Et si la Turquie possédait l’arme nucléaire ? (étude)

La Turquie devrait-elle détenir l’arme nucléaire ?

La Turquie devrait-elle détenir l’arme nucléaire ? Il est indéniable que la prolifération nucléaire représente un danger mondial mais en même temps la possession de l’arme nucléaire ne paraît-elle pas comme la condition sine qua non pour devenir une réelle puissance mondiale, comme le prouvent les cinq Etats membres du Conseil de Sécurité de l’ONU ?

par Öznur Küçüker Sirene, 12/09/2019

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a récemment déclaré dans la province de Sivas dans l’est de la Turquie : « Certains (pays) possèdent des missiles avec des têtes nucléaires mais je ne devrais pas en avoir. Je n’accepte pas cela », a-t-il déclaré, avant de souligner qu’Israël disposait d’un tel arsenal.

Rappelons que la Turquie a rejoint le Traité de non-prolifération nucléaire [TNP] en 1980. Ce qui signifie qu’elle ne peut pas mener un programme nucléaire à vocation militaire, sauf à s’en retirer.

Par ailleurs, au sein de l’OTAN, dont Ankara est membre depuis 1952, seuls trois membres sont dotés de l’arme nucléaire : les États-Unis, la France et le Royaume-Uni.

Dans le monde, un total de neuf Etats sont dotés de l’arme nucléaire : les Etats-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, l’Inde, le Pakistan, Israël et la Corée du Nord.

La Turquie mène, néanmoins, un programme nucléaire pour répondre à ses besoins énergétiques tous les jours un peu plus importants dans le cadre de deux projets : la centrale nucléaire d’Akkuyu lancée avec le géant russe Rosatom et une autre centrale à Sinop lancée par un consortium franco-japonais.

Nous verrons en quoi la possession de l’arme nucléaire par la Turquie peut contribuer à ses objectifs en matière de la défense et comment différents pays réagissent face à une telle éventualité.

L’industrie de la défense en pleine croissance en Turquie

Ce n’est pas un secret : la Turquie mise beaucoup sur le développement de son industrie de la défense. Si on peut expliquer cette ambition par la volonté du pays d’atteindre les objectifs économiques de 2023, on peut également la lier à son envie d’accroître les mesures de sécurité dans une région incertaine. Avec des voisins ravagés par des guerres et conflits comme la Syrie et l’Irak, les menaces terroristes du PKK, de FETÖ et de Daech mais aussi les intimidations incessantes des puissances mondiales comme les Etats-Unis, la Turquie n’est jamais à l’abri du danger.

C’est ainsi que les productions nationales mais aussi les exportations des entreprises en activité dans l’industrie de défense et de l’aéronautique sont en pleine croissance. Lors de la cérémonie de remise de diplômes de l’Université de la Défense nationale, le Président Erdoğan a ainsi déclaré en juillet : « Le taux de notre dépendance à l’étranger dans l’industrie de la défense était d’environ 80% il y a 17 ans. C’est-à-dire nous pourrions produire, nous-mêmes, seulement 20% des produits de l’industrie de la défense dont nous avions besoin. Nous avons élevé le taux de la production nationale dans l’industrie de la défense à d’environ 70% en surmontant de gros obstacles, problèmes et sabotages. »

Si la Turquie devient peu à peu un pays phare de l’industrie de la défense en ajoutant de la plus-value à l’OTAN, elle renforce également ses capacités militaires par l’acquisition des systèmes les plus évolués au monde. L’exemple le plus récent est l’achat des systèmes de missiles russes S-400 en dépit des pressions américaines.

La dissuasion nucléaire : une arme politique redoutable

Malgré le progrès fulgurant de la Turquie dans le domaine de la défense, il ne faut pas se voiler la face : la meilleure arme de dissuasion politique reste encore et toujours l’arme nucléaire dans les relations internationales. Si la prolifération nucléaire accroîtrait inévitablement l’insécurité mondiale, sa possession confère aussi à un Etat de la puissance, du prestige et une position dominante. C’est d’ailleurs pour cette raison que les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU (Chine, États-Unis, Russie, France et Royaume-Uni) sont les cinq États nucléaires officiels.

Dans le cas de l’Iran, d’Israël et de la Corée du Nord, nous assistons régulièrement à des débats au sujet du développement et de l’utilisation des armes nucléaires. L’éventualité de la production d’une bombe nucléaire par l’Iran est une source d’inquiétude perpétuelle pour Israël mais aussi les Etats-Unis. C’est aussi paradoxalement une sorte de protection et une carte fréquemment exploitée par les autorités iraniennes pour dissuader les ennemis. L’exemple de la Corée du Nord est également un parfait exemple de dissuasion nucléaire qui montre que quelle que soit la taille des pays qui détiennent l’arme nucléaire, cela reste un formidable égalisateur de puissance du faible au fort. C’est ainsi que devant le risque d’utilisation de l’arme nucléaire par Kim Jong-un, le président des Etats-Unis, première puissance mondiale, a accepté de dialoguer avec le leader nord-coréen.

Réactions internationales

Si tous ces exemples prouvent que la détention de l’arme nucléaire par la Turquie augmenterait considérablement son pouvoir sur le plan international, cette éventualité n’est pas favorablement accueillie par différents acteurs mondiaux.

Ainsi pour l’eurodéputé français Thierry Mariani, « chaque pays qui a l’arme nucléaire en plus, c’est toujours un risque en plus ».

En conclusion, même si la détention de l’arme nucléaire par un pays reste un sujet délicat, ne pas passer par là pour un pays ayant l’ambition de devenir une grande puissance mondiale est presque inconcevable dans un tel contexte mondial. S’il est certain que la Turquie n’a pas l’intention de se servir de cette arme aux conséquences sans retour, il est tout aussi clair qu’une initiative stratégique aboutissant à sa possession lui permettrait de renforcer sa sécurité intérieure tout en augmentant son poids comme jamais sur la scène internationale. 


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