France / L’absenteïsme dans la fonction publique : un sujet de guerre de l’information ?

Rappel
La France comptait, en 2014, 5,640 Millions de fonctionnaires (y compris emplois aidés). +1,4 million de fonctionnaires de 1980 à 2008 soit une augmentation de 36% alors que l’emploi en France progressait deux fois moins vite (18%). La France compte 80 fonctionnaires pour 1000 habitants alors que nous sommes à 59,40 en Allemagne et 45,30 au Royaume Uni. Le coût moyen pour l’Etat d’un fonctionnaire tout au long de sa vie est estimé à environ 3,5 millions d’euros, selon la Cour des comptes.

Contexte
Dans sa déclaration de politique générale du 03 juillet 2002, le premier ministre Jean-Pierre Raffarin avait le souhait de simplifier nos législations dans un certain nombre de domaines avec notamment un accent sur la paperasserie qui est une source d’ennuis et de tracasseries et qui transforment en bureaucrates les acteurs sociaux et économiques. Sa proposition était de voir une administration qui dote ses fonctionnaires d’un processus orienté vers des tâches qui les passionnent en se consacrant pleinement aux services publics tout en gardant le contact avec le citoyen. Une grande question était soulevée : Comment impliquer les fonctionnaires dans la réussite des réformes qu’ils souhaitent eux-mêmes ?
En 2014, le taux d’absentéisme présentait une courbe négative avec un nombre d’arrêt par agent en augmentation de +12,5%. Ce résultat peut à être lié à une décision pour les fonctionnaires de supprimer un jour de carence pour maladie créé le 1er janvier 2012 est supprimé depuis le 1er janvier 2014. De ce fait, les agents de la fonction publique sont indemnisés pour tout arrêt de travail débutant à compter de cette date. Ce système selon l’AMF (association des maires de France avait permis 165 millions d’euros d’économies sur cette courte période. Ce chiffre n’intègre pas les gains de productivités procurés par cette plus grande assiduité au travail.

  Un absentéisme en progression dans l’administration
8,8% est le chiffre moyen en 2014 du taux d’absentéisme soit une progression de +19% en 7 années. Ce qui signifie qu’une collectivité qui emploie 100 agents titulaires a, en moyenne, constaté sur un an l’absence de 9 ressources pour raison de santé. Une étude réalisée par Sofaris en 2015 démontre que le coût moyen par agent compte tenu de ces résultats sur l’absentéisme est de 1961€ en 2014 soit un coût total ramené à l’ensemble des agents de la fonction publique à plus de 10 milliards. Cette étude met en avant également l’importance des coûts indirects qui représentent un engagement plusieurs fois supérieur à celui des coûts directs. Dans les communes, le chiffre moyen est encore plus fort avec en moyenne un absentéisme de 24,5 jours selon la direction générale des collectivités locales (chiffres 2011) mais pour certaines communes les résultats sont encore plus catastrophiques comme par exemple
L’absentéisme est en moyenne de 24,5 jours par an dans les communes, selon la Direction générale des collectivités locales (chiffres 2011). Certaines communes ont des résultats encore plus catastrophiques comme par exemple la ville de Quimper qui atteint un score de 29,7 jours par an et par agent (six semaines) Si nous ajoutons ces journées à la moyenne des congés et RTT de 38 jours par agent , nous arrivons à un total de 67,7 jours soit 30,7% d’absence ( Base de 220 jours de travail par an).
Les experts évaluent, dans un certain consensus, que 1 % d’absentéisme coûte 1 % de la masse salariale. Rapporté à l’ensemble de la masse salariale des effectifs employés par les communes, l’absentéisme pourrait donc coûter aux contribuables 3,5 milliards d’euros par an pour les seules villes.

Comment expliquer cette situation

Selon les explications apportées, il semble que les objectifs fixés par Mr Jean-Pierre Raffarin en 2002 sont restés sans aucune suite. En effet, Le congé maladie est une forme de protestation, comme l’abstention l’est aux élections politiques, déclare Luc Rouban (chercheur au Cevipof et auteur de La Fonction publique en débat) ou encore selon une déclaration de Philippe Crépel, secrétaire national à la CGT fonction publique qui estime qu’il y a une relation évidente qui fait que lorsque vous êtes bien dans votre boulot, avec 39° de fièvre, vous venez travailler. Si vous avez l’impression d’être un pion, vous restez chez vous. Dans la fonction publique hospitalière et locale, les agents de catégorie C représentent le plus gros des effectifs – respectivement 49 et 77%.
Mme Marylise Lebranchu (ex : Ministre de la fonction Publique et de la décentralisation) reconnaît que l’absentéisme de cette catégorie est sans doute aussi le reflet d’un manque de management fin de ces publics qui ne parlent pas fort. D’autres expliquent également des réformes trop nombreuses et mal préparées, pas assez accompagnées qui suscitent au mieux la désillusion, au pire le désinvestissement. Il faut également souligner la tolérance voir le laxisme dont font preuve certains responsables publics tout en pointant également la faiblesse d’un système ou le chef de service ne peux pas choisir son personnel et ne peut agir sur la modulation des salaires. Là encore, nous pourrions analyser une multitude d’éléments pour expliquer cette situation durable qui ne pourra évoluer que lorsqu’une volonté de réelle maîtrise du phénomène sera décidée. Pour illustrer ce propos, l’exemple de la commune de Strasbourg qui a la suite de la mise en place du « plan de réduction de l’absentéisme » en 1999, où le taux d’absentéisme par agent et passé de 22 jours à 37 jours par an. Nous pouvons également se questionner sur le style de management et l’éthique en place au sein de certaines communes qui octroient des congés supplémentaires aux congés légaux sans aucune base légale, c’est par exemple le cas d’Albi qui offre 7 jours de congés illégaux à ses agents ou Toulouse avec 7 à 10 jours de plus par an. Autre déclaration marquante, celle de Gérard Guillou, secrétaire de la section CFDT : « On sait bien que l’on n’est pas aux 1.607 heures, mais on se battra bec et ongles pour conserver nos acquis car, question paye, ce n’est pas ce que l’on fait de mieux. Une étude réalisée en 2014 par la société Alma explique que le taux d’absentéisme dans le secteur privé est de 4,59%. Ce taux était à 4,04% en 2005. Avec ce résultat de 2014, nous sommes proches d’un rapport de 1 à 2 !

Quelles options possibles ?
La fondation IFARP dans son rapport propose de réintroduire le principe de jours de carence avec éventuellement un maximum de six jours de carence par an pris en charges (hors primes). Cette orientation devrait permettre de faire baisser le taux d’absentéisme avec à la clé, rien que pour les communes, 2 milliards d’euros d’économies. Ce même rapport propose la fin du dogme de l’ancienneté ou encore aujourd’hui l’avancement dans la fonction publique se fait uniquement à l’ancienneté (La France reste l’un des rares pays au monde dans ce cas). Cette mesure devrait favoriser une plus grande valorisation de la performance, de ce fait une plus grande implication et nous pouvons le penser avoir un réel impact sur l’absentéisme par un management plus responsable. Sur le point budgétaire, cette situation coûte par an 1,8 milliards d’euros. Ce changement pourrait également permettre la diminution du nombre de fonctionnaires tout en gardant un service de qualité. Le rapport de l’IFART explique que la réduction de 317000 postes de fonctionnaire devrait permettre une économie de 9,2 milliards.
Le rapport annuel 2015 sur l’état de la fonction publique démontre l’importance de la reconnaissance du travail afin d’agir sur les arrêts maladie pris dans l’année. Ainsi, 49 % des agents ayant eu au moins 3 arrêts maladie dans l’année déclarent ne pas recevoir l’estime et le respect que mérite leur travail, contre 28 % des agents qui n’ont pas été absents pour raisons de santé dans l’année. Il en est de même pour le manque de perspective d’évolution. Une initiative est à signaler avec le Directeur délégué « ressources » du conseil départemental de la Charente (2 000 agents), Florent Farge qui explique qu’un suivi dédié des agents techniques des collèges, avec intervention dès les premiers signes de fatigue, a fait chuter leurs absences de trois points entre 2010 et 2014. Cette initiative est confirmée par les propos de Delphine Leray : « Une véritable politique de lutte contre l’absentéisme relève d’une stratégie de long terme conjuguant prévention et organisation aux doubles temps individuels et collectifs. »
Autre piste, celle de Mr Xavier Bertrand président de la région « Hauts-de-France » qui pose la question suivante : est-ce qu’un agent administratif doit nécessairement bénéficier d’un emploi à vie et du statut ? Que les règles de droit privé s’appliquent à la fonction publique en dehors du cœur régalien ne me pose aucun problème. 
Avec une masse salariale de 278 milliards d’euros, soit 13% du PIB et une augmentation annuelle de +4,5% par an depuis 1990, il sera très intéressant de suivre dans les prochains mois le programme de nos candidats à l’élection présidentielle sur ce sujet à la fois de l’absentéisme au sein de la fonction publique mais également la stratégie d’efficience et de performance de cette même Fonction Publique si nous ne souhaitons pas rester sur un constat qui ne plaide pas en nos capacités de mettre en place des réformes structurelles réelles pour un plein succès lors des prochaines décennies et permettre un financement total de la fonction publique ce qui est loin d’en être le cas aujourd’hui comme le déclare Jacques Attali : « Nos fonctionnaires sont payés à crédit à partir du 15 septembre ».
Nous aurons peut-être dans les prochaines semaines un premier éclairage avec un rapport sur le temps de travail des fonctionnaires qui sera remis à Manuel Valls. Philippe Laurent, maire centriste de Sceaux (Hauts-de-Seine) et président du Conseil supérieur de la fonction publique est en charge de ce rapport.

INFOGUERRE / 14.04.2016

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