Algérie / Une nouvelle défaite pour le régime

Pour le quatorzième vendredi consécutif et le troisième depuis le début du Ramadhan, les Algériens ont manifesté massivement à travers tout le pays. Ils étaient plusieurs millions à avoir marché avec détermination contre le régime.

A Alger, la mobilisation était au rendez-vous malgré un quadrillage sans précédent de la ville et les nombreuses arrestations opérées par la police dès les premières heures de la matinée. C’est la première fois depuis le 22 février que le régime tente aussi clairement d’empêcher un bon déroulement de la marche dans la capitale. Mais les manifestants n’ont cédé ni à la peur ni à la provocation. Pacifiquement, ils ont réussi à reconquérir l’espace public et la rue. Pour les marcheurs algérois, c’était un second 22 février.

A Alger comme dans les autres wilayas du pays, les mêmes slogans ont été scandés par les manifestants : rejet de l’élection présidentielle du 4 juillet, départ des symboles du régime, refus d’une dictature militaire et exigence d’une véritable transition démocratique. Les manifestants ont surtout dit non à la feuille de route et aux fausses solutions proposées par le régime qui tente de contourner les revendications populaires pour se maintenir.

Cette semaine, les Algériens, dont la réaction était prévisible, ont eu la confirmation que le régime ne compte rien céder sur l’essentiel. La fameuse campagne anti-corruption patine, renforçant le sentiment d’une opération davantage politique que judiciaire.

Sur le plan politique, le régime résiste. Abdelkader Bensalah refuse de démissionner. Le gouvernement Bedoui continue de travailler comme un Exécutif ayant toutes les prérogatives. Même Moad Bouchareb, président illégitime de l’APN, refuse de partir, malgré les pressions exercées par son parti, le FLN, au nom de la satisfaction des revendications du mouvement populaire.

Plus surprenant encore, les partis de l’Alliance présidentielle qu’on croyait définitivement balayés par la révolution ont retrouvé de nouvelles forces. Après avoir contribué durant 20 ans au règne désastreux de Bouteflika qu’ils ont soutenu jusqu’au bout, ces partis tentent un retour à travers un soutien à l’état-major de l’armée. Cette semaine, ils ont publié simultanément des communiqués pour apporter leur soutien à Ahmed Gaid Salah.

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Dans le même temps, les espaces de liberté se rétrécissent. Les étudiants sont réprimés. Des journalistes sont malmenés par les policiers. Les médias publics renouent avec la censure et la propagande. Les figures du mouvement populaire et de l’opposition sont ciblées par toutes sortes d’accusations, notamment celles de servir des intérêts étrangers, pour les discréditer. Des conférences et des débats sont interdits…

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Avant même d’avoir réussi à affaiblir le mouvement populaire, le régime renoue avec les pratiques qui ont fait sortir des millions d’Algériens dans la rue. Il donne un aperçu de ce qu’il prépare pour l’Algérie : une stabilisation autoritaire qui ferait regretter l’ère Bouteflika.

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14e vendredi du mouvement populaire :

ce qu’il faut retenir

Les Algériens ne baissent pas les bras. Ce vendredi 24 mai, pour la 14e fois depuis le 22 février, et la troisième fois depuis le début du Ramadhan, ils ont manifesté en masse dans plusieurs villes du pays. Les manifestants ont bravé la chaleur, le jeûne et la répression pour réaffirmer leur détermination à se débarrasser du système corrompu qui a mené le pays à l’impasse.

Mobilisation intacte

Trois mois et deux jours après l’éclatement de la révolte du 22 février, la mobilisation des manifestants demeure intacte. A Alger, le déploiement dès les premières heures de la matinée d’un impressionnant et inédit dispositif, les manifestants n’ont ni reculé, ni cédé à la peur de la répression. Déterminés, ils sont sortis en masse, et les rues du centre-ville étaient noires de monde, après la fin de la prière hebdomadaire. Les policiers ont opéré plusieurs arrestations parmi les premiers manifestants, sans parvenir à entamer la mobilisation des Algériens. Dans les autres villes du pays, à Oran, Constantine, Annaba, Bejaia, Mostaganem ou Sétif, des foules impressionnantes de manifestants ont défilé dans le calme, toute l’après-midi.

Slogans dominants

Chaque vendredi, les Algériens réitèrent avec force leur revendication relative au départ des symboles du système que sont Bensalah et Bedoui. Aujourd’hui, ils ont réaffirmé, partout dans le pays, leur rejet de la présidentielle du 4 juillet, et leur attachement à un Etat civil, et dit non à un régime militaire. Le départ des 2B, le rejet de la présidentielle et l’attachement à un Etat civil sont les trois slogans qui font l’unanimité partout dans le pays. Toutefois, le chef d’état-major de l’ANP, de par son rôle et sa position, n’a pas été épargné par les manifestants, certains ont réclamé son départ, d’autres lui dont demandé de soutenir le peuple dans son combat contre le système et la « bande » (issaba).

Leçons de civisme, de pacifisme et de démocratie

Depuis le 22 février, les Algériens n’arrêtent pas d’administrer au régime, des leçons de civisme, de pacifisme, de démocratie et de tolérance. Ce 14e vendredi n’a pas dérogé à la règle. Au contraire. Au pouvoir qui a montré ses muscles dans la matinée, à Alger, les manifestants ont répondu par leur pacifisme, évitant d’affronter les policiers, déployés en nombre.

Devant la Grande poste, ils n’ont pas tenté de forcer l’impressionnant cordon dressé par la police autour de l’édifice. Ils ont préféré marcher jusqu’à la Place Martyrs, où ils ont observé un rassemblement, avant de revenir au centre-ville. Les manifestants se sont distingués aussi par leur capacité à débattre calmement de la situation politique, évoquer des solutions, pendant que le régime et ses alliés se déchirent.


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