Algérie / Un dialogue «inclusif» par lequel le système cherche à se recycler

par Kharroubi Habib

Dans l’hypothèse où il se dégagerait une tendance prédominante en faveur du processus de dialogue proposé par Abdelkader Bensalah au «Hirak», à la société civile et à l’opposition partisane afin d’arriver à un consensus autour de l’élection présidentielle et à supposer que les préalables par lesquels les uns et les autres conditionnent leur éventuelle participation trouvent satisfaction de la part du pouvoir, il restera à ces derniers à se déterminer sur la question de la participation ou non à ce processus des partis de l’ex-alliance présidentielle et de gouvernement. 

Le FLN et le RND ne cessent de marteler qu’ils ont toute « légitimité » à prendre part au dialogue et que celui-ci étant inclusif comme proposé par le chef de l’Etat intérimaire, ils ne peuvent en être exclus. Formellement et tant qu’ils sont encore existants, les partis de l’ex-alliance présidentielle énoncent une revendication qui a l’apparence d’être conforme aux normes de la démocratie et de la dimension inclusive du processus de dialogue projeté. Mais il y a néanmoins que ces partis sont comptés parmi les symboles du régime déchu de l’ancien président avec lesquels la rue refuse de dialoguer et en exige même le départ ou la dissolution. 

Le FLN et le RND qui proclament soutenir la tenue du dialogue et en vouloir la réussite en hypothéquant la perspective en réclamant d’y être partie prenante. Leur arrogante insistance à exiger d’être acceptés comme tels alors qu’ils sont des « parias » vomis avec lesquels personne ne veut plus avoir à faire, ne semble pas contrarier le pouvoir auquel ils ont fait allégeance et qui les maintient à flot en sous-main. C’est probablement même lui qui les pousse à agiter leur exigence à prendre part au dialogue en faisant valoir son caractère inclusif hâtivement repris à leur compte par des acteurs de la scène politique et de la société civile. 

La participation des partis de l’ex-alliance présidentielle si elle finit par être admise constituerait pour le pouvoir l’assurance qu’il parviendrait à contrôler et à orienter le dialogue même en l’absence de l’Etat et de ses institutions solennellement promise par Abdelkader Bensalah. Les partis de l’ex-alliance disposent d’une multitude de relais qui sont loin d’avoir rompu avec eux et pour certains déterminés à infiltrer le processus du dialogue pour en dévoyer l’objectif de rupture avec le système et le régime dont ils ont constitué la clientèle. D’où l’impératif pour les acteurs tentés sincèrement de donner sa chance au dialogue d’enlever à celui-ci le caractère inclusif prôné par le pouvoir en exigeant que les partis de l’ex-alliance et leurs satellites qui continuent à grenouiller n’ont aucune légitimité à y prendre part et à proposer leurs solutions à une crise et une situation qu’ils ont contribué à créer. 


Crise politique : les clés existent quand l’honnêteté est de mise

Par Dr. Rafik Aloui

Il est clair que  depuis le 22 février 2019, les revendications populaires ont évolué crescendos : du refus du cinquième mandat en passant par le rejet des figures du système, à l’appel pour punir ceux qui ont dilapidé les deniers publics en arrivant à une revendication principale : Un Etat de droit pour une Algérie libre et démocratique.

Il est clair aussi que nombreuses  sont les revendications qui ont été satisfaites jusque-là à commencer par l’annulation de l’élection présidentielle, l’élimination de la bande «  issaba » et voici maintenant de quoi éliminer le figures du système de l’opération électorale avec l’annonce officielle de la mise en place de l’instance électorale indépendante pour élire un président de la république.

Nous l’avons tant souligné,que cela pourrait constituer un début de solution à la crise, pour peu qu’une loi soit promulguée donnant pleins pouvoirs à cet organisme et détermine ses missions qui doivent s’étendre à la révision de la loi électorale, le contrôle des partis politiques et l’éducation de l’électorat.

Mais, élire un président de la république peut- il assurer à lui seul la réussite d’une transition vers la mise en place d’un Etat de droit libre et démocratique, principale revendication populaire ?

Georgina Sánchez López affirme, en parlant des démocraties d’Amérique latine, que « face à des évolutions aussi rapides qu’incertaines, des légitimités à construire, la démocratie reste à inventer avant de la perfectionner ».

Effectivement, la réussite de toute transition résulte d’une combinaison entre le respect et la mise en œuvre de grands principes sans lesquels il ne peut y avoir de démocratie.

Nathalie Cooren, explique dans un article intitulé « Transition démocratique d’un pays : quelques précisions théoriques » : que les transitions démocratiques ont fait l’objet de diverses analyses. Certains auteurs mettent en avant une analyse à priori, accordant la primauté à la culture politique : seules les sociétés partageant certaines valeurs et traditions peuvent atteindre la démocratie.

Une autre approche consiste à mettre en avant la nécessité d’un développement économique et social comme préalable à l’émergence de la démocratie.

Ces approches ont d’ailleurs été largement délaissées dans les années 1980, notamment lors de l’émergence de démocraties au sein des cultures soi-disant traditionnellement autoritaires, telles que l’Argentine, ou  dans les pays anodins au niveau de développement incertain.

D’autres auteurs adoptent une démarche à  posteriori : ils s’attachent à identifier les causes générales d’une transition et mettent l’accent sur les formes de gouvernement les plus appropriées pour la consolidation de la démocratie.

Enfin, certains auteurs se sont concentrés sur les divers systèmes de gouvernement ou d’élection, souvent par analyse comparative, en cherchant à dégager des conclusions qui pourraient être pertinentes pour la consolidation de la démocratie.

Ainsi par exemple, Juan J. Linz a suggéré que le parlementarisme conduisait à une démocratie plus stable que le présidentialisme, ce dernier favorisant davantage la concentration du pouvoir et l’apparition de conflits.

La transition démocratique comprend donc deux phases à distinguer nettement : la transition politique, qui désigne le passage d’un régime à l’autre  et la consolidation de la démocratie durant laquelle le défi majeur consiste à assurer une évolution relativement stable du processus démocratique engagé dans la transition.

La transition démocratique est complète lorsqu’ un gouvernement arrive au pouvoir comme le résultat direct du suffrage libre et populaire, comme première condition.

La seconde condition c’est quand ce gouvernement dispose d’un pouvoir souverain pour générer de nouvelles politiques publiques, et la troisième condition c’est quand les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires nés de la nouvelle démocratie n’ont pas à partager le pouvoir avec d’autres corps de droit.

Comment arriver à assurer les deux dernières conditions puisque le président et le gouvernement pourront être mis en place par l’organisme indépendant suggéré à cet effet ?

Telle est la question principale à laquelle tout un chacun doit répondre.

Linz et Stepan ont bien identifié les parties qui doivent répondre à cette question : (voir article intitulé le dialogue, le président et la vraie transition)

La première concernée est la société politique. Il s’agit des acteurs qui ont l’ambition de conquérir le pouvoir.

La deuxième est la société civile qui regroupe les acteurs inédits tels que les associations des droits de l’Homme, les syndicats, les ordres corporatistes ou les acteurs religieux.

Le troisième est le concept de l’État de droit. Il s’agit principalement des règles qui vont régir le nouveau jeu politique post-autoritaire.

Le quatrième est l’État lui-même qui regroupe quelques acteurs qui peuvent nuire ou aider les autres acteurs de la transition, notamment l’armée ou les forces de l’ordre. La légitimité bureaucratique de l’État ne doit pas être mise en question afin d’avoir une transition stable.

Le cinquième est la société économique qui regroupe l’ensemble des structures, privées ou étatiques qui ont la mission d’assurer le lien entre les politiques des dirigeants des périodes transitoires et les attentes populaires.

Toutes ces parties doivent engager dès maintenant un dialogue chacune de son côté pour arrêter des propositions concrètes pour assurer les conditions restantes.

Cette démarche sera suivie d’une conférence nationale qui à son tour déterminera les contours d’une transition démocratique consolidée.

Le président élu sera le garant de l’application de recommandations issues de cette conférence nationale.

À bon entendeur.


Dialogue politique  : mode opératoire pour une sortie de crise

ABN

Par Dr Rafik Aloui

Vingt troisième vendredi depuis le 22 février 2019, durant lequel le peuple Algérien a maintenu pacifiquement sa revendication principale avec force à travers l’ensemble des wilayas du pays : Pour une Algérie libre et démocratique dans une nouvelle république sans les figures du système de Bouteflika.

Aucune mesure prise jusqu’à maintenant n’a pu convaincre ce peuple à s’éloigner de sa principale revendication, y compris la toute récente mesure relative à la mise en place d’un comité de dialogue composé de six membres qui a été rejetée lors de ce vendredi 26 juillet 2019.

Ce rejet somme toute,  logique était attendu par bon nombre d’observateurs,de par, d’abord sa composante qui ne bénéficie d’aucun soutien de la part du mouvement populaire « hirak », ensuite sa mission semble vouée à l’échec d’avance puisque les parties du dialogue ne sont pas définies.

Ce ne sont certainement pas les représentants du hirak, puisqu’ils ne sont pas connus jusqu’à maintenant.  En plus,aucun parti politique ne pourra prétendre parler au nom du hirak. Alors , avec qui on va dialoguer ?

Il aurait était plus logique, si on avait soumis au débat général, une loi régissant le fonctionnement, la mission et les prérogatives, non pas d’un comité de dialogue qui ne sait pas avec qui dialoguer , mais plutôt pour une loi mettant en place la haute instance indépendante électorale à l’instar de l’Afrique du sud qui reste un modèle de sortie de crise des plus compliquées du monde.

Le débat sur cette loi pourrait être ouvert à tous les niveaux : au sein de l’assemblée nationale qui de par sa composante permettra à tous les partis de donner leurs avis, dans les médias et au niveau de chaque assemblée de wilaya et de commune où ce débat pourrait être enrichi par des citoyens choisis par le hirak localement.

Cela pourrait prendre le temps qu’il faut, mais une fois le contenu de cette loi cerné puis adopté, nul ne peut sortir de son cadre juridique. Le choix des hommes qui appliqueront cette loi sera facile puisque les profils et les missions sont définies.

Parmi ces missions : la révision de la loi électorale, l’assainissement des listes électorales, l’organisation, le contrôle y compris les partis, l’éducation de l’électorat,la proclamation des résultats des élections présidentielles comme principale objectif.

Tel est à mon avis,le cheminement logique qui pourrait ouvrir la voie vers un dialogue où tout un chacun contribue pour une sortie de la crise que vit notre pays depuis maintenant cinq mois.

Des personnes choisies d’office pour mener un dialogue sans cadre juridique qui balise une voie consensuelle vers l’issus de la crise, c’est comme si on a mis la charrue avant les bœufs : A bon entendeur


Crise politique : le dialogue, le président et la vraie transition

ABN

Par Docteur Rafik Aloui

En ce jour du 7 Aout 2019, des auto-représentants du mouvement populaire « Hirak » ont assisté à une réunion avec le panel chargé, nous a-t-on dit, de diriger le dialogue.

Une chose est sûre, le « Hirak » ne pourra déléguer personne comme représentant pour dialoguer à sa place.

Pour la simple raison que les millions qui le composent sont les seuls représentants auprès de tout le monde y compris le panel pour faire entendre leur  revendication principale criée à haute voix chaque vendredi depuis le 22 février 2019 : un Etat de droit pour une Algérie libre et démocratique.

Qu’à cela ne tienne, surtout que les discussions ont,semble-il,  été cadrées pour l’organisation des élections présidentielles dans les plus brefs délais.

Si c’est le cas, cela ne devrait pas poser de problème avec le « Hirak » à condition que l’organisation, le contrôle et la proclamation des résultats soient  assurés par une haute instance électorale indépendante dotée de tous les pouvoirs.

La mise en place de cet organisme électoral indépendant par une loi  est encore une fois, nous le répétons, une solution constitutionnelle purement technique qui assurera une élection présidentielle sans le ministère de l’intérieur accusé de fraude jadis,ainsi que les services de la présidence, Ce qui pourra rassurer le « Hirak » et par la même l’électorat pour aller voter à la date fixée.

Mais, élire un président de la république serait-il suffisant pour assurer la satisfaction de la principale revendication populaire, à savoir un Etat de droit pour une Algérie libre et démocratique ?

Ce nouveau président de la république aurait-il une baguette magique afin qu’ il soit ej mesure ,du jour au lendemain, à exaucer ce vœu tant attendu par le peuple ?

N’aurait-il pas besoin d’une transition pour arriver à cet objectif ?

Le nouveau président de la république aura en effet besoin d’une transition que l’en veuille ou non. Mais quel type de transition ? Là est la grande question.

La transitologie qui est une discipline et domaine de recherche en sciences politiques permet schématiquement de faire la distinction entre les transitions par le haut ou par le bas.

Les transitions par le haut sont dominées par les élites au pouvoir. Lorsque les élites au pouvoir parviennent à contrôler les modalités de l’ouverture et à imposer leur configuration pour le futur régime, on parle de transition imposée par le haut, Ce qui n’est pas bon pour notre pays car cela maintiendra le même système politique.

Cependant, ces élites au pouvoir doivent souvent composer et négocier avec les élites de l’opposition et de la société civile, on parle alors de transition pactée. Ce qui n’est pas bon non plus, car elle engendrera à terme une résistance pour les mêmes effets que la première.

En 1996,Juan Linz, explique dans un ouvrage collectif qu’il a dirigé avec son camarade Alfred Stepan« Problems of Democratic Transition and Consolidation » qu’à travers l’étude de quatorze cas différents de pays qui ont connu des expériences de transitions démocratiques, les auteurs ont fini par poser un nouveau paradigme d’analyse, toujours axé sur le jeu des acteurs de la transition, mais opérants sur cinq « arènes » nouvelles dans l’analyse de la transition :

La première est la société politique. Il s’agit des acteurs qui ont l’ambition de conquérir le pouvoir. Elle se doit d’être renforcée afin d’avoir une transition ordonnée et consensuelle.

La deuxième est la société civile qui regroupe les acteurs inédits tels que les associations des droits de l’Homme, les syndicats, les ordres corporatistes ou les acteurs religieux.

La troisième est le concept de l’État de droit. Il s’agit principalement des règles qui vont régir le nouveau jeu politique post-autoritaire.

La quatrième est l’État lui-même qui regroupe quelques acteurs qui peuvent nuire ou aider les autres acteurs de la transition, notamment l’armée ou les forces de l’ordre.

La légitimité bureaucratique de l’État ne doit pas être remise en question afin d’avoir une transition stable.

La cinquième est la société économique qui regroupe l’ensemble des structures, privées ou étatiques qui ont la mission d’assurer le lien entre les politiques des dirigeants des périodes transitoires et les attentes populaires.

C’est ce paradigme d’analyse qui prime sur la plupart des analyses faites depuis le milieu des années 90.

Il ne s’agit pas, bien sûr, d’une nouvelle discipline inventée par Linz et Stepan mais plutôt d’un renouveau à l’intérieur même de la transitologie classique.

Ce  à quoi nos chercheurs universitaires doivent réfléchir dès maintenant autour de débats organisés pour baliser la voix d’une transition vers la concrétisation de la revendication populaire.

A bon entendeur.


NDLR : Les textes publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs; ils contribuent  librement à la réflexion, sans représenter automatiquement l’orientation de La Tribune Diplomatique Internationale.



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