Congo / Le retour des Occidentaux en RDC, retour de tous les enjeux et dangers

Samy BOSONGO

L’on assiste, depuis la prise du pouvoir par Félix Tshisekedi, au come back des pays occidentaux les plus impliqués dans les affaires congolaises. Le samedi 18 mai 2019, le cinquième président congolais recevait, à la cité de l’Union africaine, les ambassadeurs de l’Union européenne (UE), et du Canada à qui il a rassuré son implication personnelle en vue de la détente entre l’UE et la RDC après une période marquée des tensions. Les pays occidentaux qui signent leur retour en force sont, entre autres, la Belgique, la France et les USA, sans oublier les autres puissances occidentales comme l’Allemagne et le Canada.-

Pour la France, l’on rappelle la demande de son président, Emmanuel Macron, à Félix Tshisekedi lors d’un dîner entre lui, Uhuru Kenyata et Félix Tshisekedi en marge du 3ème sommet One Planet du 13 mars 2019 à travers laquelle le chairman français a signifié au 5è président congolais, de concert avec Uhuru Kenyata, « de prendre son indépendance vis-à-vis de l’ancien président Joseph Kabila, au moment où on attend toujours la nomination d’un premier gouvernement ». Des sources ont soutenu que la nomination du Premier-ministre a pris du temps des suites des interférences occidentales qui, dans ce cas de cohabitation, voulaient un Premier-ministre malléable. Le Ministre français des Affaires étrangères, Jean Yves le Drian, et le Président Félix Tshisekedi ont signé, lundi 20 mai à Kinshasa, un communiqué conjoint sur une aide française de 300 millions d’euros dont les axes sont l’éducation, la santé et la sécurité. 

Quant à la Belgique, après la rencontre à Washington du mercredi 3 avril 2019 entre le Ministre belge des Affaires étrangères et de la Défense, Didiers Reynders, durant laquelle ont été abordées les questions sur la situation politique, les relations bilatérales renforcées, la coopération militaire, les infrastructures, la gouvernance, etc., elle s’était dite prête à reprendre une relation bilatérale normale avec le Congo. Le 14 mai 2019, le président congolais s’est entretenu avec une mission conjointe sous l’égide de l’Envoyé spécial de la Belgique dans la région des Grands Lacs, Renier Nijskens et de l’aide de camp de sa majesté le roi des Belges, le Général-major Philippe Boucke. Redémarrage et redynamisation de la coopération militaire et séculaire entre Kinshasa et Bruxelles, reprise des activités de la maison de livraisons des visas des Etats Schengen, reprise normale des fréquences de vol de Brussels airlines entre Bruxelles et Kinshasa, échange d’ambassadeurs sont autant des matières abordées durant ces entretiens. 

Le sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires africaines, Tibor Nagy, a baptisé l’année 2019, « l’année de la RDC » et, comme les autres officiels américains, il s’est basé sur les premières actions de Fatshi pour justifier l’appui de Washington à son régime. Avant la visite de Félix Tshisekedi aux USA en début avril 2019, l’Ambassadeur américain en RDC, Mike A. Hammer, l’a décrite comme «…le reflet de l’engagement commun, USA-RDC, envers un Congo plus paisible et plus prospère…une visite qui offrira l’occasion d’examiner plus en détails notre intérêt commun à lutter contre la corruption, à respecter les droits de l’homme, à améliorer les services de santé et d’éducation pour le peuple congolais, à améliorer la sécurité et à créer plus d’emplois pour les Congolais en attirant plus d’investissements américains ». A Washington, le nouveau raïs congolais a placé la relance du projet Inga 3 au menu des échanges, a obtenu le partenariat de l’entreprise américaine Barrick Gold dans le secteur aurifère, la reprise de la coopération avec le FMI, a eu l’opportunité d’inviter les investisseurs américains à venir en RDC après avoir échangé avec Michael R. Pompeo, le Secrétaire d’Etat américain, sur la promotion de la sécurité et l’attraction des investisseurs américains en RDC, etc. 

Après la déconfiture au scrutin présidentiel du dauphin de Joseph Kabila, même si l’Occident n’a pas atteint l’objectif de bloquer la tenue des élections du 30 décembre 2018 afin de trouver l’alibi d’imposition d’une transition sans Kabila pour un énième report des élections pour faciliter le retour en RDC et la victoire électorale des politiques congolais acquis aux causes occidentales, l’on assiste à un come back des Occidentaux en RDC. Un retour facilité aussi par le besoin du nouveau dirigeant congolais de se faire préferer, chez les Occidentaux, à Martin Fayulu dont les réclamations électorales auguraient de mauvaises perspectives vu qu’elles risquaient de donner des raisons à l’Occident pour qu’il ne l’appuie pas. Des sources ont soutenu que Félix Tshisekedi aurait demandé l’aide de ses pairs africains visités après son entrée en fonction pour qu’ils intercèdent en sa faveur auprès des Occidentaux. 

Enjeux et dangers 

Ce n’est pas sans intérêt que les Occidentaux, notoirement connus comme impérialistes ou néocolonialistes, se bousculent aux portillons de la RDC. L’enjeu congolais a plusieurs volets, notamment, économique et stratégique. En effet, la RDC dispose des ressources grâce auxquelles les multinationales occidentales peuvent réaliser de gros bénéfices. Qu’il s’agisse des ressources minières, forestières comme hydriques, ceux qui veulent réaliser des affaires juteuses savent que la destination est la RDC. 

Sur le plan économique et commercial, la RDC est également un vaste marché de plus de 80 millions d’habitants pour l’économie occidentale et un vaste chantier à moult opportunités de contrats pour les entreprises occidentales actives dans le domaine des infrastructures variées. 

Quant à l’importance stratégique de la RDC, il sied d’épingler sa position au centre de l’Afrique en vertu de laquelle, elle est présentée comme la gachette de l’Afrique et l’abondance de tous les minerais stratégiques dans son sous-sol. Historiquement, la RDC a joué un grand rôle dans le cours du monde, car son minerai d’uranium à forte teneur en uranium a permis rapidement aux USA de fabriquer les deux bombes atomiques qui forcèrent le tonitruant Japon à la capitulation en 1945 lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Après les USA ont occupé Tenke-Fungurumé où ils ont exploité longtemps ce minerai stratégique. De nos jours, le cobalt, le germanium, le coltan, le niobium ou lweshite, etc. comptent parmi les minéraux stratégiques dont la RDC détient, à plus de 50%, les réserves mondiales. En effet, en vertu du décret du 24 novembre 2018, le Premier-ministre Bruno Tshibala et son ministre des Mines, ont déclaré le cobalt, le coltan et le germanium des substances minérales stratégiques. Ces minerais sont utilisés dans les filières industrielles de haute technologie, les technologies de l’information et de la communication, les énergies renouvelables et le domaine militaire. Le cobalt, par exemple, est utilisé pour les alliages durs et superalliages, la fabrication de batteries, les catalyses dans l’industrie chimique et pétrolifère ; le germanium pour les semi-conducteurs ainsi que le coltan pour fabriquer les téléphones portables. 

La grande tragédie associée aux minerais stratégiques est telle pour s’en approvisionner, les multinationales ont coutume d’instrumentaliser les acteurs locaux, créant guerres et conflits. La RDC en fait l’expérience depuis plus d’une décennie dans sa partie orientale où survit une tragédie humaine incessante et épanouie. Ainsi donc, il y a rivalité entre les puissances industrielles qui veulent s’approvisionner en ces matières stratégiques de la RDC qui est, malgré les Congolais, transformée en un domaine de guerre et des conflits multiformes aux conséquences humanitaires énormes. Il y a eu guerre et foisonnement des forces négatives à l’Est de la RDC, malgré l’application du code minier de juillet 2002 très favorable aux miniers. 

L’enjeu avec les ressources est que le code minier de mars 2018 risque d’être modifié selon les exigences des géants miniers actifs en RDC au nom de la politique d’attraction d’investisseurs. De l’avis du Professeur Elikia Mbokolo «… Les rapports entre l’Etat congolais et les entreprises minières étaient alors très inégaux et le code minier de 2002 voulait attirer les grandes entreprises minières par des tarifs d’impôts et plusieurs années d’exonération fiscale. Il avait été conclu que ce code minier serait valide jusqu’en 2012, mais la résistance des entreprises minières a fait qu’il a fallu attendre jusque mars 2018 pour qu’un nouveau code minier puisse être voté. Ce nouveau code minier prévoit, entre autres, une augmentation des taxes sur le cobalt de 2% à 10% et de 50% sur les superprofits. Les sept plus grandes multinationales qui, selon leurs propres dires, représentent 85% de la production minière congolaise, ont fondé la Mining Promotion Initiative, une organisation qui affirme vouloir empêcher l’application du nouveau code. ». En vertu de la politique d’attraction d’investisseurs, ne sera-t-il pas demandé à Fatshi de carrément diluer le nouveau code minier ou de revenir sur l’ancien ? 

Il est aussi à redouter avec toutes ces déclarations des officiels occidentaux que l’armée congolaise soit sous contrôle occidental, ce qui faciliterait son instrumentalisation pour, au besoin, des coups de force politique ; que les lois congolaises ne soient revues pour les rendre favorables aux intérêts occidentaux ou que la RDC soit parcellisée pour répondre aux besoins occidentaux de l’exploiter à leur guise. Ce come back risque aussi de devenir un cauchemar pour les relations entre la RDC et les puissances émergentes que les Occidentaux ne veulent pas voir s’imposer dans le pays de Lumumba. Des attaques contre les intérêts chinois, par exemple, ayant été perpétrées lors des manifestations politiques soutenues de façon occulte par l’Occident. 

Parlant de la haine des hommes d’affaires et officiels belges envers Joseph Kabila, dans son article du 19 novembre 2018 au titre de « Congo : la Belgique est aux abonnés absents », Colette Braeckman écrit : « «…Reste à savoir qui a influencé ainsi un homme froid et rationnel comme Didier Reynders. Le nom de son « directeur Afrique » Renier Nyskens, qui fut ambassadeur à Kinshasa et entretint des relations difficiles avec Kabila père, est fréquemment cité, et on le connaît comme un homme sûr de ses convictions, volontiers intransigeant sinon hautain. Revient également, aussi familier que le monstre du Loch Ness, le nom de George Forrest : proche des libéraux, et en particulier de la famille Michel, en bons termes avec l’ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, l’homme a le bras long, la rancune tenace. Il s’estime lésé par le régime qui l’a dépossédé de la STL, la Société du terril de Lubumbashi où il retraitait des déchets contenant du cuivre, des déchets, mais aussi du germanium, de l’or et autres métaux rares. Un litige financier, portant sur de lourdes créances impayées, l’oppose désormais à l’Etat congolais. Peut-on croire qu’un homme d’affaires, important certes, mais pas le seul sur le terrain, puisse ainsi influencer la politique d’un gouvernement via des ministres libéraux ? D’aucuns expliquent aussi l’intransigeance de Reynders par des calculs politiques : on connaît ses bonnes relations avec la NVA et son patron Bart de Wever bourgmestre d’Anvers, qui soutiendraient une ligne dure à l’égard de Kinshasa. Par ailleurs, le ministre de la Coopération, Alexander De Croo (Open VLD) est aussi le fils de son père Herman, qui fut jadis l’avocat de Mobutu et l’un des patrons d’Utex Africa et demeure un ami personnel de Moïse Katumbi.». De son côté, le spécialiste belge de la région des Grands Lacs, dévoile que « Didier Reynders est, à la demande des familles Lippens, Forrest, Vastapan et Damseaux, allé demander au président Kabila de faire retirer la loi agricole qui prévoit que plus que 50% des actions des sociétés agricoles doivent être dans des mains de nationaux congolais.» Félix Tshisekedi qui parle de partenariat gagnant-gagnant ne risque-t-il pas aussi d’être haï par les mêmes officiels et hommes d’affaires belges s’il venait à ne pas accéder à leurs demandes qui le mettraient en porte-en-faux avec le peuple qui lui rappelle constamment le testament de son père, à savoir : « Le peuple, d’abord ! ». 

Il est indéniable que les Occidentaux viennent en RDC pour leurs intérêts à l’heure où les puissances émergentes leur y damnent le pion. Ils veulent y établir leurs influences de façon prépondérante. Rien n’assure qu’ils vont émousser leurs ardeurs impérialistes puisque c’est Fatshi qui est au pouvoir. Si vraiment ce dernier est acquis à leurs causes, c’est alors qu’ils voudront atteindre tous leurs objectifs en RDC sous son règne. Les Occidentaux ont besoin d’un leadership congolais qui courbe l’échine devant eux à volonté pour satisfaire leurs appétits léonins dans un pays où la conscience géopolitique peine encore à s’imposer dans le chef des Congolais. 

Samy BOSONGO, Journaliste poète-essayiste


Après les élections, la RDC se construit

En début d’année, pour la première fois, la République démocratique du Congo a connu la passation du pouvoir à l’opposition par le biais d’élections.

L’heure est désormais à l’établissement du gouvernement et à la mise en œuvre de son programme.

L’appui à ces élections était parmi les priorités de la mission de l’ONU dans le pays.  Ce mandat doit désormais être adapté.  Pour y arriver, le Conseil de sécurité a envoyé une mission sur le terrain pour évaluer les besoins. 

Pour mieux comprendre les nouvelles priorités de la RDC, nous avons profité du passage de la Représentante spéciale et cheffe de la Mission de l’ONU dans le pays (MONUSCO), au Siège de l’ONU à New Yok,  pour la recevoir dans nos studios.  On écoute Leila Zerrougui.

Interview :  Leila Zerrougui
Interview et production :  Cristina Silveiro
Prise de son  :   Carlos MaciasCrédit audio:ONU InfoDurée audio:14’8

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