Le Moustique-tigre de retour : Un vecteur de virus dangereux

      Le Moustique-tigre de retour !

I. Un vecteur de virus dangereux

Par Pr. Kamel Sanhadji – Professeur des universités, directeur du Centre de recherche en sciences pharmaceutiques, Constantine.


«Le temps met tout en lumière.»
(Thalès, vers 625 av. J.-C. – 546 av. J.-C., philosophe, mathématicien).

Préambule
Des signaux récents plaident en faveur de la présence du moustique-tigre, vecteur potentiel des virus Zika, chikungunya et de la dengue, au niveau de certaines wilayas algériennes.
Aussi, et dès maintenant, faudrait-il le préciser en cette période difficile de la pandémie de Covid-19 que nous vivons, le présent article ne se veut pas polémique dans le sens de rajouter de l’angoisse. Loin de là. Il se veut pédagogique et surtout ayant pour objectif d’anticiper, pendant qu’il est temps, à prendre les mesures d’éradication des foyers de moustique-tigre au niveau des habitations en particulier pour l’élimination des gîtes larvaires potentiels autour des domiciles (eau stagnante dans les soucoupes, gouttières, vases, seaux, détritus, pneus stockés…) pour priver les moustiques des sites où leurs larves peuvent se développer.

Introduction
L’Aedes albopictus, appelé communément moustique-tigre, est originaire des forêts d’Asie du Sud-Est (mais importé aussi). Il se développe désormais majoritairement en zone urbaine, propice à sa reproduction, et se déplace peu au cours de sa vie (de 50 à 200 mètres autour de son lieu de naissance). Seule la femelle pique, pendant la journée, surtout au lever du jour et au crépuscule en fin d’après-midi, principalement à l’extérieur des habitations.
Cet insecte exotique a une période d’activité estimée du 1er mai au 30 novembre. Cependant, la lutte contre ce moustique ne s’arrête pas au début de l’hiver car les œufs pondus peuvent éclore dès que les conditions climatiques sont favorables, à la sortie de diapause (forme de vie ralentie).
L’homme est très exposé à ce moustique qui pique le jour et la nuisance ressentie est donc forte. Mais aussi et surtout car il peut transmettre à l’homme une vingtaine de virus dont celui de zika, du chikungunya et de la dengue, des arboviroses (virus transmis par des arthropodes comme les moustiques ou les tiques) tropicales en progression constante dans le monde.
Comme les arboviroses sont principalement des zoonoses (transmission de l’animal à l’homme), quelques espèces peuvent être amplifiées chez l’homme et ont, de ce fait, un potentiel épidémique, notamment zika, chikungunya et la dengue.
Nous allons donc nous intéresser, selon une démarche pédagogique à : -I) caractériser le vecteur de ces viroses qu’est le moustique-tigre ; aux :  -II) virus zika, -III)  chikungunya et, -IV) la dengue.

Le moustique-tigre Aedes albopictus
Le moustique-tigre est de petite taille (5 à 7 mm). Il a un corps noir tacheté de blanc et des anneaux blancs et noirs sur ses pattes, d’où son nom de tigre. Son apparence caractéristique permet de le distinguer facilement des moustiques urbains locaux. Le moustique-tigre vole assez mal et pique plutôt sur les jambes.

Lieux de prédilection : jardins et eaux stagnantes
Le moustique-tigre est une espèce invasive originaire des forêts tropicales d’Asie du Sud-Est. En effet, en vingt ans, ce moustique a colonisé les 5 continents. Cette expansion géographique s’explique par le développement du transport international terrestre de marchandises et par le trafic international de pneus usagés (on retrouve des œufs du moustique-tigre dans ces pneus). Il s’agit d’un moustique particulier ayant des capacités de coloniser aussi rapidement de nouveaux environnements avec une importante plasticité physiologique et une capacité d’adaptation rapide. Le moustique-tigre est en constante progression et on le retrouve dans beaucoup de pays européens. Pour transmettre les virus qu’il véhicule, il doit, au préalable, avoir déjà piqué une personne infectée par ces virus. Dans ce genre de cas, une déclaration est effectuée auprès des services officiels, qui déclenchent alors une  démoustication aux alentours du foyer, du lieu de travail et des lieux dans lesquels la personne infectée s’est rendue. Cette démoustication a pour objectif d’éliminer les moustiques-tigres qui auraient pu piquer la personne malade et qui auraient donc pu devenir porteurs de ces virus et débuter une épidémie de Zika, de chikungunya ou de dengue dans une contrée donnée.
Le moustique-tigre apprécie particulièrement l’environnement humain et colonise surtout les environnements urbains et péri-urbains. Dans ces environnements, le moustique-tigre utilise toutes sortes de récipients et réservoirs artificiels d’eau (vases, pots, sous-pots, jouets d’enfants, bidons, gouttières, toits plats mal drainés,…) pour y déposer ses larves. Il a pris l’habitude de pondre dans toutes sortes de réservoirs, naturels ou artificiels. Il s’agit généralement de toutes petites réserves d’eau stagnante. Pour se protéger, la mesure la plus importante à prendre est d’éliminer de son entourage toute source d’eau stagnante. Aussi, privilégier également le port de vêtements longs, amples et clairs (le moustique-tigre est attiré par le noir).
Le moustique-tigre, contrairement au moustique commun de nos régions, est agressif et actif en journée. En général, toutefois, sa piqûre est bénigne. Elle peut, dans certains cas, provoquer des inflammations et des réactions allergiques. Mais surtout, elle peut transmettre jusqu’à 30 virus différents dans les pays de la zone tropicale. Sachant qu’une femelle moustique peut potentiellement donner naissance à quelque 3 000 moustiques et que, pour cela, elle a besoin de sang.
Il ne faut pas perdre de vue que le moustique-tigre sévit pas loin de son lieu de naissance. Ce dernier peut être considéré comme un indice potentiel d’un foyer épidémique. En effet, le moustique-tigre se déplace dans un rayon de 50 à 200 mètres autour de son lieu de naissance et pond ses œufs dans des récipients remplis d’eau. Pour éviter une infestation de moustiques-tigres dans une région colonisée par cette espèce, il est donc important de supprimer les lieux de ponte potentiels (les œufs se transformant ensuite en larves), et donc de faire la chasse aux eaux stagnantes. Pour cela, il est recommandé de ne pas laisser dehors des récipients qui pourraient se remplir d’eau de pluie (seaux, jouets d’enfants…), d’entretenir les gouttières des habitations, de vider régulièrement les soucoupes des pots de fleurs, de couvrir les réserves d’eau (telles que les récupérateurs d’eau de pluie) avec un drap ou une moustiquaire.
Si possible, ne pas laisser traîner de déchets végétaux au sol dans les jardins car le cycle de développement des larves étant environ d’une semaine. Si toutes les semaines, on fait le tour de son jardin et on vide les eaux stagnantes, on arrive à bloquer le développement du moustique-tigre. Si le moustique est implanté près de chez soi, c’est la seule stratégie qui fonctionne vraiment, plus efficace que les produits insecticides susceptibles d’être utilisés, et c’est une méthode écologique.
Cela diminue la prolifération de ce moustique et le risque de se faire piquer, et prévient le risque de transmission des virus zika, chikungunya et dengue.

Le virus Zika
En 2016, au Brésil, on a remarqué que la très forte hausse du nombre de cas de microcéphalie (croissance anormalement faible de la boîte crânienne et du cerveau) chez des nourrissons coïncide avec une sévère épidémie du virus zika. Ce dernier est transmis par le moustique-tigre qui est apparu deux ans auparavant en Amérique du Sud.
Le virus zika avait inquiété fortement les Brésiliens. En effet, plus de 2 700 bébés sont nés, en 2016, atteints de microcéphalie alors que seuls 150 cas de ce syndrome avaient été signalés l’année d’avant. Incurable, cette malformation pourrait être liée au virus zika, transmis par les moustiques-tigres. L’augmentation du nombre de cas en quelques mois avait préoccupé sérieusement les autorités sanitaires brésiliennes. Elles avaient lancé un avertissement recommandant aux femmes enceintes de prendre toutes les précautions pour éviter les piqûres de moustiques. Comme pour le VIH/sida ou la grippe H1N1, au début d’une épidémie, on peut surestimer ou sous-estimer la situation.
À cette époque, le problème résidait dans la difficulté de détection du virus zika et dans les modes de transmission qui n’étaient pas complètement démontrés. De plus, c’est ce même moustique-tigre qui est à l’origine de la transmission des virus de la dengue et du chikungunya.
En ce qui concerne les preuves, les chercheurs ont établi le lien entre la maladie et le moustique après avoir découvert la présence du virus chez un nourrisson décédé et qui était né avec une microcéphalie et d’autres maladies génétiques. L’alarme a redoublé lorsque la présence du zika a été détectée dans le liquide amniotique de femmes enceintes qui avaient les symptômes du virus et dont les fœtus ont été diagnostiqués avec une microcéphalie. On était en droit de s’inquiéter à cause des malformations fœtales (certes, dans une faible proportion des femmes touchées) qui semblent être liées à ce virus.

Le virus zika, un cousin des virus chikungunya et de la dengue
Il s’agit d’un virus qui a été découvert et isolé pour la première fois en Ouganda en 1947 dans une région appelée Zika. Il est responsable de la fièvre du même nom et se transmet par la piqûre d’un moustique infecté. Il provoque des boutons, de la fièvre, des maux de tête et des arthralgies (douleurs articulaires). D’autres vertébrés tels que les chèvres, les éléphants, les lions, les zèbres et les hippopotames peuvent aussi être infectés. Le virus est surtout présent dans les zones tropicales d’Afrique et d’Asie.
L’infection à virus Zika est une maladie due à un arbovirus appartenant à la famille des Flaviviridae comme ceux de la dengue, de la fièvre du Nil occidental (virus West Nile) et de la fièvre jaune. Le virus est transmis par les moustiques du genre «Aedes».
La première épidémie documentée est survenue en Micronésie en 2007, la deuxième en Polynésie française de novembre 2013 à février 2014. Le virus a ensuite circulé en Nouvelle-Calédonie et dans d’autres îles du Pacifique.

En mai 2015, une épidémie a débuté au Brésil pour s’étendre à plusieurs pays des Amériques dont la Colombie, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panama, le Paraguay, le Salvador, le Suriname, le Venezuela.
Depuis février 2015, les Samoa dans le Pacifique puis le Cap-Vert en Afrique de l’Ouest rapportent aussi une circulation du virus Zika.
À la fin de décembre 2015, des premiers cas ont été rapportés dans les départements français des Antilles (Guyane et Martinique).

Comment se transmet le virus Zika ?
La transmission se fait par l’intermédiaire d’un moustique du genre Aedes dont «Aedes aegypti» et «Aedes albopictus» (moustique-tigre). C’est ce que l’on appelle une transmission vectorielle.
La phase virémique (présence du virus dans le sang), peu documentée, est plus courte qu’au cours de la dengue. Elle débuterait avant l’apparition des signes cliniques et durerait deux à cinq jours.
Pendant cette période, la personne infectée par le virus Zika est contaminante pour les moustiques qui la piqueraient. Le virus se réplique ensuite dans le moustique qui devient contaminant, à son tour, quelques jours plus tard. Il pourra, à l’occasion d’une autre piqûre, transmettre le virus à de nouvelles personnes.
Il faut éviter qu’une personne infectée ne soit piquée en phase virémique par un autre moustique, afin de ne pas développer ou entretenir le cycle de transmission du virus.
À côté de ce mode de transmission vectorielle, d’autres modes de contamination existent en particulier sexuel, sanguin et materno-fœtal.
Un cas de transmission sexuelle avait été rapporté aux États-Unis chez un patient malade de retour du Sénégal qui a contaminé sa femme qui n’avait pas voyagé alors que le virus Zika n’était pas présent aux États-Unis. Cette observation est cohérente avec la mise en évidence du génome viral et de particules infectieuses dans le sperme lors de l’épidémie du virus Zika en Polynésie française.  Ce mode de transmission semble être nouveau, dans le cas du virus Zika, car il n’a jamais été décrit auparavant.
Quant à la transmission par transfusion sanguine, elle n’a jamais été mise en évidence pour le virus Zika mais le risque ne peut être écarté.
La transmission périnatale a été rapportée lors de l’épidémie en Polynésie française où deux cas de transmission materno-fœtale ont été décrits.
Les mamans et les enfants ont présenté des signes cliniques classiques d’infection par le virus Zika et la maladie a évolué favorablement. Le génome viral a été détecté dans le sang, les urines de la mère et du nouveau-né et aussi dans le lait maternel. Toutefois, les investigations réalisées n’ont pas permis de mettre en évidence le virus infectieux dans le lait (le virus n’a pas pu être isolé). L’infection des nouveau-nés est supposée s’être produite par voie transplacentaire ou lors de la délivrance. La transmission par le lait n’a pas été démontrée mais la question reste posée par analogie avec ce qui a été rapporté avec deux autres virus de la même famille : le virus de la dengue et le virus West-Nile.


II. Les manifestations cliniques et le diagnostic 

L’incubation dure de 3 à 12 jours après la piqûre infectante. La maladie est asymptomatique dans 70 à 80% des cas.
Les symptômes sont proches de ceux retrouvés pour les autres arboviroses (dengue ou chikungunya), ce qui complique le diagnostic en cas d’épidémie concomitante.

Ils se caractérisent par une éruption cutanée à type d’exanthème maculo-papuleux (boutons rouges arrondis plus ou moins nombreux et confluant parfois en plaques) possiblement prurigineuse (démangeaison). La fièvre est inconstante et modérée, souvent accompagnée d’une hyperhémie conjonctivale (dilatation excessive des petits vaisseaux de la conjonctive oculaire) ainsi que d’arthralgies (douleurs articulaires) et de myalgies (douleurs musculaires). La maladie est le plus souvent de courte durée et la fièvre disparaît en moyenne en moins de trois jours.
Le pronostic est bon dans la majorité des cas, mais des complications neurologiques à type de syndrome de Guillain-Barré (atteinte des nerfs périphériques) ont été décrites au Brésil et en Polynésie française. Il n’y a pas eu de décès imputable au virus Zika en Polynésie.
Quant au diagnostic, le virus peut être détecté directement dans le sang par RT-PCR (technique d’amplification directe du virus), le plus souvent dans les deux à trois jours après le début des signes. Il peut être également détecté dans les urines. La virurie (présence du virus dans les urines) semble plus prolongée que la virémie (jusqu’à dix jours).
Un résultat positif de RT-PCR dans le sang ou les urines confirme le diagnostic, mais un résultat négatif n’infirme pas le diagnostic.

Le problème du virus Zika se situe surtout au niveau de la grossesse : conduite à tenir
En ce qui concerne la transmission materno-fœtale, la transmission au fœtus a été confirmée dans 2 cas en Polynésie en per-partum (période autour de l’accouchement) avec une évolution favorable chez les nouveau-nés, mais il a été rapporté 12 cas de malformations du système nerveux central ainsi que 5 cas avec dysfonctionnement du tronc cérébral, dont des microcéphalies, et absence de déglutition.
Le virus a également été retrouvé dans le lait maternel.
Cette augmentation importante d’anomalies neurologiques néonatales, surtout à type de microcéphalie, a été confirmée dans les zones où sévit l’épidémie de Zika au Brésil.
Ceci suggère une transmission materno-fœtale tout au long de la grossesse.
Il n’a pas été noté d’augmentation des taux d’avortements spontanés et de décès in utero dans les régions à risque.
Il a été rapporté un nombre anormalement élevé d’anomalies du développement cérébral intra-utérin et de microcéphalies chez des fœtus et nouveau-nés de femmes qui étaient enceintes au moment d’une épidémie du virus Zika. Toutefois, le lien causal entre l’infection Zika et ces malformations congénitales n’a pas été clairement démontré pour le moment. Des travaux de recherche sont en cours pour préciser la nature de ce lien.
La prévention est d’une importance capitale chez la femme enceinte.
En effet, il est conseillé aux femmes enceintes de se protéger par tous les moyens disponibles contre les piqûres de moustiques particulièrement au cours des deux premiers trimestres de grossesse. En plus du port de vêtements longs couvrant les bras et les jambes jusqu’aux chevilles, si possible imprégnés de répulsif, il est recommandé de dormir sous une moustiquaire. Par ailleurs, les répulsifs corporels utilisés doivent être adaptés aux femmes enceintes (éviter la toxicité de certains produits).
En ce qui concerne l’organisation du suivi de la grossesse pour les femmes enceintes se rendant dans les zones où circule le virus Zika, une consultation préalable par un médecin ou une sage-femme est recommandée pour évaluer l’opportunité du voyage en fonction de l’état de santé, des risques encourus et des moyens de protection individuelle.
En ce qui concerne la conduite à tenir en cas de suspicion d’infection à Zika chez toute patiente enceinte fébrile (hormis en cas d’infection bénigne de diagnostic évident), elle doit être adressée en consultation d’urgence obstétricale dans les services de maternité pour un bilan étiologique complet selon le protocole de chaque service, ou dans le centre de santé le plus proche. Pour ce bilan, il faudrait :
– pratiquer un examen clinique général et obstétrical : une HU (hauteur utérine), un RCF (rythme cardiaque fœtal), une échographie (vitalité + col) ;
– éliminer les principaux diagnostics différentiels : pyélonéphrite…
– rechercher les signes de gravité pouvant être en rapport avec une dengue dans les zones d’endémie : fièvre supérieure à 39°C, troubles neurologiques, signes hémorragiques, altération de l’état général, contractions utérines douloureuses, anomalies du RCF après 28 semaines d’aménorrhées (SA), c’est-à-dire période d’absence de règles ;
– hospitalisation s’il y a des signes de gravité ou des métrorragies (saignement utérin), menace de fausse couche spontanée (FCS), signes de mise en travail.
En cas de suspicion chez une patiente sans fièvre mais présentant des signes cliniques évocateurs tels qu’une éruption, des myalgies, une hyperhémie conjonctivale, des céphalées, une recherche d’infection au virus Zika doit être effectuée.

L’investigation est menée selon le bilan biologique suivant :
– bilan infectieux : NFS (numération formule sanguine), PQ (plaquettes), CRP (protéine C réactive), transaminases, créatinine, ionogramme, protides, bilirubine, TP (taux de prothrombine), TCK (temps céphaline kaolin), CPK (créatine phosphokinase), ECBU (examen cytobactériologique des urines), PV (prélèvements vaginaux), hémocultures si fièvre supérieure à 38,5° C (dans ce cas mettre en place une antibiothérapie, après prélèvements, par Amoxicilline 3g/j),
– bilan sérologique selon le protocole du service ;
– recherche de virus par RT-PCR dans le sang (dans les 5 jours à partir des premiers signes) et dans les urines (dans les 10 jours) ;
– associer systématiquement une recherche (en zone d’endémie) de dengue (antigène non structural ou NS1 et sérologie) et de chikungunya par PCR et sérologie.

Le traitement
Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection à virus Zika.
Le traitement, qui sera symptomatique, est le suivant :
– hydratation,
– paracétamol jusqu’à 4g/j si fièvre ou douleurs,
– antihistaminique si éruption prurigineuse,
– pas de tocolyse (traitement diminuant les contractions utérines) systématique.
En cas de découverte d’anomalies à l’échographie, un examen échographique par trimestre est normalement proposé à toute femme enceinte.
En cas de découverte de microcéphalie, d’anomalies cérébrales ou de signes de dysfonctionnement du tronc cérébral (hydramnios, troubles de la déglutition), informer la patiente et faire un bilan étiologique adapté selon l’anomalie, en particulier, une recherche de causes infectieuses (CMV, toxoplasmose, rubéole, herpès…), ou de toxiques (alcool), ou génétiques.
Une PCR Zika et une sérologie dengue sont proposées à la mère.
Ensuite, proposer selon les cas, après avis éventuel d’un conseil de diagnostic prénatal, une amniocentèse pour une recherche de virus Zika par RT-PCR dans le liquide amniotique et pour une recherche d’autres infections virales groupées.
Ensuite une surveillance échographique mensuelle est proposée selon les recommandations de l’échographiste référent.
Une IRM cérébrale vers 30-34 semaines est proposée.
À la naissance, si la PCR Zika est négative dans le liquide amniotique ou non effectuée, faire une PCR Zika sur le sang du cordon, sur les urines et sur le  placenta ainsi qu’une sérologie dengue sur le cordon.
Par la suite, un examen clinique et une surveillance rapprochée ainsi que des examens para-cliniques adaptés à chaque cas : échographie, TDM (tomodensitométrie), IRM.

Protection contre les moustiques : la clef de la maîtrise de l’épidémie
Les mesures de protection habituelles individuelles et collectives entrent dans le cadre de la lutte antivectorielle.
En ce qui concerne la protection individuelle, celle-ci s’adresse aux personnes se rendant, résidant ou revenant d’une zone de circulation du virus.
Il s’agit de privilégier le port de vêtements longs et clairs, d’utiliser des répulsifs cutanés, d’utiliser des moustiquaires (de lit et de berceau), de préférence imprégnées, et penser à vérifier leur intégrité et d’imprégner par un insecticide tissus et vêtements.
Les répulsifs anti-moustiques comprennent les répulsifs cutanés, les biocides insecticides pour tissu et les moustiquaires pré-imprégnées.
Quant à la protection collective, elle vise la suppression des gîtes larvaires, c’est-à-dire la suppression de toute eau stagnante au domicile et autour.
Elle vise également à vider les vases, les soucoupes des pots de fleurs ou les remplir de sable humide, à supprimer ou vider régulièrement les petits récipients pouvant contenir de l’eau dans les jardins, à rendre les bidons de récupération d’eau de pluie inaccessibles aux moustiques (les couvrir d’une moustiquaire ou d’un tissu fin), à retourner les arrosoirs, à prévoir une pente suffisante pour que l’eau ne stagne pas dans les gouttières, à veiller à la bonne évacuation des eaux de pluie et à ranger à l’abri de la pluie tous les objets pouvant contenir de l’eau comme les pneus, les bâches plastiques et les jeux d’enfants.
En conclusion et pour l’essentiel, il faudrait retenir que le lien entre la maladie et le virus Zika n’est pas démontré de façon certaine, et pourrait être une coïncidence, avertissent certains scientifiques. La microcéphalie peut aussi être causée par des maladies génétiques, des infections et l’exposition à des substances toxiques pendant la grossesse.
Il faudrait savoir que 90% des personnes infectées par le virus Zika sont immunisées et donc protégées. Il s’agit d’un virus anecdotique si ce n’est cette épidémie qui avait sévi au Brésil et qui semble être liée à l’arrivée récente du moustique-tigre en Amérique latine. Les contrées africaines semblent avoir déjà eu un contact avec le moustique-tigre (donc avec le virus Zika) et montrent une immunisation stérilisante donc une certaine protection.
Actuellement, le problème se situe dans la célérité de trouver les outils de diagnostic sûr. Quant au vaccin, 3 candidats intéressants induisant une réaction immunitaire satisfaisante sont en cours de développement.

Le virus chikungunya
Le chikungunya, célèbre depuis l’épidémie de la Réunion française, en 2005, se caractérise par une fièvre élevée et brutale, d’intenses douleurs articulaires, des maux de tête et des courbatures. En l’absence de médicament curatif, le seul traitement consiste à soulager la douleur avec du paracétamol. Il arrive toutefois que la maladie évolue vers une forme chronique marquée par des douleurs articulaires persistantes et invalidantes.
Le virus du chikungunya, transmis à l’homme par des piqûres de moustiques du genre Aedes, provoque chez les patients des douleurs articulaires aiguës. La maladie est endémique principalement en Asie du Sud et en Afrique. En 2005, une importante épidémie de chikungunya a touché les îles de l’océan Indien et notamment l’île de la Réunion, avec plusieurs centaines de milliers de cas déclarés. En 2007, la maladie avait fait son apparition en Europe, où le moustique vecteur Aedes albopictus s’est établi. Les premiers cas autochtones en France ont été recensés en 2010. Les traitements existants sont uniquement symptomatiques.


III. À l’origine de l’épidémie

Des Antilles, l’épidémie s’était installée et propagée
Sur le plan historique, alors qu’on signalait sa présence inédite sur l’île de Saint-Martin, début décembre 2013, l’autorité de veille sanitaire alerte depuis quelques jours sur une recrudescence de cas. Plusieurs départements et collectivités d’outre-mer des Antilles sont concernés par l’épidémie (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Martinique et la Guadeloupe).
En effet, et au départ, Saint-Martin était l’île la plus touchée enregistrant 1025 cas cliniquement évocateurs, 601 cas probables ou confirmés et un décès enregistré. L’île a été depuis placée en état d’épidémie généralisée car la circulation du virus reste généralisée avec une stabilisation du nombre de cas cliniquement évocateurs. C’est finalement par l’île française de Saint-Martin (37 000 habitants) que le virus a fait son entrée sur le continent américain, en décembre 2013. Pour schématiser, un voyageur était arrivé malade sur l’île, où il a été piqué par un moustique local sain, qui, à son tour, s’est trouvé porteur du chikungunya, qu’il avait transmis à d’autres humains en les piquant, et ainsi de suite. Et une fois que le virus est installé, il est impossible de revenir en arrière. L’installation du virus chikungunya sur le territoire américain via les Antilles n’avait pas surpris les experts. Ce n’était qu’une question de temps. Toutes les conditions étaient réunies depuis plusieurs années pour que ce virus africain, qui a déjà conquis l’Asie et le Pacifique, prenne ses aises outre-Atlantique. La présence des deux principaux vecteurs (les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus), une température et une humidité adaptées à leur prolifération, une forte densité humaine en milieu urbain et de nombreux cas «importés» de voyageurs arrivés malades sur le territoire.

À Saint-Barthélemy, la progression de l’épidémie reste modérée et ce territoire reste classé un cran en dessous de Saint-Martin en situation épidémique. En Martinique, en revanche, la circulation du virus s’était intensifiée avec un nombre de consultations en médecine de ville qui continue sa progression, preuve de l’extension de l’épidémie.
En Guadeloupe, on assiste à une augmentation de la circulation virale dans plusieurs communes et le département est toujours en phase de transmission autochtone modérée.
De là, le virus, qui est rarement mortel, s’est déployé sur l’ensemble des Caraïbes (Antilles françaises, Haïti, République dominicaine…), pour atteindre le continent sud-américain par la Guyane. Le bulletin de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait signalé près de 62 000 cas recensés sur la zone, causant 13 morts, essentiellement des personnes affaiblies par une autre maladie.
Aux Antilles françaises, les voyants étaient passés au rouge. Si la situation s’était stabilisée à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, l’épidémie s’accélère en revanche en Martinique et surtout en Guadeloupe, où la progression était fulgurante. En Guyane, le nombre de cas autochtones reste comparativement faible, mais la situation se dégrade fortement de jour en jour. Sur place, on se prépare au passage au stade épidémique en pleine saison des pluies.
La prévention consiste en priorité à éloigner les moustiques, en détruisant leurs gîtes, à savoir les réserves d’eau proches des habitations comme les plantes en eau, pneus usagés, épaves de voitures, gouttières bouchées… Quand une zone sensible est repérée, on distribue aux alentours des moustiquaires traitées, des répulsifs et on recommande le port de vêtements longs.
L’autre préoccupation concernant l’épidémie caribéenne ; c’est qu’elle allait alimenter la dispersion du virus à travers le monde via les voyageurs. Un accroissement des cas importés avec l’arrivée du virus au Brésil, surtout à Rio, avec les rassemblements à l’époque liés à la Coupe du monde de football. La première épidémie due au virus chikungunya a été décrite en Tanzanie en 1952. L’infection par le virus chikungunya a depuis continué à évoluer sur un mode endémo-épidémique sur les continents africain et asiatique, en particulier en Inde depuis 2006 (environ 2 millions de cas avérés et suspects) et dans l’océan Indien. En 2007, le chikungunya a également fait son apparition en Europe, touchant plusieurs centaines de personnes durant le mois de septembre en Italie. En 2010, les deux premiers cas autochtones de chikungunya ont été recensés en France.
En Europe aujourd’hui, l’hypothèse d’une dissémination du virus du chikungunya n’est pas à exclure dans les régions tempérées d’Europe où le moustique vecteur Aedes albopictus s’est répandu. En septembre 2007, une flambée épidémique est survenue en Italie, dans la région de Ravenne, touchant environ trois cents personnes. Elle aurait été introduite par un voyageur en provenance d’Inde. Le risque que la dengue et le chikungunya se propagent en Europe du Sud-Est donc devenu une question d’actualité compte tenu des flux de circulation entre le continent et les Antilles. En conséquence, l’infection à chikungunya a été ajoutée à la liste des maladies à déclaration obligatoire et depuis janvier 2006, un dispositif de surveillance renforcée a été mis en place.
En Afrique et Asie, l’aire de distribution du virus du chikungunya s’étend à toute l’Afrique sub-saharienne et à l’Asie du Sud-Est. En Afrique, le virus est maintenu au sein d’un cycle forestier faisant intervenir des primates et des moustiques sylvatiques (Aedes luteocephalus, Aedes furcifer ou Aedes taylori). En Asie, où son introduction serait plus récente, le virus circule dans un cycle essentiellement urbain qui implique les moustiques Aedes aegypti et Aedes albopictus.
Depuis sa description initiale en Tanzanie, le virus chikungunya a été régulièrement à l’origine de petites poussées épidémiques cycliques en milieu rural, principalement en Afrique australe et de l’Est, de l’Ouganda à l’Afrique du Sud et en Afrique centrale. Sur ce continent, la dernière épidémie importante est survenue en 2007 au Gabon, où 5 000 cas sont suspectés. Le virus chikungunya est plus rarement trouvé en Afrique de l’Ouest, en particulier au Sénégal. Il est considéré comme endémique en milieu rural en Afrique, où il est probablement responsable de nombreux cas non diagnostiqués.
Parallèlement, des poussées épidémiques ont été observées en Inde, au Sri Lanka, en Asie du Sud-Est (Thaïlande, Myanmar, Vietnam, Laos, Cambodge, Indonésie, plus récemment Malaisie) et aux Philippines. Quelques cas sporadiques ont été signalés à Singapour en 2009. Une importante vague épidémique frappe l’Inde depuis janvier 2006 avec quelque deux millions de cas suspects enregistrés à ce jour. La fréquence plus importante des épidémies en Asie peut être reliée au caractère anthropophile (espèce vivant dans des lieux fréquentés par l’homme) des moustiques vecteurs en cause.
En ce qui concerne l’océan Indien, aucune activité du virus chikungunya n’avait été détectée avant le début de l’année 2005. Le virus, vraisemblablement originaire d’Afrique de l’Est, a provoqué une première épidémie aux Comores. La transmission du virus a probablement été assurée par le moustique Aedes aegypti qui est prédominant dans cet archipel.
En mars 2005, l’épidémie s’est propagée rapidement dans l’île de la Réunion à partir du nord-ouest, avec une flambée importante entre fin avril et début juin puis une persistance de la transmission virale durant l’hiver austral. Sur cette île, la transmission du virus est assurée principalement par le moustique Aedes albopictus qui s’y est répandu grâce à sa grande plasticité écologique puisqu’il colonise indifféremment les zones urbaines et sylvatiques (forestières), les gîtes artificiels et naturels. Au total, environ 270 000 personnes auraient été infectées, pour une population totale de 750 000 habitants. En parallèle, dès fin mars 2005, les îles Seychelles, Maurice et Mayotte ont été également touchées par l’épidémie de virus chikungunya, avec une augmentation des cas dès janvier 2006. Madagascar a également connu une circulation active du virus. Deux cas d’importation en provenance de Madagascar ont été identifiés en Guyane française en mars 2006, soulignant le risque d’émergence du virus dans les territoires français des Amériques.
Le chikungunya a également été identifié chez des touristes revenant des Caraïbes dans l’île d’Aruba de Floride aux Étates-Unis et au Panama.

Qu’est-ce que le chikungunya ?
Le chikungunya est une maladie infectieuse vectorielle due à un arbovirus (type de virus ayant pour vecteur les arthropodes hématophages — suceurs de sang — comme les moustiques, les tiques et les phlébotomes) : le virus du chikungunya (virus à ARN lui conférant une plasticité génétique qui permet de multiples adaptations). Ce virus de la famille des Togaviridae (genre alphavirus) a été isolé pour la première fois en Ouganda en 1953, lors d’une épidémie survenue en Afrique de l’Est. L’appellation «chikungunya» vient du makondé (langue bantoue d’Afrique australe) et signifie «l’homme qui marche courbé».

Comment se fait la transmission 
La transmission s’effectue de personne à personne par l’intermédiaire de moustiques infectés du genre Aedes.
Lors d’une piqûre, le moustique sain s’infecte en prélevant le virus dans le sang d’une personne infectée. Le virus se multiplie ensuite dans le moustique pendant une dizaine de jours, appelée phase extrinsèque. A l’issue de cette phase extrinsèque, ce moustique pourra, à l’occasion d’une autre piqûre, transmettre le virus à une nouvelle personne. Une personne infectée est contaminante pour les moustiques au moment où le virus est présent dans son sang, c’est-à-dire pendant la phase virémique de l’infection. Celle-ci commence 1 à 2 jours environ avant le début des signes cliniques et dure jusqu’à 7 jours après. Pendant cette période, il faut éviter qu’une personne malade ne se fasse piquer, et transmette ainsi le virus à d’autres moustiques. Ceci dans le but d’empêcher qu’un cycle de transmission virale se développe dans l’entourage des malades.

Quelles sont les formes cliniques ?
L’infection est asymptomatique (infection sans aucun symptôme) dans 5 à 25% des cas. Chez les personnes qui développent des symptômes, après une période d’incubation de 4 à 7 jours en moyenne, une fièvre élevée apparaît brutalement, accompagnée d’arthralgies (douleurs articulaires) pouvant être intenses, touchant principalement les petites articulations des extrémités (poignets, chevilles, phalanges). Surviennent également des myalgies (douleurs musculaires), des céphalées (maux de tête) et une éruption maculo-papuleuse (éruption en taches cutanées faite de lésions).
L’évolution est le plus souvent favorable, sans séquelles, mais l’infection peut aussi évoluer vers une phase chronique marquée par des arthralgies persistantes.
On peut observer une inflammation d’un ou plusieurs ganglions lymphatiques cervicaux ou encore une conjonctivite. Des saignements des gencives ou du nez ont en outre été fréquemment décrits, principalement en Asie.
Alors que les formes compliquées de chikungunya n’étaient qu’exceptionnellement décrites, l’épidémie de 2005, survenue sur l’île de la Réunion, a permis de montrer l’existence de formes neurologiques graves, présentant des méningo-encéphalites et des atteintes des nerfs périphériques.
Ces dernières sont principalement rencontrées chez des personnes âgées, ou au système immunitaire affaibli, et chez des nouveau-nés, infectés in utero par leurs mères malades.

Comment confirmer le diagnostic et l’infection à chikungunya en cas de suspicion clinique 
En cas de suspicion clinique, le diagnostic peut être confirmé par des analyses biologiques qui peuvent être directes (détection du virus ou de son génome, par PCR) ou indirectes (détection d’anticorps, par sérologie).
Cette confirmation prend une importance particulière dans les contrées où la maladie peut être transmise en raison de l’implantation du moustique vecteur, Aedes albopictus, aussi appelé moustique-tigre.
Il est primordial d’identifier avec précision la date de début des signes (DDS) afin de guider les examens. Un diagnostic précoce (dans la semaine qui suit la DDS) peut être obtenu par amplification génique (RT-PCR).
Les anticorps de type IgM peuvent être identifiés à partir du cinquième jour après l’apparition des signes cliniques et persistent en moyenne 2 à 3 mois. Les anticorps de type IgG apparaissent quelques jours après les IgM et persistent toute la vie.
Des IgM isolées doivent impérativement conduire à un second prélèvement pour confirmation. En effet, leur spécificité est faible (il existe de nombreux faux positifs).
En conséquence, en présence d’IgM isolées sur un premier prélèvement sanguin, on analysera un deuxième échantillon prélevé, au minimum, 10 jours après le premier. Le diagnostic sera confirmé en cas d’apparition d’IgG dans le second échantillon, ou devant un titre croissant d’IgM (en principe, environ 4 fois plus élevé que sur le premier prélèvement sanguin). La démarche diagnostic recommandée dans le plan «anti-dissémination du chikungunya et de la dengue» est la suivante :
– jusqu’à 5 jours (J5) après le début des signes : RT-PCR ;
– entre J5 et J7 : RT-PCR et sérologie ;
– après J7 : sérologie uniquement (IgG et IgM) avec un second prélèvement de confirmation au plus tôt 10 jours après le premier prélèvement.
Les prélèvements sanguins peuvent être faits par tout laboratoire d’analyses et de biologie médicale. Ceux-ci adresseront les échantillons pour analyse sérologique aux laboratoires qui réalisent cet examen. Dans le cadre de la surveillance renforcée du chikungunya, Zika et de la dengue, c’est-à-dire du 1er mai au 30 novembre dans les régions où le moustique Aedes albopictus est implanté, les prélèvements pour RT-PCR doivent être adressés au Centre national de référence (CNR) des arbovirus ou, le cas échéant, au laboratoire de virologie du CHU où le patient est hospitalisé. Chaque échantillon doit être accompagné d’une fiche de renseignements cliniques.


IV.Quelle prise en charge pour le chikungunya ? 

Il n’existe pas de traitement antiviral spécifique du chikungunya. La prise en charge est donc avant tout symptomatique afin de soulager la douleur et la fièvre (antalgiques, antipyrétiques) : paracétamol et anti-inflammatoires non stéroïdiens. L’immunité est acquise. Il n’y a pas de vaccin actuellement disponible mais un vaccin expérimental assez efficace est en cours d’exploration chez le singe macaque et chez la souris. Il dérive de celui de la rougeole et est en phase II de l’essai clinique.
Il est nécessaire d’expliquer au patient et à son entourage les mesures de protection des moustiques afin d’éviter une transmission au domicile. Pendant la phase virémique (présence du virus dans le sang) de la maladie, le patient devra ainsi se protéger des piqûres de moustiques, afin d’éviter que ceux-ci s’infectent et puissent ainsi, à leur tour, transmettre la maladie dans son entourage, quelques jours plus tard (après la phase de multiplication du virus dans le moustique, dite phase extrinsèque).

Comment prévenir la maladie au niveau individuel
Il n’existe actuellement pas de vaccin commercialisé ni de traitement préventif contre l’infection du chikungunya.
La prévention individuelle repose donc essentiellement sur les moyens de protection contre les piqûres de moustiques (répulsifs en spray ou crèmes, serpentins, diffuseurs électriques, vêtements longs, moustiquaires). Le moustique vecteur pique la journée, essentiellement à l’extérieur des maisons, avec une activité plus importante en début de matinée et en fin de journée. Les produits répulsifs (hors araignées, scorpions, scolopendres et hyménoptères) recommandés en particulier aux voyageurs sont composés de diverses molécules telles que le N,N-diéthyl-m-toluamide (DEET), le N-acétyl-N-butyl-bêta-alaninate d’éthyle (IR 3535), le carboxylate de Sec-butyl 2-(2-hydroxyéthyl pipéridine-1/Icaridine (KBR 3023) et le mélange de cis- et trans-p-méthane-3,8 diol (PMDRBO).

Quelles sont les mesures de lutte contre les moustiques utilisables pour prévenir la diffusion du chikungunya ?
La lutte contre les vecteurs d’agents pathogènes, comme par exemple les moustiques, est qualifiée de lutte antivectorielle. Dans son acception la plus large, cette lutte antivectorielle comprend la lutte et la protection contre ces insectes. La lutte antivectorielle s’appuie sur des méthodes qui diffèrent selon les vecteurs et selon les contextes épidémiologique et socioéconomique.
Elle inclut la lutte chimique, la lutte biologique, la lutte génétique, l’action sur l’environnement, l’éducation sanitaire, la mobilisation sociale et l’évaluation permanente de toutes ces méthodes. Son objectif est de contribuer, aux côtés d’autres actions de santé publique, à diminuer les risques d’endémisation (installation durable d’une maladie dans une région) ou d’épidémisation, à diminuer la transmission d’agents pathogènes par des vecteurs, à gérer les épidémies de maladies à vecteur, le tout dans un cadre stratégique formalisé.
En fonction de l’échelle à laquelle cette lutte contre les moustiques est réalisée, on distingue la lutte réalisée à l’échelle de territoires (wilayas, communes) de celle réalisée au niveau individuel, qui vise plus particulièrement les lieux de développement des moustiques qui se situent à proximité directe des habitations : marécages (ou «merdjas»), eaux stagnantes au niveau des pneus stockés, des pots de fleurs et des bacs vides et abandonnés…
La lutte antivectorielle, à l’échelle des territoires, est réalisée par des services publics de démoustication.
Elle a deux composantes. L’une larvicide, dont l’action est dirigée spécifiquement contre les larves de moustiques et, l’autre  adulticide, dont l’action est dirigée spécifiquement contre les moustiques adultes.
La lutte communautaire est de la responsabilité de tous.
Au niveau individuel, elle peut être réalisée de deux manières. L’une, par la destruction des gîtes larvaires potentiels autour des habitations (eau stagnante dans les soucoupes, gouttières, vases, seaux, détritus…) pour priver les moustiques des sites où leurs larves peuvent se développer. L’autre par la protection individuelle contre les piqûres de moustique comme cité plus haut.
En conclusion, le chikungunya est un virus transmis d’homme à homme par le moustique tigre (uniquement les femelles car le mâle ne pique pas) s’exprimant par la «maladie de l’homme courbé» en raison des symptômes liés aux douleurs musculaires et articulaires. Après un délai d’incubation de 2 à 10 jours, la personne infectée est atteinte de polyarthrite aiguë, touchant les poignets, les chevilles et les genoux principalement. Maux de tête, douleurs musculaires et éruption cutanée sur le tronc et les membres sont aussi des symptômes courants.
Si la maladie se soigne relativement bien, elle peut être fatale aux personnes les plus fébriles, notamment les jeunes enfants et les personnes âgées. Pour s’en prémunir, des gestes simples et efficaces sont nécessaires en particulier le port de vêtements longs, l’utilisation de répulsifs cutanés, d’insecticides sur les vêtements, de moustiquaires, d’épandages d’insecticides et l’élimination des gîtes larvaires potentiels.

Le virus de la dengue
La dengue, aussi appelée «grippe tropicale», est une maladie virale transmise à l’homme par des moustiques du genre Aedes. L’incidence de la dengue progresse actuellement de manière très importante, et s’inscrit aujourd’hui au rang des maladies dites «ré-émergentes». L’OMS estime à 50 millions le nombre de cas annuels, dont 500 000 cas de dengue hémorragique («dengue sévère») qui sont mortels dans plus de 2,5% des cas. Deux milliards et demi de personnes vivent dans des zones à risque. Initialement présente dans les zones tropicales et subtropicales du monde, la dengue a désormais touché l’Europe où les deux premiers cas autochtones ont été recensés en 2010.
A titre d’exemple, en 2014, le moustique vecteur est implanté dans 18 départements français. Le risque de propagation sera réel en cours des divers déplacements des personnes infectées («cas importés»).

Origines et causes
Le virus de la dengue appartient à la famille des flavivirus  (comme le virus Zika, de la fièvre jaune, du Nil occidental). Il s’agit d’un arbovirus, car, lui aussi, est transmis par des arthropodes (insectes suceurs de sang comme les moustiques).
Il existe quatre types (ou sérotypes DEN-1, DEN-2, DEN-3 et DEN-4)) différents de virus de la dengue, avec une immunité spécifique pour chaque sous-type, mais pas d’immunité croisée entre les 4 sous-types.
Cela signifie qu’on ne peut pas être contaminé une seconde fois par un virus de même sérotype, mais qu’il est possible de contracter une dengue due à un des trois autres types. Selon une hypothèse soutenue par l’OMS, une deuxième contamination par un autre sérotype expose à un risque dix fois plus élevé (probablement à cause de l’existence d’anticorps dits «facilitants») de faire une forme grave que lors d’une première infection, mais cette théorie est actuellement contestée par de nombreux experts.
La dengue est la plus fréquente des arboviroses humaines avec 50 millions de cas par an dans le monde. Son incidence a été multipliée par 30 en cinquante ans. Le virus de la dengue est longtemps resté cantonné à l’Asie du Sud-Est, avant de s’étendre à l’océan Indien, au Pacifique, à l’Amérique du Sud, l’Amérique centrale, aux Caraïbes, mais ne cesse de s’étendre du fait du développement urbain anarchique, de la multiplication des échanges internationaux et du changement climatique. Le virus a également quelques foyers importés en Europe.


V et fin. Un problème d’hygiène publique

Transmission
Le moustique Aedes aegypti est le principal vecteur de la dengue. Le virus se transmet à l’homme par la piqûre des femelles infectées. Après une incubation de 4 à 10 jours, un moustique infecté peut transmettre le virus tout le reste de sa vie.
L’être humain infecté, manifestant ou pas des symptômes, est le principal porteur du virus ; il permet sa prolifération et sert de source de contamination pour les moustiques qui ne sont pas encore infectés.
Les sujets infectés par le virus de la dengue peuvent transmettre l’infection (pendant 4 à 5 jours et au maximum 12 jours) par l’intermédiaire des moustiques du genre Aedes après l’apparition des premiers symptômes.
Le moustique Aedes aegypti vit en milieu urbain et se reproduit principalement dans des conteneurs produits par l’homme. Contrairement à d’autres moustiques, il se nourrit le jour, avec un pic d’activité tôt le matin et le soir avant le crépuscule. Pendant chaque période où elle se nourrit, la femelle pique de multiples personnes.
Aedes albopictus, vecteur secondaire de la dengue en Asie, s’est propagé en Amérique du Nord et dans plus de 25 pays européens, en grande partie à cause du commerce international de pneus usagés (un gîte larvaire) et du mouvement des marchandises (par exemple la canne chinoise ou lucky bambou). Cette espèce a une très grande faculté d’adaptation et peut donc survivre dans les régions plus tempérées et plus fraîches de l’Europe.
Sa propagation est due à sa tolérance aux températures en dessous de 0°C, à sa possibilité d’hiberner et à sa capacité de s’abriter dans des micro-habitats.

Symptômes
La dengue «classique» se manifeste brutalement après 2 à 7 jours d’incubation par l’apparition d’une forte fièvre souvent accompagnée de maux de tête, de nausées, de vomissements, de douleurs articulaires et musculaires et d’une éruption cutanée ressemblant à celle de la rougeole. Au bout de 3 ou 4 jours, une brève rémission est observée, puis les symptômes s’intensifient (des hémorragies conjonctivales, des saignements de nez ou des ecchymoses pouvant survenir)  avant de régresser rapidement au bout d’une semaine. La guérison s’accompagne d’une convalescence d’une quinzaine de jours. La dengue classique, bien que fort invalidante, n’est pas considérée comme une maladie sévère comme l’est la dengue hémorragique ou dengue sévère.
En ce qui concerne cette dernière, des complications sont observées chez certains patients, et pour des raisons mal élucidées, le tableau clinique de la maladie peut évoluer selon deux formes graves : la dengue hémorragique puis la dengue avec syndrome de choc qui est mortelle.
La forme hémorragique de la maladie, qui représente environ 1% des cas de dengue dans le monde, est extrêmement sévère : la fièvre persiste et des hémorragies multiples, notamment gastro-intestinales, cutanées et cérébrales, surviennent souvent. Chez les enfants de moins de quinze ans notamment, un état de choc hypovolémique peut cependant s’installer (refroidissement, moiteur de la peau et pouls imperceptible signalant une défaillance circulatoire), entraîner des douleurs abdominales, et, sans perfusion, provoquer la mort. Dans tous les cas, un diagnostic virologique, précis et rapide, est utile afin de confirmer l’étiologie à la fois pour la prise en charge des patients et pour les systèmes de surveillance de santé publique afin de lancer l’alerte et renforcer les moyens de lutte antivectorielle.

Diagnostic
D’un point de vue diagnostique, l’infection par le virus de la dengue peut être confirmée par différentes méthodes. La recherche directe du virus se fait par amplification génique (PCR) de l’ARN viral présent dans le sang des patients. Cette technique, rapide et sensible, est actuellement la seule qui permette d’établir un diagnostic pendant la phase clinique.
La détection sérologique est également possible par la mise en évidence de la séroconversion des patients par la recherche des anticorps spécifiques produits au cours de l’infection, mais ces derniers apparaissent au plus tôt 4 ou 5 jours après le début des fièvres.
La recherche par immunocapture (technique Elisa) de la présence d’antigènes viraux autres que la particule virale, comme la glycoprotéine non structurale NS1 circulant dans le sang des patients pendant la phase clinique pourrait s’avérer une alternative avantageuse aux différentes techniques généralement usitées.

Traitement
Il n’existe pas de traitement spécifique de la dengue.
Aussi, il n’existe pas à l’heure actuelle d’immunoprophylaxie contre la dengue. Envisager une vaccination contre une infection par le virus de la dengue supposerait que l’on puisse induire une réponse immune appropriée sans déclencher de phénomène de production d’anticorps facilitants qui pourraient prédisposer le sujet vacciné à développer les formes sévères de la maladie en cas d’infection par le virus sauvage.
Une approche complexe mais prometteuse consiste à vacciner les individus contre les quatre sérotypes de la dengue simultanément, en utilisant une combinaison de plusieurs souches virales atténuées. Différentes études cliniques sont en cours chez l’homme pour évaluer l’efficacité et l’innocuité de telles préparations
Pour la dengue sévère, une prise en charge par des professionnels de santé  expérimentés et connaissant les effets et l’évolution de la maladie peut sauver des vies en ramenant le taux de mortalité de plus de 20% à moins de 1%.
Il est essentiel de maintenir les volumes liquidiens (éviter l’hypovolémie) du patient dans le traitement de la dengue sévère.
En conclusion, la forte présence de vecteurs de maladies transmissibles, tels les moustiques, dans un lieu habité conduit à la modification des modes de vie, notamment dans la conception et l’utilisation des habitats. On pense à l’air conditionné, aux eaux stagnantes (sous les dalles, dans des soucoupes, vases et pots de jardin abandonnés, stockage de pneus usagés), aux moustiquaires imprégnées ou non, aux choix vestimentaires. Certains modes de vie favorisent la multiplication des vecteurs avec l’amplification continue des transports de passagers ou de marchandises dans le monde sans prise en compte simultanée du lien possible avec la multiplication des vecteurs.
À cela s’ajoute la difficulté d’appréhender, à la fois le long et le court terme, les effets sur la santé à court terme (la microcéphalie, par exemple) ou à long terme (l’atteinte du système nerveux pouvant entraîner une maladie de Parkinson).
Au vu des contradictions entre les demandes de certains acteurs (industriels et usagers), une réglementation moderne à imposer est nécessaire en matière d’aménagements susceptibles de capter des eaux stagnantes.
Gageons que ces problématiques et paradoxes ne résisteront pas aux réponses apportées, d’une part, par le civisme de la population et, d’autre part, du sens de responsabilité et de l’action par les pouvoirs publics.
K. S.


 

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