L’OTAN et la déstabilisation de l’Asie

par Markku Siira.

Dans son nouveau concept stratégique dévoilé cette semaine, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) reconnaît ouvertement que la puissance et l’influence mondiale croissantes de la Chine remettent en cause l’alliance et que le rapprochement de Pékin avec Moscou va à l’encontre des intérêts occidentaux. Les puissances rivales devraient toujours être maintenues en état de faiblesse et de soumission.

« Les ambitions affichées et les mesures coercitives de la République populaire de Chine remettent en cause nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs », indique le document publié lors du sommet de Madrid. Selon le texte de l’OTAN, la Chine « cherche à subvertir l’ordre international fondé sur des règles, y compris dans les domaines spatial, cybernétique et maritime ».

Une telle affirmation de la part d’une alliance militaire dirigée par les États-Unis qui, depuis des décennies, menace la sécurité mondiale par ses politiques et actions coercitives et expansionnistes, a provoqué à la fois l’amusement et la colère de la Chine.

Le plan de guerre de l’OTAN visant à bloquer les mouvements de la Russie est au cœur du conflit actuel entre la Russie et l’Ukraine. Ayant causé suffisamment de dégâts avec ses opérations en Europe et en Asie occidentale, l’OTAN semble regarder de plus en plus vers l’est, vers la région Asie-Pacifique et la Chine en particulier.

Bien que l’OTAN ait déclaré publiquement à plusieurs reprises qu’elle reste une alliance régionale et qu’elle ne cherche pas à s’étendre géopolitiquement à d’autres régions, l’alliance militaire dirigée par les États-Unis a, ces dernières années, lancé à plusieurs reprises des attaques dans la région Asie-Pacifique et effectué des exercices navals provocateurs à proximité des eaux chinoises, provoquant des tensions et des litiges.

Comme en prévision de futures confrontations « indo-pacifiques », les dirigeants du Japon, de la Corée du Sud, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ont également été invités au sommet de l’OTAN, cette année à Madrid. Tous ont l’objectif tacite mais clair de contenir la puissance et l’influence mondiale sans cesse croissantes de la Chine.

« L’OTAN devrait cesser de tracer des lignes idéologiques, d’attiser la confrontation politique ou d’essayer de déclencher une nouvelle guerre froide », a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Zhao Lijian (photo), en commentant le sommet, réitérant le point de vue de la République populaire. « Les États-Unis doivent réfléchir à leur rôle infâme dans la crise ukrainienne et cesser de dénigrer la Chine », a-t-il poursuivi.

L’alliance militaire archaïque du « bloc occidental » de l’époque de la guerre froide a toujours besoin d’une sorte de « bloc oriental » pour rester pertinente. Depuis des décennies, l’OTAN vit des guerres et des conflits ou de la peur des menaces extérieures.

En l’absence d’un ennemi crédible, l’OTAN risquerait de se désintégrer. Des tentatives ont donc été faites pour revitaliser l’alliance en invoquant la « menace russe ». Elle cherche également à créer de nouvelles menaces en cas d’adversité, ce qui explique le désir existentiel de l’Occident et de l’OTAN de faire de la Chine « le nouveau défi à court terme » aux côtés de la Russie.

Contrairement à l’Occident dirigé par les États-Unis, la Chine a poursuivi une politique étrangère pacifique. Pékin ne s’est pas beaucoup immiscé dans les affaires intérieures d’autres pays, ni n’a tenté de répandre son idéologie politique par la force, comme l’ont fait les bombardiers de la « démocratie et de la liberté ». La Chine ne poursuit pas non plus une politique de coercition à la manière américaine.

En tant que produit de la guerre froide et plus grande alliance militaire du monde, l’OTAN s’est accrochée à un concept de sécurité dépassé et est devenue un instrument de l’élite dirigeante de l’Occident pour maintenir son hégémonie. La suprématie américaine peut convenir aux nostalgiques finlandais de l’Occident, mais comme on le voit en Chine et en Russie, cette suprématie va à l’encontre du désir de la majorité de la communauté internationale qui souhaite un ordre mondial multilatéral et multipolaire.

L’OTAN a déjà miné la sécurité européenne avec son programme d’élargissement, mais les élites politiques de la Finlande et de la Suède s’enthousiasment avec frénésie de leurs demandes d’adhésion. Au plus tard, lorsque l’alliance militaire cherchera à déstabiliser la Chine et l’ensemble de l’Asie, la jubilation pourrait se transformer en pleurs et en grincements de dents.

source : Markku Siira    via Euro-Synergies


              Géostratégie en gestation

                                 par Abdelkrim Zerzouri

Alors qu’on la croyait agonisante, il y a tout juste quelque mois, voire déclarée «en mort cérébrale», selon les propos du président français Emmanuel Macron, lors d’une interview accordée en novembre 2019 à l’hebdomadaire britannique ‘The Economist’, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) revient en force sur la scène internationale. Après avoir conforté sa position en Europe, ces derniers mois, dans le sillage de la guerre en Ukraine, qui a été le moteur de son retour sur la scène internationale, l’OTAN veut-il se tourner vers la rive sud de la Méditerranée ? Dans cette région, tout passe par l’Afrique du Nord. Le Maroc, acquis aux liens militaires et politiques de l’OTAN, reste «un partenaire stratégique clé», selon les évaluations émises par l’organisation.

La Tunisie également, qui n’échappe pas à son champ d’influence, devrait bénéficier dans les prochains mois d’une assistance concrète, qui se traduira par une intensification de la coopération militaire et sécuritaire, selon les décisions prises lors du dernier sommet qui s’est tenu du 28 au 30 juin à Madrid. A la fin de ce sommet, le secrétaire général de l’Otan, Stoltenberg, a clairement déclaré dans ce sens qu’il s’agissait d’un défi alors que la Russie et la Chine tentaient d’obtenir des «avantages politiques, économiques et militaires dans le voisinage sud de l’Alliance», tout en annonçant en particulier un soutien concret à la Tunisie, la Mauritanie et la Jordanie. L’Egypte dispose d’un siège en qualité de pays observateur à l’Assemblée parlementaire de l’OTAN (AP-OTAN), et l’Algérie dispose d’une délégation au titre de partenaire régional et membre associé méditerranéen au sein de la même Assemblée dans le cadre de la lutte antiterroriste.

A ce stade de la vision stratégique de l’OTAN, on comprend mieux l’enjeu des luttes en Libye, où Russes et Américains font des mains et des pieds pour que ce pays fasse partie de leur champ d’influence une fois sa stabilité retrouvée, normalement à l’issue des élections présidentielles et législatives. La Syrie qui reste, aussi, acquise corps et âme à la Russie, dérange les calculs de l’OTAN. Cela explique l’engagement total des Russes dans leur soutien au président syrien Bachar El Assad. Rien n’est encore joué sur le plan de la nouvelle géostratégie en gestation.

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