RADICALISATION : Le président catalan s’en va-t-en guerre

Le président régional de Catalogne, Quim Torra, le 2 novembre à Barcelone. A son revers, un ruban jaune, signe de ralliement des indépendantistes.  Pau Barrena. AFP

Quim Torra a prôné le «modèle slovène» : le conflit armé pour obtenir l’indépendance de la région espagnole. Ses propos choquent jusque dans son propre camp.

  •   Le président catalan s’en va-t-en guerre

Le gouvernement espagnol a vertement condamné ce lundi les déclarations du président de Catalogne incitant sa région à imiter la Slovénie, qui avait déclenché un conflit meurtrier en proclamant unilatéralement son indépendance de la Yougoslavie en 1991. «C’est lamentable, c’est insensé, a déclaré la porte-parole du gouvernement Isabel Celaá à la radio. Je ne sais pas s’il a oublié qu’il y eut en Slovénie des dizaines de morts et des centaines de blessés.» Elle a ajouté que le gouvernement indépendantiste catalan «sait bien que s’il y a une rupture de légalité, le gouvernement espagnol agira». «C’est un langage qui semble appeler à l’insurrection», a déclaré pour sa part le ministre espagnol des Affaires étrangères, Josep Borrell, lundi à Bruxelles.

«Toutes les conséquences»

Samedi, lors de la présentation à Bruxelles du conseil de la République, sorte de gouvernement catalan parallèle en exil, Quim Torra, de retour d’une visite en Slovénie, avait appelé les Catalans à suivre «la voie slovène» pour arracher leur indépendance. «Les Catalans n’ont plus peur. Ils ne nous font pas peur. Il n’y a pas de retour en arrière sur le chemin vers la liberté. Les Slovènes sont allés de l’avant avec toutes les conséquences [que cela supposait]. Faisons comme eux et soyons prêts à tout pour vivre libres», a-t-il proclamé sur le compte Twitter du gouvernement catalan.

Après un référendum en faveur de l’indépendance et des négociations infructueuses avec Belgrade, le Parlement slovène avait proclamé unilatéralement l’indépendance le 25 juin 1991. Celle-ci n’est devenue effective qu’au terme d’un conflit armé de dix jours avec l’armée yougoslave, qui a fait 62 morts. Mentor de Quim Torra, Carles Puigdemont, l’ex-président catalan en exil en Belgique pour échapper aux poursuites de la justice pour son rôle dans la tentative de sécession d’octobre 2017, s’était rendu en Slovénie durant l’été 1991.

Jeûne au monastère

Des condamnations sont venues de l’ensemble des forces politiques espagnoles, le Parti socialiste qualifiant Quim Torra «d’illuminé» et les centristes de Ciudadanos de «danger public».Ada Colau, maire de Barcelone (gauche radicale), a de son côté jugé le président régional «irresponsable». Dans le camp indépendantiste, la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), alliée de Quim Torra, a exprimé son attachement à une «voie catalane» vers l’indépendance, reposant sur «le civisme, le pacifisme et la démocratie», seul moyen de réunir «un vaste consensus dans la société».

Le PdeCat (Parti démocrate européen catalan), formation du président (centre droit), s’est défendu en parlant de «mauvaise interprétation» des propos de Quim Torra, qui prétendait seulement mettre en avant «la détermination du peuple slovène»en 1991. Le président lui-même n’est pas revenu sur ses propos. Depuis dimanche, il se trouve au monastère de Montserrat, à une soixantaine de km de Barcelone, où il observe un jeûne de quarante-huit heures en solidarité avec la grève de la faim des ministres et responsables associatifs catalans emprisonnés. Leur procès pour «sédition et détournements de fonds» doit s’ouvrir en 2019, probablement à partir de juin pour ne pas interférer avec les élections régionales, municipales et européennes du 26 mai.      François-Xavier Gomez

Libération / 10.12.2018

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