Déclaration de Belgrade: Ne jamais oublier 1999–2019 (Extraits)

Les participants ont condamné l’agression de l’OTAN à l’unanimité, affirmant qu’il s’agissait essentiellement d’une guerre illégale, envahissante et criminelle contre un pays européen souverain et pacifique, menée sans le mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies et en violation flagrante de la Charte des Nations Unies, du document final de l’OSCE Helsinki (1975) et des principes fondamentaux du droit international. […]

De gauche à droite: Miladin Sevarlic, président de l’association des hôtes serbes, Maria do Socorro Gomes Coelho, présidente du «Conseil mondial de la Paix» (Brésil), Zivadin Jovanovic, président du «Belgrade Forum for the World of Equals», Milomir Miladinovic, président de l’Association des généraux et amiraux de la Serbie, Elena Guskova, membre de l’Académie serbes des sciences et des arts. (photo vk)

Il ne s’agissait ni d’une «petite guerre» ni d’une «intervention humanitaire», mais plutôt d’une guerre d’objectifs géopolitiques sous-jacents pour le déploiement à long terme des troupes américaines dans les Balkans, pour l’établissement de précédents pour de futures agressions et pour la chute de gouvernements légitimes, le tout dans le cadre de la stratégie d’expansion vers l’Est et de l’objectif global de la domination mondiale. L’histoire retiendra qu’en 1999, l’Europe s’est battue à l’interne aveuglément pour des intérêts géopolitiques étrangers.
Aujourd’hui, les Balkans sont plus instables. L’Europe est encore plus divisée. Pour que cette dernière puisse faire marche arrière, il faut un examen de conscience, du courage et une vision, ainsi que l’aveu que l’attaque contre la Serbie (la RFY) en 1999 fut une erreur historique colossale. 
Les commanditaires et les exécuteurs de l’agression devraient être tenus responsables de leurs crimes. L’agression a tué quelque 4000 personnes (dont 79 enfants), tandis que 6500 autres ont été grièvement blessées. Les dommages matériels directs se sont élevés à 100 milliards de dollars. Il a été souligné que l’OTAN et ses membres participant à l’agression avaient le devoir d’indemniser les dommages de guerre causés à la Serbie.
Les participants à la Conférence ont été informés des résultats des analyses scientifiques et des analyses d’experts effectuées jusqu’à présent, qui ont toutes confirmé que l’utilisation de munitions remplies d’uranium appauvri, de graphite, de bombes à fragmentation et d’autres moyens de guerre inflammables et toxiques a entraîné des niveaux élevés de pollution environnementale à long terme et mis fortement en danger les citoyens serbes. Ils ont salué la création d’organes spéciaux de l’Assemblée nationale et du Gouvernement serbe chargés de déterminer les conséquences de l’agression de l’OTAN sur la santé de la population et la sécurité de l’environnement, et ont exprimé leur soutien aux travaux de ces organes. […]
L’agression de l’OTAN contre la Serbie (RFY) était une attaque directe et simultanée contre le système de paix et de sécurité en Europe et dans le monde, qui s’est construite sur le résultat de la Seconde Guerre mondiale. Comme l’ont démontré de manière concluante les interventions ultérieures des Etats-Unis et de leurs alliés (Afghanistan, Irak, Libye, Mali, Syrie, etc.), cette agression a servi de précédent et de modèle pour mondialiser l’interventionnisme, un manuel sur comment utiliser le terrorisme et le séparatisme pour réaliser les plans de conquête des puissances occidentales, afin de faire tomber par la force des régimes «inadaptés» et imposer des intérêts géopolitiques occidentaux, notamment ceux des Etats-Unis. […]
Les participants à la Conférence ont exprimé leur ferme soutien et leur solidarité aux efforts que la Serbie déploie pour remédier aux conséquences graves et durables de l’agression et aux efforts qu’elle déploie pour empêcher la poursuite de cette agression par d’autres moyens. Ils ont explicitement soutenu les efforts déployés par la Serbie pour préserver sa souveraineté, son intégrité territoriale et sa contribution au règlement du statut futur du Kosovo-Metohija, qui sera conforme au droit international et à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Ils ont dénoncé la politique de coercition, les pressions et les mesures unilatérales. […]
Les participants ont condamné toutes les méthodes d’abus des institutions internationales telles que: les Nations Unies, l’OSCE, l’UNESCO, l’OMC et d’autres, exigeant leur amélioration et leur renforcement, et non leur affaiblissement et leur contournement. 
La politique de domination fondée sur la puissance militaire, typique de l’ordre mondial unipolaire, a été rejetée comme inacceptable parce qu’elle était fondée sur les privilèges et l’excellence autoproclamée et non sur l’égalité de tous les pays et nations. La multipolarisation exclut la domination et ouvre la voie à la démocratisation des affaires internationales. La Conférence a lancé un appel à toutes les forces pacifiques du monde pour qu’elles unissent leurs forces dans la lutte pour le respect du droit international fondé sur la Charte des Nations Unies, pour le renforcement du rôle des Nations Unies et des autres organisations internationales universelles.
Les participants à la Conférence ont demandé à l’unanimité de mettre fin d’urgence à une nouvelle course aux armements et à la violation des accords internationaux pertinents. Ils ont également demandé de réorienter les fonds des budgets militaires vers les domaines du développement économique, d’améliorer la qualité de vie des populations et d’éliminer les divergences sociales et développementales. […] Ils ont exigé le plein respect des accords existants et la reprise des négociations sur l’arrêt de la course aux armements, notamment nucléaires. Ils exigent le retrait complet de l’Europe des armes nucléaires tactiques et des moyens de défense antimissile américains compromettant encore davantage la sécurité sur le continent européen. 
[…] La paix, la démocratie et le progrès exigent des changements radicaux dans les relations mondiales, le respect de l’égalité souveraine, la non-ingérence et le multiculturalisme. La stabilité, la paix et le progrès inclusif exigent le respect des intérêts communs, le partenariat et l’exclusion de tout égoïsme, protectionnisme et privilège. La politique de confrontation, d’interventionnisme et d’ingérence dans les affaires intérieures, déclenchée par le complexe militaro-industriel et le grand capital financier, doit céder la place au dialogue, au partenariat, au respect des normes fondamentales du droit international et de l’ordre international fondés sur les intérêts communs et le respect mutuel.
Les participants à la Conférence se sont engagés à trouver une solution politique pacifique à tous les problèmes internationaux, dans le respect des principes du droit international, de la Charte des Nations Unies et des décisions du Conseil de sécurité.
Belgrade, 23 mars 2019

Source: www.beoforum.rs/en/nato-agression-belgrade-forum-for-the-world-of-equals/621-never-to-forget-1999-2019-belgrade-declaration.html  

(Traduction Horizons et débats)

«Nous avons besoin de la paix, nous devons nous unir et porter cela dans nos cœurs»

Extraits des interventions tenues à la Conférence de Belgrade

par Eva-Maria Föllmer-Müller

Irinej Bulovic, évêque de l’éparchie orthodoxe serbe Backa à Novi Sad, a déclaré dans son discours que les conflits devraient être résolus par des moyens pacifiques. L’Eglise orthodoxe serbe rappelle toujours la guerre dans ses prières et ses sermons. Aujourd’hui, le peuple serbe a beaucoup d’amis. Le processus de paix se poursuivra encore longtemps, parce que nous vivons dans une période post-orwellienne. A la fin de son discours, il a béni la conférence.
Pyotr Olegovich Tolstoï, vice-président de la Douma d’Etat russe, a pris la parole au nom du Parlement russe et a souligné les liens historiques entre les peuples russe et serbe. Les deux peuples devraient apprendre des guerres. Il avait lui-même été journaliste à la radio russe pendant la guerre en Yougoslavie et en avait rendu compte. Cette guerre n’était pas un cas isolé. Avec une indignation évidente, il a condamné les deux poids, deux mesures de la «communauté de valeurs» occidentale. Il a exigé que tous les vrais criminels de guerre soient traduits en justice. Sans reconnaissance de ce qui a été perpétré, il n’y aurait pas de pardon. 
Mihailo Misa Gavrilovic vit dans la diaspora serbe à Londres. Il a parlé de ce qui est arrivé aux Serbes de la diaspora dans les pays de l’OTAN pendant la guerre. La propagande contre la Serbie avait déjà commencé 10 ans plus tôt. A toute occasion, ils s’opposèrent à la propagande. Lui-même s’est exprimé environ 800 fois à la radio et à la télévision entre 1991 et 1999. 
Le chef de l’Eglise orthodoxe du Monténégro, le métropolite Amfilohije Radovic, a déclaré que la conférence avait touché le cœur de l’Europe et du monde en exigeant la paix et la prospérité au lieu de la guerre et de la pauvreté. Il était très heureux des nombreux participants venus de l’étranger. Pendant la guerre, il se trouvait dans la région de Pec, il savait exactement ce qui se passait. La guerre était la continuation des croisades, des guerres napoléoniennes, de l’ère nazie. L’idéologie totalitaire vint d’abord de l’Est et maintenant de l’Ouest. De nos jours, c’est l’intérêt égoïste qui gouverne le monde. «Nous avons besoin de la paix, nous devons nous unir, nous devons porter cela dans nos cœurs.» 
Aleksandar Vulin, l’actuel ministre serbe de la Défense, s’est exprimé clairement: pendant plus de 12 ans, il était interdit de parler d’agression de l’OTAN. Jamais dans l’histoire une puissance aussi supérieure n’a été utilisée contre un si petit pays. Il est choquant de constater comment les enfants et les civils tués ont été considérés, décrits et réduits à des dommages collatéraux. Il s’est réjoui de la présence des nombreux invités étrangers. Ces derniers doivent aussi transmettre les informations. «En 1999, à l’une des heures les plus sombres, lorsque nous avons été attaqués par nos anciens alliés, lorsque le monde entier est resté silencieux, vous nous avez redonné l’espoir.» Il a clairement refusé d’adhérer à l’OTAN: «La Serbie ne rejoindra jamais l’OTAN!» Et de continuer: «Nous ne ferons pas à d’autres ce qui nous a été fait. Ce que nous voulons, c’est la paix, la justice, le droit et la liberté.»


ISBN 978-86-915585-4-3
«Exposition sur les souffrances du peuple serbe lors de l’agression de l’OTAN en 1999, qui commémore des milliers de victimes. Les photos illustrent la destruction des maisons, des ponts, des routes, des usines. Une attention particulière est accordée à la catastrophe environnementale, à l’écocide et aux munitions remplies d’uranium appauvri, continuant à tuer à l’heure actuelle – et continueront à tuer pendant de nombreuses années encore. Il y a d’innombrables photos du désespoir des Serbes en 1999.» Milen Culic

Vladislav Jovanovic, ancien ministre des Affaires étrangères de Yougoslavie et ancien Représentant permanent de la République fédérale de Yougoslavie auprès des Nations Unies, a déclaré: «Fin 1991, l’ambassadeur Warren Zimmermann m’a demandé de le rencontrer et a déclaré que les Etats-Unis étaient prêts à bombarder la Serbie et Belgrade, s’il se développe un sérieux conflit au Kosovo pouvant être imputé à la Serbie. Puis, je lui ai demandé: ‹Est-ce un ultimatum?› Et il a répondu: ‹Oui, c’est un ultimatum.›» C’est ce que Zimmermann a dit en privé. «A l’époque, j’étais ministre des Affaires étrangères, et il voulait me rencontrer dans mon bureau. Il fut très bref, tranchant, presque grossier. Ce n’était pas le langage utilisé en diplomatie. C’était toujours poli, mais très dur. Je lui ai rappelé que la Serbie avait une longue histoire d’ultimatums, compte tenu de l’ultimatum hongrois et d’autres dans notre histoire. Ce fut la fin de notre conversation. Il ne voulait pas collaborer. Puis, je lui ai dit que j’en informerai le président Milosevic. Et peut-être un ou deux mois plus tard, il fut remplacé. Le Secrétariat d’Etat n’était pas satisfait de l’ambassadeur – il était le seul ambassadeur américain en Europe de l’Est n’ayant pas réussi à éliminer le gouvernement. De ce fait, il décida de quitter le Secrétariat d’Etat – ou il fut simplement licencié – et devint professeur à l’Université Columbia. Sinon, c’était un homme gentil, assez poli, très instruit, je l’ai rencontré maintes fois. Il avait obtenu cette mission. C’était nullement étonnant pour moi, car 10 ans plus tôt, la politique américaine n’avait déjà pas été très amicale envers la Serbie.»
Srdan Aleksic, avocat, et Velimir Nedeljkovic, tous les deux de Nis, ont attiré l’attention sur les conséquences de la contamination de la Serbie par la massive utilisation de munitions à l’uranium appauvri, entraînant une augmentation significative des taux de cancer dans les zones touchées. L’OTAN elle-même a admis avoir utilisé des munitions à l’uranium appauvri. Jusqu’à présent, 18 000 personnes sont mortes. Les tribunaux italiens ont accepté les demandes de dommages-intérêts déposées par les proches des 7600 soldats ayant été en mission dans la région à l’époque, dont 450 sont déjà morts du cancer. La Serbie doit également exiger cela. Un groupe international d’avocats prépare donc la déposition d’une plainte contre les pays de l’OTAN. Une interdiction internationale des armes à l’uranium appauvri doit être exigée, entre autres, en raison de la contamination de l’environnement.    •


Le célèbre écrivain autrichien Peter Handke s’est vu décerner la «Charte du courage» lors de la conférence par le président du Forum de Belgrade, Zivadin Jovanovic, en reconnaissance de son courage intellectuel dans la défense de la vérité et de la justice à l’époque où la cupidité et les mensonges dominaient la Serbie.


Délégations présentes à la Conférence

Afrique du Sud                                      Irlande
AllemagneIsraël
AutricheItalie
BelgiqueJapon
BiélorussieLettonie
BrésilLiban
BulgarieMonténégro
CanadaNépal
ChyprePalestine
CroatiePortugal
Etats-UnisRoumanie
FranceRussie
Grande-BretagneSuisse
GrèceUkraine
IndeVenezuela
Iran


Sanja – un message de bienvenue adressé à la Conférence

La guerre d’agression sans précédent menée par les troupes de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie a un visage. C’est le visage de Sanja qui fut, à l’âge de quinze ans, arrachée à une vie prometteuse. Depuis six mois, elle était élève de l’internat d’élite pour mathématiques de Belgrade. Elle avait obtenu cette place comme la deuxième meilleure mathématicienne de sa classe d’âge. Elle était un grand espoir pour son pays, peut-être un digne successeur de Nikola Tesla. Elle fut tuée par des avions de combat de l’OTAN sur le pont de sa ville natale de Varvarin, tout comme d’autres, dans une attaque terroriste typique pour l’OTAN. Typique parce que le modèle correspondait à ce dont le monde avait dû prendre connaissance lors de l’attaque contre l’ambassade de la République populaire de Chine à Belgrade. Là aussi, il s’agissait pour les Etats-Unis de poursuivre la choquante guerre d’agression contre la République fédérale de Yougoslavie. 
Il y a encore un autre visage de cette guerre. Celui du porte-parole de l’OTAN, Jamie Shea. Rarement un si petit nombre de personnes a menti à autant de gens avec d’aussi énormes conséquences comme cela fut le cas de la part de l’OTAN et des responsables politiques occidentaux dont Tony Blair, Josef Fischer et Madeleine Albright. L’esprit malsain avec lequel un pays a été agressé en temps de paix existe encore de nos jours. On ne peut évaluer autrement le fait que Christoph Heusgen, actuel conseiller en politique étrangère de la Chancelière allemande, ait récemment célébré Jamie Shea à Berlin de manière grandiloquente. 
Nous devons être conscients des dimensions de cette guerre, aujourd’hui comme à l’époque. Cela peut être illustré par le refus d’un général britannique d’exécuter les ordres du commandant en chef de l’OTAN Wesley Clark lui demandant de lancer la prochaine guerre mondiale par une intervention contre les forces armées russes. C’est de quoi il s’agit quand on prend en compte la dimension des agressions de l’OTAN jusqu’aujourd’hui. La choquante attaque contre la République fédérale de Yougoslavie fut le coup d’envoi pour la «guerre initiant cette guerre d’agression». Ceux pour qui la Cour pénale internationale de La Haye avait été réellement prévue n’ont toujours pas pris place sur le banc des accusés. 

Willy Wimmer, ancien secrétaire d’Etat au ministère de la Défense,
vice-président de l’Assemblée parlementaire de l’OSCE de 1994 à 2000,
Membre du Bundestag allemand de 1976 à 2009

«Arrêtez la confrontation, commencez à dialoguer!»

Affiche d’invitation à la conférence de Belgrade

Succès de la Conférence de Belgrade intitulée «Ne jamais oublier: favoriser la paix et la prospérité au lieu de la guerre et la pauvreté»

Interview avec Zivadin Jovanovic, président du «Forum de Belgrade pour un monde d’égaux»*

A l’occasion du 20e anniversaire de l’agression de l’OTAN contre la Serbie (République fédérale Yougoslavie RFY) eut lieu à Belgrade les 22 et 23 mars 2019 une conférence internationale intitulée «Ne jamais oublier: favoriser la paix et la prospérité au lieu de la guerre et la pauvreté». Les organisateurs du colloque furent le «Forum de Belgrade pour un monde d’égaux» [«Belgrade Forum for the World of Equals»], la «Fédération serbe des associations de vétérans de la guerre de libération nationale», la «Fédération des généraux et amiraux serbes», donc une association d’hôtes serbes en collaboration avec le «Conseil mondial de la Paix». Outre les participants serbes, plus de 200 invités de haut niveau, représentant une trentaine de pays du monde entier, y ont participé. Les organisateurs ont salué les participants et les ont cordialement remerciés pour leur solidarité, leur soutien et la grande aide humanitaire dans une des plus difficiles périodes de l’histoire récente de la Serbie. 
Les deux jours furent bien remplis avec 78 interventions. Une exposition de photos dramatitques illustrait la souffrance de la population serbe pendant la guerre d’agression de l’OTAN de 1999.
Le congrès a honoré et rendu hommage au personnel militaire et policier ayant fait de très grands sacrifices lors de la défense du pays, et aux victimes civiles ayant perdu leur vie pendant cette guerre dont la durée fut de 78 jours.

Horizons et débats: Le congrès que vous avez organisé avec de nombreux invités du monde entier vient de prendre fin. Quelles sont vos impressions et vos conclusions après ces trois jours?

Zivadin Jovanovic: Je pense que cette conférence a été un grand succès, concernant les participants, le contenu et les conclusions. Concernant les participants, nous avons eu 200 invités d’environ 30 pays, de tous les continents, sauf l’Australie. Tous sont unis dans l’aspiration de la paix, de la solidarité et d’un développement pacifique. Il y avait des écrivains, des scientifiques, quelques politiques, des diplomates, des analystes stratégiques, tous des personnalités connues dans leurs pays respectifs. Ils sont venus à l’occasion de la 20e commémoration de la guerre d’agression de l’OTAN contre la République fédérale Yougoslavie – une attaque en violation du droit international – pour commémorer des victimes et pour nous rappeler les destructions, la cruauté et l’arrogance de l’unique alliance militaire, qu’est OTAN. Ce sont tous des amis de la Serbie ayant fait preuve de leur solidarité et de leur appui pendant les trois décennies de processus et d’évolutions turbulentes dans les Balkans. Nous avons également tenté de développer une vision de la paix en Europe et dans le monde, une vision d’un développement incluant tous les peuples et tous les pays. Je pense que nous pouvons être contents du contenu de la déclaration finale (cf. page 2) et je pense qu’elle trouvera un bon accueil …

Monsieur Jovanovic, vous venez de donner le signal de départ pour le marathon vers le mont Athos. Pouvez-vous nous donner quelques détails? Car cette course est un élément du congrès.

C’est une manifestation traditionnelle des athlètes. Des athlètes serbes avaient pris l’initiative, mais des athlètes des pays voisins y participent également. Ainsi, c’est un marathon commémoratif international. Chaque année, ils partent dans une autre direction pour répandre le message suivant: l’agression de l’OTAN de 1999 ne doit plus jamais se répéter et elle ne doit jamais tomber dans l’oubli. Notamment parce qu’à l’heure actuelle, il y a effectivement une grande instabilité, dans les Balkans et dans une grande partie de l’Europe. Nous devons donc être vigilants, car il n’y a pas de garantie automatique pour la paix, la stabilité et le développement. Il faut toujours y travailler pour les conserver. Ce marathon porte le message de la raison et de la sagesse. Chaque jour, ils courent 100 km. Mais ils s’arrêtent à chaque monument historique pour rendre hommage aux victimes, pas seulement aux victimes de l’agression de l’OTAN, mais également aux victimes de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. Le long du trajet qu’ils parcourront aujourd’hui et demain, il y a malheureusement un grand nombre de ces monuments.

C’est impressionnant et touchant – et malheureusement de grande actualité.

Nous devons nous rendre compte des risques auxquels nous sommes confrontés actuellement, suite à la méfiance grandissante, les confrontations mondiales et la nouvelle course à l’armement. D’énormes moyens financiers sont investis dans la préparation de la guerre, alors que le développement et la vie sociale des populations sont négligés. Nous assistons à une évolution dan-
gereuse. Par exemple, actuellement en Europe on transforme les structures civiles pour pouvoir mieux servir les besoins militaires. 
Je pense que nous nous sommes déjà profondément enlisés, et il me semble que nous ne sommes pas suffisamment conscients de ce qui se passe aujourd’hui. Nous sommes pleinement occupés par nos tâches et nos devoirs quotidiens, alors que nous devrions tous comprendre et évaluer sérieusement les profonds changements, les dangers et les menaces remettant en question notre sécurité. Nos activités actuelles servent exclusivement à consolider les connaissances de ce qui se passe dans le monde, à mobiliser les personnes pacifiques et les forces de résistance contre les dangers et à diffuser notre message: arrêtez les confrontations, commencez à dialoguer, n’admettez pas le piétinement du droit et des accords internationaux, négociez de bonnes solutions, stoppez l’abus de l’économie et des infrastructures pour des buts militaires.

Quelles autres manifestations commémoratives concernant la guerre de 1999 y a-t-il encore en Serbie?

Le marathon commémoratif n’est qu’une manifestation de toute une série. Il y a eu le congrès de deux jours, l’excellente exposition de documents et de photos de l’agression contre notre pays. Nous avons également publié plusieurs nouveaux livres rédigés par les meilleurs auteurs pour commémorer les événements. Hormis ces activités, il y a encore d’autres manifestations faisant part de ce que nous appelons «People’s diplomacy» ou «diplomatie du peuple». Aujourd’hui [le 24 mars 2019] le gouvernement organise une manifestation à Niš. C’est une manière de commémorer des victimes et d’appeler à choisir le chemin de la paix, de la coopération et de la solidarité et non pas celui de la confrontation.

Vous avez mentionné les nombreux invités de l’étranger. Comment voyez-vous leurs participations à ce colloque?

Nous avons beaucoup d’amis auxquels nous exprimons notre grand respect et notre gratitude pour leur soutien, leur collaboration, leur solidarité, leurs contributions humanitaires pour notre pays, la Serbie et le peuple serbe, pendant des décennies. Nous apprécions beaucoup que nos amis dans le monde entier organisent également des conférences, comme celle de Vienne, celles de New York et de Washington, de Prague et de Bratislava. La semaine prochaine trois conférences auront lieu en Italie: à Rome, à Bologne et à Florence. 
Nous, du «Forum de Belgrade pour un monde d’égaux», sommes heureux que ces initiatives nous reconnaissent comme le centre des activités, qu’elles reprennent nos thèses principales, qu’elles nous envoient des messages de solidarité, etc. Il est très positif qu’autant de personnes dans de si nombreux pays du monde soient conscientes de la signification de cette guerre d’agression de l’OTAN de 1999 et des conséquences dévastatrices de toute politique expansionniste et de conquête. C’est encourageant pour l’humanité.

Comparé aux années précédentes, le mouvement pour la paix s’est-il renforcé dans le cadre de votre congrès?

Oui, je pense qu’il y a une évolution positive dans nos activités. Il est positif que nous soyons devenu plus conscients de nos devoirs et que nous réagissions à une situation étant loin d’être réjouissante ou encourageante. 
Je rappelle l’évolution positive au sein même de la Serbie. En 2000 ou en 2001, personne n’aurait organisé une manifestation concernant la guerre d’agression de l’OTAN. Il n’y avait aucun signal dans ce sens de notre gouvernement – ni pour une culture de la mémoire, ni pour une culture du respect des victimes. Non, ils étaient muets et la presse, les grands médias serbes ne parlaient jamais de «guerre d’agression». Ils mentionnaient l’«intervention», la «campagne de l’OTAN», ou à la limite, le «bombardement». Mais nous avons constamment utilisé la seule bonne appellation décrivant la réalité de cette attaque. C’était une pure guerre d’agression contre un pays souverain qui n’avait attaqué aucun autres pays. Cette guerre n’était pas motivée par un raisonnement humanitaire ou d’autres raisons similaires, mais uniquement par des objectifs géopolitiques et le but d’élargir le territoire de l’OTAN vers l’Est.

Heureusement, vous n’êtes plus seuls dans votre pays.

Oui, nous avons avec notre congrès de cette année un immense écho, comme nous ne l’avons jamais eu auparavant. Tout ce que nous faisons est transmis à la population par les médias serbes. On ne parle quasiment plus que de la «guerre d’agression» tant le président que le Premier ministre, que les gens dans la rue – et même les journalistes. C’est un signe de changement. Nous avons réussi. Nous connaissions la vérité et nous avons réussi à amener d’autres à la voir également. La presse a très bien couvert notre congrès. C’était vraiment excellent. Ils nous ont accordé beaucoup de place, deux pages entières dans un quotidien, en meilleur emplacement. Hier, un des plus anciens et traditionnels journaux d’Europe, nous a voué une page entière. C’est du jamais vu. Dans le passé, ils nous ont très souvent ignorés. Dommage que les politiciens ne nomment pas les organisateurs du congrès. L’information du lieu du colloque dans la «Army House» [Maison de l’Armée] ainsi que la transmission du très grand succès de la réunion ont été données. Ils ont résumé les interventions et leurs auteurs avec de nombreuses citations, rien à redire, mais ils omettent de dire que le «Forum de Belgrade pour un monde d’égaux» était l’organisateur. Ils parlent tout juste d’organisations de vétérans, de généraux et d’amiraux etc. Mais ils ne nous mentionnent pas.
Malgré tout: le plus important est que les gens puissent s’informer sur les résultats de notre réunion et que la vérité soit diffusée.

Un grand merci! Nous vous sommes très reconnaissants pour tout ce que vous avez fait et d’avoir réuni ici autant de personnes. C’est un immense travail et nous vous souhaitons, à vous et à votre pays, plein de bonnes choses.    •


Lire aussi :

20 ans après le 24 mars 1999: les crimes de guerre de l’OTAN contre la Yougoslavie ne doivent pas rester impunis


Editorial

«Horizons et débats» a toujours condamné la guerre de l’OTAN dans les Balkans – comme toutes les autres guerres avant et après 1999 – et a constamment remis en question les reportages présentés dans les médias. Les conflits doivent être traités à la table de négociation, toute solution doit respecter tant le droit international et le droit des peuples à l’autodétermination ancré dans les pactes internationaux que les droits de l’homme des populations concernées. Concernant la vie de tous les habitants de cette seule et unique planète sur laquelle nous et les générations futures veulent vivre, nous avons toujours eu le souci d’attirer l’attention sur les crimes de guerre commis dans toutes ces guerres à l’aide d’armes qui, outre les dévastations immédiates, détruisent ou compromettent à long terme la vie des personnes touchées et leurs moyens de subsistance. 
La devise de la conférence pour la 20e commémoration de la guerre d’agression de l’OTAN contre la République fédérale de Yougoslavie, «Agression de l’OTAN: ne jamais oublier», est en ce sens une mission d’humanité au service de la paix.
Ne pas oublier les terribles conséquences de la guerre pour les peuples concernés – de toutes les guerres, mais aussi de l’agression contre la République fédérale de Yougoslavie, la première guerre sur sol européen après le «Plus jamais!» des deux guerres mondiales –, c’est ce que nous devons aux victimes, aux générations actuelles et futures, mais aussi à l’égard de la vérité et de notre conscience.
Comme pour toutes les guerres, cette guerre aussi, débuta avec de la propagande et de la manipulation pour tenter d’induire en erreur notre pensée et d’endormir notre conscience. Sous prétexte d’agir au nom des droits de l’homme, les droits les plus fondamentaux de la population de ce pays ont été bafoués. Le droit international, la Charte des Nations Unies, les accords internationaux – tout fut ignoré au service des intérêts du pouvoir d’un «nouvel ordre mondial» proclamé.
Quiconque ne veut pas, en tant qu’être humain, se faire prendre ses pensées et ne veut pas s’orienter uniquement sur des «narratifs», mais aussi sur les faits et les sources, connaît aujourd’hui les mensonges ayant servi de prétexte à cette guerre-ci. 
Le soir précédant la Conférence de Belgrade, on proposa aux participants déjà présents de s’imprégner de l’exposition de photos des 78 jours de bombardement de l’OTAN et de ses conséquences pour la population et le pays. Ce sont – comme toutes les images de guerre – des photos d’horreur, de souffrance humaine, de destruction volontaire posant sans cesse la question au spectateur: Pourquoi? Pourquoi les gens font-ils cela? Quiconque s’est déjà penché sur cette question se souviendra de la photo de la fillette vietnamienne, qui, en 1961, brûlée par du Napalm, court vers le spectateur. Comme celle-là, ces photos crient aussi dans la conscience du spectateur: «Qu’ai-je fait, qu’est-ce que nous vous avons fait?»
Au cours des deux jours de cette réunion, 78 orateurs ont exprimé de manières très diverses les raisons pour lesquelles cette guerre et ses victimes ne doivent pas être oubliées, pourquoi un tel oubli ouvre la voie à de nouvelles guerres et de nouvelles injustices, et comment l’un des dangers pour l’humanité aujourd’hui réside dans le manque d’interpellation des véritables responsables à assumer leurs responsabilités.
Ces raisons nous rappellent de quelle manière cette première guerre d’agression sur sol européen après 1945 à été préparée sans mandat du Conseil de sécurité des Nations Unies: avec des mensonges hasardeux, une déformation indescriptible de l’histoire, une diabolisation et un pilonnage médiatique – contre la Charte de l’ONU, les accords et traités internationaux, contre les rapports contraires présentés par d’hauts responsables de l’OSCE et contre les enquêtes ayant déjà démenti la rhétorique belliciste. Les participants se sont également mis d’accord sur la dimension géopolitique de l’ensemble – ce n’étaient pas des préoccupations «humanitaires», mais des objectifs géostratégiques très concrets poursuivis avec une brutalité inouïe.
Des paroles claires ont été prononcées par les représentants officiels de la Serbie. Alors que les autorités avaient été très prudentes au cours des années écoulées, on entend à l’heure actuelle des paroles beaucoup plus claires et plus explicites. L’actuel ministre serbe de la Défense, Aleksandar Vulin, par exemple, a qualifié l’objectif de guerre de tentative de faire disparaître la nation serbe, biologiquement et historiquement – biologiquement en ce qui concerne les armes utilisées, historiquement avec la tentative d’anéantissement de nombreux biens culturels historiques et de la dignité de la population de ce pays.
Bien que les représentants de la protection NBC de l’armée serbe aient déjà discuté des conséquences des munitions à l’uranium tirées en Serbie et au Kosovo à l’occasion de la 10e commémoration des bombardements. La pertinence de cette question était visible et clair pour tous les participants: les conséquences au sein de la population sont évidentes suite à la sérieuse augmentation des cancers et des décès, et la population demeure bien consciente des raisons de cette évolution.
Fulvio Grimaldi, journaliste italien de 85 ans, documentaliste et correspondant de guerre de longue date, entre autres à la Télévision italienne, a parlé de la dimension historique et culturelle: sur les théâtres de guerre du monde, il a observé comment, très souvent, les premières choses détruites sont les biens culturels afin de s’attaquer à l’identité culturelle des peuples. La politique de pouvoir de la globalisation ne supporte pas l’identité culturelle. Selon Grimaldi, il lui faut une «identité amorphe, n’ayant rien à voir avec une réelle identité».
Les sentiments et la pensée déterminent l’action humaine. Des informations authentiques et l’approfondissement d’une réflexion sur les évènements – par exemple ici en Serbie – engendrent une ouverture pleine de compassion envers autrui et contribuent au développement d’une culture de paix en soi et envers l’Humanité. 

Erika Vögeli

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