Militarisation des pays baltes : exercice de dissuasion ou de provocation?

Par Étienne Champigny

Le 21 octobre 2019, les États-Unis ont envoyé un contingent de 500 hommes et de l’équipement militaire, notamment des chars d’assaut, en Lituanie. Bien qu’il n’y ait pas de conflit armé en cours dans la région, la manœuvre des États-Unis, sous l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), envoie un message direct à la Russie voisine et ses possibles intentions face aux anciens pays satellites de l’Union soviétique.

Une vaste militarisation dans les pays baltes

Le déploiement de bataillons militaires étrangers dans les pays baltes a débuté de façon significative à la suite de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014. La militarisation des trois pays baltes, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, par l’OTAN vient combler des lacunes de leurs armées nationales considérées comme particulièrement faibles face à la constante menace de la Russie (1). On y retrouve notamment le Royaume-Uni en Estonie, le Canada en Lettonie, l’Allemagne en Lituanie et plusieurs autres pays contribuant à ces forces militaires. En plus d’instaurer des mesures militaires vouées à créer un effet de dissuasion, un fonds monétaire fut mis sur pied en 2014.

Toujours dans la foulée des évènements entourant l’annexion de la Crimée par la Russie, l’‘European Deterrence Initiative’ (EDI) fut instaurée par les États-Unis, en partenariat avec l’Union européenne. Elle a pour but d’aider les alliés européens dans leur lutte contre la menace russe (2). Instaurés sous l’administration de Barack Obama, les investissements américains octroyés à ce programme de défense sont à la hauteur d’environ 5 milliards de dollars US sur le budget annuellement alloué à la défense.

Des raisons de craindre la Russie ?

Selon des analystes, il y a plusieurs raisons de craindre la Russie et la stabilité régionale lorsqu’il est question des évènements passés et de son implication en ce qui concerne la Géorgie en 2008 ou l’Ukraine en 2014. À ce jour, bien peu de gestes concrets ont été posés de la part des Russes directement à l’endroit des pays baltes. Des exercices militaires ont été effectués dans les territoires russes de Kaliningrad et de l’autre côté des pays baltes, près de leur frontière commune. À plusieurs reprises depuis 2014, les forces d’aviation russes se sont aventurées dans l’espace aérien des pays baltes, la plupart du temps au-dessus de la mer Baltique. Ils ont été escortés promptement par les forces aériennes de l’OTAN.

Après l’annexion de la Crimée, le président Vladimir Poutine a déclaré vouloir étendre l’influence russe à d’autres horizons parmi lesquels, les pays baltes, la Finlande et la Biélorussie furent notamment cités (3). Selon l’auteur Marek Menkiszak, repose derrière ces différentes visées impérialistes chez Vladimir Poutine un désir de défendre et de préserver l’intégrité des personnes russes vivant hors de la Russie (4). Selon lui, tous les moyens sont bons afin de défendre les diasporas russes, et ce, incluant la force (5).

Devant ces faits, la militarisation des pays baltes par l’OTAN semble défendable, du moins pour elle. En plus de retrouver un peu plus d’un million de Russes au sein des trois pays baltes, ceux-ci sont géostratégiquement coincés entre Kaliningrad, territoire russe aux frontières avec la Lituanie et la Pologne, et la Russie, ce qui les rend vulnérables.

Une offensive militaire des Russes n’est pas perceptible à l’horizon, mais toujours selon Menkiszak, il ne fait pas de doute qu’une présence militaire importante de l’OTAN dans les pays baltes vient contrecarrer quelconques intentions de la Russie dans cette région (6). Le déploiement militaire américain dans les pays baltes survient à la suite du retrait des troupes en Syrie, qui sera profitable pour les forces armées russes. Cependant, cette démonstration de force des États-Unis indique aux Russes qu’ils sont toujours présents sur d’autres fronts pour limiter leurs visées.

Références:

(1) : R.D., Hooker, « How to defend the Baltic States », The Jamestown foundation, octobre 2019, URL https://jamestown.org/wp-content/uploads/2019/10/H… consulté le 27 octobre 2019.

(2) : DePetris, Daniel, « The European Deterrence (Reassurane) Initiative sends the wrong message », DefenseNews, 21 mars 2019, URL https://www.defensenews.com/opinion/commentary/201… consulté le 27 octobre 2019.

(3) : Withnall, Adam, « Vladimir Putin ‘wants to regain Finland’ for Russia, adviser says », Independent, 30 mars 2014, URL https://www.independent.co.uk/news/world/europe/vl… , consulté le 27 octobre 2019.

(4) : Menkiszak, Marek, « The Putin doctrine : The formation of a conceptual framewok for Russian dominance in the post-Soviet area », Centre for Eastern Studies, 27 mars 2014, URL https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/osw-commentar… consulté le 27 octobre 2019.

(5) : Loc. cit.

(6) : R.D., Hooker, op. cit.

Dernière modification: 2019-11-05

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