Algérie / Suppression de la règle 51/49: Le débat est lancé

par Moncef Wafi

L’avant-projet de la loi de finances 2020, présenté mercredi dernier en Conseil du gouvernement, propose la levée des restrictions prévues dans le cadre de la règle 51/49 % applicable aux investissements étrangers en Algérie pour les secteurs non stratégiques. Pour l’économiste Abdelhak Lamiri, la suppression de cette règle instituée en 2009 est «une bonne chose», estimant, lors de son passage hier à la chaîne 3 de la radio nationale, qu’elle doit donner lieu à des «mesures d’accompagnement pour avoir une attractivité de l’investissement». L’Algérie doit, de plus, selon cet économiste, moderniser les administrations et les banques mais aussi développer les ressources humaines.

Il appelle aussi à des réformes structurelles pour améliorer le climat des affaires et attirer les investisseurs étrangers. «L’Algérie, relève-t-il, n’attire qu’un milliard de dollars en terme d’investissement étranger, alors que le Maroc en capture 2,5 milliards de dollars et que l’Egypte, qui n’a pas d’économie florissante, attire plus de 7 milliards de dollars d’IDE», explique-t-il. Si l’économiste est en faveur de cette démarche, l’Association générale des entrepreneurs algériens (AGEA) a souligné, quant à elle, son opposition à cette suppression qu’elle combattra, demandant la tenue, dans les plus brefs délais, d’une réunion tripartite afin d’arriver à de véritables solutions à même de sortir le pays de cette situation de crise financière, au lieu de «se focaliser sur les intérêts des entreprises étrangères». Pour l’AGEA, le maintien de cette règle ne peut qu’être bénéfique aux entreprises nationales, «à l’image des secteurs du BTPH, de la fabrication des matériaux de construction, les services et l’électronique» qui restent «faibles», assurant que cette décision «représente une menace pour les entreprises privées et pour l’économie nationale».

Selon le communiqué des services du Premier ministre, la décision d’annuler la règle 51/49 a pour objectif d’attirer l’investissement étranger et d’améliorer le climat des affaires. Cette règle, rappelons-le, avait été instaurée en vertu de la loi de finances pour l’année 2009 pour fixer les parts de participation d’un investisseur étranger dans une société de droit algérien à hauteur de 49% contre 51% du capital social pour l’investisseur local. En 2016, cette règle a été retirée du code de l’investissement pour être encadrée par les lois de finances successives. Dans l’esprit du gouvernement, cette abolition de la règle devra booster les IDE (Investissements directs étrangers) qui étaient de l’ordre de 1,5 milliard de dollars en 2018, soutenus par l’investissement dans les secteurs pétro-gazier et l’automobile, selon un rapport de la CNUCED.

Par ailleurs, Abdelhak Lamiri a tiré la sonnette d’alarme quant au pouvoir d’achat des Algériens qui va, chaque année, perdre 1,5% de sa valeur, qualifiant la situation sociale de «très complexe». L’économiste a appelé à des mesures d’urgence pour freiner cette érosion du pouvoir d’achat, en attendant, dit-il, la mise en place d’une «stratégie globale». Pour l’expert financier, Ferhat Aït Ali, la problématique du pouvoir d’achat est «directement liée aux revenus en valeur courante et à leur mauvaise répartition et non pas à la valeur du dinar uniquement ou la disponibilité des produits», mettant en cause les disparités salariales enregistrées en Algérie.


Le 49-51, l’humilité et la sagesse

par Abdou BENABBOU

Tout ça pour ça. Revenir pour remettre dans le tiroir l’exigence du 49-51 en matière d’investissement pour les entreprises étrangères est d’abord un acte d’humilité. Quand on a une économie au ras des pâquerettes et quand le monde du travail hurle au naufrage, faire les gros bras relève d’un esprit suffisant évident. Non pas qu’il faille s’astreindre à un déculottage pour absoudre une souveraineté pourtant aléatoire, mais quand on pense détenir les attributs des Goliath, la consistance de sa force ne se mesure pas à la densité des fanfaronnades ni au poids d’un patriotisme douteux.

Dans l’univers de l’économie, admettre que l’ère des principes, aussi légitimes qu’ils soient, est révolue et serait une œuvre de salubrité. Ne rien produire ou si peu n’offre même pas un petit recoin dans le terrain où se déroule aujourd’hui une féroce compétition économique mondiale. Et les petites recettes des gestionnaires et des gouvernants qui défilent avec leurs humeurs ne font que confirmer un amateurisme qui, on le voit bien, mène à la ruine.

Pourquoi donc avoir au gré du vent initié un diktat pour ensuite épouser son contraire, et pourquoi il en est de même pour ce retour à l’importation des voitures de moins de trois ans et de ce recours annoncé par un chuchotement gêné, presque inaudible, à des prêts étrangers ? On ne peut ne pas voir dans ce tâtonnement inconséquent une similitude avec un architecte novice et borgne qui rase un immeuble parce qu’une de ses portes seulement est mal fixée. Ou encore un prétendu génie de la mécanique, noyé dans un océan d’hésitations, tripotant un véhicule malade, lui soustrayant moult pièces de rechange sans déceler que le mal ne vient que de la défaillance d’un ridicule fusible.

C’est que l’une des grandes maladies nationales, cause de dégâts incommensurables est la présomption et l’autosatisfaction. Sans doute est-ce l’histoire du pays souvent, sinon toujours, mouvementée qui serait à l’origine du tempérament trop guerrier qui serait collé à la peau des Algériens dont il serait temps aujourd’hui de s’en défaire pour ne s’en tenir qu’à leurs réels intérêts.

Bien lointaine du tempérament de baroudeur, sur le terrain de l’économie, l’humilité est le puissant nerf de la sagesse. Elle est surtout facteur de gain.


Maghreb Émergent

L’ASSOCIATION DES ENTREPRENEURS ALGÉRIENS S’OPPOSE À LA SUPPRESSION DE LA RÈGLE 49/51



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