Le hirak pacifique algérien et la règle des 3,5% selon les Britanniques

15.05.2019

Par Kamel M.

 Selon une étude sur les différents mouvements populaires à travers de nombreux pays, dont l’Algérie, le nouveau concept de la révolution non violente doit répondre à un certain nombre de critères pour «réussir» à renverser le régime. Un de ces critères consiste à réunir 3,5% de la population autour d’une action dans ce sens pour que le «succès» soit «inévitable».

Selon l’étude rapportée par la chaîne britannique BBC, «il n’y a pas eu de mouvements qui auraient échoué après avoir atteint 3,5% de participation». Les auteurs de l’étude, qui admettent avoir eux-mêmes été étonnés par les statistiques auxquelles ils sont parvenus, expliquent néanmoins qu’une des raisons les plus «évidentes» qui font que les «révolutions pacifiques» rassemblent un grand nombre de manifestants réside dans le fait que les manifestations violentes «excluent nécessairement les personnes qui craignent les effusions de sang».

L’étude précise, par ailleurs, que les manifestations non violentes ne nécessitent pas une condition physique pour y prendre part et ne limitent donc pas le nombre de participants. «Vous n’avez pas besoin d’être en forme et en bonne santé pour participer à une grève, alors que les manifestations violentes ont tendance à s’appuyer sur le soutien de jeunes hommes en bonne forme physique.» Autre argument en faveur de cette nouvelle tendance : la disposition à la persuasion, d’où le nombre élevé de citoyens qui veulent adhérer à la démarche, alors qu’une approche violente nécessite une logistique lourde et une action clandestine.

«En mobilisant un large soutien au sein de la population, les manifestations non violentes ont également plus de chances de gagner le soutien de la police et de l’armée», souligne l’étude qui note que la présence de femmes et d’enfants parmi les manifestants rend toute répression impossible car les membres des forces de l’ordre craindraient que des membres de leur famille ou des amis se trouvent parmi les protestataires.

En Algérie, 3,5% de la population représentent 1 400 000 citoyens qui, chacun, peut mobiliser plusieurs dizaines à travers les réseaux sociaux, d’où le nombre impressionnant – 20 millions, selon des statistiques non officielles – de manifestants dès le premier vendredi du hirak.

L’étude britannique démontre qu’une manifestation, qu’elle soit violente ou non violente, n’est en aucun cas spontanée, quand bien même les revendications sont légitimes et le véritable facteur déclencheur demeure la persistance des régimes à vouloir imposer leur diktat, lui aussi sous une forme en apparence non violente.

K. M.


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Du hirak au harak, tentative de lexique

En 64 définitions de mots et expressions, un panorama de la situation actuelle du pays à travers l’histoire nationale et internationale, la sociologie politique, la philosophie, la linguistique et la sémiotique. A conserver pour éventuellement mieux nous entendre.

Un mouvement de l’envergure de celui que nous vivons depuis le 22 février entraîne une production astronomique de discussions, de discours, de messages oraux et de textes écrits. On découvre ou redécouvre des mots et des expressions. Ce corpus textuel s’est répandu de manière extraordinaire dans la société, révélant une soif de culture politique inédite en Algérie et rare dans le monde, du moins avec cette vitesse et cette ampleur. La pénurie du texte de la Constitution dans les librairies en a été une belle illustration.

De nombreux citoyens et citoyennes, et surtout des jeunes, ont pris conscience qu’il ne peut y avoir de démocratie sans culture démocratique. Ils sont donc partis à l’assaut de concepts qui, bien sûr, sont matérialisés par des mots. Or, dans toutes les langues, un mot ne peut recouvrir totalement la réalité qu’il se propose de désigner.

De plus, le même mot peut être compris et utilisé d’innombrables manières, d’un groupe social à l’autre et, même, d’un individu à l’autre. Le contexte influe également sur la définition des mots qui évoluent au gré des événements et du temps. Ajoutons-y les langues dont les champs lexicaux diffèrent parfois radicalement. Ajoutons aussi les emprunts à d’autres situations, pratique courante qui peut créer des confusions ou des références forcées. Ajoutons encore les différences qui existent entre le langage populaire, celui des médias, le jargon des universitaires et, enfin, le discours des politiques. N’oublions pas la recherche de l’éloquence et la fascination des mots qui peuvent négliger le sens au profit de l’effet. Enfin, soulignons la manipulation des mots pour imposer une idée par détournement de leurs significations.

Bien sûr, parler et écrire n’ont jamais relevé d’une science exacte et, dans une situation de changements importants et rapides, cette relativité s’accroît. Il faut donc toujours s’efforcer de revenir à la définition des mots, à leur origine et à leur évolution pour tenter de s’approcher au mieux de leur sens et pouvoir échanger valablement. Récemment, des jeunes de mon quartier, pris dans une vive discussion, m’ont fait l’honneur de me demander d’arbitrer entre eux. Certains confondaient par exemple Etat, gouvernement, clans et pouvoir. Il faut dire à leur décharge qu’en la matière la réalité leur a régulièrement offert des modèles de confusion. J’ai tenté de leur donner les meilleures définitions possibles.

Mais l’exercice m’a permis de mesurer mes propres insuffisances et m’a poussé à racler la mémoire de mes années de fac et à l’actualiser à partir de recherches et de réflexions personnelles. D’où cette tentative – je dis bien tentative – de lexique de la «révolution du sourire» que les spécialistes pourront compléter, corriger et développer. Le but est d’inviter à réfléchir, en plus des idées, aux mots qui doivent les porter. La passion est la plus belle des choses et, plus elle est forte, plus nous avons besoin d’être précis.
Allons-y…

Anocratie. Peu usité. Système aux structures instables généralement en transition entre un régime autoritaire et un système démocratique. On pourrait rattacher l’Algérie actuelle à cette définition.

Autocratie. Du grec autos (soi-même) et kratos (pouvoir). Mot apparu durant la Révolution française. C’est un régime où un seul individu, parfois un groupe très réduit, exerce un pouvoir absolu. Les anciennes monarchies étaient des autocraties. A ne pas confondre avec la tyrannie, même si de nombreuses tyrannies sont autocratiques. Et certaines autocraties peuvent être moins répressives qu’une tyrannie en exerçant des séductions de masse par l’idéologie. L’autocratie ne concerne pas seulement les Etats. On parle de «leadership autocratique» pour des partis ou mouvements et de «management autocratique» dans le monde des entreprises.

Autoritarisme. Se dit de la tendance permanente ou périodique d’un pouvoir fort à imposer ses décisions par des moyens divers de coercition et de répression. Quand l’autoritarisme d’un pouvoir est permanent et généralisé, on parle de dictature. Ce mot désigne plus un type de gouvernance qu’un système. Les démocraties ne sont pas exemptes de tentations autoritaristes.

B (les 3). Formule du journaliste et écrivain français Yves Courrière pour désigner trois personnalités de la Guerre de Libération nationale : Krim Belkacem, Abdelhamid Boussouf et Lakhdar Bentobal. Expression reprise pour désigner les personnalités dont le départ est revendiqué par les manifestants : le président par intérim, Abdelkader Bensalah ; le chef du gouvernement, Noureddine Bedoui, et le président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, lequel, après sa démission, a été remplacé par le président de l’Assemblée populaire nationale, Mouad Bouchareb. Signalons au passage l’article par ailleurs excellent d’un confrère se demandant en titre si le pouvoir avait un plan B…

Beylik. Terme ottoman désignant un territoire (beylicat en français) placé sous l’autorité d’un bey. A l’origine, le titre de bey désignait un chef de clan en Turquie. La Régence d’Alger à l’époque ottomane était subdivisée en trois beyliks (Est, Ouest et Titteri) dont les beys étaient les vassaux du dey d’Alger. Il est remarquable que ce terme soit encore en usage dans le langage populaire en Algérie pour ce qui a trait de l’Etat ou du secteur public. Cette persistance révèle un certain rejet de la chose publique porté par le sentiment que l’intérêt public n’est pas respecté par les décideurs eux-mêmes.

Bureaucratie. De bureau et kratos, soit le pouvoir issu d’organismes, d’administrations et d’institutions publiques. Concept créé au milieu du XVIIIe siècle par l’économiste français Vincent de Gournay et développé vers 1921 par le sociologue allemand Max Weber. De manière neutre, le mot est l’équivalent d’administration. Il désigne alors une organisation caractérisée par des missions publiques définies, un organigramme hiérarchisé, une spécialisation des employés et un ensemble de règles et procédures. Mais on utilise le même mot pour décrire les déviations de l’administration, lorsque son fonctionnement passe avant ses missions et que dominent les intérêts de ses administrateurs. C’est ce dernier sens qui s’est imposé. Le problème se pose en Algérie depuis l’indépendance et l’on se souvient encore du sketch TV du comique Djafar Beck intitulé El Burokratiya (1964).

Cadre. Terme désignant le contexte immédiat d’une action ou d’une décision. On parle ainsi de «cadre institutionnel» à propos de l’ensemble des entités politiques et administratives ou de «cadre juridique» à propos de la législation et de la réglementation en vigueur. L’expression «dans le cadre de…» est abondamment utilisée dans les structures politiques et administratives algériennes, révélant une priorité accordée au discours plutôt qu’à la communication. La fin du 4e mandat du président Bouteflika a donné lieu à des rassemblements de ses partisans où des cadres géants le représentant étaient considérés comme sa personne elle-même. Ces comportements courtisans (voir Culte de la personnalité) ont exacerbé le refus populaire d’un 5e mandat.

Centralisme. Tout système fondé sur une monopolisation de la décision au sommet de la hiérarchie d’une organisation (parti, entreprise…) ou d’un Etat. On parle de décentralisation quand l’Etat confie certaines de ses missions et prérogatives à des institutions qui ne dépendent pas de lui. En revanche, la déconcentration effectue le même transfert en direction de structures qui lui sont rattachées, à l’exemple des wilayas en Algérie. Une économie centralisée est une économie dirigée par l’Etat et planifiée.

Clan. Mot écossais apparu en 1750 en France. En gaélique, clannad désigne un ensemble de familles se réclamant d’un même ancêtre. En Irlande, ce même mot désignait la descendance d’un individu. Il a connu plusieurs usages dans le monde en fonction des différentes situations historiques et sociales. Mais le plus fréquent est celui de tribu ou de subdivision de tribu (plusieurs familles élargies de proche parenté). Dans les temps modernes, il a évolué pour désigner, à l’image des familles mafieuses, un groupement à trois caractéristiques : des visées généralement illégales ou criminelles ; le secret de son existence, de ses membres et de ses actions (loi du silence, omerta) ; enfin une combinaison entre liens de parenté et d’intérêt. Un clan se définit aussi par une hiérarchie plus ou moins forte et structurée. Dans une interview de 1999 accordée à une télévision française, Bouteflika parlait de «clans». A ne pas confondre avec lobby, soit un groupement actif d’influence regroupant de plus larges coalitions d’intérêts.

Classe politique. De manière commune, ensemble des personnes exerçant une activité politique professionnelle, partisane ou individuelle. Expression vague développée dans le contexte français en place de «catégories dirigeantes», suggérant néanmoins une dimension élitiste, voire discriminatoire. Dans le monde anglo-saxon, on parle «d’establishment». Le sociologue Raymond Aron préférait la notion de «personnel politique» renvoyant à la professionnalisation de l’action politique. «Comment concevoir une démocratie composée d’une classe politique et d’une classe non politique ?» demandait le chercheur D. Bertrand dans une tribune (Libération, 10/10/98) critiquant «cet étrange concept» de classe politique. En Algérie, son usage est encore plus confus sinon déplacé.

Clientélisme. Au sens large et notamment économique, ensemble de relations informelles à la limite de la légalité (loi sur la concurrence) en vue d’acquérir ou de fidéliser une clientèle. Le clientélisme est pratiqué par certains Etats et partis politiques pour élargir leur base et leur notoriété en accordant des avantages et des privilèges à ceux qui les soutiennent. Les partis arrivés au pouvoir distribuent même des biens par l’Etat qu’ils contrôlent. On parle de clientélisme électoral, quand certains électeurs sont influencés de cette manière, voire payés.

Consensus. Du latin consensus (accord). C’est d’abord la volonté des membres d’une société de vivre ensemble selon des règles admises comme justes et équitables, en s’interdisant le recours à la violence. Le consensus est indispensable à l’existence et la pérennité d’un groupe, d’une société ou d’une nation. Le mot désigne aussi tout accord passé entre des individus ou des groupes à partir de positions ou d’intérêts divergents, voire antagoniques. Rechercher un consensus, c’est définir des principes communs qui permettent de satisfaire au mieux chaque partie. Il ne peut y avoir de consensus sans concessions réciproques. On parle d’esprit consensuel et de démarche consensuelle.

Cooptation. Du latin, cooptatio. Choix par une organisation ou une assemblée d’un nouveau membre ou d’un nouveau dirigeant sans recourir à l’élection ou au tirage au sort. Ce choix s’effectue de manière informelle sur la base d’un consensus exprimé généralement de manière orale. Le vote à main levée est assimilé à une cooptation. Dans les démocraties, la cooptation n’est généralement permise que dans les entreprises privées (assemblées d’actionnaires) et dans certains cas seulement.

Complotisme. Tendance à attribuer tout fait ou événement à un complot minutieusement organisé par une organisation secrète ou une organisation connue mais agissant en secret. On utilise aussi le terme de «conspirationnisme». On parle ainsi de la «théorie du complot». Le complotisme néglige les diverses causes historiques, économiques et autres ayant mené à un fait au profit de la croyance exclusive en une démarche d’intrigants constitués en groupe secret. Il refuse d’admettre l’existence de causes multiples à un fait donné.

Constitution. Du latin cum (ensemble) et statuere (établir), soit étymologiquement «établir ensemble». Mot apparu au XIIe siècle. On dit qu’elle est la «Loi des lois» ou Loi fondamentale, puisqu’aucune loi ne peut la surpasser ou se trouver en contradiction avec elle. Il existe plusieurs formes de Constitution. Certaines définissent l’histoire et les valeurs d’une nation, d’autres non. Elles portent sur l’exercice du pouvoir et le fonctionnement des institutions. La Constitution du Royaume-Uni est une des plus anciennes au monde, mais elle consiste en un ensemble de plusieurs lois fondamentales de même qu’en des règles coutumières non écrites. Premières Constitution écrites : San Marin (XVIe siècle) et USA (XVIIIe). Une Assemblée constituante est une structure de membres élus ou cooptés (voir ce mot) qui rédigent et adoptent une nouvelle Constitution soumise à référendum.

Corruption. Du latin, corrumpere (détruire ou détériorer). Mot utilisé aussi bien au plan moral (des mœurs corrompues) que physique (corruption d’un matériau). La corruption met en relation un ou plusieurs corrupteurs cherchant à obtenir des avantages ou des valeurs de manière illégale et un ou plusieurs corrompus détenant un pouvoir administratif, politique ou financier et qui obtiennent en retour de leur complaisance des récompenses financières ou matérielles de la part des corrupteurs. Il arrive aussi que le corrompu soit à l’origine de la malversation, comme cela a pu être constaté en Algérie, et soit alors au départ dans la position de corrupteur.

Culte de la personnalité. Expression apparue en 1956 dans le discours alors secret de Kroutchev au 20e congrès du Parti communiste de l’Union soviétique, dans lequel il dénonçait le stalinisme. Elle désigne, depuis, toutes les autocraties et dictatures où l’individu qui les dirige fait l’objet d’une adoration quasi mystique portée par une propagande intensive. Elle se perçoit aussi dans les titres attribués. Par exemple, le dirigeant soviétique Staline, comme les tsars, était nommé le «Père des peuples» et le Coréen Kim Il-sung, «Soleil de la nation». Le culte se manifeste aussi dans la présence intense de l’image du dirigeant dans l’espace public (affiches, statues, médias…), voire privé comme en Corée du Nord. Tous les discours et actions signalent la référence au dirigeant, objet du culte.

Dégagisme. Néologisme apparu en 2011 en Tunisie à partir du slogan «Ben Ali dégage» et repris depuis dans d’autres pays (ex : Mélanchon en France). Défini comme la volonté de se débarrasser prioritairement et parfois exclusivement des dirigeants en place. Il s’agit fondamentalement d’une position de rejet.

Démocratie. Du grec, démos (peuple) et cratos (pouvoir). Les premières formes de démocratie sont rattachées aux villes sumériennes de la Mésopotamie (actuel sud de l’Irak) vers 6000 ans avant J.-C. A la même période, est apparue en Inde la première République de Vaishāli. Le modèle de la démocratie athénienne en Grèce qui a inspiré l’Europe, excluait cependant les femmes et les esclaves.

Il existe presqu’autant de formes de démocratie que de pays et d’époques. On distingue cependant la démocratie directe qui a concerné surtout des cités ou des ensembles locaux modérément peuplés et la démocratie indirecte ou représentative qui fonctionne sur la base de l’élection de représentants (voir Régimes). On parle de démocratie semi-directe quand ces deux formes principales de démocratie (directe et indirecte) sont combinées. Les représentants élus du peuple votent les lois mais les citoyens peuvent aussi les voter par référendum. En Suisse, environ quatre référendums ont lieu chaque année permettant aux électeurs d’accepter ou de refuser une loi ou une mesure.

Dans d’autres pays, le référendum est exceptionnel, voire rare. Le référendum dit d’initiative populaire permet aux citoyens de proposer des lois. Dans cette panoplie, on compte aussi les monarchies constitutionnelles (Grande-Bretagne, Suède…) qui combinent le pouvoir symbolique d’une dynastie avec l’exercice d’une démocratie.

De même, on distinguait la démocratie libérale (associée au capitalisme) des «démocraties populaires» de l’ancien bloc communiste. La dénomination de la République algérienne sous ces qualificatifs (RADP) remonte à cette période, mais elle n’a jamais été rattachée à une obédience idéologique communiste, le pays ayant développé avec d’autres la notion de non-alignement. Dans ses fondements, la démocratie obéît à deux principes simples : nul n’est au-dessus des lois et la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres. Il y a dans cette démarche une volonté d’harmonie et d’arbitrage entre les intérêts divergents qui existent dans toute société. L’indépendance de la justice et la liberté d’expression sont des indicateurs primordiaux de la démocratie.

Despotisme. C’est une autocratie qui impose ses décisions notamment par la crainte. Le despote affirme veiller au bien-être de ses sujets et administrés, considérés d’un point de vue paternaliste. Le despotisme est une dictature qui se déguise sous les apparences de la famille, les citoyens étant considérés comme des sujets infantilisés. On parle de «despote éclairé», quand celui-ci impose des mesures apparemment profitables au pays ou au peuple.

Dictature. Du latin, dictatura. Dans l’Antiquité, la République romaine permettait, en cas de danger grave, de confier tous les pouvoirs à un seul homme, le dictateur, «celui qui dicte», durant six mois maximum. Dans les temps modernes, le mot a évolué pour désigner le pouvoir absolu d’un individu ou d’un groupe sur un pays (Franco en Espagne…) ou plusieurs (nazisme en Europe…). Fondé sur une idéologie politique (Khmers rouges…) ou religieuse (Daech) qui surpasse toute Loi. Absence de droits et libertés, contrôle permanent de la société et des individus, censure extrême et répression massive et violente.

État. Du latin, status, «se tenir debout». Son sens moderne est apparu au XVe siècle en Europe. Selon Machiavel, c’est «l’unité politique d’un peuple… qui peut survivre aux allées et venues non seulement des gouvernements, mais aussi des formes de gouvernement». Trop souvent confondu avec le gouvernement, notamment en Algérie (voir Beylik) où le langage populaire nomme «daoula» (Etat) même les personnes physiques travaillant pour celui-ci. L’Etat désigne l’ensemble des structures publiques chargées de la gestion générale (gouvernement) ou partielle (démembrements de l’Etat) d’un pays mais aussi les lois et règlements en vigueur, de même que les conventions internationales ratifiées par ce pays.

Cette définition doit être complétée par les critères de reconnaissance internationale d’un Etat : existence d’un territoire, d’un peuple, d’un gouvernement et «capacité à entrer en relation avec d’autres Etats» (Convention de Montevideo, 1933), illustrant ainsi le lien mais aussi la différence avec la nation. Une nation peut en effet connaître dans son histoire plusieurs types d’Etat. On parle d’Etat rentier, quand son budget provient en tout ou partie d’une ressource naturelle ou autre (ex : droits de passage du Canal de Suez). La notion d’Etat-providence est péjorative et signale la prise en charge de certains besoins de la population sans contrepartie. Etat policier quand la répression est permanente. Etc.

État profond. La politologue algérienne Louisa Dris-Aït Hamadouche le définit comme un pouvoir réel mais une autorité informelle et invisible. Elle précise que l’Etat profond n’est pas propre aux dictatures et peut exister dans des démocraties représentatives (Deep State aux USA). A propos de l’Algérie, elle précise : «L’Etat profond renvoie aux véritables décideurs, c’est-à-dire le pouvoir politique réel, de type collégial, que l’imaginaire collectif et l’histoire politique a personnifié dans l’institution militaire dans sa grande complexité et son hétérogénéité».

Fédéralisme. Du latin, foedus (alliance). A la différence de l’Etat unitaire, l’Etat fédéral se caractérise par un pouvoir central (législatif et exécutif) et l’organisation du territoire en entités jouissant d’une plus ou moins grande autonomie et selon des formes diverses. Les USA (United State of América) comprennent ainsi 50 Etats disposant d’un congrès et d’un gouvernement. La Fédération de Russie créée en 1991, après la dissolution de l’URSS, comprend 85 entités, dites sujets. Le pouvoir législatif comprend la Douma d’Etat et le Conseil de la Fédération. Le Canada comprend 10 provinces organisées en Etat fédéré. Autres Etats fédéraux : Emirats arabes unis, Allemagne, Nigeria, Argentine… A ne pas confondre avec Régionalisme (voir ce mot).

Feuille de route. Expression issue du monde militaire où elle désigne l’ordre de mouvement d’une unité selon un itinéraire précis menant d’un point vers un autre. Elle s’est étendue à l’informatique sous la forme anglaise de «roadmap» pour nommer les étapes de développement d’un logiciel. On la trouve aussi dans le marketing commercial. En politique, elle a été introduite par la diplomatie avec la «feuille de route pour la paix» adoptée en 2003 par le quartet ONU-USA-Russie-Union européenne à propos de la Palestine. Les spécialistes en organisation précisent que les feuilles de route doivent répertorier les étapes ou les lignes essentielles d’un plan ou d’une stratégie, mais ne sont pas le plan ou la stratégie !

Gaâ ! (Tous). Lancée par un jeune Algérien interviewé par une chaîne de TV moyen-orientale, l’expression «Itnahaw gaâ» (Ils seront tous enlevés, soit démis) a été reprise massivement lors des manifestations. Considérée comme l’expression d’un «dégagisme», elle est nuancée par d’autres en la limitant aux responsables principaux de la situation du pays et aux cercles élevés de la corruption. Le mot «Gaâ», typique de l’arabe algérien, viendrait du mot «Qaâ» (fond, base) dans le sens de «à fond».

Ce glissement sémantique viendrait de l’opération annuelle de récurage du fond des puits (qaâ el bir) dans les maisons traditionnelles, souvent à la veille du Ramadhan…

Gérontocratie. Une des formes d’oligarchie où le pouvoir est concentré entre les mains des anciens. La moyenne d’âge des dirigeants algériens a été l’une des causes proclamées du mouvement essentiellement porté par des jeunes, lesquels représentent la majorité démographique du peuple (45% de moins de 25 ans).

Gouvernement. Souvent confondu avec l’Etat, le Gouvernement est l’institution qui exerce le pouvoir exécutif dans un Etat. Selon les Constitutions, il peut être librement nommé et limogé par le Président (cas de l’Algérie) ou nommé par celui-ci obligatoirement parmi la majorité parlementaire. On distingue plusieurs acceptions du mot gouvernement.

Au sens strict, c’est le Premier ministre et les ministres. Dans un sens plus large, on y englobe toutes les institutions qui dépendent du gouvernement comme en Angleterre où même les mairies sont incluses. Dans certains pays, notamment les monarchies constitutionnelles (ex : Suède), le Premier ministre détient les pouvoirs d’un Président. On parle de «style de gouvernement» pour désigner la manière dont un gouvernement assure son rôle exécutif. La notion de «gouvernance» s’applique aux gouvernements mais concerne aussi des entreprises et autres entités.

Hirak. Mot signifiant «mouvement» et passé dans les autres langues via les médias. Le terme est lié au «Hirak el Djanoub» (Mouvement du Sud) du Yémen créé en 2007 et à sa branche armée, Résistance du Sud. En 2016 est apparu dans le Rif marocain le mouvement de protestation nommé «hirak» en arabe et «Anhezzi» en tamazight local. Son épicentre se situait dans les villes d’Al Hoceïma et de Nador avec des impacts dans les grandes villes marocaines ainsi que dans l’émigration (Belgique notamment). «Hirak» a été appliqué au mouvement algérien en cours, avec parfois la variante «hirak algérien» pour limiter la confusion, car au Yémen, il s’agit d’un mouvement séparatiste et militaire et au Maroc, d’un mouvement fortement régional à base sociale (première revendication : le réseau routier) déclenché par la mort atroce d’un poissonnier dans une benne à ordures. Or, dans le cas de l’Algérie, il s’agit d’un mouvement populaire national, pacifique et à revendication politique. De plus, la prononciation de «hirak» n’est pas très usitée en Algérie, où l’on utilise plutôt «harak».

Insurrection. Du latin insurrectio, action de s’insurger. Ex : l’insurrection générale de l’Algérie en 1871. Soulèvement important organisé, à ne pas confondre avec Révolution, laquelle suppose une plateforme et un changement réussi de l’ordre établi. (voir Révolte).

Mafia. Mot italien désignant à l’origine et actuellement encore les sociétés criminelles secrètes nées en Sicile au début du XIXe siècle et répandues sous d’autres formes dans le monde (les triades chinoises, les yakusas du Japon, la mafia russe…). Du dialecte sicilien signifiant «hardiesse, vantardise», issu de l’arabe (peut-être maâfiya ? bannies). Intégré en Algérie dans l’expression «mafia politico-financière» créée par le président Boudiaf, assassiné en 1996, à une époque où des affaires défrayaient déjà la chronique (affaire Hadj Bettou, affaire des D15 douaniers…).

Nation. Du latin natio, issu du verbe nascere (naître). A l’origine, les petits de la même portée, et, pour les humains, les personnes de même ascendance. Le romain Cicéron lui donnait le sens de peuple. Mais, dans les temps modernes, la nation est comprise comme la combinaison d’un peuple, d’un territoire et d’un Etat avec, souvent, une notion d’identité historique et culturelle forte. Le mot est utilisé aussi pour désigner des Etats comme dans le cas de l’ONU où l’on parle d’Etats-membres alors que l’organisation est celle des «Nations» unies. Or, une nation peut comporter plusieurs Etats (voir Fédéralisme). La mondialisation a entraîné une interdépendance des pays et un affaiblissement des «Etats-Nations». On parle de plus en plus de «transnationalisme».

Nomenklatura. Mot russe d’origine latine apparu au milieu du XIXe siècle. Dans la Russie soviétique, les citoyens étaient classés selon une nomenclature en fonction de leur degré d’engagement supposé à l’égard du système. On a désigné par «nomenkaltura» l’ensemble des hauts responsables du Parti et de l’Etat qui jouissaient de privilèges (voir ce mot). On parle d’établishment aux USA.

Mouvement. Du latin movere (se mouvoir, bouger, remuer). Un mouvement se définit par la conjonction plus ou moins durable de revendications et d’objectifs portés par des organisations, des groupes, des individus et parfois un peuple. Il peut prendre ultérieurement une forme structurée, partisane ou associative, mais il reste souvent informel, se contentant d’une coordination des actions.

Le mouvement se distingue essentiellement par des manifestations de rue (défilés ou sit-in, soit occupation d’un espace public). Il peut être social ou politique, voire les deux, en évoluant par exemple d’une question sociale vers des positions politiques (les Gilets jaunes en France…). Le développement des réseaux internet, associé à la défiance à l’encontre des partis et syndicats traditionnels, a multiplié les mouvements dans le monde et posé des problèmes inédits de coordination et de représentativité. Le cas algérien, fondé sur une base politique de rejet du 5e mandat présidentiel, n’échappe pas à ces considérations.

Ochlocratie. Du grec okhlos (foule) et cratos (pouvoir). Vieux terme utilisé par exemple par Platon ou J. J. Rousseau. Il désigne de manière péjorative le pouvoir des foules qui ne se maîtrisent pas avec des désordres divers et imprévisibles.

Oligarchie. Du grec, oligos (peu nombreux) et àrkhô (commander). Système politique où le pouvoir est concentré entre les mains d’un ou plusieurs groupes d’individus. L’aristocratie (les nobles) est considérée parfois comme une oligarchie bien qu’elle ait été une classe. Autres formes : ploutocratie (les riches), technocratie (les experts), gérontocratie (les vieux) ou «sécuritocratie», néologisme apparu en Tunisie pour parler du pouvoir des services secrets. L’apparition de puissants nouveaux riches dans la Russie post-soviétique a donné un nouveau sens au mot «oligarque». Il est utilisé maintenant dans ce sens pour désigner des hommes d’affaires puissants jouissant d’une proximité au pouvoir.

Opinion publique. Notion délicate, voire dangereuse du fait des nombreuses manipulations politiques et médiatiques dont elle fait l’objet. Elle consisterait en l’ensemble des représentations, valeurs, idées et points de vue dominants d’une population donnée (locale, nationale, internationale) sur des sujets donnés. Elle est souvent confondue avec la notion de majorité propre à un processus électoral. Même quand elle s’appuie sur des sondages, exprimés en statistiques, cette notion néglige les avis minoritaires. Or, une enquête d’opinions ne fait que dégager des tendances à un moment précis. Aujourd’hui, la confusion est accrue par la croyance dans le fait que les réseaux internet expriment l’opinion publique (voir Réseaux et Rue).

Opposition. Dans les démocraties, on désigne généralement par opposition la ou les minorités parlementaires liées à des partis politiques ou constituées de représentants indépendants. Ce sont donc les élections législatives qui déterminent une majorité et son opposition. Cependant le terme est souvent utilisé de manière plus large pour comprendre aussi l’ensemble des organisations, groupes et personnalités qui, hors Parlement, contestent les dirigeants dans leurs décisions ou leur position de dirigeants.

Ordre. En arabe, el nidham avec une connotation plus forte de pouvoir. (voir Système).

Parti. A l’origine, «prendre parti», c’est adopter une position par rapport à une question ou un problème donné. Au plan politique, un parti est une association disposant d’une doctrine (parfois d’une idéologie) et d’un programme regroupant de manière organisée des citoyens partageant les mêmes idées et militant au sein de ce parti ou des organisations qui lui sont rattachées. Des statuts et un règlement intérieur, qui doivent se fonder sur un mode électif, permettent de choisir en interne les représentants de ce parti.

Patrie. Etymologiquement, «le pays des pères» ou ancêtres. On la définit souvent comme le «nom affectif» de la Nation. Elle s’inscrit dans un registre hautement symbolique et réfère plus à l’origine d’un peuple et à ses valeurs communes qu’au territoire. Elle décrit un sentiment d’appartenance et se distingue de la nationalité en tant que statut. Le patriotisme est dit transversal (partagé par différentes catégories et opinions) et on peut le considérer aussi comme le sur-moi d’un peuple. La patrie est aussi une valeur-refuge suprême quand le pays est menacé.

Peuple. Mot latin, populus, désignant les citoyens romains qui avaient le pouvoir de voter à la différence de la plèbe, considérée comme inférieure. Au sens actuel, c’est l’ensemble des individus vivant en société sur la base de lois et d’une communauté de valeurs historiques et culturelles. Cet ensemble humain constitue l’élément indispensable à l’existence d’une nation. La notion de peuple n’est pas liée au sens moderne à une ascendance unique (communauté de sang), d’où l’importance d’un sentiment d’appartenance commun entre personnes et groupes d’origines différentes et que la démocratie met en valeur. A noter que peuple et peuplier ont la même étymologie, car les Romains plantaient cet arbre par groupes qui donnaient l’impression d’une multitude.

Populisme. Ensemble d’idées et de pratiques qui érigent, de manière démagogique et souvent manipulatrice, le «bien du peuple» en fondement d’une action politique. Le populisme se caractérise par l’utilisation de problèmes sociaux réels ou de convictions profondes, religieuses ou autres, pour influencer le peuple et s’en servir comme moyen d’accession et de maintien au pouvoir. Il propose souvent des solutions simplistes et désigne des ennemis intérieurs ou extérieurs pour canaliser les rancœurs dans le sens voulu. Il s’accompagne souvent aussi d’actions caritatives destinés à démontrer un souci du peuple. Il a donné lieu à plusieurs courants comme le national-socialisme (nazisme) en Allemagne dans les années 1930 ou, en France, le poujadisme des années 1950 (qui a donné le mot boujadi en Algérie). Les crises économiques favorisent les populismes et la mondialisation les a accrus, avec son lot d’incertitudes et de désarrois, alimentant la xénophobie (rejet de l’étranger). Aujourd’hui, en Europe, on parle de «national-populisme».

Pouvoir. Du latin, potis sum (Je suis le maître de …). Apparu en français dans son usage politique en 1200 dans un ouvrage intitulé La conquête de Constantinople où il est question de «confier les pleins pouvoirs». Dans le monde financier, on parle du «fondé de pouvoirs». De fait, le pouvoir peut être économique, social ou politique et désigne la «faculté d’agir» dans un ou plusieurs domaines, de manière légale ou non.

Bien que les découpages sémantiques diffèrent d’une langue à l’autre, dans la plupart d’entre elles, c’est une notion assez confuse qui se confond souvent avec les institutions elles-mêmes, puisqu’on parle de pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La confusion peut porter sur la totalité de l’Etat qui est parfois désigné comme «le Pouvoir» ou «les pouvoirs publics». En arabe, cet aspect est accru par la parenté linguistique entre hokm (pouvoir) et houkouma (gouvernement).

L’usage actuel de ce mot est souvent lié aux Etats peu ou pas démocratiques. On n’a jamais entendu parler de «pouvoir» en Suède ou en Suisse, ni même en Inde qui demeure «la plus grande démocratie au monde». Le pouvoir peut se loger dans certains secteurs de l’Etat ou, même, comme dans le cas de l’Algérie, se situer en partie en dehors de celui-ci par la collusion de responsables politiques et administratifs avec des puissances d’argent ou d’influence. (voir Clan, Etat profond et Oligarchie).

Présidentialisme. Situation politique dans laquelle le pouvoir du Président est exorbitant et surpasse les trois pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire).

Présidium. Ou præsidium. Désignait en URSS l’instance dirigeante du Conseil des Soviets suprême. Exercice collégial des fonctions présidentielles, à l’instar du HCE (Haut Comité d’Etat) en Algérie, entre janvier 1992 et janvier 1994. On parle de «Gouvernement de présidium».

Privilèges. Mot issu du droit romain, privilegium, qui désignait une disposition juridique s’appliquant à un ou plusieurs individus en faisant exception à une loi commune. Dans les royautés, des privilèges sont accordés essentiellement aux princes, nobles, etc. sous forme d’avantages et de biens, en jouissance ou propriété. Ils existent encore dans les monarchies constitutionnelles et sont alors plus ou moins codifiés. Durant la Régence d’Alger, les dignitaires ottomans (deys, beys, membres du diwan…)bénéficiaient de privilèges.

Dans les temps modernes, les systèmes démocratiques ont banni les privilèges, considérés comme des passe-droits ou des éléments de corruption. Très liés à la bureaucratie (voir ce mot).

Projet de société. Expression développée surtout dans le monde politique français. Le projet de société est défini comme «une vision cohérente, d’ensemble ou partielle, de l’organisation et du fonctionnement de la société que l’on a l’intention de mettre en œuvre». Si, dans les faits, un projet de société n’est souvent qu’un programme politique, l’expression peut porter à confusion. Plusieurs sociologues soulignent ainsi que la société est une entité vivante qui, sauf par l’exercice de la coercition, n’est pas directement programmable, comme l’économie ou le social. De plus, un projet de société peut conduire à normaliser la société en imposant des modes de vie et de pensée. Dans cet ordre d’idées, ils affirment que le seul projet de société valable est celui de la démocratie qui offre à chaque individu la possibilité de mener son existence dans le respect de celle des autres.

Protesta. Entre 1983 et 1984 au Chili, une alliance d’organisations politiques, syndicales et estudiantines a lancé une action d’envergure contre la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’Etat de 1973. Une dizaine de manifestations, dénommées «protestas», ont eu lieu et ont fait l’objet d’une grande répression ordonnée par le général Pinochet. Le mot protesta, alors repris par la presse internationale, est actuellement utilisé en Algérie dans certains articles et déclarations en substitut à celui de hiraq (voir ce mot). A ne pas confondre avec potestas, mot latin qui désignait dans l’Antiquité les pouvoirs d’un magistrat romain.

Réformes. Changements apportés en vue d’améliorer un système en lui apportant plus d’efficacité et/ou de justice mais sans toucher aux fondements de l’ordre économique et social dominant d’où la précision de «réformes profondes» utilisée soit pour signaler leur importance réelle, soit par ruse politique et médiatique. Les réformes peuvent être économiques, sociales et politiques ou tout cela à la fois. Dans ce dernier cas, on parle de «train de réformes» ou de «réformes globales».

Régime. Issu du latin, regere (diriger). Essentiellement l’organisation et la pratique des relations entre les différents pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) et leur mode de séparation ou non. Dans la démocratie indirecte, deux cas se présentent : le régime parlementaire (gouvernement issu de la majorité et révocable par lui au moyen d’une motion de censure) et le régime présidentiel, où l’Exécutif n’est pas responsable devant le Parlement et donc ne peut être destitué par ce dernier.

Le régime présidentiel se caractérise aussi par une séparation des pouvoirs entre législatif et exécutif, mais une domination fréquente de ce dernier à travers le Président. Les Etats-Unis où le Président est élu de manière indirecte (collège des grands électeurs élus par les citoyens dans chaque Etat), est cité comme l’exemple de régime présidentiel, puisque le Président peut opposer son veto à des lois du Parlement. L’Algérie qui a toujours connu des régimes présidentiels a vu ce «présidentialisme» renforcé durant les deux dernières décennies, notamment par des amendements à la Constitution (nombre de mandats, tiers présidentiel, etc.). Devant la multitude des situations, on parle aussi de régimes semi-présidentiels ou mixtes. Autres usages : le régime douanier ou le régime fiscal (en fait les lois et règlements de ces domaines).

Régionalisme. Tendance à promouvoir les intérêts, les potentialités et l’identité des régions. On appelle «régionalisation» les actions menées dans un cadre national pour intégrer de manière efficace la dimension régionale dans l’organisation et les programmes de l’Etat. Dans le monde, on distingue le régionalisme du «nationalisme régional» qui vise à l’indépendance d’une région par rapport à un Etat-nation. En Algérie, le terme «régionalisme» est utilisé de manière négative en place de «nationalisme régional». Il désigne souvent des comportements de favoritisme basés sur l’appartenance à une région.

Réseau. Mot issu du latin retis (filet). S’applique à quasiment tous les domaines : textile, transport, défense, informatique, commerce, santé, communication, espionnage, culture… En politique, ensemble de relations plus ou moins permanentes et profondes, entre des individus et/ou des organisations, poursuivant des buts communs sans forcément partager tous leurs avis.

Les partis structurent leurs militants mais entretiennent des réseaux de sympathisants ou d’alliés. Un réseau peut être structuré sur la base d’une charte et d’une coordination. Le «réseautage» consiste à créer, entretenir ou développer un réseau. Internet abrite des «réseaux sociaux», appellation impropre que plusieurs sociologues contredisent en les qualifiant de «réseaux de communication numérique» ou de «réseaux internet», les véritables réseaux sociaux existant dans la société réelle. (voir Opinion publique).

Révolte. Mouvement de contestation souvent spontané et violent. Expression d’un ras-le-bol fulgurant, mais peu durable, généralement inorganisé. Se traduit notamment par des manifestations soudaines ou des émeutes. La répétition des révoltes peut conduire éventuellement à une révolution et l’annoncer. Au XVIIIe siècle, la Révolution française a été précédée par des «jacqueries», série de révoltes paysannes contre l’impôt. Un ensemble de révoltes simultanées ou une révolte d’envergure sont désignés par le mot «insurrection» (Voir ce mot).

Révolution. Mot issu du latin revolutionem (volv, rouler, tourner et re, préfixe de recommencement) et utilisé en astronomie pour désigner la rotation des planètes sur leur orbite. La physique l’a adopté pour décrire un mouvement en boucle fermée. Passé à la politique à partir des révolutions américaine (4 juillet 1776) et française (14 juillet 1789), ce terme s’est étendu à divers domaines : révolutions industrielle, technique, sociale, artistique… La révolution se caractérise par le renversement radical d’un ordre social et politique, de manière souvent brutale et profonde à partir d’objectifs portés par une ou plusieurs organisations.

On distingue plusieurs types de révolutions : démocratiques, comme celles ayant assuré le passage en Europe du féodalisme au capitalisme ; communistes comme en Russie et en Chine; nationales comme celles menées en Algérie, au Vietnam ou en Angola. Il n’existe pas de modèle de révolution, chacune ayant des caractéristiques liées à son contexte. Ainsi, la révolution islamique en Iran (1989) apparaît comme à la fois religieuse, antimonarchique, nationaliste et sociale. Celle de Cuba (1959) est sociale mais avec un fort accent nationaliste avant d’évoluer nettement vers le socialisme en 1961. Selon le leader russe, Lénine, une révolution ne peut avoir lieu que lorsque «’ceux d’en bas’ ne veulent plus et que ‘ceux d’en haut’ ne peuvent plus» (1920).

Les politologues relèvent aussi le rôle décisif de «ceux du milieu», soit les couches moyennes, dans un processus révolutionnaire. Les «printemps» arabes ont indûment popularisé le concept de «e-révolution» ou «révolution 2.0» en évoquant l’usage des réseaux internet dans la mobilisation des peuples. (Voir Réseaux).

Rue. Terme médiatique souvent utilisé abusivement comme représentatif de l’opinion publique (voir ce mot), au même titre aujourd’hui que les réseaux internet qualifiés de sociaux. On parle ainsi de «l’opinion de la rue», de la «grogne de la rue» ou de sa colère dans le cas de manifestations publiques.

Société civile. Concept apparu au XVe siècle européen et défini de manières différentes selon les époques, les lieux et les points de vue. Désigne l’ensemble des entités non étatiques et civiles poursuivant des buts divers dans différents domaines de l’économie, de la politique et de la société. Les associations forment l’essentiel de la société civile, mais certains ne comptent pas les partis dans cet ensemble. D’autres encore estiment que l’existence des associations, mêmes nombreuses, n’est pas suffisante et qu’il n’y a pas de société civile sans exercice des libertés et sans la conscience active de ces associations d’une appartenance commune à cet ensemble.

Selmiya (pacifique). Slogan important, sinon fondamental, du mouvement populaire en cours en Algérie, ce qui peut l’inscrire dans le courant de la non-violence initié par le mahatma Gandhi en Inde et repris par le pasteur Martin Luther King aux USA.

Sourire (Révolution du). Cette dénomination du mouvement populaire entamé le 22 février 2019 a été conçue par Nabil Djedouani, cinéaste algérien et professeur en audiovisuel né à Saint-Etienne. Il a entrepris depuis quelques années, et sans aucune aide de l’Etat algérien, la constitution des Archives numériques du cinéma algérien à partir d’un site qu’il alimente et administre. «Quoi de plus désarmant qu’un sourire ?» a-t-il déclaré en lançant sa formule qui a connu un large succès.
Symboles.

Il existe plusieurs sortes de symboles, à l’image de certains monuments ou sites historiques qui incarnent l’histoire d’une nation (ex : le Monument du Martyr de Riadh El Feth). On distingue aussi des symboles institutionnels consacrés et définis par la Constitution : le drapeau et l’hymne national d’une nation, les Sceaux de la République, les armoiries et la devise d’un royaume… Des individus peuvent aussi devenir les symboles d’un mouvement, d’une époque, d’un pays. C’est le cas en Algérie où, depuis le 22 février en Algérie, les «symboles» (sous-entendu du régime) désignent tous ceux qui sont liés de manière directe et importante au centre du pouvoir.

Système. Du verbe grec, systeô (attacher ou lier ensemble), le système désigne tout assemblage de parties reliées fortement entre elles. Utilisé en médecine, astronomie, philosophie, ce terme est très généraliste en politique et il prend son sens dans un contexte. En Algérie, il désigne de manière globale autant les pratiques, les individus et les groupes d’intérêt qui se sont superposés à l’Etat et imposés au peuple. (Voir Clan, Etat profond et Oligarchie).
Technocratie. Type d’oligarchie fondée sur le pouvoir des technocrates ou des spécialistes. A rapprocher mais ne pas confondre avec «méritocratie» qui désigne toute organisation de la société qui encourage le mérite sous ses formes diverses et promeut ses tenants à des postes de décision.

Titres. La période du président Bouteflika couvrant plus du tiers du temps de l’Algérie depuis l’indépendance (35%) a été marquée par les signes d’un culte de la personnalité accru ces dernières années (voir Culte… et Cadre). Une tendance remarquable notamment à travers les titres attribués aux postes élevés de l’Etat. Le titre de «Son Excellence» (fakhamatou) que le Président s’était attribué et qui était imposé dans toutes les communications officielles ou publiques, est généralement réservé aux relations diplomatiques dans le monde (titre d’ambassadeur surtout). Il faut noter qu’en arabe, fakhamatou, a un sens plus fort, avec une connotation grandiose quasiment majestueuse.

Les ministres ont suivi en s’octroyant le terme de «Sa Hauteur» (en arabe, maâli). A noter aussi, l’inflation de parrainages «Sous le Haut Patronage de Son Excellence…», parfois infamants pour un chef de l’Etat du fait de la médiocrité de certaines manifestations. Là aussi, les ministres ont suivi en récupérant une expression de l’ex-parti unique, «Sous l’égide de…».

Transition. Mot apparu en Europe vers le XIVe siècle. Utilisé dans tous les domaines comme le passage d’un état à un autre d’un matériau ou substance chimique. Désigne en politique et en économie le passage d’un ordre vers un autre.

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