Pourquoi Israël attaque-t-il encore la Syrie ?

par Salman Rafi Sheikh.

Si l’on en croit les remarques du Premier Ministre israélien Netanyahou, la récente réunion des conseillers à la Sécurité Nationale (NSA) américains, russes et israéliens à Jérusalem a été un « véritable succès diplomatique« . Netanyahou s’est vanté de cette réunion comme la marque de la coopération israélo-russe en vue d’établir la stabilité dans la région. Mais la récente attaque israélienne contre la Syrie, qui constitue une violation flagrante de la souveraineté territoriale de la Syrie, signifie que les remarques de Netanyahou n’étaient qu’une fanfaronnade israélienne habituelle, sans véritable substance pour établir les faits sur le terrain. L’attaque, bien au contraire, montre que des désaccords profonds persistent entre la Russie et Israël/États-Unis et que ces désaccords ont beaucoup à voir avec le refus de la Russie de s’éloigner de la Syrie ainsi que de l’Iran.

La condamnation russe de l’attaque israélienne révèle que tout n’est pas rose entre les deux pays. Condamnant l’attaque, Lavrov a dit :

« …la nécessité de respecter et d’appliquer les résolutions opérationnelles du Conseil de Sécurité de l’ONU, que personne n’a annulées, est le principe à partir duquel nous allons procéder lors de l’évaluation des actions des acteurs dans la région« .

Il s’agit d’une réponse mesurée de la Russie à l’affirmation non déclarée d’Israël selon laquelle il pourrait attaquer la Syrie comme et quand il le jugera opportun et que le système russe S-300 n’est plus assez bon pour empêcher une frappe. La réponse russe montre cependant la possibilité de renforcer la coopération avec la Syrie pour protéger la légitimité de la question syrienne conformément à la résolution du Conseil de Sécurité des Nations unies, ce qui signifie que les Russes n’hésiteront peut-être pas à renforcer les systèmes de défense aérienne syriens avec une technologie plus avancée pour écarter les frappes israéliennes.

La réponse syrienne pourrait donc changer. Cette allusion a été clairement abandonnée par le vice-Ministre syrien des Affaires Étrangères Faisal Mekdad lorsqu’il a déclaré que la réponse syrienne aux actions israéliennes « pourrait changer » la prochaine fois, ce qui signifie que la Russie peut décider de fournir plus de systèmes anti-aériens avancés à Damas dans un avenir proche. N’oublions pas que c’est une frappe israélienne similaire sur la Syrie qui a conduit la Russie à fournir le S-300 à la Syrie à l’automne 2018.

Bien que l’attaque ne conclue pas que le S-300 a été neutralisé (certains rapports suggèrent qu’il n’est toujours pas opérationnel), le fait même qu’Israël continue de frapper signifie que le pays est déterminé à prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que la présence iranienne ne constitue pas une menace pour ses intérêts.

Pour les Israéliens, l’alliance russe avec l’Iran signifie qu’il n’y a pas d’alliance entre la Russie et Israël, seulement une compréhension limitée, juste assez pour qu’il n’y ait pas de conflit direct entre eux. Un responsable des Forces de Défense Israéliennes a ainsi été cité dans un reportage des grands médias occidentaux, en ces termes :

« Les Russes ne sont pas nos alliés, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous avons un allié, et ce sont les États-Unis. Les Russes sont ici pour des objectifs totalement différents. Ils soutiennent un régime [la Syrie] qui a pour objectif clair d’anéantir Israël si seulement il le pouvait. Ils font aussi partie d’une coalition qui soutient l’Iran« .

Pour Israël, le scénario idéal est de détacher la Russie de l’Iran et de la Syrie. La réunion de la NSA n’en était qu’à ses débuts et, de toute évidence, elle ne s’est pas déroulée comme Israël aurait pu s’y attendre. L’alliance russo-iranienne reste donc intacte et est loin d’être terminée. Le sommet trilatéral récemment annoncé entre la Russie, l’Iran et la Turquie en dit long sur la manière dont cette alliance demeure au cœur de la question syrienne. Ce sommet s’inscrit dans la continuité des sommets précédents. Les sommets précédents ont eu lieu en février 2019 à Sotchi, en septembre 2018 à Téhéran, en novembre 2017 à Sotchi, en avril 2018 en Turquie, et un sommet des ministres des Affaires Étrangères des trois pays s’est tenu en avril 2019 au Kazakhstan.

Ces sommets revêtent une importance particulière dans la mesure où ils ont été véritablement au cœur de certaines décisions très importantes concernant la Syrie, qu’il s’agisse de décisions sur le cessez-le-feu ou d’une sorte de feuille de route pour mettre fin à la guerre syrienne qui dure depuis huit ans. Toutefois, la prochaine réunion se tiendra également dans un contexte de tensions entre la Turquie et les États-Unis, ainsi qu’entre Israël et l’Iran et entre Israël et la Russie au sujet de la Syrie, et entre les États-Unis et l’Iran. Certains rapports suggérant que la Turquie pourrait céder Idlib à la Syrie, la possibilité d’une alliance encore plus forte entre les trois pays est prometteuse, une alliance qu’Israël et les États-Unis essayent de faire échouer.

Par conséquent, contrairement aux fanfaronnades habituelles de Netanyahou sur le « succès » de la réunion, la réalité sur le terrain est étonnamment différente et reste potentiellement inchangée pour Israël, même après qu’Israël ait décidé de faire tout son possible pour chasser l’Iran de Syrie. Et ce n’est pas parce que les frappes israéliennes continuent de ne faire aucune différence que les Israéliens continuent de mettre l’accent sur des frappes encore plus nombreuses et encore plus dures. La question qui se pose alors est la suivante : combien de temps avant qu’Israël ne comprenne que de telles frappes ne font que renforcer les alliances de l’autre côté du spectre géopolitique au lieu de l’affaiblir ?

Source : Why Israel Attacking Syria Again?

traduit par Réseau International


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