Ukraine / Kiev envisagerait l’option de renoncer à une partie du Donbass

Après que cette option a été exprimée à l’antenne par le fameux propagandiste pro-Maïdan Dmitry Gordon, et approuvée par Léonid Kravtchouk, ex-Président de l’Ukraine, voilà que c’est au tour de Vadim Pristaïko, ministre ukrainien des Affaires étrangères, de mettre ouvertement sur la table cette possibilité : que Kiev pourrait renoncer à une partie du Donbass !

Après la publication de mon précédent article sur le sabotage du désengagement des forces par l’Ukraine, dans lequel j’exposais l’analyse de Daniil Bezsonov sur l’existence de cette option, certaines personnes ont considéré que c’était trop gros pour être vrai. Kiev ne pourrait pas sérieusement envisager de renoncer à la partie du Donbass qui n’est actuellement pas sous son contrôle. Pas après cinq ans de guerre pour la reprendre.

Et pourtant, c’est bien l’une des options que Vadim Pristaïko, ministre ukrainien des Affaires étrangères, a exposées publiquement sur l’antenne de la chaîne ICTV. Il faut croire que l’analyse de Bezsonov était juste, et que Gordon avait servi d’éclaireur pour tester l’opinion publique sur cette possibilité.

Cette option est l’une des trois envisagées par Kiev en ce qui concerne le conflit dans le Donbass.

« Trois variantes sont possibles. J’en vois au moins trois. [La première est] d’essayer de négocier dans le cadre du processus injuste dans lequel nous nous sommes engagés il y a de nombreuses années [les accords de Minsk]. La deuxième tactique consiste à tout retarder pendant que nos soldats se font tuer, jusqu’à ce que les gens de l’autre côté de la ligne de contact commencent à nous détester et que nous ne pourrons jamais les ramener. Sinon il y a la troisième variante, d’abandonner ce territoire de l’Ukraine une fois pour toutes », a-t-il déclaré à l’antenne d’ICTV.

Selon lui, « le président ukrainien et toute son équipe essaient de terminer ce que nos prédécesseurs ont initié, à commencer par le processus de Minsk ».

M. Pristaïko a ajouté que si le processus de Minsk échoue, Kiev pourrait demander une mission internationale « pour maintenir la paix entre nous, ou mieux encore, sur tout le territoire occupé ».

Reprenons ses propos point par point. La première option envisagée est donc d’appliquer les « injustes » accords de Minsk.

Rien que le fait de sortir ce qualificatif alors que ces accords ont permis à Porochenko de sauver ce qui restait de son armée, et s’ils étaient appliqués, permettraient à l’Ukraine de récupérer sa souveraineté sur le Donbass (même si elle ne serait en fait que symbolique comme l’a souligné l’expert Alexeï Tchesnakov), c’est un peu beaucoup se moquer du monde. Tout accord de règlement pacifique d’un conflit implique de faire des compromis. Cela n’a rien d’injuste, c’est normal.

Bon malgré le fait que cet accord serait injuste, Pristaïko nous dit que Zelensky essaye de mener à bien le processus de Minsk. Sauf que si on regarde les faits, Kiev n’applique pas plus les accords de Minsk sous l’ère Zelensky qu’elle ne le faisait sous l’ère Porochenko.

Les bombardements intensifs se poursuivent contre la République Populaire de Donetsk (RPD), avec 24 violations du cessez-le-feu et 277 munitions (dont 12 obus de mortier de 120 mm, 56 obus de mortier de 82 mm, et 10 obus de mortier de 60 mm) tirées par l’armée ukrainienne contre le territoire de la République durant les dernières 24 h. Ces tirs ont endommagé 21 habitations dont 20 rien que dans le village de Staromikhaïlovka !

Sans même parler du retrait des troupes et des équipements militaires qui est toujours au point mort. Alors que la RPD et la RPL ont indiqué à l’OSCE être prêtes à mener le retrait de leurs troupes, nous n’avons toujours aucun signe que Kiev en ait fait de même.

Lors de sa déclaration sur l’antenne d’ICTV, Pristaïko a d’ailleurs ressorti cette excuse bidon de la nécessité d’avoir sept jours de trêve ininterrompue pour lancer le processus, alors qu’une telle condition n’est indiquée nulle part dans l’accord conclu, et que c’est l’armée ukrainienne elle-même qui viole la trêve chaque jour que Dieu fait, offrant ainsi une excuse au gouvernement ukrainien pour repousser le désengagement sine die.

De plus, à Zolotoye (zone pilote de désengagement située à la limite entre l’Ukraine et la République Populaire de Lougansk – RPL) l’armée ukrainienne continue de renforcer ses tranchées pour y accueillir des armes et de l’équipement militaire, ce qui est tout l’inverse de ce qui devrait être fait dans le cadre du désengagement (qui impose de détruire les fortifications). Sans parler de la présence des néo-nazis d’Azov, arrivés dans le petit village pour soi-disant « assurer la sécurité des habitants », qui en réalité veulent que tout ce petit monde dégage !

En effet, une « volontaire » ukrainienne, Natalia Voronkova, a sorti naïvement à l’antenne de la chaîne Priamoï que les habitants de Zolotoye se sont rassemblés lors de la venue du chef d’état-major, du ministre ukrainien de la défense et d’autres officiels dans la localité pour leur hurler que les soldats ukrainiens les bombardaient (c’est déjà la troisième fois que je vois de telles accusations sorties sur des chaînes TV ukrainiennes), et que l’armée ukrainienne devrait se retirer 20 km en arrière, et qu’il était hors de question de les instrumentaliser pour interférer avec le désengagement des troupes.

La volontaire parle alors des quelques personnes qui seraient pro-ukrainiennes dans le village et qui envisageraient d’en partir si le désengagement à lieu. Voronkova se plaint que le gouvernement refuse d’aider ces personnes à partir du village et de les écouter, car ils seraient à peine quelques-uns, au milieu d’une grande majorité de personnes qui veulent que l’armée ukrainienne parte. Pour elle l’intérêt d’une infime minorité devrait avoir plus de valeur que l’opinion de la majorité. Je crois que cette volontaire n’a pas bien compris le concept de démocratie… Mais passons.

Là où ça devient grotesque c’est quand elle sort naïvement que les habitants les ont littéralement insultés, et qu’elle dit qu’accepter l’opinion de gens qui « croient » que l’armée ukrainienne les bombarde était une erreur. Comment t’expliquer ça de manière à ce que tu comprennes, Natalia ? Ces gens ne croient pas. Ils vivent sur le front au quotidien, ils savent qui leur tire dessus. Ils n’ont pas besoin de toi pour le savoir, ils le vivent ! Cette volontaire est tellement complètement hors sol que je ne pense même pas qu’elle a réellement compris la bourde qu’elle a sortie sur cette chaîne de TV ukrainienne !

Elle a admis publiquement que la grande majorité des habitants de Zolotoye détestent l’armée ukrainienne, veulent que les soldats ukrainiens et les volontaires d’Azov dégagent, et qu’en prime les habitants accusent l’armée ukrainienne de les bombarder, confirmant ainsi ce que la RPL dit depuis un bon moment (à savoir que l’armée ukrainienne bombarde le territoire sous son contrôle pour en accuser ensuite la RPL). Bravo ! Propagande ukrainienne : 0 – réalité : 1.

Et c’est là que j’en reviens à la deuxième option exprimée par Pristaïko, à savoir « tout retarder pendant que nos soldats se font tuer, jusqu’à ce que les gens de l’autre côté de la ligne de contact commencent à nous détester et que nous ne pourrons jamais les ramener ».

Bon après ce que Natalia Voronkova a sorti, ai-je encore besoin d’expliquer que les gens en RPD et en RPL ne vont pas « commencer » à vous détester si vous prolongez encore le conflit. C’est déjà le cas ! Vous ne croyez quand même pas qu’après cinq ans de guerre, plus de 13 000 morts, et des bombardements délibérés de civils, les tortures, kidnappings et divers crimes de guerre, les habitants de la RPD et de la RPL vous aiment ?

Ne me dites pas qu’on en est à un tel niveau stratosphérique de déni de réalité… La majorité de la population du Donbass a voté à l’écrasante majorité pour quitter l’Ukraine en 2014. Après leur avoir envoyé les chars, l’artillerie et les avions de chasse les exterminer leur opinion à votre égard ne s’est pas améliorée par miracle !!!

D’ailleurs même dans le territoire qui est sous votre contrôle c’est pareil ! Les habitants du Donbass occupé par l’armée ukrainienne vous disent ouvertement qu’ils veulent que vous dégagiez ! Il vous faut quoi de plus pour comprendre qu’ils ne vous aiment pas ?

Sans parler du fait qu’il ne mentionne que les soldats ukrainiens qui se font tuer. Les civils et les soldats du Donbass eux non si on en croit la phrase de Pristaïko. Or, pour rappel, rien que depuis le début de l’année 2019, 143 personnes sont mortes en RPD (134 soldats et sept civils) à cause de cette guerre, et que depuis le début du conflit la république a perdu 4 872 personnes dont 81 enfants. Chiffres auxquels il faut ajouter ceux de la RPL ! Ce serait gentil de la part de Pristaïko de ne pas oublier les victimes de ses « soldats qui se font tuer ».

Et c’est là qu’on en arrive à la dernière option, la plus intéressante à mon sens car elle rejoint ce que disait Bezsonov et Gordon. En effet, Pristaïko envisage comme troisième option « d’abandonner ce territoire de l’Ukraine une fois pour toutes » et de demander à des casques bleus de venir maintenir la paix sur la ligne de front, voire sur tout le territoire de la RPD et de la RPL (montrant que Kiev n’abandonne pas son idée d’appliquer le scénario croate dans le Donbass).

Bon je le dis de suite, l’option casques bleus dans tout le Donbass il peut l’écarter. Les deux républiques populaires n’ont pas oublié ce qui est arrivé dans l’ex-Yougoslavie, et n’ont pas l’intention de subir le sort que leur promettent certains excités de Lvov ou de Kiev (camps de filtration, extermination, génocide linguistique et culturel, etc).

Revenons donc à son option n°3. L’abandon du territoire. Purement et simplement. Ce que Pristaïko propose n’est ni plus ni moins qu’un scénario type Transnistrie ou Ossétie du Sud, les revendications sur le territoire en moins, avec des casques bleus pour calmer le jeu sur la ligne de front.

Cette option ouvertement mise sur la table semble confirmer l’analyse de Daniil Bezsonov. Zelensky et son mentor, Kolomoïski, veulent mettre fin à la guerre vite, pour attirer des fonds et des investisseurs en Ukraine (et se servir au passage). Et ce, quitte à dire adieu à une partie du territoire ukrainien.

La question qui se pose alors est de savoir si cette option ne pourrait s’appliquer qu’au territoire de la RPD et de la RPL, ou s’il serait envisageable de l’étendre à l’ensemble du territoire qui a voté pour quitter l’Ukraine en 2014 (soit l’ensemble du Donbass).

De toute façon, que l’Ukraine renonce à tout ou partie du Donbass, sa trajectoire actuelle la mène droit vers un scénario Yougoslave. Ce n’est pas en légalisant les casinos et en vendant les terres agricoles que Zelensky va sauver l’Ukraine.

Mais cette option mise sur la table par le gouvernement ukrainien montre que la guerre dans le Donbass est devenue un boulet insoutenable pour l’Ukraine, surtout dans la perspective de la perte du contrat de transit gazier avec la Russie.

Le problème c’est que Zelensky ne comprend pas que la somalisation rapide de l’Ukraine depuis le Maïdan et la poursuite des décisions politiques idéologiques stupides, au lieu de faire de la realpolitik, vont amener l’Ukraine à devoir renoncer morceau par morceau, à une grande partie de son territoire, sur lequel elle n’arrivera plus à maintenir son contrôle faute de moyens, voire à disparaître purement et simplement.

Le compte à rebours de l’explosion de l’Ukraine est déjà bien entamé.

Christelle Néant

source:http://www.donbass-insider.com/fr/2019/10/08/kiev-envisagerait-loption-de-renoncer-a-une-partie-du-donbass/


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