Multilatéralisme et égalité des Etats : Sergueï Lavrov présente la vision russe du jeu international

En amont de l’Assemblée générale de l’ONU, le chef de la diplomatie russe a évoqué les grandes lignes de la politique internationale de Moscou. Il prône le multilatéralisme et dénonce le «révisionnisme» de l’Occident en matière de sécurité.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, à Moscou le 28 août 2019. (image d’illustration) © Yuri Kadobonov Source: AFP

A quelques jours du débat général de la 74e session de l’Assemblée des Nations unies, qui s’ouvrira le 24 septembre à New York, le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a publié le 20 septembre sur le site du ministère des Affaires étrangères, un texte exposant les grandes lignes de la politique internationale de la Russie.

Les récidives des approches néocoloniales arrogantes attribuant à certains pays le droit de dicter leur volonté aux autres sont rejetées par la majorité absolue des membres de la communauté internationale.

Le libéralisme occidental et les sanctions

Dressant un bilan historique de la fin du XXe siècle en matière de relations internationales, le ministre russe affirme que les tentatives d’adopter un modèle unipolaire ont à ce jour échoué. «Le processus de transformation de l’ordre mondial est devenu irréversible», selon lui. 

«Les récidives des approches néocoloniales arrogantes attribuant à certains pays le droit de dicter leur volonté aux autres sont rejetées par la majorité absolue des membres de la communauté internationale», assure à cet égard Sergueï Lavrov.

En outre, selon Sergueï Lavrov, la rhétorique de l’Occident sur le «libéralisme», la «démocratie» et les «droits de l’Homme» s’accompagne d’«approches basées sur l’inégalité, l’injustice et l’égoïsme, la conviction de sa propre exclusivité».

A titre d’exemple, le chef de la diplomatie russe relève que l’Occident prétend placer «au centre» l’individu, ses droits et libertés, tout en appliquant «la politique de sanctions, d’étouffement économique et de menaces militaires ouvertes envers différents pays indépendants – Cuba, l’Iran, le Venezuela, la Corée du Nord, la Syrie.» Or, Sergueï Lavrov relève que ces sanctions «frappent directement les gens ordinaires, leur bien-être, enfreignent leurs droits socio-économiques».

Droits de l’Homme et bombardement de pays souverains

De même, le chef de la diplomatie russe pointe l’incohérence constituant à prôner le respect des droits de l’Homme tout en réalisant des «bombardements de pays souverains».

Plus précisément, le ministre dénonce le fait que la volonté occidentale de détruire des structures étatiques a entraîné «des centaines de milliers de morts, […] condamné des millions d’Irakiens, de Libyens, de Syriens et d’autres nations à d’innombrables souffrances».

Il évoque également «les aventures du Printemps arabe [qui] ont détruit la mosaïque ethno-confessionnelle unique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord».

Respecter «l’égalité des Etats»

Sur une thématique proche, Sergueï Lavrov invite l’Occident à abandonner ses «tentatives d’inventer ses propres « règles » et de les imposer à tous les autres comme la vérité de dernière instance». Il émet le vœu que dorénavant soient respectées «rigoureusement les principes de la Charte de l’ONU, à commencer par le respect de l’égalité des Etats – indépendamment de leur taille, de la forme du gouvernement ou du modèle de développement».

Il épingle une position «paradoxale» occidentale : des Etats qui se présentent comme des modèles de démocratie «s’en préoccupent seulement quand ils exigent d’autres pays de « remettre de l’ordre » chez eux, selon les recettes occidentales». Mais, pour Sergueï Lavrov, dès qu’il est question de la démocratie dans les relations inter-étatiques, «ils évitent immédiatement une conversation honnête et tentent d’interpréter les normes du droit international à leur guise».

Les russophones dans les pays européens

Sergueï Lavrov épingle l’Europe, dans laquelle les défenseurs «de l’idée libérale» ne sont pas dérangés, selon lui, par «les violations majeures des droits de la population russophone dans différents pays de l’UE et leurs voisins, où sont adoptées des lois bafouant grossièrement les droits linguistiques et éducatifs des minorités nationales fixés par les conventions multilatérales».

Il questionne ensuite ce qu’il y a de libéral dans les «sanctions de visa et autres de l’Occident contre les habitants de la Crimée russe». «Ils sont punis pour l’expression démocratique de leur volonté au profit de la réunification avec la Patrie historique», estime le membre du gouvernement russe. Le ministre invoque, à cet égard, le «droit fondamental des peuples à disposer d’eux-mêmes, sans parler du droit de libre circulation des citoyens fixé par les conventions internationales».

Le «révisionnisme» sécuritaire 

Dans le domaine de la sécurité internationale, le chef de la diplomatie russe dénonce la rupture par les Etats-Unis de certains de ses engagements internationaux et parle d’un «révisionnisme» dans le domaine de la stabilité stratégique.

Il évoque notamment le torpillage par Washington «d’abord du traité ABM [sur les défenses antimissile] et maintenant, avec le soutien unanime des membres de l’OTAN, du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaires (FNI)». Pour Sergueï Lavrov, ce comportement génère des «risques de démantèlement de toute l’architecture d’accords dans le domaine du contrôle des armes nucléaires et balistiques».

Il affirme également ignorer les perspectives concernant le Traité de réduction des armes stratégiques (START-3), qui arrive à échéance en 2021, «en l’absence d’une réponse claire des autorités américaines à notre proposition de s’entendre sur la prolongation du traité».

Il évoque également l’accord de Vienne de 2015 sur le nucléaire iranien dont Donald Trump a retiré unilatéralement les Etats-Unis en mai 2018, qui participe de son point de vue à «l’instauration de « règles » révisionnistes» en matière d’armement et de prolifération nucléaire.

Ce «révisionnisme» sécuritaire se révèle aussi, selon Sergueï Lavrov, dans le «refus démonstratif de Washington de remplir les décisions unanimes du Conseil de sécurité des Nations unies sur le processus de paix israélo-palestinien».

G20 et BRICS

Sergueï Lavrov estime enfin qu’il faut profiter au maximum du «potentiel du G20» qui constitue, selon lui, «une structure prometteuse et large de gouvernance mondiale où sont représentés les intérêts des principaux acteurs, et où les décisions sont prises dans l’entente générale».

Il a également salué le rôle rôle de plus en plus important que jouent d’autres groupes comme les BRICS et l’OCS, reflétant l’esprit d’un véritable «multilatéralisme démocratique» et dont l’activité est basée sur le «consentement, le consensus, les valeurs de l’équité et du pragmatisme sain, le refus de la confrontation et des approches de bloc».

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