Pour un manifeste des femmes algériennes

   

Le mouvement des femmes Algériennes, auquel nous appartenons, a préexisté au Hirak. Il est l’expression de notre revendication à l’égalité. C’est pourquoi nous nous sommes reconnues dans l’exigence de changement qui l’a porté. Qu’est-ce que cela signifiait pour nous ? Quels contenus nos luttes imprimaient elles à cette demande sociale ? À l’heure où la construction d’une Algérie réellement nouvelle est revendiquée par la majorité de la population, nous sommes bien décidées à contribuer à sa définition.

Aujourd’hui, il nous semble que la pause que le Covid 19 a imposée au Hirak, doit être consacrée à un bilan des actions menées et à la précision des aspirations qui le portent. Nous souhaitons, ici, proposer une généalogie de nos luttes de femmes en Algérie susceptible d’éclairer nos revendications, nos attentes.

Si le mouvement du 22 février 2019 a correspondu à une remise en cause, par la majorité des Algériennes et des Algériens, du système politique en place, les manifestantes et les manifestants ont à la fois fait la preuve de leur unité et de leurs différences.

Les prémices récentes de notre volonté d’allouer une plus grande visibilité à notre combat ont été multiples et ont connu une reconnaissance publique dans : la vivacité de nos convictions partagées qui nous ont permis de réagir à l’agression des femmes de Hassi-Messaoud ; notre revendication constante d’abrogation du code de la famille et son remplacement par des lois civiles, égalitaires. En attendant, nous avons obtenu, en 2005, quelques allègements de la législation familiale, en faveur des femmes. Nous devons, aussi, citer l’énergie déployée par plusieurs groupes et associations qui sont venues en aide, concrètement, aux femmes en détresse, au jour le jour, en les écoutant, en les accueillant, en les accompagnant au plan psychologique et juridique, les différentes campagnes que nous avons menées contre les violences faites au femmes comme pour leur droit à l’emploi. Toutes ces actions ont convaincu, par-delà nos cercles, de l’ampleur des dysfonctionnements de la société, de la nécessité et de l’utilité de ce travail éprouvant.

Les séminaires, les journées d’étude et de formation, les publications diverses de chercheur-es, le travail en continu d’explication dans les médias, les articles de presse, le travail de celles et ceux qui ont inlassablement animé des émissions de radio et de télévision, ont contribué à sensibiliser à la question des droits des femmes.

Les campagnes de la commission des femmes travailleuses de l’UGTA, les recherches d’universitaires, ont aidé les travailleuses à mettre des mots sur leur mal-vie au travail et à organiser, peu à peu, la contestation, dans une Algérie livrée au dépeçage économique des entreprises et des services publics qui a démultiplié le chômage pour les plus jeunes, précarisé les contrats de travail, permis les emplois non déclarés et généralisé le recours au travail informel. Ces campagnes ont poussé à la multiplication de dénonciations, de dépôts de plainte qui ont exigé bien du courage de la part des victimes. Les quelques procès publics, au grand retentissement sur le terrain médiatique, ont permis d’étendre la réprobation de ces violences au sein de la société. Ces campagnes ont définitivement brisé le tabou du harcèlement sexuel et ont entraîné un changement de la loi en 2004.

Un collectif d’associations s’est saisi alors du combat contre les violences faites aux femmes et mène depuis une longue et patiente élaboration du plaidoyer contre les violences faites aux femmes, une longue campagne qui débouche en 2015 sur une loi criminalisant ces violences.

Les initiatives, les regroupements et les actions ont pris date : chaque 25 novembre se tient une journée de protestation contre les violences faites aux femmes et contre les féminicides.

 

Ici et là, à un moment ou à un autre, nous apparaît un signe que les idées et principes que nous avons forgés et défendus dans l’adversité sont partagés par de nouvelles générations, animées de la même révolte et de la même volonté de transformer notre société.

De l’indignation de la population de Magra qui manifeste dans la rue en 2015, après l’assassinat de Razika Cherif par son harceleur, à la participation nombreuse au marathon de solidarité avec la jeune joggeuse verbalement agressée, durant le ramadhan 2018, sous le prétexte qu’à cet horaire proche de la rupture du jeûne, «sa place devait être à la cuisine », les expressions sont nombreuses, et de jeunes militantes joignent leurs initiatives à celles de militantes issues des expériences des années 70 et 80.

Si l’on admet que les violences institutionnelles, juridiques, physiques, morales et symboliques sont légion dans notre pays, si l’on observe la diffusion de messages sur les réseaux sociaux incitant à la violence contre les femmes qui porteraient des tenues jugées indécentes, si l’on compte les féminicides commis à travers tout le pays, on peut comprendre l’urgence de notre combat, le devoir pour les femmes Algériennes de s’organiser.

Et de nombreuses associations, conduites par de jeunes femmes, sont venues en ce début de 21e siècle enrichir le paysage de nos luttes. Les réunions se multipliaient. Et c’est dans ce moment de structuration et d’élargissement de notre mobilisation que le Hirak nous a surprises. Ainsi, une aspiration massive à l’égalité, au changement, s’épanouissait sous nos yeux, venue des entrailles d’une société dont la culture patriarcale, qui avait été exacerbée par la vague conservatrice portée par les islamistes depuis les années 90, nourrissait les mécanismes de domination. Oui, notre place a changé dans la société et si nous sommes encore loin de l’égalité, nous sommes de plus en plus nombreuses à envahir l’espace public, l’université, l’univers économique. Les mentalités peinent à enregistrer cette mutation. Mais déjà les pratiques sociales intègrent que les femmes commencent à prendre leur part dans tous les compartiments de la vie publique, ainsi que dans la gestion de la cité. Même si notre participation aux postes décisionnels élevés est encore très minoritaire, nous sommes très loin de la situation des premières décennies où cette présence était symbolique.

Riches de nos expériences antérieures, nous nous sommes investies dans le Hirak. Le 8 Mars 2019, c’est le 3ème vendredi du vent qui souffle sur l’ensemble du pays. Nous avons célébré, dans l’euphorie générale, la journée qui consacre les luttes des femmes. Au sein de la foule immense, nous déferlions en vagues incessantes et colorées, femmes de tous milieux et de tous âges. Dans cette belle mixité des premières semaines, nous admirions la créativité de nos pancartes, la radicalité des mots d’ordre, la force et l’enthousiasme de notre jeunesse, le bonheur partagé d’être ensemble. Le mouvement nous portait. Nous étions soulevées par un sentiment de liberté absolue.

Le 8 mars 2019 restera comme le moment de jonction entre générations militantes. Les moudjahidate étaient de nouveau là : Djamila Bouhired, Louisette Ighilahriz, Louisa Oudarene, Yamina Cherrad, Drifa Ben M’hidi, Bouziane Louisa et bien d’autres. Leur présence ravissait les jeunes. Elle nous a permis de nommer deux idées : d’abord que la participation des femmes aux luttes politiques dans ce pays est ancienne. Nous avons été là dans chacun des combats menés pour la liberté et la justice sociale. Mais aussi, nos revendications pour l’accès à notre droit à l’égalité n’ont pas eu l’écho souhaité. Nous nous sommes donc croisées, nous avons battu le pavé, ensemble, nous avons discuté puis nous avons créé le « Carré féministe » pour que notre voix soit entendue dans le concert des slogans des manifestations mais, aussi, par ce que nous étions convaincues qu’aucune société démocratique ne pourrait être érigée en bafouant les droits des femmes. Nous avions préparé nos slogans, nos affiches et imposé notre présence. Le 8 Mars 2019 fut une journée d’enthousiasme pour chacune. Mais une fois la surprise passée, dés le 22 mars, certains contestèrent notre existence. Heurtés dans leur conviction patriarcale, ils nous accusèrent de diviser les forces du Hirak, voire d’entacher le Hirak. Le 29 mars, nous avons été agressées. Une inquiétude nous saisit : nos revendications allaient-elles encore une fois être repoussées au nom de l’unité du mouvement, au nom des priorités ? Des menaces ont surgi sur les réseaux sociaux, des jeunes femmes ont été agressées, d’autres, arrêtées et humiliées, mais nous avons bénéficié de la solidarité de nombreuses et nombreux concitoyens et concitoyennes. Ils avaient compris que, loin de vouloir affaiblir le mouvement, notre action visait à l’enrichir, en nourrissant les revendications d’égalité, de justice et de démocratie. Et vint le 8 mars 2020 qui nous a permis d’expliquer à toutes et à tous que cette date était une journée de lutte et non une fête, en vue de la conquête de ces droits, en faveur de l’avènement d’une Algérie démocratique et sociale. Nous avons réaffirmé que sans l’accès des femmes à l’égalité, cet horizon ne pouvait que s’éloigner.

Pour toutes ces raisons, nous pensons qu’il est temps pour nous de dire publiquement qui nous sommes, d’où viennent nos revendications et ce que nous attendons de l’Algérie Nouvelle vers laquelle, avec tous ceux et celles qui le souhaitent, nous avons décidé de nous diriger.

Par Fatma Oussedik et Soumia Salhi


     Nadia Aït-Zaï, avocate et militante pour les droits de la femme : «Nous faisons du surplace»


      LIRE  :

   Des Marocaines saisissent l’Onu contre les médias de diffamation «subventionnés» par l’État

Par 
 

L’association marocaine de défense des droits des femmes Khmissa informe avoir introduit une missive auprès de l’Onu Femmes, lui demandant de condamner les médias «subventionnés» par l’État «qui continuent de diffamer sans relâche» les militantes politiques et des droits de l’homme, indique une publication sur Facebook.

Sur Facebook, l’organisation féministe marocaine Khmissa annonce avoir lancé un appel urgent à la rapporteuse spéciale des Nations unies Femmes, Dubravka Simonovic, l’appelant «à condamner publiquement les campagnes de diffamation […] dirigées contre les femmes journalistes, les militantes des droits de l’homme et les politiciennes».

«Alors que de nombreuses organisations internationales de défense des droits humains ont lancé des campagnes de lutte contre la violence à l’égard des femmes», des Marocaines, «en particulier celles qui plaident pour la démocratie, les droits de l’homme et la liberté depuis des années», subissent les attaques «des médias alignés par l’État [qui] ont mené une campagne incessante contre [elles], envahissant leur vie privée et publiant des contenus diffamatoires dans le but de ternir leur réputation», écrit Khmissa.

L’État responsable?

L’association ajoute que l’État marocain a «subventionné [des] plateformes médiatiques qui continuent de diffamer sans relâche les femmes» militantes des droits humains, les journalistes et les politiciennes.

Affirmant avoir joint des preuves de diffamation et des noms de victimes à sa missive, Khmissa explique que «ces femmes subissent déjà des pressions importantes de la part de leur famille et de leur environnement professionnel» à cause de la nature de leur engament politique.

Enfin, l’association pointe les campagnes de diffamation qui visent «les familles et les amis de ces femmes […] victimes des tactiques répressives de l’État […] même s’ils ne sont pas impliqués dans l’activisme».


      LIRE AUSSI :    La complémentarité, c’est la vie

                                 par Abdelhamid Charif

   Ni supérieure ni inférieure, la femme est aussi différente de l’homme que son égale (à l’occasion de la Journée de la femme)

Venir au monde dans un taudis de misère ou voir le jour dans l’abondance d’un vaste château, les conditions d’entame et de longévité ne sont pas alignées pour réclamer photo.L’instinct de survie se forge loin des caprices et la ségrégation hideuse affûte ses défenses, pendant que la nature se nourrit de la diversité et respire la différence.

Dans un bidonville ou dans une cave, leur espérance de vie serait bien meilleure, les rats et les moustiques des palais meurent jeunes, mais n’accusent aucun souffre-douleur.

Ni ligue des droits, ni égalité des genres, ni syndicat ou activisme de tous bords, l’animal s’acquitte de ses tâches sans râler, et assume dignement son destin et son sort.

Le persécuté heureux qui s’ignore

Moi aussi, je m’engage à accepter humblement mon sort, si le destin veut bien m’installer dans un palace. J’apprendrais alors, à ces princes et princesses, ce qu’est la vraie noblesse et comment l’honorer dignement ! Mais hélas, il y a un détail qui cloche. Ah c’est bien dommage ! C’est ce foutu travail quotidien ! L’homme doit toujours nourrir sa famille, ne cesse-t-on de me répéter. Mais pourquoi est-ce que l’islam assigne cette corvée exclusivement au pauvre mâle ? Et la femme dans tout cela ? Après tout, c’est elle qui a accouché de toutes ces bouches insatiables qui me guettent matin et soir ! Cette mauvaise interprétation de la religion, moi je la rejette ! Elle pénalise l’homme et le rabaisse. La femme ne doit plus être autorisée à travailler à sa guise ! Elle doit y être obligée ! Pour partager les frais, pardi ! Sinon pourquoi aurait-t-elle droit à l’héritage ? Et en plus, elle est ingrate, et trouve injuste la demi-part de la fille par rapport à son frère ! Eh bien moi, j’en ai ras le bol ! Je n’ai plus peur, je vais clamer haut et fort ce qu’est la vraie justice ! Désormais, soit la femme est forcée à contribuer à raison de 50% minimum, ou bien elle n’hérite de rien du tout ! Le beurre, l’argent du beurre, et l’ingratitude ! Ne me parlez surtout pas de ces prétendues exceptions ! De grandes gueules ! Du khorti leur travail ! Première cause du chômage ! Elles doublent peut-être les revenus, mais pour bien quadrupler les dépenses ! Et puis cette lecture de la Sunna sur mesure. Dès la naissance, le bébé est formaté pour privilégier sa maman : «Avant tout, il y a ta mère, et puis il y a ta mère, et ensuite il y a ta mère ! Et puis bon, à toutes fins utiles, sache quand même que tu as un père».

Vous vous rendez compte ? Ni l’égal, ni la moitié ! Ni même le tiers ! L’homme n’est que le bon dernier quart d’une femme ! L’humiliation ne s’arrête pas là : «Ton accès au paradis ? C’est sous les pieds de maman mon cher !»

L’homme n’est donc qu’une vache à traire et un esclave à abuser, jetable dès péremption. Allez, debout les mecs, indignez-vous ! Il s’agit d’une interprétation purement féminochiste de l’islam, relayée par des mâles totalement soumis, ô combien heureux de l’être, et surtout de l’ignorer.

La femme musulmane irrite une branche déracinée des droits de l’homme

Mes respects et mes excuses à celles et ceux qui se sentiraient heurtés par ce style, ou le jugeraient inapproprié, voire sarcastique. L’intention, c’est de démêler une certaine pertinence pédagogique afin de déjouer, et pourquoi pas guérir, la sournoiserie des esprits qui prennent un malin plaisir à chercher la petite bête au Bon Dieu. Privilégiant les lectures tendancieuses confortant les préjugés, ces derniers ignorent sans doute ou zappent un aspect important de la religion, clairement signalé dans le livre saint. Le Coran prévient qu’il contient des versets sans équivoque, constituant les fondements de l’islam, et d’autres pouvant prêter à diverses interprétations ; et que ce sont les gens enclins à l’égarement qui s’évertuent à chercher l’ambiguïté dans ces derniers, alors que nul n’en connaît l’interprétation à part Le Créateur (3/7).

C’est ainsi qu’une fixation favorite consiste à marteler que la femme musulmane est condamnée à vivre comme une mineure, ne représentant que la moitié d’un homme. Bien sûr, avec un verset qui fixe la part de l’héritage d’une fille à la moitié de celle de son frère, et un autre qui comble l’absence d’un témoin homme par deux femmes, le lien est trop tentant et le pas vite franchi. L’inverse de la moitié, c’est bien le double, n’est-ce pas ? Alors CQFD !

Et pourtant, avec un peu de lucidité et d’impartialité, on peut relever qu’il n’y a aucune ambiguïté, les deux versets étant clairement distincts. L’équivoque résiderait plutôt dans une lecture précipitée de deux nombres indépendants, forçant tendancieusement un lien algébrique inexistant.

Le thème de l’héritage a déjà été évoqué, et la part réduite de la fille se justifie simplement par l’obligation faite à l’homme de subvenir aux besoins de sa famille. La sœur peut juger cette demi-part insuffisante, le frère peut l’estimer excessive ; alors que les croyants, hommes et femmes, trouvent le verdict du Créateur parfaitement juste. L’insatisfaction est navrante, mais il est tout aussi drôle que réconfortant de constater qu’elle se manifeste sans ségrégation. Que d’hommes, étouffant d’humanisme et de galanterie, s’insurgent contre cette persécution réduisant la femme à une moitié ; et que de mamans, submergées par la tendresse, insistent pour que leurs filles se désistent, de gré ou de force, au profit de leur pauvre chéri de garçon !

Venons-en maintenant à ce super-témoin qui ne vaut pas moins de deux femmes.

Superman et sesdeux moitiés, un film qui fait flop

Le témoignage est une immense responsabilité morale et religieuse. Sans les nombreuses fausses allégations des uns, et les attestations défaillantes des autres, et sans les multiples lâchetés et faiblesses de ceux qui refusent de témoigner ou craignent de le faire, l’injustice, la tyrannie, et la misère seraient nettement plus circonscrites. Et le monde n’en serait que meilleur.

Il est fermement interdit aux musulmans de dissimuler le témoignage. Et le prendre à la légère ou choisir les témoins sans tri est gravissime et synonyme de trahison. Ainsi, toute personne moralement qualifiée, mais souffrant d’une quelconque maladie affectant ses facultés de mémorisation, n’est plus un témoin fiable.

S’agissant de nouveaux contrats, il est préférable d’impliquer plusieurs témoins dignes, certains risquant à la longue d’oublier, de déménager, ou même de mourir. Dans tous les cas, nul n’est infaillible, et la complémentarité par concertation est très importante, notamment quand les témoins sont appelés à exprimer des appréciations, pouvant objectivement varier.

Mais hélas, on ne peut pas toujours choisir les témoins à sa guise. Très souvent, les conditions sont fortuites et on doit faire avec les moyens du bord. Le Prophète (PSSL) a validé le testament d’un seul bédouin pour inviter toute sa communauté à entamer le Ramadhan. Outre les défaillances, les trahisons ne peuvent pas être écartées, et parfois seule la justice divine peut être rendue, comme pour ces témoins falsifiant les dernières volontés d’une personne avant sa mort (2/181). Même si avec les juges, huissiers, et autres notaires, on peut établir de meilleurs contrats et testaments, l’impunité n’est pas près d’être enrayée ; et beaucoup de crimes échappant à la justice humaine sont plus odieux que les faux témoignages.

Pour le recours au témoignage direct, qui reste inévitable, les savants musulmans s’accordent que seule la probité compte, sans distinction de sexe, car toute observation anodine peut s’avérer précieuse et même décisive. Une écolière attentive peut sauver une personne croisée près de l’école, injustement accusée d’avoir commis un crime ailleurs au même moment, ou inversement renforcer la suspicion si les circonstances coïncident. Il y a cependant des domaines spécifiques où le témoin doit jouir d’une expérience professionnelle ou naturelle. La pédiatrie et la mécanique sont des univers différents, et pour les désagréments causés par la ménopause ou la prostate, le juge sait à quelle personne et quelle tranche d’âge s’adresser.

Le verset qui nous intéresse évoque un contrat dans le domaine de l’endettement. Les finances, c’est un espace dominé par les hommes, et même des femmes qui travaillent demandent souvent l’assistance du père ou du mari. Le verset n’adresse aucune instruction aux juges, mais conseille le créancier. Nombreux sont ceux qui prêtent de l’argent avec un goût de la discrétion, éclipsant les risques encourus. Ce passage est extrait du»verset de la dette», le plus long verset du Coran (2/282) : «Prenez deux témoins d’entre vos hommes, ou à défaut un homme et deux femmes, parmi ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l’une oublie, l’autre puisse lui rappeler».

D’abord, il n’est pas du tout question d’un quelconque superman ou super-témoin infaillible. Un seul homme ne suffit pas ! Il en faut au moins deux ! Aussitôt lu, aussitôt oublié, l’attention des détracteurs étant coincée ailleurs.

Secundo, en général, la femme ne représente ni la moitié ni une quelconque fraction. Il suffit de deux hommes fiables pour qu’elle soit complètement écartée. Si on refuse d’admettre qu’elle est simplement dispensée, on doit alors s’insurger contre son exclusion, qui est la règle. C’est toutefois son rabaissement à une moitié qui est déploré, sans doute dans le but de préserver la preuve par neuf, du lien algébrique évoqué précédemment. La dénonciation de l’absence risquerait d’élucider l’embrouille et orienter les esprits vers l’interprétation dépouillée, la femme devenant alors subitement perçue comme étant simplement épargnée, et non méprisée et exclue.

Le verset est enfin loin de signifier que les deux femmes suppléant un homme, représentent deux demi-témoins devant fournir deux moitiés du témoignage pour boucler les 100%. L’avantage de plusieurs témoignages ne réside pas dans l’additivité, car la sommation pure de récits défaillants a peu de chance de combler les vides et éliminer les imperfections.

Toutefois, si les erreurs numériques «bêtes» ont plus tendance à s’accumuler qu’à s’annuler, les témoignages humains bénéficient substantiellement des interactions et rappels mutuels, avec effet correctif immédiat. On peut alors se contenter de dire qu’il faut par prudence le concours de deux amateurs pour remplacer un expert, ce dernier faisant plus attention à des détails importants pouvant échapper aux autres.

La mécanique de l’oubli et la force de rappel

Cette partie de la contribution est plutôt risquée et peut décevoir au lieu de conforter, mais elle est présente pour deux raisons. D’abord, le verset évoque l’oubli de l’une des deux femmes, et le rappel que fournit la deuxième. La notion d’amateurisme évoquée plus tôt est suffisamment pertinente, mais peut ne pas satisfaire. La deuxième raison est que même si elles ne font pas l’unanimité, certaines études scientifiques associent aux perturbations du cycle menstruel de la femme des effets sur la mémorisation (1,2). Il n’est pas du tout question de performance intellectuelle, car désormais, les filles dominent les garçons dans la plupart des lycées et universités, au point où de grandes compagnies admettent avoir triché lors des concours de recrutement, pour limiter les dégâts de cette nouvelle «inégalité des sexes».

La menstruation fait partie de ces différences marquantes, distinguant Eve d’Adam, et cette perturbation hormonale, qu’endure dignement la femme chaque mois, a des effets variables selon la personne et l’âge. Et parmi ces troubles, des recherches récentes ont recensé les sautes d’humeur, les difficultés de concentration, et les trous de mémoire (1). Une variation des modes de mémorisation écrite et spatiale est aussi évoquée (2). Il faut signaler que d’autres études réfutent ces incidences sur la mémoire. Aussi importants ou négligeables puissent être leurs effets, ces perturbations sont affrontées noblement. Et c’est précisément cette bravoure face à ces épreuves de menstruation, grossesse, accouchement, allaitement, qui ouvre droit à ce privilège exclusif, de portail spécial d’accès au paradis, sous les pieds de la maman. Loin de contester cet unique prestige, l’homme n’ose même pas l’envier, tant il s’avoue incapable de rivaliser avec le sexe prétendument faible, face à ces «traumatismes».

L’homme étant mieux «réglé», tout malaise pouvant affecter sa mémorisation est donc perceptible, et dès lors disqualifiant. Mais, et j’insiste, c’est à la société et non au concerné de le faire ! Je me permets un témoignage personnel à cet effet. Durant ma dernière année au lycée Amara Rachid, où j’étais interne, je suis tombé malade, assez sérieusement pour nécessiter un séjour dans l’infirmerie. Je pouvais justifier mon absence à un examen, mais faisant la grosse tête, j’ai participé avant de regagner l’infirmerie. Ce n’est pas la mauvaise note qui m’a marqué, car j’en ai récoltées, mais c’était surtout l’unique fois durant tout mon cursus, où je ne me suis pas du tout rendu compte de mes ratages, jusqu’au jour de la remise des copies.

En modérant le goût de l’équivoque et la propension à y chercher la petite bête, on arrive à élucider les rares ambiguïtés religieuses, sinon les tempérer et les accommoder, et s’éviter ainsi la discorde. En se rappelant qu’en islam, le financement relève des obligations de l’homme, on peut concéder que les dettes et les créances, c’est une tâche qui lui incombe, et accepter ainsi que la règle, clairement exprimée dans le verset, c’est d’épargner la femme. Le remplacement d’un témoin homme par deux femmes est exceptionnel et n’est qu’un conseil envers le généreux créancier, les dames ayant naturellement droit, dans ce cas, à plus d’inadvertance. Loin d’être privée d’un privilège, la femme est donc plutôt dispensée d’un fardeau, sauf en cas de force majeure.

Et si jamais à ce stade, la courtoisie apparaît subitement comme une explication plus concise et persuasive, alors ainsi soit-il !

Les détracteurs de l’islam qui se focalisent sur la femme, arrivent sporadiquement à faire des émules dans le monde arabo-musulman, et se chargent ensuite de les médiatiser et les propulser pour mieux jouer la partition. Il est toutefois tout aussi étrange pour l’esprit que canonique pour la foi, de voir combien la démarche est contre-productive, et à quel point les œillères intello-morales récoltées masquent l’évidence criarde ! Le nombre de convertis à l’islam ne cesse d’augmenter, et 75% sont des femmes, souvent stimulées par ce que les négateurs s’acharnent à dénigrer ! Les divers manèges et coups portés aux musulmans leur infligent des misères, mais sont loin de pouvoir ternir les attraits spirituels de leur religion ou d’infléchir son rayonnement conquérant.

Il n’est de créature tronquée ou de superman doublé, ce sont des fabulations et des chimères mal perçues !

Ni gonflable ni réductible, juste mortel où que tu crèches, dans un gourbi précaire ou dans la vallée des rois !

Entre Adam et Eve, il n’y a que des différences naturelles, aussi complémentaires que parfaitement conçues !

Que l’équité divine s’est chargée avec transcendance, d’intégrer dans le logiciel ouvert du libre choix !

Références :

(1) http://sexplique.org/cycle-menstruel/syndrome-premenstruel.html

(2) http://www.concordia.ca/cunews/main/releases/2016/09/21/map-reading-is-more-difficult-during-ovulation.html


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *