L’islamisme politique ne fait plus recette dans le monde : La fin d’un label

     C’est au début des années 1990 que s’est achevée la longue marche des islamistes vers le pouvoir. Le label de l’islamisme politique nourri et appuyé par les Américains pour servir de digue au communisme n’a plus sa raison d’être avec la disparition de l’empire soviétique.

À l’heure où la secousse induite par la réconciliation historique entre l’Arabie saoudite sunnite et l’Iran chiite, n’en finit pas d’ébranler les rapports de force mondiaux, que peut-on préfigurer de la place à venir de l’islamisme politique dans l’espace public? Si l’on ajoute à ce séisme du dégel irano-saoudien, la vague des normalisations avec Israël, on aboutit à la conclusion que cette mouvance ne fait plus recette dans le monde arabe. C’est dans ce contexte régional et international très peu favorable que le MSP de Abderezzak Makri tient son congrès. Un rendez-vous politique à même de relancer le porte- flambeau de la mouvance islamiste en Algérie. Oscillant entre Ennahdha du Tunisien Rached El Ghannouchi et le AKP du Turc Erdogan, le MSP n’a jamais caché sa franche sympathie pour l’internationale islamiste.

En 2016, le leader d’ Ennahda, amorce un surprenant virage, affirmant que les membres de son parti ne feront plus de leur organisation un représentant de l’islam politique. Un revirement ressenti comme un choc par le MSP qui vient de constater à travers son idole, l’aveu d’échec d’une politisation de l’islam qui devait aboutir à un ordre nouveau dans la société. Le MSP reçoit la même déception du «front» turc où les nouvelles ne sont pas rassurantes. Après des années de froid avec Israël, Ankara décide de réchauffer ses relations avec Tel-Aviv avec l’annonce, en août dernier, du rétablissement des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie. Cela a fait perdre à Erdogan son lustre de protecteur des musulmans sunnites et de figure tutélaire des partis politiques islamistes auxquels est affilié le MSP. Jamais deux sans trois: Il y a quelques jours, le Palais royal d’Arabie saoudite, publiait un communiqué qui enjoint aux services de sécurité ainsi qu’aux citoyens de ne pas contraindre de quelque manière que ce soit les personnes qui n’observent pas le jeûne dans la rue. Une révolution passée sous silence par les islamistes de tous bords, pourtant prompts à commenter le moindre fait et geste d’ouverture pro-occidentale. Entre volonté de modernisation en Arabie saoudite et un léger déclin de l’AKP d’Erdogan en Turquie, le sunnisme perd deux grands parrains au Moyen-Orient, alors que les Frères musulmans s’embourbent dans des luttes de pouvoir.

En somme, c’est tout le paysage régional qui montre que le contexte n’est plus aussi favorable que par le passé pour permettre aux islamistes [de tous bords] de prospérer et d’avancer leur agenda.
Il est vrai que l’islamisme a évolué vers des formes légalistes, en s’engageant dans l’action partisane institutionnalisée. Mais à quel prix? La décennie terroriste en Algérie, premier pays dans le monde musulman à tenter le diable en légalisant un parti politique islamiste, a coûté près de 2000 morts, des centaines de milliers de blessés, les infrastructures réduites à néant et des pertes économiques en dizaines de milliards de dollars.

Si aujourd’hui, la mouvance islamiste a globalement renoncé à l’usage de la violence en politique et en acceptant le verdict des urnes, c’est parce que la société a payé le prix fort de cette avancée. La violence dite terroriste, ou la violence physique, demeure clairement l’exception. Mais l’ogre islamiste n’est jamais totalement neutralisé.
C’est au début des années 1990 que s’est achevée la longue marche des islamistes vers le pouvoir avec leurs percées électorales, acquises, notamment en Algérie et bien plus tard en Tunisie et en Égypte à la faveur de la vague du printemps arabe. Ce déclin a été amorcé depuis la chute du mur de Berlin en 1989. L’idéologie islamiste nourrie et appuyée par les Américains pour servir de digue au communisme n’a plus sa raison d’être avec la disparition de l’empire soviétique.

Il faut cependant, relever ce paradoxe: au contact des réalités de la gestion, ils ont montré leurs limites. La participation des islamistes au pouvoir va inévitablement commencer à éroder leur capacité de mobilisation ostentatoire et va probablement signaler… le commencement de la fin de l’islamisme.

Brahim TAKHEROUBT

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