Smail Chergui dénonce une guerre par procuration en Libye

Le Commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union africaine (UA), Smail Chergui, a déclaré mardi que la Libye était devenue le théâtre d’une guerre par procuration entre acteurs extérieurs défendant leurs propres intérêts nationaux.

«La situation est encore compliquée par le fait que la Libye est devenue essentiellement un champ de bataille par procuration entre certains acteurs extérieurs qui défendent leurs intérêts nationaux par le biais de mandataires locaux», a indiqué Smail Chergui lors d’un briefing au Conseil de sécurité sur la Libye. Le commissaire de l’UA qui s’exprimait par vidéo conférence depuis Addis Ababa, a relevé qu’il était impératif pour la communauté internationale de reconnaître «l’ingérence extérieure toxique sans précédent en Libye».
Ces acteurs extérieurs ont contribué à inonder la Libye d’armes, créant un environnement propice au développement de l’activité des groupes terroristes, a indiqué M. Chergui. «Ces interférences aggravent la situation déjà instable sur le terrain», a-t-il alerté en lançant un appel aux différents acteurs à «œuvrer dans l’intérêt du peuple libyen et de la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Libye». Les combats en Libye ont aussi entrainé de nombreuses alliances entre des milices armées et les deux autorités rivales, le gouvernement d’Union Nationale (GNA) et l’armée nationale Libyenne (ANL), a-t-il fait remarquer. Actuellement, le rythme alarmant de la détérioration de la situation en Libye exige un cessez-le-feu immédiat et la mise en place de couloirs sécurisés pour l’acheminement de l’aide humanitaire.
A Tripoli, l’intensification des affrontements entre les deux camps rivaux a eu des effets dévastateurs sur les migrants africains, notamment sur les détenus dont certains auraient été utilisés comme boucliers humains ou obligés à participer aux combats, selon le commissaire de l’UA. «Au-delà de notre coordination avec l’Organisation internationale pour les migrations et l’Union européenne sur cette question, des efforts supplémentaires sont requis d’urgence», a ajouté Smail Chargui, soulignant que l’UA demeurait convaincue qu’il n’y pas de solution militaire à la crise libyenne

La Libye risque la partition
Lors de ce briefing, l’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a présenté un rapport alarmant sur la situation en Libye qui, selon lui, risque de «s’enfoncer dans une guerre civile et entrainer sa partition indélébile». Salamé a déclaré qu’il avait passé deux ans en espérant éviter de faire un tel briefing au Conseil de sécurité. «Je ne joue pas les cassandre (figure de la mythologie grecque qui prédisait l’avenir) mais les violences autour de Tripoli ne sont que le début d’une longue et sanglante guerre dans la rive sud de la méditerranée qui mettrait davantage en danger la sécurité des voisins immédiats et méditerranéens» de la Libye, a-t-il affirmé. Le chef de la Manul a noté que plusieurs rapports avaient fait état de la présence d’extrémistes et de personnes faisant l’objet de mandats d’arrêt par la Cour pénale internationale (CPI) au sein des deux camps rivaux.
Appelant les belligérants libyens à se dissocier de ces personnes, l’émissaire de l’ONU a recommandé au Conseil de sécurité de mettre en place une commission d’enquête pour exclure ces éléments et remettre à la CPI ceux qui font l’objet d’un mandat d’arrêt. «Il n’y a pas de solution militaire en Libye. Ce n’est pas un cliché, c’est un fait, et il est grand temps que ceux qui ont nourri cette illusion ouvrent les yeux et s’adaptent à cette réalité», a-t-il affirmé. S’adressant au Conseil de sécurité, Salamé a soutenu que les Libyens ont besoin d’une communauté internationale qui travaille de concert pour atténuer leurs divisions et non pas les amplifier. «Un avenir meilleur est encore possible mais nous devons tous être saisis de l’urgence de l’instant, alors que les lignes de front demeurent à la périphérie de Tripoli et avant que les combats ne se propagent», a-t-il estimé.
L’émissaire de l’ONU a insisté sur le respect de l’embargo sur les armes, relevant que les armes continuent d’affluer vers les deux pouvoirs rivaux de l’est et de l’ouest. «Sans un mécanisme d’application robuste, l’embargo sur les armes imposé à la Libye sera une blague cynique», a déclaré l’émissaire onusien regrettant que certains pays continuent d’alimenter ce conflit sanglant. Les experts du Comité des sanctions concernant la Libye, présidé par la suède, évoque des violations manifestes de l’embargo par les Emirats arabes unis et l’Egypte qui soutiennent le chef de l’ANL, Khalifa Haftar. Les milices affiliées au GNA ont reçu le 18 mai une trentaine de véhicules blindés de la Turquie pour contrer l’offensive de Haftar sur Tripoli.

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