Cachemire / La genèse du conflit

par Matin Baraki*
Hors des questions d'orgueil national, la position géographique du Cachemire présente des interêts stratégiques pour les trois Etats.
Hors des questions d’orgueil national, la position géographique du Cachemire présente des intérêts stratégiques pour les trois Etats. © Infographie NR

Lorsque suite à la lutte anticolonialiste du Mouvement national des peuples du sous-continent indien la domination britannique en Inde ne put plus être maintenue, les colonisateurs ont adopté la méthode éprouvée du «divide et impera» pour au moins favoriser le prolongement de leur régime dans un contexte différent. Les premières mesures visaient à diviser le mouvement anticolonialiste en le présentant sous un aspect ethnico-religieux et en cherchant à l’influencer. Suite à cela, on a assisté à la formation de forces laïques sous la direction de Mahatma Gandhi et de Jawahar Lal Nehru, et de forces plutôt religieuses dirigées par la Ligue musulmane de Mohammed Ali Jinah.

Le bouclage sans précédent du Jammu-et-Cachemire décidé par le gouvernement indien fait revenir sur le devant de la scène ce vieux contentieux armé qui oppose le Pakistan et l’Inde.

Contexte historique

C’est ainsi que Gandhi et Nehru, de même que leur compagnon de lutte, le légendaire leader pachtoune Abdul Ghafahr Khan, se sont battus pour la libération de l’ensemble du sous-continent indien unifié. Tandis que la Ligue musulmane de M.A. Jinah propageait les thèses de la «Théorie des deux nations», fondée par celui-ci sur des bases essentiellement religieuses, les services secrets britanniques versaient de l’huile sur le feu en jetant pendant la nuit des têtes tranchées de vaches abattues derrière les portes des hindous et des exemplaires déchirés et partiellement brûlés du Coran derrière les portes des musulmans.1 C’est ainsi que fut déclenchée la guerre civile la plus féroce de l’histoire indienne, par de violents massacres entre hindous et musulmans, ce qui justifiait et semblait rendre inévitable la partition de l’Inde. La puissance coloniale britannique avait ainsi atteint son premier objectif.
Début 1947, pour conserver son influence dans l’élaboration future du sous-continent, le Royaume-Uni envoya en Inde Lord Mountbatten comme vice-roi, «pour diviser le sous-continent dans les plus brefs délais».2 Selon le plan Mountbatten, la partition de l’Inde devait être menée à bien en cent jours seulement. Elle devint effective le 15 août 1947 et créa un inimaginable chaos. Elle déclencha un mouvement jusqu’alors sans précédent, l’exode de 16 millions de personnes, car la frontière entre les Etats nouvellement créés – l’Union indienne, d’une part, et le Pakistan, d’autre part – avait été arbitrairement déterminée au beau milieu du Pendjab, lui-même composé d’une mosaïque de peuples divers. Et de part et d’autre de la frontière, les hindous s’enfuirent vers l’Inde et les musulmans vers le Pakistan.
Alors que le gouvernement indien reconnaissait les différentes croyances religieuses de la population, qui ne pouvaient justifier ni la partition de l’Inde ni la partition ultérieure du Cachemire, le gouvernement pakistanais tout juste créé le 14 août 1947 justifia son existence sur la seule base religieuse, et s’arrogea le droit de représenter l’ensemble des musulmans du sous-continent indien, ce qui incluait, bien entendu, également la majorité musulmane de plus de 70% dans l’Etat du Jammu-et-Cachemire.
Dès le 22 octobre 1947, afin de faire valoir cette prétention «quelques milliers de guerriers tribaux se réclamant de l’islam et venus des confins du Pakistan et de l’Afghanistan, envahirent – soutenus par les autorités pakistanaises – l’ouest du Jammu-et-Cachemire, déjà secoué par des troubles. Ils saccagèrent et pillèrent tous les villages sur leur route et parvinrent le 25 octobre 1947 tout près de la capitale, Srinagar».Ces gens, issus des tribus montagnardes, ne connaissant jusque là que les armes légères et de petit calibre, firent, lors de leur invasion du Jammu-et-Cachemire, usage de chars, de canons et même d’avions.4 Inutile de cogiter longtemps pour deviner qui leur avait procuré ces armes lourdes.
Cet événement a marqué la naissance du conflit, perdurant depuis plus de 72 ans et ayant provoqué quatre guerres entre l’Inde et le Pakistan – trois d’entre elles concernant directement l’importante région stratégique himalayenne du Cachemire –, dont la fin n’est toujours pas en vue.
Afin de garantir l’intégrité de son pays, le maharadjah (prince) du Jammu-et-Cachemire, Hari Singh, demanda formellement, le 26 octobre 1947, l’adhésion de son pays à l’Union indienne et écrivit au gouvernement indien pour lui demander son aide militaire. Le 27 octobre, cette déclaration d’adhésion fut formellement adoptée par le vice-roi Mountbatten qui recommanda à Nehru, le Premier ministre indien de reconnaître cette adhésion. Sur cette base, le gouvernement indien apporta son aide militaire et cette première guerre entre l’Inde et le Pakistan se poursuivit jusqu’à fin 1948.
Depuis janvier 1948, le Conseil de sécurité de l’ONU était saisi du conflit. Sur la base de la résolution du 13 août 1948 de la Commission des Nations unies pour l’Inde et le Pakistan (CNUIP/UNCIP) un cessez-le-feu, conclu le 1er janvier 1949, a tracé une ligne de démarcation au niveau des lignes de combat aléatoires entre les troupes des deux pays.5 Cela a entrainé la partition du Cachemire, elle-même génératrice de nouvelles guerres indo-pakistanaises.
Le futur statut du Cachemire devait faire l’objet d’un plébiscite. C’est ce qui ressort d’une lettre de Mountbatten au maharadjah Hari Singh, invoqué sans cesse par le Pakistan depuis. Il s’agit entre autres de la directive suivante: «La question de l’adhésion doit être tranchée en fonction des souhaits du peuple de l’état, c’est le souhait de mon gouvernement, dès que la loi et l’ordre au Cachemire seront rétablis et que son territoire aura été nettoyé des envahisseurs, la question de l’adhésion de […] devrait être tranchée par le suffrage populaire».6
Mis à part le fait que l’ordre public au Cachemire est à ce jour à peine rétabli et que la condition préalable au référendum n’est pas remplie, «il est apparu clairement à Nehru qu’un référendum devait rapprocher les idées de l’un ou l’autre des Etats. Si le Cachemire musulman choisissait le Pakistan, cela devait aussi être dans la perspective d’un Etat laïque; mais si le choix, s’avérait être l’Inde, cela reviendrait à nier la raison d’être du Pakistan».7
Qu’est-ce donc qui, à notre époque, fait à tel point l’attrait du Cachemire, célébré il y a près de 400 ans par l’empereur Jahangir comme le «paradis sur terre»? Si l’on excepte ses considérables ressources minières comme le charbon, le pétrole, le minerai de fer, le nickel, le plomb, le cuivre, l’or, etc. un seul coup d’œil sur la carte suffit à mettre en évidence son importance géostratégique. Le pays constitue un carrefour de communications car il est limitrophe de la République populaire de Chine, de l’Inde, de l’Afghanistan et du Pakistan et n’est séparé du Kazakhstan que par une bande étroite. C’est là que réside la véritable signification de ce pays et l’une des origines du conflit.

Des orientations de politique extérieure antagonistes

Alors que la politique extérieure indienne visait à soutenir la lutte pour la libération des pays encore colonisés et le non-alignement, et que les hommes politiques indiens lançaient dès mars 1947, c’est-à-dire à la veille de l’indépendance, des invitations pour l’historique «Asian Relations Conference» de New Delhi, afin d’y discuter des problèmes de la poursuite de la lutte anticolonialiste et des relations entre les jeunes Etats-nations, le gouvernement pakistanais initia dès le début une politique étrangère clairement orientée vers l’Occident. Le contraste n’aurait pu être plus marqué que le 8 septembre 1954, lorsque le Pakistan devint membre de l’organisation du South-East Asia Treaty (SEATO), créée par les Etats-Unis. L’Inde cependant fut initiatrice et membre fondateur des Pays non-alignés et de la Conférence des 29 Etats souverains d’Afrique et d’Asie, qui s’est tenue du 18 au 24 avril 1955 à Bandung (Indonésie).
Le gouvernement pakistanais en a rajouté une couche lorsqu’il a déclaré, le 23 septembre 1955, son adhésion au Pacte de Bagdad,8 dirigé par la Grande-Bretagne. Le Pakistan espérait résoudre par la force le conflit du Cachemire avec le soutien du CENTO (Central Treaty Organization). Si le gouvernement indien avait renoncé à son «immorale politique de non-alignement»,9 comme l’a déclaré avec force le ministre américain des Affaires étrangères John Forster Dulles, s’il s’était désisté et avait adhéré d’une manière ou d’une autre aux alliances établies par l’Occident, il n’y aurait peut-être pas eu de conflit au Cachemire au cours des 72 dernières années.10

La proclamation de la République islamique du Pakistan, le 23 mars 1956, devait encore renforcer sa revendication en tant que représentant légitime des musulmans vivant au Cachemire. Suite à la décision du 17 novembre 1956 de l’Assemblée constituante du Jammu-et-Cachemire d’adhérer à l’Union indienne et à l’entrée en vigueur, le 26 janvier 1957, d’une Constitution pour le Cachemire dans laquelle «il [est] établi que le Cachemire tout entier fait partie intégrante de la République fédérale indienne»11, son adhésion à l’Union indienne, factuelle depuis 1947, a été officialisée le 27 janvier sur la base de l’article 370 de cette Constitution.
La crise économique et intérieure au Pakistan a conduit l’armée à un coup d’Etat le 27 octobre 1958, sous la direction du maréchal Ayub Khan. La militarisation de la politique intérieure et extérieure du Pakistan et l’entrée du Cachemire dans l’Union indienne ont exacerbé autour de la question du Cachemire les tensions qui ont culminé en septembre 1965 dans la deuxième guerre indo-pakistanaise. Alors que la République populaire de Chine menaçait l’Inde, Alexeï Kossyguine, alors Premier ministre de l’Union soviétique fit office de médiateur entre les parties du conflit, à Tachkent. En conséquence, le Premier ministre indien Lal Bahadur Shastri et le président pakistanais Ayub Khan conclurent un cessez-le-feu et se mirent d’accord sur l’article I de la «Déclaration de Tachkent» du 10 janvier 1966, afin d’éviter une résolution du conflit par la force12. D’autres réunions au plus haut niveau avaient été prévues sur la base de l’article XI de la «Déclaration de Tachkent». Mais comme elles n’eurent pas lieu, les ministres des Affaires étrangères de l’Inde et du Pakistan se rencontrèrent donc à Rawalpindi du 1er au 2 mars 1966. Bien qu’il s’en soit suivi une intense activité diplomatique, les tensions entre les deux pays ne purent être réduites. Bien au contraire, les adversaires polémiquèrent les uns contre les autres, se reprochant la non-résolution du conflit du Cachemire. En 1969, la construction d’une route reliant le Cachemire au Xinjiang et modifiant la position stratégique de cette région au détriment de l’Inde – ceci avec l’aide de la République populaire de Chine – ainsi que l’arrestation au Cachemire de certains hommes politiques pro-pakistanais aggravèrent encore les tensions. A la fin du mois de janvier 1971, le détournement d’un avion de l’Indian Airlines par le mouvement séparatiste cachemiri vers Lahore (Pakistan), où les ravisseurs obtinrent l’asile et ont fait sauter l’avion, provoqua, de façon provisoire, un point de paroxysme dans les tensions. L’année 1971 a été marquée, dans l’histoire des relations entre le Pakistan et l’Inde, par un manque de dialogue et par des dénonciations diplomatiques mutuelles sur la scène internationale. Cela a conduit à la fin de cette année (3 décembre 1971) à la troisième guerre indo-pakistanaise, qui avait déjà entraîné la défaite du Pakistan le 16 décembre 1971 et à la séparation du Pakistan oriental en tant qu’Etat indépendant sous le nom du Bangladesh.
Ces activités guerrières ont empêché la tenue des réunions au plus haut niveau prévues précédemment.
Ce n’est que le 20 décembre 1971, avec l’entrée en fonction de Zulfikar Ali Bhutto comme nouveau Premier ministre du Pakistan, qu’une rencontre a eu lieu du 28 juin au 2 juillet 1972 entre Indira Gandhi et Z. Bhutto à Simla (Inde du Nord). C’est également le 2 juillet 1972 que furent signés – par I. Gandhi et Z. Bhutto – les Accords de Simla. Les deux parties s’engageaient à résoudre le conflit du Cachemire par des moyens pacifiques.13 Cependant, à peine revenu de Simla, Z. A. Bhutto mit en œuvre le programme nucléaire pakistanais en espérant qu’il aurait un effet dissuasif sur l’Inde. Concernant la résolution de la question du Cachemire, cela impliquait un changement des rapports de force en faveur du Pakistan.14 Il ne fallut que deux ans à l’Inde pour combler le retard et faire exploser un engin nucléaire en 1974.15 Or, nous le savons, les deux pays ont réalisé en mai 1998 onze essais nucléaires souterrains (Cinq pour l’Inde les 11 et 13 mai et six pour le Pakistan les 28 et 30 mai).16 Le conflit du Cachemire est, à maints égards, extrêmement sensible pour les pays limitrophes mais aussi pour la politique internationale.
Premièrement, à l’automne 1959, la République populaire de Chine a mené une guerre Nuit-et-Brouillard contre l’Inde et occupé la partie nord-est du Jammu-et-Cachemire.17 Dans une autre guerre frontalière, la République populaire de Chine a occupé en 1962 des zones importantes du nord-est de l’Inde en les intégrant à sa province du Xinjiang et en les renommant tout simplement «Aksai Chin».
Lorsque le 16 octobre 1964 la République populaire de Chine a fait exploser sa première bombe atomique, elle n’était plus du tout prête à négocier la restitution de l’«Aksai» à l’Inde. Cette situation renforça la position du Pakistan dont le régime, qu’il soit civil ou militaire, demeurait allié à la République populaire de Chine contre l’Inde, et impliqua le renforcement de conflits ultérieurs ainsi que de l’attitude défensive de l’Inde dans la question du Cachemire. En outre, cela entraina dans le conflit du Cachemire non seulement les nouvelles puissances nucléaires qu’étaient l’Inde et le Pakistan, mais aussi une autre puissance nucléaire, la République populaire de Chine.
Deuxièmement, alors que les différents gouvernements indiens respectaient les accords de Tachkent et de Simla, les gouvernements pakistanais provoquaient ces mêmes gouvernements indiens, entre autres en favorisant la mise en œuvre d’un plébiscite afin de maintenir le conflit du Cachemire en ébullition. En effet, «bien que cela puisse paraître cynique, c’était – et cela est toujours – le conflit occulté avec l’Inde qui maintient en place et cimente les diverses forces politiques et idéologiques du Pakistan».18 Outre le fait qu’aucune revendication du Pakistan vis-à-vis de l’Inde n’est légitimée et que l’adhésion du Cachemire à l’Union indienne a rendu le plébiscite obsolète, les gouvernements indiens ont souligné que si le Pakistan retirait son armée du Cachemire, ils étaient prêts à organiser un référendum même si cela allait non seulement à l’encontre du principe de l’Etat laïque auquel l’Inde était tenue mais encore menaçait, tel un effet-domino, l’unité étatique de l’Union indienne.19

La situation actuelle et ses causes

Le 14 février 2019, près de Srinagar, la capitale de l’Etat indien du Jammu-et-Cachemire, a eu lieu un attentat dans lequel une voiture piégée a été projetée contre un bus. Plus de quarante soldats indiens ont été tués, ce qui en fait l’un des attentats les plus meurtriers en 30 ans dans la partie indienne du Cachemire. En 2008, les extrémistes islamistes ont également terrorisé des jours durant la métropole financière indienne de Bombay. L’organisation terroriste islamiste Jahish-e Mohammad (JeM), basée au Pakistan, a revendiqué l’attentat le plus récent.20 Après l’attentat, l’armée indienne a lancé une opération contre les JeM. Ils ont alors découvert un noyau caché de terroristes près du village de Pinglan sur le territoire pakistanais, à l’extérieur du Cachemire. Lors de tirs croisés, qui ont duré 12 heures, sept personnes sont décédées dont quatre membres des forces de sécurité indiennes. Lorsque le JeM, qui opérait depuis le Pakistan, a ouvertement revendiqué l’attaque terroriste, l’armée de l’air indienne a bombardé un camp d’entraînement des JeM situé sur le territoire pakistanais. L’armée pakistanaise a alors abattu un avion de chasse indien et arrêté le pilote Abhinandan Varthaman. Peu après, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, a annoncé la libération du pilote. Les observateurs ont interprété cela comme un aveu de culpabilité ainsi qu’un acte de réparation du Pakistan pour désamorcer la crise, comme l’a souligné le 1er mars «Dawn» le journal de Karachi. Il est remarquable que ce soit la première fois depuis le début du conflit au Cachemire que l’armée admette publiquement des frappes militaires du côté pakistanais.
Le gouvernement indien souhaite inscrire le dirigeant du JeM, Maulana Massoud Azhar, sur la liste Terroristes des Nations unies et se plaint que le gouvernement de la République populaire de Chine ait mis son veto et bloque cette mesure. Le «Global Times» journal de Pékin dirigé par l’état a demandé dans l’un de ses articles «des preuves solides»21 contre Azhar au gouvernement indien. En fait, il s’agit là d’une excuse transparente, le JeM s’accusant lui-même d’avoir commis des actions terroristes.22 En outre, le JeM est officiellement interdit au Pakistan mais à l’intérieur du pays, ses dirigeants demeurent à l’abri des poursuites. Les experts de la sécurité indienne soulignent encore que le JeM est toujours protégé par les services secrets militaires pakistanais (ISI). Selon le gouvernement indien, plusieurs groupes extrémistes dirigés par l’ISI luttent contre l’Etat indien.23 Les observateurs de la région confirment que le JeM est classé parmi les organisations secrètes islamistes, «financé, équipé, formé et chargé d’attaques dans les pays voisins par l’armée pakistanaise et ses services de renseignements».24
Tout seul, le JeM n’aurait jamais été en mesure d’agir de manière autonome et de mener de telles opérations terroristes, souligne Ajai Sahni, expert antiterroriste et directeur de l’«Institute for Conflict Management» (Institut pour la gestion des conflits).25 Maulana Massoud Azhar avait déjà été arrêté dans les années 1990 pour activités terroristes au Cachemire. Lorsqu’il a détourné un avion de l’Indian Airlines en 1990 et l’a amené à Kandahar en Afghanistan, là où régnaient encore les talibans, il a été libéré en échange des passagers.
Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a déjà annoncé qu’il n’hésiterait pas à riposter face à la menace de l’Inde.
En Inde, un nouveau Parlement a été élu en avril. Le Premier ministre par intérim, Narendra Modi, de la «Bharatiya Janata Party» (BJP) a longtemps été considéré comme le vainqueur. Mais entre-temps, le Parti du Congrès, dans l’opposition, a rattrapé son retard. Dans cette phase mouvementée de la campagne électorale, Modi a voulu jouer la carte nationaliste et a donné carte blanche aux dirigeants de l’armée. Une réponse militaire de l’Inde aurait été appropriée en 2008, lorsque les extrémistes islamistes ont terrorisé la métropole financière de Bombay. Néanmoins, celui qui attribue à New-Delhi la responsabilité de la récente escalade «du conflit entre les deux puissances nucléaires sud-asiatiques, met la charrue avant les bœufs».26
Pour l’instant, l’escalade du conflit entre l’Inde et le Pakistan semble évitée. En fait, les deux parties n’ont aucun intérêt à une aggravation du conflit parce qu’elles savent ce que cela impliquerait. En outre, certains analystes estiment que le Pakistan est au bord de la faillite et qu’il ne supporterait pas une guerre avec l’Inde.27 «Mais le terrorisme sous contrôle de l’Etat se poursuivra au Pakistan.»28
Jusqu’à présent, l’équilibre de la terreur entre les deux puissances nucléaires que sont l’Inde et le Pakistan n’a pas créé de «stabilité notable, mais a favorisé les guerres conventionnelles et les guerres hybrides. Cela inclut pour le Pakistan le recours systématique au terrorisme islamique pour attaquer l’Inde».29 Du point de vue tactique, il s’agit là, de la part d’Islamabad d’une politique bien calculée. En effet, les groupes terroristes des extrémistes islamiques représentent, en tant qu’«hommes de main […], un genre de guerre irrégulière peu coûteuse qui [peut] reléguer l’Inde à l’arrière-plan, malgré sa supériorité en matière d’armement conventionnel et nucléaire. Les militaires et les services secrets prolongent leur opposition au grand voisin parce que cela cimente l’emprise des généraux sur le pouvoir du gouvernement pakistanais. Et c’est une mesure de représailles: le Cachemire, source d’hostilités, n’est pas le seul point faible des Pakistanais. Le haut commandement de l’armée pakistanaise n’a toujours pas digéré le soutien militaire apporté par l’Inde à la sécession du Bangladesh en 1971, qui a d’un seul coup divisé par deux le territoire du Pakistan».30
Le 27 février, le journal pakistanais «The Nation» a rendu compte de l’arrestation de 44 suspects présumés liés à l’acte terroriste du 14 février. Cependant, le gouvernement d’Islamabad semble indécis en ce qui concerne l’arrestation de Maulana Massoud Azhar, chef du groupe terroriste. Il est intéressant de noter que les noms de certaines des personnes arrêtées figurent dans un dossier transmis au gouvernement pakistanais par l’Inde. L’Inde a également identifié «le camp de l’organisation terroriste Jaishe-e Mohammad dans le pays voisin».31
Shehryar Khan Afridi, ministre d’Etat au ministère de l’intérieur du Pakistan, a annoncé que son gouvernement était déterminé à «faire respecter l’Etat de droit si l’on trouve des preuves contre ces gens».32 Le JeM s’étant lui-même déjà rendu célèbre pour des faits de terrorisme, on peut difficilement trouver de meilleures preuves. Là-dessus, les Indiens sont sceptiques et considèrent plutôt les arrestations comme des «épisodes cosmétiques».33 Ajai Sahni, expert indien de la lutte contre le terrorisme, prévoit qu’à l’avenir «la vulnérabilité de l’Inde par suite d’attaques terroristes»34 va se poursuivre. Par le passé, tous les experts et observateurs de la situation pensaient déjà que le risque de conflit nucléaire entre l’Inde et le Pakistan était envisageable à tout moment.35 «En 1999, en plein conflit avec l’Inde, le Pakistan a failli mettre en position ses armes nucléaires».36 Une guerre nucléaire «serait une catastrophe non seulement pour les deux pays limitrophes, mais aussi pour le monde entier», prévient le journal turc «Milliyet» le 1er mars. Le Pakistan se sent inférieur à l’Inde dans le domaine militaire conventionnel. C’est pourquoi, il y a quelques années, Islamabad a développé la doctrine de la «full-spectrum deterrence» (dissuasion totale et tout azimut)37 qui inclut une première frappe nucléaire. Cela alors que l’Inde exclut l’utilisation première d’armes nucléaires en réponse à une attaque conventionnelle du Pakistan.38
La recherche d’une solution politique au conflit devient donc de plus en plus urgente. Le 24 mai 2001, Atal Bihari Vajpayee, alors Premier ministre indien, avait invité le dirigeant militaire pakistanais Parviz Musharaf39 à des pourparlers de paix, principalement dans le but de trouver une solution au conflit du Cachemire. Musharaf a officiellement accepté l’invitation dans une lettre adressée au Premier ministre indien le 29 mai 2001, soulignant l’importance de bonnes relations pour le développement économique. Il a souligné le message-clé du Premier ministre indien qui faisait valoir l’absence d’ennemi commun aux deux peuples. Le Pakistan aurait tout intérêt à une Inde stable et prospère, vivant en paix avec ses voisins et il serait prêt – au-delà du conflit du Cachemire – à aborder toutes les autres questions en suspens dans les relations bilatérales.40 Il reste à espérer que les deux parties déploient de sérieux efforts pour résoudre pacifiquement le conflit qui dure depuis plus d’un demi-siècle. Si les adversaires ne sont pas en mesure de le faire ou n’y sont pas disposés, l’«Organisation de coopération de Shanghai» ainsi que les Etats non alignés, dont font partie l’Inde et le Pakistan, pourraient être des intermédiaires appropriés.         •

* Matin Baraki, né en 1947 en Afghanistan, pays où il a travaillé comme enseignant avant de venir en Allemagne. Aujourd’hui, il est spécialiste de l’Afghanistan, expert en politique de développement, membre du Centre pour la recherche sur les conflits et professeur de politique internationale à l’Université Philipps de Marburg.

1    Baraki, Matin. Témoignage écrit d’un entretien avec le politicien afghan de l’époque Ali Mohammad Chorosch, en été de l’année 1973 à Bagrami près de Kaboul
2    Rösel, Jakob. Die Entstehung des Kaschmirkonflikts. In: Draguhn, Werner (Ed.). Indien 1999, Hambourg 1999, p. 161
3    Geiger, Rudolf. Kaschmir. Vier Jahrzehnte eines Konflikts, in: Vereinte Nationen, Koblenz, Jg. 36, 1988, no 2, p. 53
4    cf. Henseleit, Ulrich. Das Kaschmir-Problem. In: Deutsche Aussenpolitik, Berlin, Jg. 1, H. 5, 1956, p. 465
5    cf. idem et Geiger, Rudolf. Kaschmir. Vier Jahrzehnte eines Konflikts, a.a.O., p. 54
6    Geiger, Rudolf. Die Kaschmirfrage im Lichte des Völkerrechts. Berlin 1970, p. 246
7    Rothermund, Dietmar. Die politische Willensbildung in Indien 1900–1960. Wiesbaden 1965, p. 232
8    Depuis le 20/8/1959, après le retrait de l’Irak le 24/3/1959 CENTO
9    Baraki, Matin. Die Beziehungen zwischen Afghanistan und der Bundesrepublik Deutschland 1945–1978, […], Frankfurt/M. 1996, p. 83
10    cf. Weidemann, Diethelm. Kaschmir – Knotenpunkt indisch-pakistanischer Konfliktlinien. in: Blätter für deutsche und internationale Politik, Bonn, Jg. 41, H. 9, 1996, p. 1100
11    Fisch, Hans. Kaschmir – ein Bestandteil der Indi-schen Union, in: Deutsche Aussenpolitik, Berlin, Jg. 2, 1957, H. 4, p. 313
12    cf. Chaudhry, Mohammed Saeed. Der Kaschmirkonflikt. München 1976 (in 3 Bdn.), Bd. III, S. 361, deutsche Fassung, siehe Europa-Archiv, Bonn, 1965, p. D 111
13    Texte de l’accord, cf. Europa-Archiv, Bonn, 1972, p. D 358
14    cf. Subramanian, V. Negarajan. Ein nuklearer Schatten über Kaschmir. In: Le Monde diplomatique, Beilage zur Tageszeitung (TAZ), Berlin, Juli 1999, p. 8
15    cf. Weber, Bernd. Jammu und Kaschmir. In: Europäische Sicherheit, Herford, Jg. 43, 1994, no 10, p. 488
16    Il était assez incroyable que certains pays critiquèrent les testes nucléaires, car les Américains, les Britanniques, les Allemands, les Français, les Chinois et les Coréens du Nord avaient auparavant tous soutenu très activement le programme nucléaire pakistanais pendant de longues années. Cf. Randow, Gero von. With a little help. In: Die Zeit, Hamburg, Nr. 24 du 4/6/1998, p. 6
17    Comme l’occupation eut lieu clandestinement, on ne peut pas définir une date précise. Même l’Encyclopaedia Britannica écrit qu’au cours de l’année, on apprit l’occupation du nord-est du Cachemire par la République populaire de Chine. Cf. Encyclopaedia Britannica, Chicago, Vol. 12, 1973, p. 869
18    Weidemann, Diethelm. Kaschmir – Knotenpunkt indisch-pakistanischer Konfliktlinien. a.a.O., p. 1099. Depuis 1980, le conflit avec l’Afghanistan s’y ajouta, ne menant pas uniquement à la cohésion du Pakistan, mais profitant également à sa position internationale, au budget national ainsi qu’aux politiciens et militaires corrompus.
19    Les séparatistes au Rajasthan ou au Pendjab, tentant eux-mêmes à obtenir une sécession avec des moyens terroristes, ne font qu’attendre une telle situation.
20    cf. Kampf um Kaschmir. in: Süddeutsche Zeitung du 19/2/19, p. 9; Fähnders, Till. Stundenlanges Feuergefecht. in: Frankfurter Allgemeine Zeitung du 19/2/19, p. 5; Fähnders, Till; Meier, Christian. Vom Kaltstart zum Erstschlag? in: Frankfurter Allgemeine Zeitung du 8/3/19, p. 8
21    Kampf um Kaschmir, a.a.O.
22    cf. Fähnders, Till. Stundenlanges Feuergefecht. Kampf um Kaschmir, a.a.O.
23    cf. Matern, Tobias. Attacken zweier alter Feinde. In: Süddeutsche Zeitung vom 27.2.2019, S. 7
24    Matthay, Sabina. Indien-Pakistan-Konflikt. In: Deutschlandfunk, Köln, 2.3.2019
25    cf. Perras, Arne. Zynische Kalkulation. In: Süddeutsche Zeitung vom 22.2.2019, S. 7
26    Matthay, Sabina. Indien-Pakistan-Konflikt, a.a.O.
27    cf. Indien wächst langsamer und verspricht Wohltaten, in: Frankfurter Allgemeine Zeitung vom 1.3.2019, S. 19
28    Matthay, Sabina. Indien-Pakistan-Konflikt, a.a.O.
29    idem.
30    idem.
31    Krüger, Paul-Anton. Friedensgeste aus Islamabad. In: Süddeutsche Zeitung du 1/3/19, p. 7
32    Perras, Arne. Roter Stempel gegen den Terror. In: Süddeutsche Zeitung du 7/3/19, p. 7
33    idem.
34    idem.
35    vgl. Kokoschin, Andrej. Russland muss eine führende Rolle spielen. in: Frankfurter Allgemeine Zeitung vom 8.8.2000, S. 14; Duran, Khalid. Alarmstufe Rot. In: Die Woche, Hamburg, 14.1.2000, S. 27
36    Fähnders, Till; Meier, Christian. Vom Kaltstart zum Erstschlag? a.a.O.
37    idem.
38    cf. idem.
39    Le 20/6/01, il se fit assermenter en tant que président du Pakistan.
40    cf. Indien lädt zum Dialog, in: TAZ du 25/5/01, p. 9; Adam, Werner. Armut ist der wirkliche Feind. In: Frankfurter Allgemeine Zeitung du 28/5/01, p. 16

(Traduction Horizons et débats)

La situation actuelle au Cachemire

Le gouvernement indien a suspendu les droits spéciaux de l’Etat du Jammu-et-Cachemire. Amit Shah, ministre de l’Intérieur du parti patriote-conservateur de droite au pouvoir, le Bharatiya Janata Party (BJP), a annoncé le 5 août au Parlement que l’article 370 de la Constitution, qui réglemente le statut de la partie indienne de la région himalayenne, avait été abrogé. Cet article donnait au gouvernement central de New Delhi la souveraineté sur la politique étrangère et de défense, mais garantissait au Cachemire d’avoir sa propre Constitution et une large autonomie. L’article offrait, par exemple, des droits exclusifs de propriété à la population du Cachemire. Ces droits spéciaux ont maintenant été abolis afin que des colons d’autres régions de l’Inde puissent également y acheter des terres. De nombreux Cachemiriens y voient une première étape pour changer les réalités ethnographiques de l’Etat en faveur d’une majorité hindoue. Le Premier ministre indien Narendra Modi appelle même la République populaire de Chine à rendre Aksai Chin.
Le 4 août, pour bien garder la situation sous contrôle, le gouvernement central de New Delhi avait déjà assigné à résidence les dirigeants politiques de la province, dont les deux anciens premiers ministres Omar Abdullah et Mehbooba Mufti, et bloqué toutes les voies de communication à destination et en provenance du Cachemire. Le Cachemire est le seul Etat indien à majorité musulmane dont le statut spécial fait obstacle à la vision du BJP d’une Inde hindoue. «Le parti au pouvoir, le BJP, pense qu’il va ‹hindouiser› le Cachemire. Mais au lieu de cela, nous assisterons probablement à la ‹cachemirisation› de l’Inde», a déclaré l’«Indian Express» le 6 août. Les observateurs sur le terrain mettent en garde contre une terrible escalade de la violence. Narendra Modi devait en effet être conscient que cette abolition d’autonomie déstabiliserait toute la région du Cachemire et les environs. C’est pourquoi il a stationné 8000 soldats supplémentaires au Cachemire, qui est déjà l’une des régions les plus militarisées du monde avec 500 000 soldats.
Ces mesures de New Delhi constituent une motivation décisive pour les radicaux au Cachemire et au Pakistan pour intensifier la lutte armée avec le soutien du gouvernement et des services secrets d’Islamabad. En outre, elles aggravent encore les tensions entre l’Inde et le Pakistan. L’Inde cherche-t-elle réellement à obtenir une victoire définitive au sujet du statut du Cachemire? En tout cas ce serait très dangereux. Après tout, le Pakistan et l’Inde sont tous-deux des puissances nucléaires. Le gouvernement pakistanais a expulsé l’ambassadeur indien du pays, mais a annoncé son intention de résoudre le conflit par la voie diplomatique plutôt que militaire. Le Premier ministre pakistanais Imran Khan a demandé au président américain Donald Trump de faire office de médiateur. Le Président des Etats-Unis avait exprimé sa volonté d’agir en tant que médiateur entre l’Inde et le Pakistan dans le règlement de la situation autour de la région contestée. Ceci a été rapporté par l’agence de presse Reuters le 22 juillet. La situation est grave. «Cela risque de se transformer en crise régionale» a écrit Imran Khan sur Twitter le 4 août.1 Reste à savoir si Trump peut servir de médiateur dans cette affaire.
Pour la première fois depuis 1972, le Conseil de sécurité de l’ONU discute du conflit du Cachemire. L’ambassadeur de la Chine à l’ONU a demandé une réunion du Conseil de sécurité après que le Pakistan ait demandé à l’organe des Nations Unies de se réunir. Le gouvernement chinois a blâmé l’Inde pour la nouvelle flambée de tensions dans la région du Cachemire et a clairement critiqué le gouvernement de New Delhi. «Ce qu’il convient de souligner, c’est que les actions de l’Inde ont également remis en cause la souveraineté de la Chine et violé un accord bilatéral,2 a déclaré le 16 août l’ambassadeur chinois aux Nations Unies Zhang Jun après une réunion à huis-clos du Conseil de sécurité à New York. De telles actions unilatérales de la part de l’Inde ne sont pas acceptables, d’après Zhang Jun. Et de poursuivre ainsi: la paix et la stabilité dans la région frontalière sont menacées, et la Chine est «sérieusement préoccupée» par l’évolution de la situation. Le Pakistan et l’Inde doivent trouver un accord pacifique sur leurs tensions communes.
Dans la partie indienne de la région conflictuelle du Cachemire, des centaines de manifestants se sont heurtés à la police le 16 août. Le chef du gouvernement pakistanais Imran Khan a téléphoné au président américain Donald Trump au sujet de la situation dans la région. Ce fut une «bonne conversation» et tous deux avaient décidé de «rester en contact permanent»,3 a déclaré le ministre pakistanais des Affaires étrangères Shah Mehmood Qureshi.
On note qu’un autre soldat pakistanais a été tué au Cachemire, selon des informations provenant d’Islamabad. L’armée pakistanaise a annoncé le 16 août que le soldat avait été tué par des tirs venant du côté indien de la ligne dite «de contrôle». Les agences de presse AFP et dpa ont rapporté que trois soldats pakistanais et deux civils avaient déjà été tués par des unités indiennes la veille.

(Traduction Horizons et débats)

1    «Trump soll vermitteln», in: Frankfurter Allgemeine Zeitung du 5/8/19, p. 5
2    «China gibt Indien die Schuld an Spannungen» in: Der Tagesspiegel, Berlin du 16/8/19: https://www.tagesspiegel.de/politik/konfliktregion-im-himalaya-indien-hebt-sonderstatus-von-kaschmir-auf/24871186.html
3    ibid.

Propositions pour une solution politique du conflit

par Matin Baraki

Tout d’abord, toutes les parties impliquées dans le conflit doivent être prêtes à négocier sans conditions préalables. L’ordre du jour devrait comprendre les points suivants:

  1. La démilitarisation complète de l‘ensemble du Cachemire, c‘est-à-dire de la partie occupée par la République populaire de Chine, celle occupée par le Pakistan et celle gouvernée par l‘Inde mais revendiquée par le Pakistan, comme condition préalable à une solution possible du conflit.
  2. Il faut veiller à ce que toutes les parties fassent preuve d‘une retenue absolue à l’égard du Cachemire et n’entreprennent plus de tentatives pour modifier la situation au Cachemire à leur avantage.
  3. Des mesures de confiance telles que l‘échange de prisonniers, les facilités de voyage (par exemple levée de l’obligation de visa) pour tous les habitants du Cachemire, la coopération économique, culturelle et scientifique, des émissions de radio et de télévision communes, etc. doivent être convenues et réalisées. Les énormes problèmes sociaux causés notamment par le conflit doivent également être réglés sérieusement et de toute urgence.
    D‘autres négociations devraient porter sur la réunification des parties séparées du Cachemire, y compris la restitution du territoire occupé par la République populaire de Chine, et sur l‘accord d‘autonomie pour l’ensemble du Cachemire dans un premier temps, dans le cadre de la Constitution de la République de l‘Inde. En fin de compte, un référendum sur l‘autodétermination du Cachemire devrait avoir lieu sous supervision internationale et dans un délai raisonnable. Par contre, un référendum au début de ce processus, dans un climat empoisonné depuis des années par les fondamentalistes islamiques, entraînerait très probablement la séparation du Cachemire de l‘Inde sous la direction de ces islamistes, sans doute sous une forte dépendance du Pakistan. Cela ne contribuerait en rien à la paix au Cachemire et sur le sous-continent indien. Au contraire, le Pakistan serait en position de force vis-à-vis de l‘Inde, ce qui entraînerait des dangers et rendrait plus difficile une solution durable du conflit. Il est donc urgent de déconseiller de telles mesures prématurées.
  4. Bien que cela puisse apparaître irréaliste à l‘heure actuelle, l’instauration d’un climat de confiance en vue de mesures de conciliation devraient développer à long terme une union entre l‘Afghanistan, l‘Inde et le Pakistan. Car les trois pays ont une histoire, une culture et, dans une certaine mesure, une religion communes, du moins depuis l‘Empire moghol. Une telle union pourrait résoudre à la fois le conflit frontalier entre l’Afghanistan et le Pakistan dans la zone tribale (Traité de Duran) et celui du Cachemire et stabiliser ainsi la région pour une longue période.

A mon avis, les meilleurs médiateurs dans le scénario de négociation décrit aux points 1 à 3 seraient le Mouvement des Etats non-alignés et l’Organisation de la Conférence islamique (OCI), qui seraient acceptés par les deux parties comme acteurs relativement neutres.
L’appel à la paix des peuples du Cachemire ne peut plus être ignoré. Leur joie lors de la nouvelle ouverture de la frontière entre l’Inde et le Pakistan le 21 octobre 2008 a été énorme. Il est grand temps de respecter enfin leur volonté.

(Traduction Horizons et débats)


Photo mise en avant : Des troupes indiennes se sont déployées dans le Cachemire, début août 2019. — AP Photo/Channi Anand


Lire aussi :

5 août 1965 : Déclenchement d’un conflit sur le Cachemire entre l’Inde et le Pakistan


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *