Rupture des relations avec le Maroc : La mise au point de l’ambassadeur d’Algérie au Chili

        par R. N.

L’ambassadeur d’Algérie au Chili, Mohamed Sofiane Berrah, a publié samedi une mise au point dans un média chilien suite aux informations « biaisées » et « inexactes » concernant les raisons ayant poussé l’Algérie à rompre les relations diplomatiques avec le royaume du Maroc.

« Divers articles parus ces derniers jours dans certains journaux chiliens ont diffusé des informations biaisées et inexactes sur les raisons ayant motivé la décision de l’Algérie de rompre les relations diplomatiques avec le royaume du Maroc », a-t-il indiqué dans son droit de réponse relayé par Diario y Radio Universidad de Chile.

« Loin d’essayer d’alimenter une polémique inutile (…) mon propos et mon seul objectif à travers cette contribution est de clarifier auprès de l’opinion publique chilienne le contexte et l’arrière-plan qui ont justifié que mon pays ait eu recours à cette mesure », explique-t-il.

Concernant les actions immédiates ayant poussé l’Algérie à rompre ses relations avec le Maroc, l’ambassadeur évoquera la note officielle exprimant le soutien du royaume à la prétendue volonté d’autodétermination de la Kabylie. Une note distribuée par le représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU, le 14 juillet dernier, en marge d’une réunion du Mouvement des pays Non alignés.

Cette note « visait à mettre dans le même sac le Sahara Occidental – territoire occupé illégalement par le Maroc depuis 1975 – qui relève d’une décolonisation dûment reconnue comme telle par la communauté internationale et par le droit international, et une région, historiquement et sociologiquement, partie intégrante du territoire algérien », dira Mohamed Sofiane Berrah.

« En réaction à cette provocation, l’Algérie a demandé aux autorités marocaines une clarification de la position du royaume sur cette question. Cette demande est restée sans réponse, ce qui a contraint l’Algérie à rappeler son ambassadeur au Maroc pour des consultations au vu de la gravité des événements », a-t-il ajouté.

La deuxième action hostile du Maroc est celle du scandale, révélé le 18 juillet dernier, du logiciel espion Pegasus créé par la société israélienne NSO.

L’enquête menée par le Consortium Forbidden Stories et Amnesty International a démontré l’utilisation massive de ce logiciel par le Maroc pour espionner 6.000 personnalités algériennes, des journalistes et des acteurs de la société civile, a-t-il informé.

Des antécédents sérieux

Parmi les actes provocateurs dont ont été coupables les autorités marocaines vis-à-vis de l’Algérie, « on citera également la déclaration faite le 12 août 2021 par un haut responsable israélien lors de sa visite au Maroc. A cette occasion , Rabat a réussi à guider de manière biaisée la déclaration israélienne faite lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue marocain, concernant l’opposition de l’Algérie à l’octroi du statut d’observateur de l’Union africaine à Israël ».

« Le ton menaçant de la réponse du responsable israélien qui a critiqué l’Algérie alors que sa position est partagée par une vingtaine d’autres pays africains désireux de préserver la cohésion et l’unité de l’organisation panafricaine concernant la question palestinienne, représente une provocation qui rend compte de la déloyauté du Maroc et de sa volonté manifeste d’impliquer son nouvel allié moyen-oriental dans une aventure hasardeuse dirigée contre l’Algérie », a-t-il soutenu.

La dernière provocation en date est le soutien du Maroc « aux agents séparatistes après les incendies criminels qui ont ravagé, courant août 2021, plusieurs régions d’Algérie, causant la destruction de milliers d’hectares et la mort de 90 personnes dont 33 militaires.

L’implication de Rabat dans les incendies a été confirmée par des enquêtes menées par la police judiciaire algérienne et par l’arrestation d’éléments affiliés à deux organisations que l’Algérie qualifie de terroristes tentant de fuir vers le territoire marocain », assure-t-il.

L’ambassadeur a évoqué, par ailleurs, des « antécédents sérieux » rappelant que « la première action belliqueuse du Maroc contre l’Algérie a eu lieu en 1963, après l’indépendance de l’Algérie ».

« Plusieurs années plus tard, le 27 août 1994, le Maroc a décidé unilatéralement d’imposer un visa d’entrée sur son territoire, tant pour les citoyens algériens que pour les citoyens d’autres nationalités, mais d’origine algérienne ».

Cette décision intervient dans un contexte de fausses accusations marocaines sur la participation présumée de l’Algérie aux attentats de Marrakech, accusations démenties par l’enquête internationale sur ces attentats », rappelle le diplomate.

« L’année 2013 marque une nouvelle étape dans la stratégie de pression du Maroc envers mon pays. A la veille de la célébration du 1er novembre, fête nationale à forte charge symbolique pour tous les Algériens, un citoyen marocain qui a participé à une manifestation scandant des slogans hostiles à l’Algérie, a pénétré dans les locaux du Consulat général d’Algérie à Casablanca et a profané le drapeau national sous le regard passif de la police marocaine », rappelle encore l’ambassadeur.


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                                 La guerre des opinions publiques

Une véritable guerre médiatique est menée aux quatre coins du monde pour créditer la thèse du Makhzen.

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La décision prise par l’Algérie de rompre les relations diplomatiques avec le Maroc a très largement débordé du cadre bilatéral pour s’installer dans le paysage médiatique international comme l’un des sujets qui alimentent les rubriques internationales des journaux et chaînes de télévision du monde. L’information a voyagé jusqu’au bord de la mer Rouge où les chaînes de télévision y ont consacré des plateaux avec à la clé, des commentateurs puisés parmi les retraités de la politique et de la diplomatie du monde arabe. En Europe, la France a «naturellement» réservé un espace considérable à l’événement. Mais il semble que le monde occidental ait été intéressé par cet épisode algéro-marocain. Jusqu’à la BBC dont le site Internet a hébergé un papier loufoque écrit par un Egyptien.
Le constat à faire dans cette «floraison» de commentaires et d’explications, tient des tentatives de fourvoiement des opinions publiques.
Une véritable guerre médiatique est menée par les agents du Makhzen aux quatre coins du monde pour créditer la thèse d’une grossière erreur diplomatique de l’Algérie dans sa décision de rompre les relations avec son voisin marocain. Même si les thèses algériennes ne sont pas absentes du débat, il reste que beaucoup d’intervenants, visiblement rémunérés par le Makhzen, falsifient grossièrement des vérités historiques et dépeignent une situation à l’opposé de ce qu’est la réalité sur le terrain, en Algérie, au Maroc et au Sahara occidental. Les agents de Rabat font feu de tout bois.
Ils occupent le moindre espace médiatique pour distiller leur version des faits. Lorsque ce genre de message est diffusé au sein d’une opinion publique très éloignée de ce qui se passe dans le Maghreb, le message peut faire tilt. On retiendra dans cette guerre des opinions publiques, une série d’articles dans des pays, dont on ne pourrait pas imaginer un intérêt pour une question de rupture de relations entre deux pays du continent africain. Pourtant tout cela a été fait et la presse chilienne a rendu compte de l’information dans ses dernières éditions. Vraisemblablement «travaillés» par les agents du Makhzen, les journalistes du Chili n’ont pas été chercher en profondeur les raisons de la brouille. Les thèses marocaines ont eu seules les honneurs des colonnes des journaux et les antennes des chaînes de télévision et des radios.
L’ambassadeur d’Algérie en poste au Chili est intervenu dans la presse de ce pays pour expliquer les véritables causes de la décision d’Alger.
Mais il faut dire que la mise au point de l’ambassadeur, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffit pas pour rétablir la vérité, face à l’offensive généralisée de Rabat qui ne vise rien d’autre que de faire passer l’Algérie pour un Etat autoritaire et imprévisible. C’est là une autre guerre…

Saïd BOUCETTA


 

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