La sécurité alimentaire repose sur le commerce

Project Syndicate

19.11.2018 ANGEL GURRÍA  JOSÉ GRAZIANO DA SILVA

La production alimentaire subira certains des effets les plus immédiats et les plus brutaux du changement climatique, certaines régions du monde souffrant beaucoup plus que d’autres. Ce n’est que grâce à un commerce mondial sans entraves que nous pourrons garantir que des aliments nutritifs de haute qualité parviennent à ceux qui en ont le plus besoin.

PARIS – De la ferme à la fourchette, la communauté internationale fait face à des défis croissants pour éradiquer la faim et la malnutrition. Et pourtant, si certaines régions du monde sont évidemment mieux dotées que d’autres en termes de climat, de sol, d’eau et de géographie, il y a de quoi se nourrir. Alors, pourquoi l’insécurité alimentaire est-elle un problème pour tant de personnes dans tant de pays?

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Ce qui manque, ce sont des conditions garantissant que des aliments sains et nutritifs puissent atteindre ceux qui en ont besoin. Les pays excédentaires doivent être en mesure de fournir des pays en déficit, et ce d’autant plus que le changement climatique sape les conditions de la production alimentaire dans de nombreuses régions du monde.

En termes simples, pour que tous les ménages aient accès à la quantité, à la qualité et à la variété des aliments nutritifs nécessaires à une vie saine et épanouissante, un commerce ouvert, prévisible, non discriminatoire et équitable. Et cela, à son tour, ne peut être assuré que par les règles mondiales convenues à l’Organisation mondiale du commerce – règles qui ont déjà soutenu une augmentation de 270% du commerce mondial des produits alimentaires et agricoles depuis 1996.

Certes, le système commercial mondial actuel n’est pas exempt de problèmes et certains pays ne respectent pas toujours les règles. En outre, il existe des lacunes importantes en matière de discipline des restrictions à l’exportation (destinées à réduire les incertitudes pour les pays tributaires des importations), ainsi que des subventions et des obstacles au commerce qui faussent le marché. En 2017, ce dernier s’élevait à 330 milliards de dollars dans le monde. Les règles commerciales doivent être mises à jour pour refléter les changements de marché et de politique qui ont eu lieu – en particulier l’importance croissante des économies émergentes – depuis la création de l’OMC en 1995.

Il est essentiel de veiller à ce que les réformes du commerce des produits agricoles soient à l’ordre du jour. Ces réformes devraient s’inscrire dans une stratégie intégrée plus vaste comprenant un éventail d’autres politiques et investissements nationaux (appuyés si nécessaire par une assistance internationale). L’objectif devrait être de faire en sorte que davantage de personnes puissent tirer parti des nouvelles possibilités offertes par l’économie mondiale et d’offrir une aide à ceux qui en ont le plus besoin.

La communauté internationale doit faire trois choses pour tirer parti des avantages du commerce des produits alimentaires et agricoles. Premièrement, les gouvernements devraient aider les agriculteurs (en particulier les exploitants familiaux) à devenir plus efficaces. Cela implique d’investir dans l’infrastructure (y compris numérique) et l’éducation, de faire respecter les droits d’enregistrement foncier et de propriété et de soutenir la recherche pour préserver les ressources rares, lutter contre le changement climatique et améliorer la durabilité et la résistance aux chocs. Chacun est un ingrédient nécessaire pour permettre aux agriculteurs de gagner leur vie décemment. Mais ils pourraient ne pas suffire. Dans de nombreux cas, les gouvernements devront également concevoir des programmes de sécurité alimentaire tels que des régimes d’assurance sociale et des transferts directs destinés aux pauvres.

La deuxième tâche des gouvernements consiste à abandonner les interventions dans le secteur agricole qui perturbent le marché et nuisent à l’environnement. De nombreux gouvernements tentent d’améliorer les revenus des agriculteurs en fixant des prix élevés sur le marché intérieur et en érigeant des barrières commerciales pour empêcher les importations. Mais de telles mesures finissent par faire monter les prix pour les consommateurs, aggraver la pression sur les ressources, miner la biodiversité et contribuer à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Enfin, les gouvernements doivent ancrer ces réformes dans des règles mondiales afin que tout le monde puisse avoir confiance dans le maintien des mesures nationales. Quelle que soit leur forme, les règles internationales devraient être rédigées de manière à encourager et à récompenser les bonnes politiques et les investissements nationaux dans l’agriculture.

L’incapacité de réorienter plus rapidement les politiques agricoles dans la direction indiquée ci-dessus a été coûteuse, tant pour le secteur que pour la communauté internationale. Néanmoins, les mesures importantes prises par les gouvernements pour interdire les subventions à l’exportation montrent que des progrès sont encore possibles.

À l’avenir, la priorité absolue devrait être de s’attaquer aux problèmes en suspens avec tout le monde à la table, en laissant les tabous à la porte. Les décideurs devraient réexaminer le soutien interne à la lumière des conditions actuelles du marché et des politiques. De plus, nous devons améliorer l’accès aux marchés et convaincre les pays de s’engager à mettre en place un régime plus strict pour faire respecter les règles applicables à la concurrence et aux restrictions à l’exportation.1

Eradiquer la faim, mettre fin à l’insécurité alimentaire et assurer la durabilité sont des priorités globales qui appellent une action collective. Nous devons renforcer, et non affaiblir, la coopération internationale. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture et l’OCDE continueront d’appuyer les efforts de l’OMC pour faciliter le commerce des produits alimentaires et agricoles. Et nous intensifierons nos efforts pour aider les pays à adopter les politiques dont ils ont besoin pour assurer une croissance inclusive de la productivité et la sécurité alimentaire pour tous.

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