Algérie / Gaz de schiste : Chevron l’exploitera dans quel cadre réglementaire ?

par Reghis Rabah*

La nouvelle loi sur les hydrocarbures n’est encore qu’au stade de projet non officiellement adoptée. Maintenant si cette venue annoncée en grande pompe rentrerait dans le cadre de la loi en vigueur qui effectivement dans son dernier amendement est ouverte à la recherche et l’exploitation des ressources non conventionnelles, alors, pourquoi ce n’est pas Alnaft qui l’annonce et cite le bloc pour lequel cette multinationale serait intéressée ? 

Pourquoi c’est Ould Kaddour qui en parle ? Plus grave, pourquoi le communique t-il par le biais l’agence Reuters ? Est –il en Algérie ou gère t-il la mamelle du pays depuis sa résidence de Paris ? En tout cas ce qui est sûr, c’est que Sonatrach est gérée actuellement en affaires courantes, prises en charge par son secrétaire général depuis le malaise de son PDG il y a de cela prés de deux semaines à la vue de la brigade de recherche de la gendarmerie nationale du grand Alger. Cette Brigade qui était venue pour recueillir des informations préliminaires sur de nombreux contrats, prés de 53 dossiers que le mastodonte aurait passés avec entre autres les oligarques Algériens comme Kouninef dont les liens avec Said Bouteflika sont connus de tout le monde. Cette enquête, encore une fois tout à fait préliminaire devrait cibler entre autres sinon les seules pressions exercées pour influer la prise de décision qui a en motivent le recours à ces entreprises. Cela concerne 7 structures directement opératrices et la direction juridique pour la rédaction des contrats, celle financière pour les chèques de paiement. Selon toute vraisssemblance, le passage de la section de recherche directement au siège de la Sonatrach n’aurait pas été à supposer concluant, cela l’a obligé de formaliser cette demande au ministère de tutelle pour obtenir ces informations au plus tard le 15 avril 2019. Madame la secrétaire générale sur instruction du ministre, l’a répercuté directement à la direction générale de Sonatrach quatre jours avant. Le dossier semble être traité avec des intérimaires malgré son importance dans les circonstances actuelles des événements qui se déroulent en Algérie. 

En tout cas la signature du PDG de Sonatrach se trouve nulle part dans ces échanges de correspondances et on l’a pas vu s’exprimer ces deniers jours comme à son accoutumé dans la presse nationale. On suppose que la section de recherche devrait avoir des informations à son niveau pour viser directement les pressions exercées sur Ould Kaddour pour passer ces contrats maintenant que ceux qui l’ont nommé n’ont plus d’influence sur le processus de prise de décision, d’où ses apparitions se font de plus en plus rares. Cette influence que subit Ould Kaddour par les oligarques du système a été déjà dénoncée par les cadres anonymement pour le cas de Ali Haddad. En effet, on lit dans ces lettres anonymes que devant le refus du patron du groupe Asmidal d’acheter les parts sociales détenues par ETHRB de Ali Haddad qui a exigé conformément au statut réglementaire du groupe de passer ce dossier par CPE pour obtenir une résolution en bonne et due forme, Ould Kaddour, visiblement contrarié, a chargé son vice président finances de forcer cet transaction pour sauver le soldat Haddad en difficulté d’une évaluation de ses actions. 

On y lit aussi qu’Ould Kaddour ferme les yeux sur le projet l’Ecole Supérieure d’Hôtellerie et de Restauration d’Alger (ESHRA) qui commence à peser lourdement sur la crédibilité de Hamid Melzi. Le manque de rendement de l’immense investissement consenti pour lancer en partenariat avec un organisme helvétique, l’école n’arrive pas à drainer le nombre minimum d’étudiants qui lui assure un certain équilibre financier. Alors, c’est le Mouloudia d’Alger qui est venue à la rescousse pour combler les lacunes de cette école montée sur un coup de tête. Les joueurs du MCA sont constamment hébergés et nourris à l’hôtel de cette école contre des factures salées. Parfois, quand le besoin n’est pas exprimé pour une prise en charge des joueurs, l’équipe occupe quand même les chambres pendant une heure et demi (contre payement à plein tarif), juste pour la durée d’une sieste suivie d’une séance de sonna, facturée à part. Avec ce gaspillage de l’argent de Sonatrach, Melzi récupère une partie du déficit et pense continuer à mentir sur la gestion des entreprises placées sous sa coupe. On comprend maintenant pourquoi Hamid Melzi défend Kaci Said et se rapproche de plus en plus d’Ould Kaddour. 

Revenons sur l’affaire de l’achat de la raffinerie d’Augusta, ce document implique directement l’ancien premier ministre Ahmed Ouyahia. Les Algériens ignorent, lit-on dans ce document anonyme mais ne peut sortir que de l’intérieur du mastodonte pour la précision , des événements et les chiffres avancés, le fait que l’acquisition de la raffinerie italienne d’Esso (Exxon Mobil) a été d’abord concoctée par Ould Kaddour et ses proches collaborateurs sans l’association de l’ancien vice président LRP (Liquéfaction-Raffinage-Pétrochimie). Ould Kaddour écrit à Ouyahia directement une lettre d’intention pour cet investissement à l’étranger. Connu pour ses positions de cafouillage, le premier ministre lui répond favorablement et lui demande de formaliser l’opération à travers une résolution du conseil d’administration. « En dépit de sa diversité écrivent les travailleurs, le conseil d’administration est composé essentiellement de Beni Ouioui. Rassemblé en réunion d’urgence, comme s’il s’agissait d’un conseil de guerre, le CA de Sonatrach adopte une résolution qui va prendre acte de la directive du premier ministre. Une démarche qui permet à chacun de dire je n’ai pas voté pour l’achat de la raffinerie. » Fidèle à son jusqu’auboutisme, Ould Kaddour ne perd pas une minute pour signer, avec Esso (Exxon Mobil), l’accord de l’achat d’une raffinerie qui a le même âge que lui. S’en suit alors une large campagne de séduction qui a eu raison de toute la contestation née au lendemain de cette transaction. 

Au-delà de cette transaction sur la raffinerie italienne d’Augusta, Ould Kaddour s’apprête à conclure, avec Exxon Mobil, un autre accord plus grave, consistant en la cession de parts dans des gisements presque stratégiques pour le pays. Devant l’absence totale du ministère de l’énergie et d’Alnaft, il n’y aura aucune opposition à ce projet. Sur la même lancée de l’accord avec l’ENI, Ould Kaddour va accorder des avantages inimaginables à la compagnie américaine dans l’amont pétrolier. Ouyahia se chargera -comme c’était le cas pour les accords conclus avec le français Total- de faire inscrire ces contrats à l’ordre du jour du conseil des ministres et le tour est joué. Il se trouve que le mouvement national est venu à temps pour d’abord dissuader la compagnie Exxon Mobil de venir s’installer en Algérie. Pourquoi ? Elle n’est pas sûre de l’avenir du chef de fil de son lobby sur place. 

1- Ce n’est pas Chevron qui s’installe en Algérie mais Anadarko y est déjà 

En effet, Chevron a annoncé il y a déjà plus de 10 jours l’acquisition d’Anadarko Petroleum pour 33 milliards de dollars (29 milliards d’euros), ce qui devrait la propulser au deuxième rang des plus grandes compagnies pétrolières au monde et renforcer nettement ses activités dans le schiste aux Etats-Unis. Cette transaction, une des plus importantes dans le secteur pétrolier depuis de nombreuses années, se fera en actions et en numéraire. Elle reprendra également la dette de l’entreprise. 

Elle a pour objectif de renforcer Chevron dans le pétrole et gaz de schiste et le gaz naturel liquéfié (GNL), précise la société et rapporté comme par hasard par l’agence Reuters. Elle investit massivement sur les sites australiens de GNL de Gorgon et Wheatstone et dans le Bassin permien (Texas, sud). La combinaison des actifs de grande qualité d’Anadarko et de son portefeuille renforce sa position de leader dans le Bassin permien, permet aussi d’étendre ses capacités dans le golfe du Mexique et renforce son activité dans le gaz naturel liquéfié. Rappelons que l’action Chevron perdait 2,79% à 122,50 dollars il n’y a pas si longtemps, tandis qu’Anadarko flambait de 32,01% à 61,78 dollars. Dans le détail, les actionnaires d’Anadarko recevront 16,25 dollars pour chaque titre détenu et 0,3869 action Chevron. Une telle proposition valorise l’action Anadarko à 65 dollars, ce qui représente une prime de 39% comparé au cours de clôture de jeudi soir. L’opération se fait à 75% en actions et à 25% en numéraire et Chevron va également reprendre les 15 milliards de dollars de dette d’Anadarko, ce qui équivaut à une valeur d’entreprise totale de 50 milliards de dollars. Elle devrait générer quelque 2 milliards de dollars d’économies, dont 1 milliard en synergies, dès la première année suivant sa finalisation. Chevron envisage par ailleurs de céder pour 15 à 20 milliards d’actifs d’ici 2020 et 2022 afin de réduire sa dette et de choyer ses actionnaires en leur versant des dividendes et en rachetant ses propres actions. Ce mariage, qui devrait être finalisé au second semestre, doit encore être approuvé par les autorités de la concurrence, les conseils d’administration des deux entreprises et les actionnaires d’Anadarko. 

2-Cette multinationale a fait des dégâts en Amazonie 

Le quotidien de l’écologie est géré par une ONG impartiale et non partisane. Il est en empathie avec les mouvements écologiste, altermondialiste, et alternatif. Sa vision de la situation présente de la planète est que la crise écologique en est le problème fondamental. Il dénonce que pendant 30 ans, la multinationale Chevron a exploité le pétrole de l’Équateur, créant un désastre écologique dans le territoire habité en Amazonie par les indigènes. Ils réclament justice. En effet, le 14 février 2011, la compagnie pétrolière américaine Texaco (Tex Pet) dont les dirigeants avaient exploité le pétrole pendant 23 ans dans la région de l’Oriente, au nord de l’Équateur, a été condamnée par un juge équatorien à payer 9,5 milliards de dollars (8,4 milliards d’euros) pour réparer la pollution et les dommages causés aux populations locales, les Afectados. Cette condamnation a été confirmée par tous les niveaux de la justice équatorienne jusqu’à la Cour constitutionnelle en 2018. Le montant des dommages atteint aujourd’hui pour Chevron – la firme qui a absorbé Texaco environ 12 milliards de dollars (près de 11 milliards d’euros), avec les intérêts. Mais l’affaire n’est pas close. Or, ce gigantesque litige ouvert en 1993 est crucial pour la justice environnementale partout dans le monde. L’avocat américain des Afectados qui ont fait condamner la société en 2011, estime que la société a tellement dévasté les endroits où elle s’est livrée à l’extraction qu’elle risque d’être poursuivie pour des dommages et intérêts de plus de 1.000 milliards de dollars si toutes les populations lésées les attaquaient comme l’ont fait les Équatoriens. Inversement, si Chevron réussissait à échapper au verdict de la cour équatorienne, cela créerait un précédent que toutes les multinationales pourraient utiliser pour se libérer de leurs responsabilités environnementales partout dans le monde, déniant aux citoyens affectés leurs droits fondamentaux à une vie saine et libre. De cet exemple, on pourra imaginer les ravages que laisserait l’exploitation du gaz de schiste en Algérie, combien même, on prétend que la nappe phréatique est située à plus de 3 km du réservoir de la roche mère. 

*Consultant, économiste pétrolier 

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