisagé», dément Yahiaoui.

Ce qui a choqué, c’est qu’il s’agit de la première création du théâtre de Biskra, censurée par son directeur himself, après que la générale du spectacle a été donnée «à la satisfaction de tous», assure Chawki Bouzid dans un point de presse improvisé au Tantonville. Voilà une affaire qui contredit le discours du ministre lors de la cérémonie d’ouverture et dans lequel il a tenu des propos qu’il voulait rassurants en direction des gens du théâtre.

L’histoire retiendra à ses dépens qu’il aura été le ministre par lequel le théâtre algérien a connu son premier cas de censure. Il ne peut pas ne pas en être comptable. C’est le prix à payer pour des nominations hasardeuses de «responsables» à la tête des institutions culturelles, sans compétences ni en matière de gestion, ni cultivés et surtout prompts à voir la subversion partout. Quelle est la genèse de l’affaire ?

Donnons la parole à Chawki Bouzid en l’absence du directeur du théâtre de Biskra, qui a brillé par son absence à un événement aussi essentiel que le FNTP dans la vie théâtrale : «Aujourd’hui (dimanche), j’apprends que le directeur a adressé un fax au festival pour annuler la programmation de El Mina.

J’en ai été surpris, même si avec le recul cela paraissait inéluctable. Tout d’abord, il a refusé, jeudi dernier, de me verser à moi et aux comédiens la dernière part de nos cachets, un versement qui devait intervenir selon les usages après la générale donnée deux jours auparavant.

Il a exigé des modifications dans la mise en scène. Pas le texte. Pourtant il était présent au montage comme aux répétitions ! Pour rappel, la pièce présente des personnages se mouvant dans une mine d’or et qui ont du mal à en sortir. L’allégorie est claire à un pays riche, mais qui n’arrive pas à voir d’issue pour son avenir.

Il a accusé le spectacle de toucher aux symboles de la nation, parce que le personnage du maire est habillé d’un costume avec des billets de banque floqués dessus. Là, l’allégorie, c’est la corruption. Il a considéré les billets comme un symbole, ce qui est un non-sens.»

– Deux pièces cuisine, un cas de censure passé inaperçu

Deux pièces cuisine, une pièce écrite par Abdelakader Safiri et mise en scène par Ould Abdelkader Kaki, est un spectacle qui a subi une censure passée par pertes et profits pour raison… diplomatique. Très peu de monde en a entendu parler.

A l’époque, on a pensé que l’affaire ne prêtait pas à conséquence. La pièce traite de l’exode rural sur le mode du comique avec rien qui puisse susciter l’ire des censeurs. Sauf qu’à une des réprésentations, l’ambasseur d’URSS d’alors était présent.

Un des personnages, infirmier, est soviétique. Il est présenté sous l’état d’un alcoolique, en référence au cliché alors répandu sur les Russes. L’ambassadeur avait protesté contre l’image véhiculée à propos des siens. Dans les représentions suivantes, il n’y avait plus d’alcoolique sur scène. M. Kali

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