Le mouvement syndical en Algérie et la dynamique des syndicats autonomes

L’Algérie est aujourd’hui au premier rang des mouvements sociaux dans le monde arabe et l’Afrique organisés à ce jour.

En effet, on assiste, ces deux dernières décennies, à la montée de fortes protestations sociales menées par les syndicats autonomes de l’enseignement, de la santé, de la navigation, de la Fonction publique, du secteur économique… qui ont émergé après la promulgation de la Constitution de 1989, qui consacre le pluralisme syndical et des lois sociales 90-14 et 90-02.

Pour aborder la question, il serait plus judicieux de souligner d’emblée : l’Algérie salue la mémoire de ceux qui ont rendu ses lettres de noblesse au pays dans l’histoire de la patrie, du devoir et de la démocratie dans la longue lutte ouvrière, comme ceux des militants syndicaux du Zaccar, de l’Ouenza, ouvriers des forges ou des dockers d’Alger, des martyrs de la cause nationale Aïssat Idir (père fondateur de l’UGTA), Abdelhak Benhamouda, secrétaire général de l’UGTA, ces grands «Hommes et militants-syndicalistes d’honneur», qui se sont sacrifiés pour l’Algérie, ont marqué l’histoire du mouvement syndical algérien d’une empreinte indélébile…

Comme ce fut le cas pour les autres martyrs de la République durant la décennie noire des années 1990, qui renferme des milliers de talents de grande qualité dont des docteurs, chercheurs, ingénieurs, artistes, écrivains, journalistes, professeurs, enseignants, cadres supérieurs par leur combat pour l’Algérie durant la décennie noire ou encore les autres militants – syndicalistes arrêtés et incarcérés au camp de concentration de Berrouaghia (w. de Médéa) entre autres : Tahar Gaïd, Madjid Ali Yahia, Kiouar Baroudi, Slimane Rebba, Rabah Djermane, Mogamed Abib, Attalah Benaissa, Boualem Bourouiba, Mohamed Zioui, Amar Lamini, Mayouf Hanachi, Ali Boudjellal, Hassen Bourouiba et tant d’autres martyrs de la République.

Ils resteront gravés dans la mémoire de l’ensemble des Algériens intègres. On ne peut que se réjouir aujourd’hui de leurs combats passés et de leurs sacrifices pour sauver la République et l’Algérie à qui nous dédions cette modeste contribution pour que nul n’oublie.

Tout en sachant aussi que les syndicats autonomes ne sont pas restés à la marge du processus du mouvement populaire pacifique en cours (hirak), qui exige aujourd’hui la fin du régime actuel non représentatif et non démocratique.

Dans les pays démocratiques, les organisations syndicales et professionnelles jouissent du droit à plus de libertés syndicales et d’expression, notamment le pluralisme syndical comme fer de lance qui constitue la base du modèle de démocratie économique et social et pas seulement politique.

Si nous refusons toujours le débat contradictoire et écartons les grèves où nous nous interdisons l’esprit critique, nous ne pourrons pas combler nos lacunes et corriger nos erreurs et permettre aux sociétés de s’observer mutuellement et de vérifier si elles ont des lacunes, maladresses ou des défauts, l’une des règles d’or de notre pays aujourd’hui, symbole de richesses et d’évolution et de progrès où les enjeux économiques seront davantage construits autour des ressources humaines et des intelligences.

Par conséquent, donner une nouvelle vie économique et sociale au monde du travail, de la science et de l’économie en général, en vue de consolider le front interne et lever ce climat de suspicion pour mieux affronter les défis auxquels est confronté notre pays. Sinon, quel rôle pour les syndicats en Algérie ?

Sur ce pari, on doit restaurer la «transition économique», «défi le plus important» pour l’Algérie ; l’enjeu est en effet considérable : l’entreprise, symbole de la richesse et du progrès social et économique.

En effet, cela fait un peu plus de deux décennies que les instances nationales de l’UGTA ont tourné le dos à la classe ouvrière en se mettant au service de l’administration et de la politique partisane au lieu de s’engager dans les valeurs du travail comme une priorité nationale de manière à faire en sorte que notre bien commun qui est l’Algérie renoue véritablement avec la croissance hors hydrocarbures, afin de garantir à chaque Algérien un emploi et un revenu stables.

Selon les statistiques, le travail temporaire dans nos entreprises est de 40% dans le secteur public et 84% dans le secteur privé, 96% des entreprises privées n’ont pas de partenaires sociaux et 75% des travailleurs du secteur privé ne sont pas déclarés à la sécurité sociale.

Le rapport des salaires sur le Produit intérieur brut (PIB) est inférieur à 30%, contre une moyenne dépassant un peu plus 60% pour les pays développés et émergents.

Ajouter à cela 2 cotisants en moyenne pour 1 retraité, alors qu’il faut 5 à 8 cotisants pour assurer l’équilibre financier de la caisse de retraite.

Quant aux salaires trop bas socialement et trop élevés économiquement, alors que nos travailleurs sont les premiers contributeurs en matière d’Impôts (IRG) dans le budget de l’Etat, il y a lieu de s’interroger sur les causes de cette situation aux conséquences dangereuses à l’heure où la situation est difficile pour le pays aux plans politique, économique et social.

En effet, le pluralisme syndical en Algérie n’est pas en train de constituer un enjeu socio-économique pour permettre l’émergence d’une élite compétente et intègre dans les entreprises et institutions de l’Etat pour préparer une force productive et l’avenir générationnel des classes ouvrières en Algérie.

Oui, comme à chaque fois, les partenaires sociaux (syndicats autonomes) sont mis à rude épreuve depuis plusieurs années au point où l’unique partenaire social reconnu reste l’UGTA, même quand elle ne fait pas la grève et même quand elle n’a plus ou moins de représentativité dans certains secteurs, malgré la présence de dizaines d’organisations agréées mais ignorées par les pouvoirs publics.

Alors que l’impératif était de consolider et construire un appareil productif et une organisation syndicale efficace pour répondre à la demande intérieure qui est en perpétuelle croissance, et espérer ensuite pouvoir exporter l’excédent.

Pour rappel, dans les années 1970, la part de la production industrielle annuelle était de 18 à 25% du PIB contre actuellement 5%, le taux de chômage de la force de travail non agricole est passé de 17% en 1974 à 8% en 1978 et le PIB a augmenté de 11%/an contre actuellement entre 2 et 3% en moyenne.

La stabilité du taux de change dinar/dollar avec un cours de change fluctuant entre 4 DA et 5 DA pour 1 dollar.


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Droit syndical: Le gouvernement lâche du lest

par Z. Mehdaoui

Le gouvernement envisage de lâcher du lest et compte assouplir les procédures pour l’octroi des agréments mais aussi enlever les obstacles qui entravent l’exercice du syndicalisme en Algérie. 

A ce sujet, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, Tidjani Hassan Haddam, a annoncé jeudi à Alger que les dispositions de la loi relative aux modalités d’exercice du droit syndical seront révisées et enrichies avec l’implication des organisations syndicales. «La révision de cette loi consistera notamment en l’amendement des dispositions relatives à la création de fédérations», a précisé le ministre lors d’une rencontre avec les représentants d’organisations syndicales, ajoutant que cette révision visait à «renforcer les dispositions relatives à la protection des délégués syndicaux» à travers l’implication des organisations syndicales, sans exclusion aucune, pour l’enrichissement du projet d’amendement en question. M. Haddam a réitéré son engagement à «impliquer les organisations syndicales sans exclusion aucune dans les débats qui seront initiés par le secteur, particulièrement la contribution au débat autour du système de sécurité sociale ainsi que le dossier de la retraite et ce, avec l’intervention des chercheurs et experts tout en insufflant une nouvelle dynamique» au dialogue social. «Travailler en concertation avec tous les partenaires sans aucune exclusion est une conviction personnelle avant d’être un engagement et un devoir professionnel», a-t-il soutenu, estimant que la «concertation entre le gouvernement et ses partenaires socioéconomiques marquera le début d’une nouvelle ère de dialogue constructif en faveur de l’intérêt général». Précisant que les organisations syndicales «devraient constituer une force de proposition active», le ministre a mis en avant l’impératif de convertir les idées et les propositions issues du débat en une feuille de route pratique». Il a rassuré qu’il œuvrerait à garantir l’exercice libre du droit syndical, à commencer par la transparence et l’accélération du traitement ou l’actualisation des dossiers d’inscription des organisations syndicales outre l’attribution de subventions financières selon les affectations consacrées au secteur conformément aux dispositions législatives et réglementaires».            

Le ministre a affirmé que «les services de l’inspection du travail veillent à l’application de la réglementation relative à l’exercice du droit syndical et ce, dans le cadre des prérogatives qui lui sont conférées par la loi», soulignant que le secteur s’attelait à «accompagner les syndicalistes condamnés par des jugements définitifs auprès de leurs employeurs jusqu’à la mise en application de ces jugements et recouvrement de leurs droits». Il a en outre indiqué que les réunions tenues avec des organisations syndicales se sont soldées par l’enregistrement et l’inscription de 17 nouvelles organisations de travailleurs et patronales de différents secteurs, à l’instar de l’éducation, de la santé et du secteur économique, estimant que ces nouveaux syndicats «viennent consolider la scène syndicale qui compte 121 organisations syndicales, dont 78 organisations de travailleurs et 43 organisations patronales. «Ces organisations représentent les différents filières et secteurs d’activités et les différentes catégories professionnelles», a-t-il ajouté. 

121 syndicats enregistrés au ministère du Travail 

Le nombre des organisations syndicales enregistrées au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale s’est élevé à 121 syndicats à juin 2019, contre 101 syndicats durant la période sus-citée de l’année 2018, a annoncé de son côté le directeur des relations du travail au ministère du Travail, Rabah Mekhazni, qui a précisé que 32 syndicats n’avaient enregistré aucune activité. M. Mekhazni a précisé que le nombre d’organisations syndicales en Algérie est passé de 101 syndicats en juin 2018, à 121 organisations en juin 2019, soit une hausse d’environ 20%. Parmi les 121 organisations syndicales enregistrées, le ministère a recensé 78 organisations syndicales des travailleurs salariés et 43 organisations syndicales du patronat, a fait savoir le responsable, ajoutant qu’»en dépit de ce nombre important des organisations syndicales, le ministère a enregistré 32 syndicats n’ayant connu aucune activité syndicale et n’ayant pas renouvelé leurs structures de base ou n’ayant pas communiqué les éléments de leur représentativité syndicale». Enfin, il est utile de rappeler que la reconnaissance du droit syndical est consacrée par la Constitution, à travers la loi n° 90-14 du 02 juin 1990, relative aux modalités d’exercice du droit syndical. Toutefois, cette loi est constamment bafouée par les gouvernements successifs, en particulier sous le règne du président déchu Bouteflika. 

Créer un syndicat ou même se réunir sans épouser les thèses du pouvoir en place, c’était la croix et la bannière. Si le gouvernement a décidé aujourd’hui de faciliter la tâche aux syndicalistes ou à toutes ces personnes qui veulent créer des syndicats autonomes, c’est grâce à la nouvelle conjoncture née du mouvement du 22 février qui a instauré une nouvelle donne qui permet d’espérer plus de justice et de liberté. 


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