Algérie / Selon des économistes, les questions économiques doivent être au centre du futur débat politique

Comment les experts en économie perçoivent l’idée d’organiser une conférence nationale inclusive destinée à sortir le pays de l’impasse politique?  Quelle place accorder aux questions économiques? Sur ces questions, ils convergent au moins sur un point: l’impératif de sortir avec une vision consensuelle à même d’assurer la stabilité politique et un développement économique.

Le Pr Abderrahmane Mebtoul soutient que «la réussite de la conférence proposée par le président de la République doit reposer sur 4 axes : le rassemblement, la refondation de l’Etat, la démocratisation et les réformes. Pour l’économiste, la refondation, par exemple, ne saurait se limiter à une réorganisation technique de l’autorité et des pouvoirs. « Elle passe par une transparence totale et une clarté sans nuance dans la pratique politique et des hommes chargés de la faire, car la gouvernance est une question d’intelligence et de légitimité réelle et non fictive», insiste-t-il. D’où l’importance, ajoute-t-il, «d’une redéfinition du nouveau rôle de l’Etat dans le développement économique et social, et d’une manière claire les relations entre l’Etat et le marché qui doivent procéder d’une démarche pragmatique». Selon lui, «l’Algérie traverse avant tout une crise de gouvernance qui implique d’avoir une vision stratégique de l’Algérie horizon 2020-2030». Le second axe pose, poursuit-il, «fondamentalement la problématique de la moralisation de la société», mettant l’accent sur la nécessité de lutter contre la corruption et le gaspillage.

Pour le professeur en sciences économiques (Université d’Alger 3)  Saâdane Chebaïki, «nous devons d’abord ouvrir un débat sérieux et franc sur tous les malaises dont souffre l’Algérie sur le plan politique, économique et social». L’idée est louable, voire même attendue par plus d’un, souligne-t-il, avant d’ajouter qu’il est temps que les décideurs prennent des décisions salvatrices à même de sortir le pays de la crise. Il leur revient, précise-t-il, de mettre en place des stratégies bien définies basées sur des modèles économiques. La politique de «mi-figue, mi-raisin a démontré ses limites», assène-t-il. Pour appuyer ses dires, il souligne que l’Algérie n’a pas encore fixé son modèle économique. «Nous ne savons pas encore si l’économie du pays est basée sur les principes d’une économie de marché ou d’une économie planifiée». La question économique ne devra, selon  Chebaïki, surtout pas être écartée du débat national mais y prendre une place prépondérante. Les difficultés économiques l’imposent à plus d’un titre, mentionne-t-il, mettant en exergue la crise financière qui secoue de plein fouet l’économie nationale. «La crise est purement financière et non pas économique. Le problème ne réside pas dans le manque de potentialités et d’opportunités. La preuve, d’importantes richesses sont inexploitées. Mais dans le manque de liquidités au niveau des banques». Pour cet expert, il reste beaucoup à faire tant que le pays est toujours sous l’emprise de la rente pétrolière. La transition économique peut-elle se faire en parallèle avec la transition politique ? Sur cette question, l’expert Mourad Goumiri indique que «la transition politique, si elle existe, ne peut que permettre l’expédition des affaires courantes. Elle ne peut, en aucun cas, soutenir une politique économique à moyen et long terme. Au mieux, elle peut atténuer les dérapages et leurs conséquences». Pour donner un élan aux réformes économiques, Goumiri soutient qu’il «faut proposer au peuple un projet complet de réformes structurelles qu’il doit démocratiquement adopter». Pour lui, «elles peuvent se réaliser si toutes les forces économiques et sociales adhèrent à un contrat social démocratiquement négocié en toute connaissance de l’état réel de notre économie». «Il ne sera pas facile de sortir de l’économie de rente et de distribution des subventions, car les habitudes sont ancrées chez la population. Mais c’est un passage obligé pour aller vers un assainissement de notre économie», avertit notre interlocuteur. Le conseiller international dans le domaine de l’investissement, Mohamed Sayoud, plaide pour «le remodelage de la démarche économique et l’impératif de libérer les initiatives et l’acte d’investir», alors que l’expert en finances, M’hamed Hamidouche, note que deux priorités devront être prises en compte. Il cite d’abord la définition du rôle de l’Etat sur tous les plans, notamment en matière d’investissement et de régulation du marché. «Il y a lieu aussi de définir un timing pour accéder à l’économie de marché  et les secteurs stratégiques», renchérit-il. Selon lui, la mise en place d’un modèle économique ne peut se faire sans une assise politique forte et stable.

Wassila Ould Hamouda

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