Mali : 2021, année meurtrière pour la mission onusienne la plus dangereuse du monde

      C’est un nouveau bilan macabre pour la mission onusienne de maintien de la paix au Mali. Huit ans après la création de la Minusma, l’année 2021 s’achèvera avec d’importantes pertes humaines dans un contexte sécuritaire délétère. Comment expliquer ces chiffres? Les détails avec le chef de la Minusma et émissaire de l’ONU au Mali, El Ghassim Wane.
28 Casques bleus tués et 165 blessés depuis le début de l’année. C’est le lourd bilan révélé lors d’un point presse organisé jeudi 16 décembre par la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la Stabilisation au Mali) en présence de son chef, le Mauritanien El Ghassim Wane, dix jours après le meurtre de huit Casques bleus dans le centre du pays. Ces chiffres font de l’année 2021 la plus meurtrière pour la mission depuis 2017.

Attaques incessantes contre le personnel de la Minusma

Depuis quelques années les attaques se multiplient contre les convois et les bases de la mission onusienne au Mali. « la Minusma est l’opération de paix où les Casques bleus ont payé le plus lourd tribut, avec plus de 200 soldats tués dans l’accomplissement de leur mission » rappelait déjà El Ghassim Wane, le 8 décembre.
La Minusma est donc bien la mission onusienne la plus dangereuse et la plus meurtrie au monde, et ce, malgré tous les efforts et les mesures d’atténuation des risques prises. Comment expliquer un tel bilan?

Casques bleus - Sputnik France, 1920, 08.12.2021

Afrique

Sept Casques bleus tués par un engin explosif dans le centre du Mali

Les engins explosifs improvisés représenteraient 50% des incidents auxquels sont confrontés les soldats, selon la déclaration de l’émissaire de l’ONU au Mali El Ghassim Wane à Sputnik.
Interrogé sur les raisons de l’ampleur de ces pertes, le haut fonctionnaire onusien les explique « par le fait que nous [la Minusma, ndlr] opérons dans un environnement marqué par la prégnance de menaces asymétriques qui prennent la forme d’attaques régulières contre nos convois, nos bases, et sous forme d’attaque d’engins explosifs improvisés et de mines« . Celles-ci sont implantées le long de routes très longues et non asphaltées, ajoute-t-il à Sputnik. Très dangereux, ces chemins sont empruntés pour le ravitaillement des différentes bases situées un peu partout dans le nord et le nord-est du pays.
Ce n’est pas faute pour la mission d’avoir déployé d’intenses efforts pour protéger ses bataillons, notamment en termes d’équipement.

« Mardi, j’ai eu une réunion avec mes collègues de New York pour examiner avec eux les mesures additionnelles à prendre pour renforcer la protection de nos convois. Évidemment cela nécessite la mobilisation de moyens supplémentaires dans la lutte anti-mines et contre les engins explosifs improvisés », a-t-il dit, ajoutant que de nombreuses mesures ont été prises cette année pour renforcer la protection, notamment à Tessalit ou encore Kidal, où le personnel de la Minusma a été pris pour cible à plusieurs reprises.

D’autres mesures sont également prises pour renforcer les moyens de la mission dans la collecte d’informations qui permettraient d’anticiper les menaces, ainsi que dans le renforcement des patrouilles pour avoir une meilleure visibilité de l’environnement sécuritaire. « C’est une question que nous traitons avec toute l’énergie qu’il faut » estime-t-il, conscient que « ces attaques ne s’arrêteront pas » de sitôt.

Tensions et insécurité

Ce nombre élevé de victimes met en relief le contexte sécuritaire très tendu dans lequel est plongé le Mali, sa population, ainsi que les différentes forces sur place. Pour rappel, 30 civils avaient été tués par des terroristes près de Bandiagara au début du mois.
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Emmanuel Macron - Sputnik France, 1920, 17.12.2021

Afrique

Macron accourt-il au Mali pour tenter de « doubler la Russie »?

Depuis sa création, la Minusma tente d’appuyer la transition politique du pays dans le cadre de son mandat, tout en faisant face à de nombreuses embuscades tendues par les terroristes. L’insécurité du pays et le récent redéploiement des forces françaises Barkhane, qui se retire du nord du Mali, représentent une difficulté supplémentaire pour les forces armées maliennes et les Casques bleus.


                                         Le président Macron, lundi, à Bamako

                  Une rencontre lourde d’enjeux

L’Union européenne a sanctionné lundi le groupe Wagner ainsi que huit personnes et trois sociétés qui lui sont liées pour les «actions de déstabilisation» menées dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Mali, et en Ukraine. Moscou a condamné en retour «l’hystérie» occidentale.

Le président français Emmanuel Macron, devrait rencontrer lundi, pour la première fois à Bamako le président de la transition malienne, le colonel Assimi Goïta, dans un climat de haute tension entre Paris et la junte militaire, dont la lenteur à rendre le pouvoir aux civils et les velléités de recourir à des mercenaires russes exaspèrent Paris. Au terme de cette entrevue, le président français partira célébrer Noël sur la base de Gao (nord-est) avec des soldats français déployés au sein de la force anti terroriste française Barkhane, en pleine restructuration.

Au terme de près de neuf ans de présence au Sahel, Paris a entrepris en juin de réorganiser son dispositif militaire en quittant ses trois bases les plus au nord du Mali (Tessalit, Kidal et Tombouctou) pour se recentrer autour de Gao et Ménaka, aux confins du Niger et du Burkina Faso. Ce plan prévoit une réduction des effectifs, de 5.000 actuellement, à 2.500/3.000 d’ici 2023. Accueillis en libérateurs en janvier 2013 à Tombouctou, les soldats français ont remis mardi les clés de leur base aux forces maliennes, étape symbolique dans la réarticulation en cours. Paris veut désormais concentrer sa mission sur la formation des armées locales, dans l’espoir qu’elles prennent un jour en main la sécurité de leur territoire. «On passe d’une logique d’opération extérieure à une logique de coopération», résume l’état-major français.

Mais si la coopération militaire entre forces françaises et maliennes se poursuit semble-t-il sans accroc, les relations politiques entre la France et le Mali, gouverné par des putchistes depuis 2020, n’ont cessé de se dégrader, au risque de remettre en cause la légitimité déjà fragile de la présence française. «Il existe deux sujets de friction avec Bamako: les contacts avec (la société paramilitaire russe) Wagner et le calendrier politique de la transition», souligne le commandant de Barkhane, le général Laurent Michon. Un malaise accompagné de déclarations rudes du gouvernement malien et de campagnes anti-françaises sur les réseaux sociaux.

Le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga lui-même n’hésitait pas récemment à accuser la France de former des terroristes.
Emmanuel Macron va donc s’employer, selon Paris, à «dissuader le colonel Goïta de recourir aux paramilitaires russes» de Wagner, réputés proches du Kremlin et accusés de prédation et d’exactions dans les pays où ils sévissent, comme en République centrafricaine. Paris a averti que leur déploiement serait «inacceptable». Une inquiétude «partagée par les partenaires européens» de la France au Sahel, réunis au sein de la force Takuba, nouveau fer de lance de l’action militaire étrangère dans la bande sahélo-saharienne.

L’Union européenne a sanctionné lundi le groupe Wagner ainsi que huit personnes et trois sociétés qui lui sont liées pour les «actions de déstabilisation» menées dans plusieurs pays d’Afrique, dont le Mali, et en Ukraine. Moscou a condamné en retour «l’hystérie» occidentale.»Il y a des choses qui ne pourraient plus être faites si Wagner venait à se déployer», a reconnu le commandant de Barkhane. Second sujet problématique: la junte, après avoir promis d’organiser des élections en février au Mali, juge nécessaire une refondation pour présenter un calendrier de transition, au grand dam des membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui la menacent de sanctions supplémentaires dès janvier si le dossier n’avance pas. Pour justifier le report électoral, le gouvernement malien invoque l’insécurité persistante. Mais pour Paris, comment justifier encore le maintien d’une aide militaire à un pouvoir qu’elle qualifie d’ «illégitime»? D’autant que, malgré les «efforts militaires» de Barkhane et d’autres forces internationales, le Mali est toujours livré aux attaques de groupes affiliés à Al-Qaïda et à l’organisation Etat islamique.

A ce jour, l’entretien devrait se limiter à un tête-à-tête entre MM. Macron et Goïta. «Nous travaillons pour que les objectifs de la lutte contre le terrorisme soient atteints et pour promouvoir une transition politique, résume-t-on du côté de l’Elysée. «Nous sommes dans un entre-deux que nous essayons de clarifier».


      >>   Mali: 28 Casques bleus tués et 165 blessés dans le pays en 2021, selon la MINUSMA


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