LIVRES / MÉMOIRES PASSIONNÉES

         par Belkacem Ahcene-Djaballah

                                                                                             Livres

Ma vie, ma passion – Essai de Hamid Zouba (préface de Mustapha Dahleb). Anep Editions, Alger 2018, 207 pages, 700 dinars.

Il a raconté son parcours humain , sportif et citoyen (et militant) dans la mesure où, quelque part, dit-il, il a eu la chance de participer à une épopée unique en son genre dans l’histoire politique contemporaine du XXè siècle (et même à travers les siècles. D’ailleurs, l’« aventure » est citée en exemple de courage, d’engagement et d’abnégation, aujourd’hui encore, chez nous et ailleurs…en France même) … la lutte de libération du pays et « de vivre un rapport particulier entre le sport et l’émancipation d’une nation et d’un peuple ».

Lui, c’est Abdelhamid Zouba. Une très riche carrière. exemplaire, malgré quelques obstacles dus à la bureaucratie sportive de l’époque et à l’incompréhension des compétences de certains décideurs trop « politiques », ce qui l’avait obligé parfois à s’exiler. Hamid Zouba est celui qui, de plus, a remporté avec le Mouloudia club d’Alger ( Mca), au stade du 5 juillet – après avoir remporté le Championnat , la Coupe d’Algérie (saison 76-77) – la Coupe d’Afrique des clubs champions (avec des joueurs aux noms encore lumineux : Draoui, Bencheikh, Betrouni, Bachta, Zenir, Mahiouz….) …Les joueurs et le staff avaient alors reçu un cadeau des Autorités : un poste de télévision noir et blanc! Celui , aussi qui entraînait l’équipe du Mouloudia, invité alors à rencontrer en 1977 le Real à Madrid (75ème anniversaire du club) , un club et des joueurs qui avaient subjugué le public de Santiago Bernabeu.. Score 2-1 et le Mca sacré équipe la meilleure du tournoi; un tournoi qui comprenait aussi les équipes d’Argentine et d’Iran, alors qualifiées pour la Coupe du monde 78.

Ce fut un très bon joueur. Mais il fut aussi et surtout un grand coach qui avait fait d’énormes efforts pour être à la hauteur de la tâche et de sa passion…d’abord en apprenant (presque) seul à lire et à écrire. C’est tout cela qui a été démontré sur le terrain, en Algérie et à l’étranger, mais aussi montré à travers la deuxième partie de son écrit: un véritable manuel de l’entraineur. A lire, à relire et à faire lire par les entraineurs impétrants.

L’Auteur : Né le 2 avril 1934 à Saint-Eugène (aujourd’hui Bologhine). Joueur et entraîneur en France et en Suisse, il a rejoint l’équipe de football du Fln -Historique en 1958. Après l’indépendance, il devient entraîneur et, au Mca, il remporte plusieurs titres nationaux et internationaux. Décédé à Alger le 2 février 2022 à l’âge de 87ans

Table des matières : Préface/ Première partie (5 chapitres : Mon enfance. De l’autre côté de la Méditerranée. Football et révolution. Une aventure africaine. La formation: pour le renouveau du football national)/ Deuxième partie (2 chapitres : De l’entraineur en général et Observations et analyses techniques )/Conclusion/ Album photos (50)/ Bibliographie

Extraits : « Les footballeurs algériens ont rejoint le camp de leur choix, c’était une évidence. Leur départ n’avait surpris que ceux qui voulaient rester aveugles.Pour nous, puisque la France menait à notre peuple une guerre terrible, nous refusâmes de continuer à apporter de la joie au peuple français. Plaçant l’Algérie au-dessus de tout, nous avons voulu donner à notre jeunesse une preuve de courage et de sacrifice » (p37), « La plus grande erreur est de vouloir cacher notre réalité par l’utilisation des joueurs algériens formés en Europe, c’est là que commence notre égarement (nous avons oublié que nous avons un championnat à gérer)… » (p96), «L’entraîneur demeure le grand solitaire du sport en Algérie et il est le plus ignoré de tous, le moins valorisé et le plus malmené » (p128)

Avis : Une autobiographie sincère et humaine et un manuel du « bon joueur et bon entraîneur »

Citations : « Les souvenirs, comme les rides, ne s’effacent jamais » (p12), « Nous étions des hommes ordinaires plongés dans des situations extraordinaires » (p46), « Un homme ordinaire peut faire illusion sur ses mérites ; par contre, un sportif est immédiatement sanctionné par ses résultats, quels que soient ses efforts et ses connaissances » (p53), « Qu’est ce que bien jouer ? C’est trouver une solution dans chaque action » (p60), « Pour forger l’identité du football national, il faut deux choses : la discipline et l’organisation » (p77), « L’objectif n’est jamais mieux atteint que dans la certitude de l’échec. La beauté du sport, comme celle de la littérature, réside peut-être dans cette fabrique du déséquilibre » (p81), « L’éducation est inséparable de l’évolution sociale » (p97), « Etre entraineur professionnel , ce n’est pas simplement un statut, c’est d’abord un état d’esprit » (p105), « Le seul intérêt du jeu est le jeu lui-même » (p169), « Un football qui déserte le champ de l’autocritique sombrera tôt ou tard. A moins que la raison ne se fasse pas trop attendre! » (p173)

Mémoires d’un gardien de but – Témoignage de Mehdi Cerbah (par Sid Ahmed Bouaddou et préface de Hamid Tahri). Apic éditions, Alger 2021, 186 pages, 800 dinars (Pour rappel. Fiche de lecture déjà publiée)

Cerbah témoigne et raconte …. Mehdi se livre et se raconte… Certes, on a déjà lu des ouvrages consacrés à des sportifs algériens de haut niveau (Rachid Mekhloufi, Abdelhamid Zouba et Hacène Lalmas les footballeurs, Salima Souakri la judoka, Abdelkader Ould Makhloufi, le boxeur…), mais, à mon humble avis de lecteur , mais aussi d’ancien (petit) footballeur, je n’ai jamais été autant ému.

Les raisons? Les faits d’abord, pour la plupart glorieux, en Algérie et à l’étranger, notre homme ayant été de bien des combats et ayant remporté avec ses co-équipiers bien des victoires et /ou des médailles (dont les historiques: Jm 1975, les Ja 1978 et la participation à la Coupe du monde en Espagne en 1982, pour ne citer que ceux-là) … Puis, les épreuves traversées pour décrocher les victories (pas toujours, cela va de soi, les rencontres sportives étant faites aussi de défaites, souvent inattendues)…. Mais aussi et surtout, la description des relations humaines, tissées au sein des collectifs. Pas facile pour un bonhomme au caractère un peu refermé, «austère ?», mais décidé (ses co-équipiers l’appelaient la «Grinta») dont les sens sont et doivent être constamment au service presque exclusive de sa «cage» qu’il veut garder inviolée. Il y a, par ailleurs, un patriotisme aiguisé, ayant pour exemple l’équipe nationale du Fln historique (et, avec Rachid Makhloufi comme entraineur, entre autres, cela rendait le rêve encore plus difficile à atteindre). D’autant, aussi bien en club (Rama, Usma, Jsk, Rck…clubs étrangers) qu’en équipe nationale (militaire ou/et civile), il avait, souvent, la lourde responsabilité du capitanat. Pas facile aussi, pour faire face à certains de ses co-équipiers qui aimaient le «taquiner» (Assad, Kouici…) Ah, une autre raison !Et, c’est peut-être celle que j’aimerais mettre le plus en exergue : le refus de se murer dans le silence, de se render complice d’un quelconque détournement de l’histoire du foot national ou permettre aux «fossoyeurs» de s’approprier des honneurs qui ne leur sont pas dus. Le football en particulier et le sport en général ont connu tellement de personnalités sportives de grande qualité… mais hélas, la plupart des hommages ne leur sont rendus qu’à titre posthume et le mouvement sportif national n’a pas su ou pu ou voulu en tirer profit . Il est vrai que cela ne concerne pas ce seul secteur. La culture de l’oubli! Après la mort physique, une seconde mort, celle-ci immatérielle, peut-être la plus importante.

L’Auteur :Né à Alger en 1953….un des plus remarquables gardiens de but du football algérien… et une carrière nationale et internationale très riche ayant marqué les générations des années 70/80

Table des matières : Préface/ Introduction/Mon enfance, mon premier club /Ma carriere senior en club /Ma carrier internationale

Extraits : « (Victoire aux JM 1975) Après les félicitations d’usage, on nous gratifia d’un carnet Cnep avec un montant de 2 000 Da. Sans commentaires. A ce jour, je n’arrive pas à trouver d’explications à ce «cadeau». La deception se lisait sur tous les visages…» (p 81), «La conception qu’Il (Rachid Mekhloufi) voulait adopter pour le développement du football algérien, basée sur la formation de base , était en parfaite contradiction avec celle des dirigeants de l’époque, dont la vision se limitait uniquement à des victoires et des qualifications à des joutes continentales, sans aucune perspective d’avenir» (p107), «La décennie noire qu’a connue l’Algérie durant les années 90 n’était pas sans affecter le football national, surtout dans le domaine sensible de la formation , laquelle a été complètement abandonnée par les clubs , au profit du résultat immédiat» (p158)

Avis : Des cris du cœur ! Et, droit au but. Prenant. Emouvant. Se lit d’untrait… par tous sportifs ou non, footballeurs ou non, jeunes et vieux… car la belle aventure d’un homme faisant et aimant (toujours) passionnément son… Métier.

Citations : «Se murer dans un long silence , c’est permettre aux fossoyeurs de s’approprier des honneurs qui ne leur sont pas dus, et au temps d’effacer et faire oublier les sacrifices et les exploits consentis par toute une génération» (Sid Ahmed Bouaddou), «Deux équipes nationales algériennes (de football) doivent rejoindre le panthéon de l’histoire et être considérées comme un patrimoine immatériel : la grande équipe du Fln et celle de 1982» (p 160), «Lorsqu’un compatriote censé vous défend et vous protége, vous dénigre et colporte des propos calomnieux à votre insu, il n’y a pas mieux qu’un étranger pour vous defendre et vous protége» (p 179)


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