La patrie d’Armstrong et la dignité des peuples : un challenge existentiel

Par :  Pr. Chems Eddine Chitour – Ecole polytechnique, Alger

«Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères, sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots.»
(Martin Luther King)

Les téléspectateurs ont été sidérés de voir les images d’Américains et d’Américaines extrémistes remettant en cause un vote et tentant d’empêcher, d’une façon violente, le vote du Sénat. Que cela se passe dans les pays d’Afrique où les votes sont téléguidés souvent de l’extérieur, passe encore ! Mais que la première démocratie du monde, hyperpuissante, se donne à ce spectacle de quasi-insurrection, cela a déconstruit le récit de l’American Way of Life. Certes, les hommes, quelles que soient leurs latitudes, ne sont pas des enfants de chœur. De plus, les États-Unis ont été amenés à subir un président qui n’avait pas les fondamentaux de la dignité humaine, allant jusqu’à traiter les autres de sous-hommes… Est-ce à dire qu’America First est synonyme de la guerre aux faibles, voire de l’American Way of War ?

Le Président Trump assume : le fond rocheux suprématiste blanc avant tout
Il y a quelques jours, le monde a fait le point sur une année de convulsions mondiales, de sueurs froides, de peur du feu et de la furie comme promesse du président américain au président coréen.
Un journal américain a quantifié les tweets du Président Trump, ils se monteraient à plusieurs centaines, une moyenne de deux à trois tweets/jour. Pourquoi cette propension à régenter le monde et donner son avis sur tout ?
«Donald Trump a confirmé sa volonté de tourner le dos au multilatéralisme sur la scène internationale. Au terme de la première année du mandat du président américain, son image dans le monde est plus mauvaise que ne l’a jamais été celle de ses deux prédécesseurs, Barack Obama et George W. Bush, selon un sondage Gallup. Les États-Unis ont annoncé en juin leur retrait de l’accord de Paris sur le climat, Donald Trump a reconnu El Qods comme capitale d’Israël. Si Israël applaudit, les Palestiniens ne décolèrent pas».(1)

Les fiascos diplomatiques de la reconnaissance de Jérusalem et du Sahara Occidental
D’une façon illégale et contre toutes les conventions accords et relations internationales, bafouant des résolutions onusiennes, notamment la 242 qui place Jérusalem avec un statut spécial pour les deux nations, Trump décide d’appliquer une promesse de campagne : il reconnaît que Jérusalem est la capitale d’Israël. Pour René Backmann, en reconnaissant les faits accomplis de la colonisation israélienne de la Palestine, en prétendant transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem, «Donald Trump viole le droit international et menace la région d’embrasement. Cette situation renforce les responsabilités politiques de l’Europe. Il est temps que l’UE prenne ses responsabilités, impose le droit, condition incontournable de la paix. Le 18 décembre 2018, Washington a dû recourir au veto, devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, pour s’opposer au vote d’une résolution qui réaffirmait clairement le consensus international sur Jérusalem et indiquait que toute décision ou action qui visent à modifier le caractère, le statut, ou la composition démographique de la ville sainte de Jérusalem n’ont aucun effet juridique et sont nulles et non avenues».(2)
Il en sera de même, mettant à terre les conventions internationales. Il promet — comme le fit lord Balfour, en novembre 1917, quand il offrit la Palestine aux juifs — au Maroc le Sahara Occidental qui se bat pour son indépendance depuis 45 ans. Ce fut là aussi un tollé mondial. Trump terminera son mandat en amenant les pays arabes à normaliser leurs relations avec Israël. Les Accords d’Abraham sont synonymes d’une reddition honteuse des pays arabes. Ce sera le cas des Émirats, de Bahreïn, du Soudan et du Maroc. Pendant ce temps, Israël continue à rendre irréversibles les constructions en Cisjordanie. 750 logements ont été autorisés pendant la cérémonie de passation du Président Joe Biden.

Le mythe prométhéen du Président Trump  
Dans un article percutant, Renel Exentus et Ricard Gustave nous expliquent l’hubris de Trump par sa conviction qu’il appartient à la race des élus. Nous lisons : «Un fait actuellement nous semble indéniable : Trump est le porte-parole, la figure emblématique du mouvement international de la suprématie blanche. Le personnage est certainement adulé, comme Hitler d’ailleurs, par les tenants du fascisme, du néonazisme et de l’idéologie de la supériorité de l’homme blanc. Des hommes, des femmes, des évangélistes, qui ne jurent que par la race et par la religion (….) Trump  leur explique que le chômage, les crimes, la crise du logement, de l’éducation, etc. sont causés par cette multitude qui vient d’ailleurs, ces immigrants d’une autre humanité, venus de ‘’pays de merde’’ et qui viennent foutre ‘’la merde’’ dans son ‘’beau pays civilisé’’.»(3)
Le Président Trump déclare la guerre aux damnés de la terre, il déclare la guerre aux musulmans. Il déclare la guerre à la Palestine en lui coupant les vivres — l’Organisation des Nations Unies qui s’occupe des réfugiés ne pourra pas financer les camps palestiniens en Jordanie, Liban.
Tout ceci parce que les Palestiniens ont osé protester — Conseil de sécurité compris — contre le déplacement de l’ambassade de son pays vers Jérusalem. Il déclare la guerre aux migrants et demande 25 milliards de dollars au Congrès pour construire un mur.
Il coupe les vivres aussi à l’Unesco coupable d’avoir accueilli la Palestine et son patrimoine archéologique en son sein. Sous Trump, les États-Unis avaient  perdu ce qui restait de leur magistère moral, celui de la nation indispensable, ce n’est plus celui de l’American Way of Life, celle d’Armstrong foulant le sol de la Lune, mais une Amérique de Apocaplyse Now en permanence.

Joe Biden investi 46e président des États-Unis :
«La démocratie est précieuse»

L’élection du Président Joe Biden a été vue comme un soulagement par celles et ceux qui étaient constamment perturbés par l’imprévisibilité du locataire de la Maison-Blanche. «La démocratie l’a emporté» : Joe Biden est devenu mercredi le 46e président des États-Unis, appelant à «l’unité» un pays traversé par des crises profondes au terme du mandat de Donald Trump qui aura déchiré les Américains et bousculé le monde.
«Moi, Joseph Robinette Biden Jr., je jure solennellement que j’accomplirai loyalement les fonctions de président des États-Unis et que je ferai de mon mieux pour préserver, protéger et défendre la Constitution des États-Unis», a-t-il déclaré, la main posée sur la Bible familiale, face au président de la Cour suprême.
«La démocratie est précieuse, la démocratie est fragile, et aujourd’hui, mes amis, la démocratie l’a emporté. Je sais que les forces qui nous divisent sont profondes et réelles», a ajouté le démocrate en multipliant les appels à «l’unité» dans cette allocution contrastant singulièrement avec celle, sombre et offensive, prononcée par son prédécesseur républicain au même endroit, sur les marches du Capitole, il y a quatre ans. Pour la première fois, une femme à la vice-présidence de la première puissance mondiale. Kamala Harris, 56 ans : «Nous devons laisser de côté la politique et affronter enfin cette pandémie en tant que nation.»(4)
Pour les spécialistes, jamais une élection présidentielle américaine n’a connu de tels faits ni enregistré pareilles menaces depuis l’avènement d’Abraham Lincoln en 1861. Donald Trump entre dans l’histoire américaine comme le quatrième président qui a refusé d’assister à l’investiture de son successeur. Le 4 mars 1801, John Adams a quitté Washington le matin de la cérémonie d’investiture.
La raison avancée consiste en la volonté d’apaisement des tensions dans la capitale pour l’investiture, dans le calme, de son successeur Thomas Jefferson. John Quincy Adams est battu aux élections de 1828 par Andrew Jackson. Il est parti de la Maison-Blanche la veille de l’investiture en mars 1829. Successeur d’Abraham Lincoln après son assassinat, Andrew Johnson, aux élections de 1868, a refusé d’assister à la cérémonie de son grand rival.

Les premières mesures salutaires du président américain
Le Président Joe Biden compte prendre, dès son entrée à la Maison-Blanche, 17 actions présidentielles pour revenir sur les mesures de Donald Trump, entre autres, le retour des États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat et au sein de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pour limiter la propagation du virus Covid-19, le président rend par décret obligatoire le port du masque dans les bâtiments fédéraux, ou pour les agents fédéraux. Il revient aussi sur une série de mesures de dérégulation prises par l’administration sortante en matière de normes environnementales. En matière de politique migratoire, il annule ainsi un décret migratoire controversé adopté par son prédécesseur pour interdire aux ressortissants de pays en majorité musulmans d’entrer aux États-Unis.
Joe Biden transmettra  un projet de loi sur l’immigration au Congrès. Il offrira aux 700 000 jeunes arrivés clandestinement aux États-Unis lorsqu’ils étaient enfants les «Dreamers», et aux autres immigrés en situation irrégulière une possibilité de naturalisation à terme et sous conditions.(5)
En Algérie, l’élection a été suivie avec beaucoup d’intérêt. La plus grande nation au monde montrait à la face du monde le visage des institutions en ordre de marche, malgré les incidents uniques qui se sont déroulés au Sénat.
Cela prouve s’il en était besoin que la démocratie est fragile et que les institutions et les différents pouvoirs doivent constamment être confortés.

Les traités de paix et d’amitié entre l’État d’Alger et les États-Unis
d’Amérique 

Cette élection nous donne l’opportunité de témoigner des relations traditionnelles et solides de l’Algérie avec les États-Unis. Les relations de l’Algérie ne datent pas d’hier. Elles plongent dans l’Histoire et remontent à 1795, moins de vingt ans après l’indépendance des États-Unis.
L’Algérie connaît de ce fait les États-Unis depuis plus de deux siècles. Comme toutes les relations internationales, avec le temps, il y eut des zones d’ombre et de tension entre nos deux pays : la Régence d’Alger avait tous ses attributs.
Des dizaines de traités furent signés et les ambassadeurs européens rivalisaient pour être amis de la Régence n’étant relié à l’Empire ottoman que par la symbolique du Califat de l’Islam.
Dans cette contribution, je veux mettre en évidence les bonnes relations qui prévalent depuis 1795, date du premier traité entre la Régence et les quelques États américains qui formaient l’Union.
La Régence d’Alger fut l’une des premières puissances à reconnaître les tout jeunes États américains fédérés, le Sénat américain décide de proposer un «traité de paix et d’amitié avec les États de Barbarie» dont un avenant sera paraphé le 5 septembre 1795 à Alger puis de nouveau le 3 janvier 1797.
Le traité est ratifié et parut dans le Philadelphia Gazette le 17 juin 1797. L’article 11 de ce traité indique que «considérant que le gouvernement des États-Unis n’est en aucun sens fondé sur la religion chrétienne, qu’il n’a aucun caractère hostile aux lois, à la religion ou à la tranquillité des musulmans et que lesdits États-Unis n’ont jamais participé à aucune guerre ni à aucun acte d’hostilité contre quelque nation mahométane que ce soit, les contractants déclarent qu’aucun prétexte relevant d’opinions religieuses ne devra jamais causer une rupture de l’harmonie régnant entre les deux nations». Il a été rédigé par John Barlows, consul général des États-Unis à Alger.(6)
Les parties signataires à Alger le 5 septembre 1795 sont le dey Hassan Pacha pour la partie algérienne et Joseph Donaldson Jr. pour la partie américaine. Le traité a été signé en arabe par Hassan Pacha au siège du gouvernement (El Djenina). Le document a été approuvé et conclu par David Humphreys, commissioner plenipentionary US, à Lisbonne, le 28 novembre 1795. Sa ratification a été faite par le Président américain George Washington et le Sénat US.
En avril 2006, la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice offre à Washington une copie de l’original du traité au ministre des Affaires étrangères algérien Mohammed Bedjaoui.
Le traité de paix et d’amitié de 1795 codifiait les relations commerciales, militaires et diplomatiques qui étaient entretenues par les deux partenaires, précisait et renforçait les prérogatives du consul. Il stipule : «Les navires américains pourront faire du commerce avec la Régence, moyennant le paiement des droits usuels. Les fournitures navales et militaires ne paieront pas de droits. Défense aux capitaines des croiseurs algériens de se saisir de qui que ce soit sur un navire américain ou de le molester. Le consul jouira d’une sécurité complète et pourra pratiquer sa religion en toute liberté. En cas de conflit, la guerre ne sera pas déclarée, jusqu’à ce que l’on ait épuisé tous les moyens de conciliation.»(6)
Un second traité de paix et d’amitié avait été signé le 30 juin 1815 et W. Shaler avait alors reçu son agrément comme consul général. La diplomatie menée par ce représentant des États-Unis aurait consolidé une amitié qui n’avait été accordée à aucun autre pays européen. Dans le traité de paix et d’amitié du 30 juin 1815, on lit : «Au point de vue commercial, les deux puissances contractantes jouiront du régime des nations les plus favorisées. Les saluts des navires seront réglés d’après les mêmes conventions que celles des nations les plus favorisées. Aucun incident né de la différence des religions pratiquées par les puissances contractantes ne pourra servir de prétexte à des contestations. En cas de dispute entre les deux puissances contractantes, aucun appel aux armes ne sera fait avant que tous les moyens de conciliation aient été épuisés ; une période de trois mois sera consacrée à l’échange des propositions. Les contestations  entre Américains et Algériens seront réglées par le dey. Si l’un des nationaux d’une des puissances contractantes tue ou blesse un des nationaux de l’autre, l’affaire sera jugée suivant les lois de la Régence.» Une clause du troisième traité, signé le 23 décembre 1816.(6)

Le coup de pouce du sénateur Kennedy à la Révolution de Novembre 
Nous pouvons constater une similitude des luttes pour l’indépendance, celles des États qui voulaient se libérer de l’Angleterre et celle de l’Algérie pour sortir de l’abjecte nuit du colonialisme français. On se plaît à mentionner le rôle important des États-Unis dans la visibilité de l’Algérie pendant la Révolution de Novembre. Chacun a en tête les diplomates éclectiques qui, avec très peu de moyens, occupaient les médias aux Nations Unies et donnaient l’impression qu’il y avait une machine de guerre médiatique, comme l’écrivait Yves Courrière dans son ouvrage sur la guerre d’Algérie.
S’agissant justement de l’apport des États-Unis à la Révolution algérienne, Karim Younès insiste sur le rôle du tandem Abdelkader Chanderli-M’hamed Yazid, qui a joué un rôle prépondérant auprès de John Kennedy, alors sénateur, qui a prononcé un discours au Congrès américain pour plaider l’inscription de la question algérienne à l’ordre du jour de l’ONU. Dans ce sens, il écrit : «Abdelkader Chanderli à l’origine du discours ? Les historiens qui travaillent sur le rapport de Kennedy à l’Algérie ne s’accordent pas sur le ‘‘cerveau’’ qui a soufflé les grandes lignes du discours. L’une des pistes, soutenue par Yves Courrière et Alistar Hornes, concerne Abdelkader Chanderli, représentant du FLN à l’ONU, présenté comme un ami ‘’intime’’ du sénateur américain, qui ‘’allait souvent partager le sandwich qui servait de déjeuner au sénateur, pour parler de la situation en Algérie’’. Il aurait également fourni à Kennedy la documentation du discours. C’est qu’à cette époque, le duo Abdelkader Chanderli -M’hamed Yazid débordait d’activité pour imposer la question algérienne sur la scène internationale. Et tout porte à croire que Chanderli connaissait le contenu du discours avant qu’il ne soit prononcé. Il aura été le premier à féliciter le jeune sénateur pour son engagement.»(7)

La nationalisation du 24 février et l’apport discret américain
«Après l’indépendance, l’Algérie a eu à se battre pour récupérer son indépendance énergétique. Une remarquable contribution parue dans le journal Liberté nous décrit ce travail important et certaines fois décisif des diplomates algériens. Ainsi : «La diplomatie secrète et parallèle ne sera pas en reste. Quelques mois avant la date fatidique du 24 février 1971, d’importants évènements survenus courant de l’année 1970 viendront le conforter dans sa décision. La diplomatie secrète et parallèle n’était pas en reste. Le chef de l’État algérien, aidé en cela par l’ingéniosité de ses hommes, avait eu accès à des informations de première main. Par exemple, l’opération n’a pu être lancée qu’après avoir obtenu l’engagement formel des Américains à acheter le pétrole et le gaz algériens. Leur promesse à assurer l’exploitation en cas de refus français a été, par ailleurs, décisive.
C’est, en effet, grâce à l’entremise de puissants réseaux qu’entretenaient notamment Messaoud Zeghar et Chérif Guellal aux États-Unis et Rachid Tabti en France que Boumediène a réussi son coup de poker. Dans la lignée de ces lobbyistes de haut niveau que furent M’hamed Yazid et Abdelkader Chanderli, la garde rapprochée de Boumediène à la faconde méditerranéenne fera longtemps parler d’elle outre-Atlantique. Pour attirer la sympathie de l’opinion américaine, ils feront valoir les similitudes qui existaient entre la Révolution algérienne et la Révolution américaine.
Grâce à cette présence aux USA, Boumediène pouvait, sur un autre registre, continuer à soutenir pour sa part, tant qu’il voulait, toutes les causes qu’il jugeait justes sans jamais s’aliéner l’hyperpuissance américaine. (…) La transformation de l’ancienne colonie française en un État indépendant avait forcé le respect et l’admiration du monde entier.
(…) Après juin 1967, l’Algérie rompt ses relations avec les États-Unis. Durant sept années de rupture diplomatique avec les USA, Boumediène n’a jamais voulu couper définitivement les ponts. (…) Le duo Zeghar-Guellal disposait d’un épais carnet d’adresses dont ils ont largement fait profiter leur pays. (…) Zeghar était tout aussi à l’aise avec le Président Boumediène qu’avec les secrétaires d’État américains et autres patrons de la CIA.
Il pouvait joindre au téléphone le Président américain comme n’importe quel magnat de la presse. Idem pour Chérif Guellal, premier ambassadeur d’Algérie à Washington, qui avait présenté ses lettres de créances à Kennedy en juillet 1963 avant de devenir l’un des plus proches amis du Président américain. Le diplomate algérien, un homme élégant et raffiné, rompu aux mondanités, avait, en effet, tout pour plaire. (…) Très lié aux frères Kennedy, Guellal continuera à entretenir de très bonnes relations avec la Maison-Blanche et notamment avec le Président Lyndon B. Johnson.»(8)

Au nom d’un devoir humanitaire, la diplomatie algérienne en action
L’Algérie a toujours été du côté des causes justes. Elle assume son sacerdoce à militer pour les droits des peuples mais aussi à intervenir d’une façon discrète pour dénouer des relations tendues entre-temps, surtout quand il s’agit d’un devoir humanitaire. Ce sera le cas avec les États-Unis dans deux dossiers sensibles et il a fallu toute la diplomatie lumineuse héritée de l’indépendance et post-indépendance pour aboutir à des dénouements heureux.
Ainsi une histoire insuffisamment documentée celle où l’Algérie a servi dans les négociations humanitaires entre les États-Unis et le Vietnam en guerre. Nous lisons : « (…) Zeghar trouvera le bon moyen : servir de trait d’union entre les États-Unis et le Vietnam en guerre. Par le biais de Sonatrach, il invite à Alger courant de l’année 1970 l’astronaute américain Frank Borman, commandant de la mission Apollo 8 qui fit dix orbites autour de la Lune en 1968, afin d’exposer officiellement son aventure spatiale.
Mais Borman était également ambassadeur spécial des États-Unis, chargé de négocier la libération des prisonniers de guerre américains au Vietnam. Cette visite organisée par Messaoud Zeghar en personne avait pour objet officiel une rencontre scientifique alors qu’elle consistait à formaliser une demande US d’intercession de l’Algérie auprès des Vietnamiens afin qu’ils leur fournissent la liste des prisonniers de guerre américains qu’ils détenaient. Quelques jours après, c’était chose

faite : Mme Nguyen Thi Binh, ministre des Affaires étrangères du Sud-Vietnam, remettait ladite liste à un simple citoyen algérien qui avait agi pour des raisons purement humanitaires. Ce ‘’simple citoyen algérien’’ n’était autre que Messaoud Zeghar qui recevra par la suite les félicitations personnelles du Président Nixon. Boumediène sera lui-même destinataire, un mois après la nationalisation des hydrocarbures — et alors que les relations algéro-françaises étaient au plus bas, une lettre personnelle rendue publique par le Président Nixon dans laquelle il annonce que les États-Unis étaient prêts à “établir des relations diplomatiques normales avec l’Algérie quand elle le désirera”. Le duo Zeghar-Guellal avait encore frappé !»(8)
«Cela dit, poursuit l’auteur, on ne peut omettre, bien évidemment, parmi les péripéties qui avaient précédé le 24 février 1971, le rôle-clé joué par Rachid Tabti, alias Richard ou encore Tony, qui avait permis que des milliers de documents confidentiels soient acheminés vers Alger dont notamment le fameux plan de riposte à titre préventif établi par le SDECE français en cas de tentative de nationalisation des hydrocarbures en Algérie. (…) Toutes les instructions secrètes données aux négociateurs français étaient connues des Algériens avant même de s’asseoir autour de la table de négociations. (…) Ainsi, cette nationalisation des hydrocarbures n’a pu être possible sans une préparation et une parfaite maîtrise de l’information.»(8)

La libération des otages américains à Alger
Il y a 41 ans, jour pour jour, les otages américains étaient libérés à Alger. Ils venaient dans un avion d’Air Algérie en provenance d’Iran. Le ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoum, a rappelé, mercredi, le rôle joué par l’Algérie, il y a 40 ans, dans la libération de 52 diplomates américains séquestrés à Téhéran.
«Quarante ans se sont écoulés depuis la signature de l’accord d’Alger qui a permis la libération de 52 diplomates américains séquestrés à Téhéran.
Ce fut le fruit de la médiation laborieuse de notre pays, menée par le chahid Mohamed Seddik Benyahia, ministre des Affaires étrangères, et une équipe de diplomates parmi les meilleurs enfants de l’Algérie.»(9)
La crise des otages américains en Iran a duré 444 jours, entre le 4 novembre 1979 et le 20 janvier 1981. En vertu de cet accord, Washington s’engage à ne plus intervenir dans les affaires internes de l’Iran. Les otages américains ont été libérés le 20 janvier 1981, le jour de l’investiture du 40e Président des États-Unis, Ronald Reagan.
Pour en parler aussi nous rapportons un témoignage émouvant de John Limbert, diplomate américain qui était parmi les otages, et qui remercie l’Algérie et son peuple pour son rôle à l’occasion du 40e anniversaire de la libération des otages américains dont il faisait partie, grâce à la médiation algérienne. «Je tiens à remercier le gouvernement et le peuple algériens pour leur action humanitaire et diplomatique. En tant qu’ancien otage, je n’oublierai jamais le rôle de nos collègues diplomates algériens, à l’instar de l’ambassadeur Rédha Malek à Washington et de l’ambassadeur Abdelkrim Ghrib à Téhéran», dans un message vidéo intitulé «Merci l’Algérie» : «Je ne puis oublier les médecins algériens à Téhéran, les équipages des avions d’Air Algérie qui nous ont transportés d’Iran et l’accueil chaleureux qui nous a été réservé à 3h du matin dans le froid de janvier à l’aéroport Houari-Boumediène.» Rappelant «avoir eu la chance, cinq ans plus tard, de travailler comme premier secrétaire à l’ambassade américaine en Algérie, le diplomate américain a assuré que sa famille et lui n’oublieront pas «la bonté et l’hospitalité du peuple algérien». «Quarante ans après cette fameuse journée, je me rappelle encore la bonté et le professionnalisme des amis algériens.» «Mes meilleurs vœux au peuple fier de ce beau pays», a conclu John Limbert.(10)
Il faut enfin ajouter que la lutte de l’Algérie contre l’envahisseur français a été honorée par une ville américaine aux États-Unis dans l’État de l’Iowa. Le nom de la ville est un hommage à l’émir algérien Abdelkader pour sa résistance à l’occupation coloniale française de son pays, au milieu du XIXe siècle. En 1846, trois Américains, John Thompson, Timothy Davis et Chester Sage, décident ainsi de nommer leur petit campement El Kader en son hommage. Une aile du Carter House Museum, le musée de la ville, est consacrée à l’Algérie et à Abdelkader en particulier. En 1984, Mascara, un temps la capitale de l’État d’Abdelkader, a été jumelée avec cette ville. Le nom de Mascara Park a été attribué à un des parcs municipaux.

Pour un nouveau siècle de paix
La fin du XXe siècle et le début de ce XXIe siècle ont vu le monde changer à vive allure, malheureusement dans des directions qui risquent d’amener le chaos à la planète.
Certes, beaucoup de facteurs ont concouru à cette entropie, voire cette anomie. C’est d’abord la raréfaction des matières premières au premier rang desquels nous trouvons l’énergie. Cette énergie fossile qui a conduit, à Dieu ne plaise, la planète à sa perte au vu de l’imminence et la dangerosité des changements climatiques principalement pour les pays vulnérables qui n’ont pas la parade.
Par ailleurs, la montée en puissance d’un certain nombre de puissances telles que les Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) amène, par la force des choses, une nécessaire refonte de l’ordre international. Cette refonte est d’autant plus nécessaire qu’une calamité mondiale s’abat sur la planète Le coronavirus fait journellement sa moisson ; en déconstruisant ce que l’humanité a mis des millénaires à élaborer en termes de relations humaines. L’Amérique d’Armstrong, celle de l’American Way of Life qui nous a tant fait rêver est devenue, au fil des ans, de plus en plus intolérante, celle du Président Trump. Dans cette apocalypse annoncée, les grandes nations ont un rôle à jouer, un rôle non pas de rapine ou du droit de la force, comme par le passé, mais de partage.
Les États-Unis pourraient, ce faisant, retrouver leur magistère moral qu’ils avaient sous Kennedy. Dans ce cadre, les États-Unis devraient promouvoir un dialogue dans le cadre d’un multilatéralisme fécond, inventer avec les nations leaders (Chine, Russie, Europe…) un modus vivendi qui nous permettra de vaincre ce nouveau fléau, conjurer les convulsions climatiques et respecter les peuples aussi faibles soient-ils ; ils devraient être considérés avec une égale dignité.
C. E. C.

1. Chems Eddine Chitour https://www.mondialisation.ca/le-president-trump-assume-le-fond-rocheux-suprematiste-blanc-avant-tout/5622808
2.https://www.agoravox.fr/actualites/international/article/une-guerre-sans-fin-en-afghanistan-196452#forum4991023
3.Renel Exentus, Ricard Gustave https://www.legrandsoir.info/de-quoi-trump-est-il-le-nom.html
4.https://www.elmoudjahid.com/fr/monde/grand-angle-de-lincoln-a-biden-4259
5.https://www.elwatan.com/edition/international/biden-rompt-avec-les-derives-de-trump-21-01-2021
6.Ouarda Himeur-Ensighaoui  https://www.elwatan.com/ archives/histoire-archives/les-traites-de-paix-et-damitie-entre-letat-dalger-et-les-états-unis-damerique-1795-1815-et-1816-16-05-2006 .
7.https://algeriecultures.com/art-lettres/lepopee-de-la-diplomatie-algerienne-de-guerre-racontee-par-karim-younes/
8.M.-C. L Des hommes de l’ombre à l’origine du défi:https://www.liberte-algerie.com/dossier/des-hommes-de-lombre-a-lorigine-du-defi-242723/
9.https://www.elmoudjahid.com/fr/nation/boukadoum-evoque-le-role-d-alger-il-y-a-40-ans-dans-la-liberation-des-otages-americains-en-iran-4294
10.https://www.elmoudjahid.com/fr/nation/liberation-des-otages-americains-en-iran-en-1979-un-diplomate-americain-remercie-l-algerie-pour-son-role-4331.


 

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