Algérie / Refoulés au Sud et selon le ministère de l’Intérieur : «Les migrants étaient des djihadistes»

Les personnes refoulées, dernièrement, aux frontières sud de l’Algérie «ne sont pas des migrants», a affirmé Hacen Kacimi, directeur au ministère de l’Intérieur chargé du Centre opérationnel du ministère et du dossier de la migration, cité par l’APS. 

La source qualifie d’ «erronés» et de «fallacieux» les éléments d’informations contenus dans des rapports diffusés faisant état d’un refoulement par les autorités algériennes, vers le Niger, de dizaines de personnes, en majorité des Syriens. «D’abord ils les ont présentés comme étant des migrants alors qu’ils ne le sont pas. Pourquoi ne sont-ils pas des migrants ? Tout simplement ce sont des membres de l’armée syrienne libre qui étaient à Alep», précise le responsable, regrettant que certaines organisations de droits de l’Homme reprennent de fausses informations. M Kacimi a réfuté aussi «les accusations selon lesquelles les autorités algériennes auraient refusé à ces personnes qu’elles demandent l’asile». 

«Ces djihadistes, sont arrivés de Turquie. Si vraiment ils étaient menacés dans leur vie, pourquoi n’ont-ils pas demandé le droit d’asile en Turquie ?», s’est interrogé M. Kacimi, qui a noté que ces gens-là ont bénéficié de faux passeports avant d’être transférés, par avion, vers le Soudan et ensuite vers la Mauritanie. Le même responsable pose, également, une série d’interrogations : quel est le migrant qui peut se permettre le luxe de voyager, par tant de capitales et de débourser plus de 200 millions de centimes, pour arriver aux frontières sud de l’Algérie ? Qui finance l’organisation, l’encadrement et la protection de ces djihadistes ? 

La même source a relevé, qu’à partir de la Mauritanie, «ils rentrent vers le Nord du Mali, sous une protection de groupes terroristes qui les ramènent vers Ain Khalil pour les faire rentrer dans le territoire national, par Timiaouine. Et il y a une 2ème route qui passe (par avion) du Soudan vers Bamako où il y a de fortes complicités locales où on les fait remonter vers Agades où ils sont pris charge par des groupes armés pour les faire remonter vers les frontières algériennes». 

M. Kacimi regrette que tous ces éléments d’informations ne soient pas évoqués dans les communiqués de ces organisations. «Si c’étaient vraiment des migrants en détresse et qu’ils avaient besoin de la protection des autorités algériennes, pourquoi, quand ils sont arrivés aux frontières algériennes, ils ne se sont pas adressés aux autorités algériennes qu’ils ont évitées pour échapper au contrôle des autorités publiques», a-t-il souligné, précisant que ces personnes ont été interceptées «en flagrant délit de franchissement illégal des frontières algériennes et elles ont été installées, dans le centre d’accueil de Tamanrasset où ont été confirmés leur origine et leur parcours». 

«Des jeunes de 30 ans», selon le CNDH 

De son côté, le Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), a rendu public, jeudi, un communiqué dans lequel il affirme, citant «plusieurs sources», que les «migrants arabes» en question sont «tous des jeunes dont l’âge moyen est 30 ans». Et que parmi ce groupe figure «3 enfants et une femme qui n’est pas enceinte contrairement à ce qui a été rapporté par certains médias». Le communiqué du CNDH rapporte les mêmes détails que ceux évoqués par M. Kacimi concernant le parcours (Turquie-Soudan-Mauritanie-Mali) de ce groupe de personnes avant d’arriver aux frontières algériennes, en précisant qu’elles ont été prises en charge par des «réseaux de contrebande et de traite des êtres humains». Le communiqué du CNDH précise que dans le groupe, composé surtout de Syriens en provenance d’Alep, figuraient «35 personnes qui étaient membres de l’armée syrienne avant de rejoindre l’armée syrienne libre». «Leur objectif, ajoute le CNDH, était de rejoindre la rive sud de l’Europe, alors que d’autres voulaient s’installer en Algérie». Le CNDH rappelle que «selon les statistiques» quelque «5000 Syriens ont été pris charge (en Algérie, ndlr) pour des raisons strictement humanitaires». 

Le HCR «préoccupé» 

L’autre réaction est venue du Haut Commissariat pour les réfugiés de l’ONU (HCR) qui s’est dit «préoccupé par la sécurité des personnes vulnérables, originaires de Syrie, du Yémen et de Palestine, qui seraient bloquées à la frontière avec le Niger». Dans un communiqué publié, jeudi, le HCR affirme que le groupe est composé d’ «environ 120 Syriens, Palestiniens et Yéménites» qui avaient été «détenus au centre de Tamanrasset avant d’être conduits vers une zone proche du poste-frontière de In Guezzam, le 26 décembre». Cent personnes de ce groupe qui ont été transportées vers la frontière sont «portées disparues». Vingt autres sont «actuellement bloquées dans le désert», près du poste-frontière de In Guezzam, ajoute le document. Selon le communiqué, certaines personnes du groupe sont connues du HCR «comme étant des réfugiés enregistrés» qui ont fui la guerre et les persécutions» ou qui ont signalé avoir tenté d’obtenir une protection internationale en Algérie». 

Le HCR a demandé aux autorités algériennes de pouvoir accéder aux personnes bloquées à la frontière, «répondre aux besoins humanitaires, à identifier les personnes qui ont besoin de protection internationale et à assurer leur sécurité», selon le communiqué. L’Agence onusienne a rappelé que l’Algérie avait ouvert ses portes à environ 50.000 réfugiés syriens et appelé les autorités à «étendre cette hospitalité aux personnes qui en ont besoin». 


L’impératif Sécuritaire

Le dossier des migrants est de nouveau utilisé pour mettre à mal l’Algérie qui, pourtant, a clairement défini sa politique concernant cette question. Le nouvel épisode concerne cette fois-ci des ressortissants arabes, en majorité des Syriens, entrés illégalement en Algérie et qui ont fait l’objet d’expulsion. Si des organisations non gouvernementales crient au loup, Alger a expliqué que cette procédure a été dictée par la nature même de ces personnes, soupçonnées d’être des membres de l’Armée syrienne libre qui étaient à Alep. Devant les accusations des ONG nationales et internationales, le gouvernement a répondu par des impératifs sécuritaires au-dessus de toutes les autres considérations, du moment que la conviction de ses services de renseignements est établie. 

Entrées illégalement en Algérie, une centaine de personnes ont été arrêtées et traduites devant la justice qui a ordonné leur expulsion, a précisé le département de l’Intérieur. La réponse d’Alger ne souffre d’aucune ambiguïté, affirmant que les personnes refoulées dernièrement aux frontières sud du pays ne sont pas des migrants et qualifiant les allégations des rapports diffusés à ce sujet sur la base d’informations d’organisations de droits de l’homme d’«erronés et de fallacieux». 

Alger reproche à ces organisations de diffuser de fausses informations à des fins inavouables et fournit, dans sa réponse, des éléments sécuritaires s’interrogeant sur la trajectoire de ces suspects qui ont déboursé jusqu’à 200 millions de centimes, transitant par plusieurs aéroports, pour arriver aux frontières sud du pays. La situation est à l’urgence, puisqu’on n’évoque pas un mais deux itinéraires pris par ces personnes pour entrer illégalement en Algérie, ce qui suggère la mise en place d’un plan savamment étudié pour infiltrer des éléments djihadistes à l’intérieur du pays. 

Les différents services de sécurité et les forces de l’ANP Alger ont d’ailleurs intercepté, parmi les migrants clandestins arrêtés, d’anciens soldats des pays du Sahel qui ont servi dans des zones de conflit connues pour être les plaques tournantes de tous les trafics et du terrorisme. Alger a confirmé également l’arrivée de migrants qui viennent des zones de combat de pays arabes en conflit, comme la Syrie, la Libye et le Yémen. Les réseaux de passeurs sont encadrés par des groupes armés qui contrôlent ces territoires et font dans l’exfiltration d’anciens combattants, avec des tentatives de remonter sur le territoire algérien, précise-t-on encore. 

Pourtant, ce n’est pas la première fois que le terrorisme international est soupçonné d’infiltrer les réseaux de passeurs et d’investir les circuits classiques de la migration. Une étude de l’université de Warwick, publiée dans le «Journal of Politics», note que si l’immigration ne provoque pas une montée du terrorisme dans les pays d’accueil, les organisations terroristes sont susceptibles de se servir des réseaux migratoires pour recruter des adeptes et diffuser leurs idées. 

Intolérables pressions

L’Algérie fait face une nouvelle fois à de terribles pressions d’ONG de protection des droits de l’homme et du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Un bras de fer est en réalité engagé autour de la question sensible des migrants, cette fois-ci d’origine arabe, que l’Algérie, en toute souveraineté, a expulsés vers le Niger après avoir transité par Tamanrasset. Le débat, que l’Algérie refuse d’engager, se situe au niveau de la nature même de ces «migrants», non enregistrés par le HCR qui a manifesté son inquiétude pour leur sécurité. La Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme a également appelé les autorités algériennes à accorder sinon l’asile à ces migrants d’origine arabe, du moins suspendre leur refoulement. Car si pour le HCR il s’agit de «personnes vulnérables, venant de Syrie, de Palestine et du Yémen», formant un groupe de 120 personnes, pour les autorités algériennes le périple même de ces personnes et leur itinéraire pour arriver aux frontières sud du pays reste suspect. 

Un des responsables des services de la migration au ministère de l’Intérieur n’hésite pas à évoquer de probables franchises terroristes, dont celle de Daech qui tente, après la débâcle en Syrie, de s’implanter au Maghreb, notamment en Algérie. C’est en réalité à ce niveau que se situe la différence entre les récriminations du HCR qui admet que près d’une centaine de ces «réfugiés» ne sont pas enregistrés par ses services, mais qui demande de pouvoir leur rendre visite afin d’évaluer leurs «besoins humanitaires» et «identifier» ceux qui ont besoin de la protection internationale. L’alibi des besoins humanitaires ne semble pas passer pour les autorités algériennes, soucieuses de rendre étanches les frontières terrestres du sud du pays aux mouvements suspects de membres de franchises terroristes fuyant la Syrie, le Yémen, la Libye et qui passent par le Mali et le Niger pour remonter plus au nord du pays. 

Au ministère de l’Intérieur, on estime que ces «réfugiés» arabes pourraient être d’anciens djihadistes venus d’Alep, un des fiefs de Daech et du Front Al-Nosra. Or, le chemin détourné de leur arrivée sur le territoire national par les frontières de l’extrême sud, en dehors des itinéraires classiques, les rend potentiellement suspects et inquiétants. Récemment, les autorités algériennes avaient affirmé que les réfugiés arabes qui arrivent par les voies légales et demandent tout autant par des voies légales l’asile politique ou le statut de réfugiés sont les bienvenus. Mais, pas ceux qui transitent par les frontières sud, par le Mali, le Niger et même la Mauritanie. Les autorités algériennes, qui sont devant un phénomène migratoire nouveau, refusent en fait que cette question soit instrumentalisée par les pays occidentaux à travers les ONG et organisations onusiennes. 

Car ce qui inquiète à Alger, c’est que ces migrants, qui fuient des zones de combat et de conflit en Syrie, au Yémen, ont pris les mêmes routes migratoires que celles des terroristes, avec tous les risques d’infiltration de réseaux djihadistes. Or, les pays de l’Union européenne, ainsi que les Etats-Unis, sont en train de fermer systématiquement leurs frontières devant les nouvelles vagues migratoires, dont celles de ressortissants arabes, et dans le même temps une organisation de l’ONU demande à l’Algérie de faire des efforts pour accueillir ces «réfugiés». Un tel paradoxe n’existerait pas si la question migratoire n’a pas été instrumentalisée par les bailleurs de fonds des ONG de défense des droits de l’homme et les organisations onusiennes. 

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