LIVRES / LES BELLES LETTRES

       par Belkacem Ahcene-Djaballah

                                       Livres    

Apprends-moi… un jour, une histoire, un poème. Recueil de nouvelles et de poèmes de F. Z. Slimani-Douadi, Editions El Qobia, Alger 2023, 195 pages, 1.100 dinars

On savait l’auteure -à travers son premier roman- qu’elle maîtrisait avec brio, assurance et simplicité, la langue de Molière (avec la sensibilité algérienne à nulle autre pareille), pour la mettre au service de son « histoire » (elle a été victime de la Covid 19).

Cette fois-ci, elle est allée encore plus loin en démontrant son « savoir -écrire » tant en belle prose qu’en poésie.

Il est vrai que les nouvelles (huit) sont empreintes d’une douceur (même dans la description de situations graves ou délicates) annonciatrice de vers prenants. Il est vrai qu’elle est portée par la foi et l’amour du beau et du bon. On le sent. Il est vrai qu’elle a été enseignante et pédagogue durant un bon bout de temps, ce qui constitue un capital de savoir, de tolérance et de compréhension des autres incontestable.

Pour leur part, les poèmes (quarante-sept) embrassent bien des pans de la vie. L’un d’entre eux est, sans doute, pour moi, un véritable chant en faveur de la Liberté. Extrait : « Je te rattraperai où que tu sois/Et te ferai mienne/Liberté » (p 147). Un texte à traduire et à enseigner dans les écoles !

L’Auteure : Née à Ténès. Retraitée de l’Education nationale, après une longue carrière dans l’enseignement, puis l’administration des collèges et lycées. Passionnée de lecture et d’écriture, entre prose et poésie. Deuxième œuvre après un premier roman : « Pour une bouffée d’oxygène » (mars 2022)

Extraits : « Nos mémoires ont beau avoir été perturbées, torturées par des années aux images sanglantes, le 05 Juillet 1962 demeure unique (….). Ce jour-là, les villes et villages se réveillèrent sous des drapeaux tricolores, afin d’accueillir les moudjahidine qui avaient survécu à sept ans et demi d’une guerre sanglante » (p 143), « Il y a soixante ans, mon Algérie à moi / Voit flotter son drapeau, pour la première fois… / Vert, blanc et rouge, cette pure merveille » (p 145).

Avis : Assez original comme ouvrage. Un mélange heureux de nouvelles et de poèmes, à l’écriture simple et attachante, s’articulant harmonieusement, à la lecture agréable. A déguster tranquillement, sans vous presser.

Citations : « Quel art que celui de s’approprier des habitudes, de les personnifier, les faire siennes, et susciter l’admiration de son entourage » (p 63), « Tes ancêtres ont connu la guerre… / Tes parents, la décennie noire… / Tu as dans le cœur cette candeur / Que les autres n’ont pas » (p 71), « Tant de pauvres malheureux regardent tristement / Les eaux de pluie suinter, sans cesse dégouliner / Sur les murs délabrés de mes habitations… / Les enfants sont pieds nus, le froid les fait trembler / Par ce décembre plus que sombre, d’une année qui s’achève… / Nos regards hagards cherchent encore et toujours / Une triste réponse à ces mornes questions… » (p 115).

Ils ont dit Alger :… Alger en toutes lettres. Essai et recueil de Aïcha Kassoul (préface de Rachid Boudjedra). Editions Régie Sud Méditerranée (RSM Communication), avec le concours du Commissariat général de l’Année de l’Algérie en France, Alger 2003. 117 pages, 1.200 dinars (mais 500 dinars en librairie ambulante).

Alger, capitale de l’Algérie. Au nord de l’Afrique, à l’ouest de l’Orient, au sud de l’Europe. Rond-point et carrefour de la mer Méditerranée. Alger, « ville audacieuse », « ville au large rapide à l’aventure » (Anna Greki). Alger… El Djazaïr, mélange de plusieurs civilisations. Alger presque insaisissable mais toujours fascinante et captivante… point de rencontre d’aventuriers, de poètes et, hélas, de prédateurs.

Aujourd’hui encore, dans l’Algérie indépendante, Alger est, pour beaucoup de jeunes et de moins jeunes du pays profond, un rêve, un objectif, un fantasme. A chacun sa « harga » !

Aïcha Kassoul, spécialiste des belles lettres d’ailleurs et d’ici, a choisi la voie royale, celle littéraire, pour démonter tout cela. En convoquant les écrits et les émotions de littérateurs algériens et d’écrivains algériens, de personnalités culturelles éminentes. De Guy de Maupassant, Alphonse Daudet, Albert Camus à Louis Aragon, Bachir Hadj Ali, Amine Malouf, Isabelle Eberhardt, Tahar Djaout en passant par Anna Greki, Jules Roy, Jean Sénac, Paul Eluard, Kateb Yacine… Des extraits accompagnent son texte de base, lui-même chargé d’amour pour une ville à nulle autre pareille. D’ailleurs, Rachid Boudjedra, le préfacier, avait annoncé la couleur : « Présence, alors, et à profusion, du signe algérois qui devient le lien géométrique du monde, le nombril de l’univers. A juste titre. Parce que Alger est indicible ».

L’Auteure : Née à Blida, professeure de littérature française et francophone à l’Université d’Alger. Consule d’Algérie à Besançon (France) de 2010 à 2015. Puis, membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (Arav). Elle a publié déjà plusieurs ouvrages dont « Chroniques de l’impure (Marsa Editions) et « Le pied de Hanane » (Casbah Editions). Longtemps chroniqueuse littéraire à la Radio, chaîne 3 et dans la presse écrite (L’Opinion, Tassili).

Table des matières : L’aube / Le matin / Midi / Le crépuscule / Un autre jour / Une autre nuit / Notes bibliographiques / Bibliographie des illustrations / Biographie des peintres.

Extraits : « Ville fortifiée. Ville sanctifiée, regroupant les maisons autour de Djamaâ el Kebir, Alger ne renonce pas à ses attaches marines. Les années passent et la gréent mieux qu’un mât de misaine » (p 23), « Alger, ville ouverte « à discrétion » aux troupes françaises, devient la proie des mots et des envahisseurs » (p 52), « Leur premier souci est d’« éliminer » l’ancienne ville en la versant dans le patrimoine culturel français. Préservée, la Casbah, siège du pouvoir ancien, garde le rôle qu’elle avait dans l’imaginaire européen : l’étrangère au charme oriental » (p 54).

Avis : Des lectures diversifiées et judicieuses. L’empreinte littéraire de Aïcha Kassoul qui a fourni un récit historique concernant Alger presque « poétisé ». Comme au temps de ses chroniques radiophoniques autour de la littérature universelle, c’est à savourer. Un livre de collection, l’éditeur, Bachir Rezzoug, (aujourd’hui disparu) n’étant pas n’importe qui en matière de journalisme et d’art graphique.

Citations : « Le site d’Alger est beau. Percées inattendues vers la mer, perspective d’une baie parfaite, animation d’un terrain qui interdit la monotonie des villes plates : tout le monde s’accorde à dire que ce sont là des qualités rares pour une ville » (p 68), « Il est des lieux qui ressemblent aux hommes. Ils s’affichent dans la gloire du soleil et se réveillent un jour dans les ténèbres. Pour les uns comme pour les autres, terrible sera la chute » (p 70), « En 1830, la civilisation avait débarqué sous la forme d’une guillotine que l’on installe dans les cours des prisons, en prévision de la répression inévitable » (p 72), « A partir de la baie, la vision d’Alger est toujours mystérieuse mais seulement pour celui qui se laisse prendre au jeu de l’imagination » (p 86), « Alger, la paresseuse tourne dos à la mer, enfermant dans ses murs casaniers des êtres désœuvrés. Ils ont beau être nombreux, ils ressentent tous un étrange sentiment de solitude quand vient le soir » (p 96), « Triste jeunesse en effet, qui se réfugie dans le passé, faute d’avenir. Quant au présent, c’est celui qui se conjugue en s’appuyant sur les murs fidèles comme une ombre » (p 99).


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