Réconciliation des factions palestiniennes : Le tour de force de la diplomatie algérienne

     Prévu le 1er et 2 novembre prochain à Alger, le sommet de la Ligue arabe peut être d’ores et déjà considéré comme un évènement majeur en raison du succès de la diplomatie algérienne d’avoir arraché des différentes factions palestiniennes un accord de réconciliation qui devrait les conduire à l’unification de leurs rangs et à l’organisation d’élections leur permettant de mettre, enfin, de l’ordre dans la «Maison Palestine».

Par Halim Midouni

Figurant au cœur des dossiers à l’ordre du jour du sommet, la question palestinienne se présente depuis des mois comme le grand indicateur – sinon le seul – du succès de l’Algérie à marquer cet évènement d’un sceau historique en la faisant avancer vers la réconciliation des différentes forces politiques et politico-militaires qui l’incarnent depuis des décennies, sans pouvoir s’entendre sur un mode d’action commun.
Désormais, et sans préjuger d’un avenir qui demeure incertain, s’agissant de factions palestiniennes dont les divergences politiques et idéologiques sont nombreuses et nourries par des agendas régionaux et internationaux concurrents, l’heure est à l’union conjoncturelle sacrée autour de l’objectif d’organiser des élections législatives et présidentielles d’ici une année, au plus tard.
Cette avancée a été obtenue après la signature par les différents groupes palestiniens agissants, sous l’auspice de la diplomatie algérienne, de la «Déclaration d’Alger» issue de la Conférence d’unification des rangs palestiniens, et paraphée solennellement jeudi 14 octobre par les chefs des délégations présentes dans notre pays. Ce document prévoit d’ici octobre 2023 des élections pour la présidence et pour le Conseil législatif palestinien, qui fait office de Parlement pour les Palestiniens de Cisjordanie occupée, de la bande de Gaza et de Jérusalem-Est.

Prouesse et sceau historique
A propos de sceau historique, la «Déclaration d’Alger» a été signée en présidence du président de la République Abdelmadjid Tebboune au Palais des Nations, le lieu même où Yasser Arafat, alors chef de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), avait annoncé la création de l’Etat palestinien. Un évènement que le médiateur algérien a toujours eu à l’esprit depuis qu’il s’est engagé à organiser le sommet de la Ligue arabe en rapprochant les factions palestiniennes comme un seuil à égaler dans ses efforts à rassembler les frères ennemis palestiniens.
Une prouesse, aussi, dont l’enjeu géostratégique ne concerne pas le conflit israélo-palestinien uniquement. Quand on sait que le Maroc, parrain du comité Al-Qods, a récemment normalisé comme d’autres pays du Golfe ses relations politiques et diplomatiques avec Israël, on s’aperçoit, en effet, qu’il est aussi maghrébin et qu’il s’ajoute à ceux en vigueur dans la compétition géostratégique entre Alger et Rabat !

«Nous avons signé cet accord pour nous débarrasser du cancer malin qui a pénétré le corps palestinien: la division», a déclaré Azzam al-Ahmad, chef de la délégation du Fatah se disant «optimiste sur le fait que l’accord sera mis en oeuvre et ne restera pas à l’état d’encre sur du papier». Le leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, a salué pour sa part «un jour de joie pour la Palestine et l’Algérie et pour ceux qui aiment la cause palestinienne. Mais c’est un jour de tristesse pour l’entité sioniste», a-t-il ajouté. Au Kazakhstan où il se trouvait, le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas a fait au président de la fédération de Russie Vladimir Poutine une déclaration qui conforte l’initiative algérienne de tout faire pour pousser les Palestiniens à l’unité d’action. Il a déclaré se «méfier» des Etats-Unis qui, selon lui, n’ont pas d’autre orientation stratégique que le soutien d’Israël. Washington, doit-on rappeler, est derrière le processus de normalisation dans lequel se sont engagées plusieurs monarchies du Golfe et le voisin marocain.

La «Déclaration d’Alger» saluée
A la tête de la Ligue arabe, son Secrétaire général s’est, pour sa part, félicité de la signature par les factions palestinienne réunies sous l’égide de l’Algérie, de «la Déclaration d’Alger» comme «une importante avancée vers la réconciliation palestinienne voulue par tous les Arabes». Ahmed Aboul Gheit a salué le rôle de l’Algérie dans cette réalisation. Son porte-parole, Djamel Rochdi, cité par un communiqué de la Ligue Arabe, a indiqué que «l’enjeu réside désormais dans l’application et la mise en œuvre des points convenus», ajoutant que «la division qui dure depuis 15 ans a affaibli la cause». «La fin de la division est une condition essentielle pour retrouver la solidité de la position palestinienne face aux défis majeurs auxquels fait face la cause palestinienne», a-t-il souligné. «La Ligue arabe appelle, de nouveau, tous les Palestiniens, toutes obédiences politiques confondues, à mettre fin à cette division qui porte atteinte à la cause et à œuvrer sérieusement à mettre en œuvre la teneur du nouveau document», a ajouté M. Rochdi. Pour mémoire, les scrutins prévus en 2021, les premiers en 15 ans, avaient été reportés sine die par le président de l’Autorité palestinienne et chef du Fatah, Mahmoud Abbas, arguant que leur tenue n’était pas «garantie» à Jérusalem-Est, partie de la ville occupée et annexée par Israël. Cette décision avait été fustigée par le Hamas. Les dernières législatives, en 2006, avaient conduit à une victoire du mouvement islamiste- qui n’avait été reconnue ni par le Fatah ni par la communauté internationale. Un an et demi plus tard, en 2007, des affrontements sanglants avaient opposé les deux camps, débouchant sur la naissance de deux systèmes politiques séparés: l’Autorité palestinienne siège en Cisjordanie, territoire occupé par Israël depuis 1967 où vivent 2,8 millions de Palestiniens. L’enclave de Gaza, où résident 2,3 millions de personnes, est dirigée par le Hamas et est depuis sous blocus israélien. <


          Réconciliation palestinienne

                          Le monde rend hommage à l’Algérie

Telle une étincelle, le sommet d’Alger semble avoir agi comme un catalyseur, en faveur d’une dynamique nouvelle dans la géopolitique mondiale en gestation.

Moment historique d’envergure cruciale pour la cause palestinienne, le sommet palestino-palestinien qui vient de se conclure à Alger augure d’une nouvelle ère politique et diplomatique pour l’État indépendant de Palestine. La déclaration d’Alger scellant l’unité des rangs de la résistance palestinienne, suscite un engouement et un intérêt certains au sein de la communauté internationale. Les réactions et les messages d’encouragements n’ont pas manqué de fuser de partout dans le globe.

Moscou n’a pas manqué de réagir face au succès du sommet d’Alger consacrant l’unité palestinienne. Par la voie du ministère des Affaires étrangères, la Fédération de Russie salue la déclaration d’Alger estimant qu’elle va «ouvrir la voie à la restauration de l’unité inter-palestinienne». Moscou se félicite de cette démarche entreprise par les frères palestiniens, espérant que «tous les points spécifiés dans la Déclaration seront mises en oeuvre avec succès dans les délais prévus», note le communiqué du MAE russe. Saluant le rôle déterminant de l’Algérie dans cette oeuvre diplomatique d’envergure, Moscou estime que cette initiative contribuera «à garantir que les Palestiniens défendent plus efficacement leurs droits nationaux légitimes et contribuent à la création des conditions nécessaires à l’établissement de négociations constructives dans l’intérêt de la réalisation la plus rapide d’un règlement global et durable du conflit». Le communique du MAE russe rappellera sa prédisposition «promouvoir activement le processus de consolidation des positions» au sein des factions palestiniennes. Le Sultanat d’Oman a également salué les efforts consentis et affiche «son soutien total à toutes les démarches visant à réaliser l’unité du peuple palestinien frère, de manière à concrétiser ses aspirations et ses droits légitimes, et à consacrer le principe du dialogue et du partenariat politiques entre les différentes forces nationales palestinienne».

La Ligue arabe s’est, elle aussi, félicitée du processus d’Alger le qualifiant «d’importante avancée vers la réconciliation palestinienne voulue par tous les Arabes», annoncera le secrétaire général de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit. De son côté, la Tunisie a également accueilli, avec grande satisfaction, cette renaissance de l’unité palestinienne sur les terres du million et demi de chouhada. Pour Tunis, qui qualifie l’initiative d’Alger de «grand pas sur la voie de la consécration de l’unité nationale et de l’instauration d’un État palestinien indépendant avec Al Qods-Est comme capitale», conclut la Déclaration du ministère des Affaires étrangères tunisien. Le parrainage et le rôle déterminant du président Tebboune dans l’aboutissement et la réussite du dialogue inter-palestinien ont été salués par la Tunisie. Le communiqué du MAE annonce son «adhésion totale et active à toutes les initiatives visant à asseoir la réunification des rangs des palestiniens», affichant également son soutien «indéfectible» à la juste cause palestinienne. Le Bureau de l’Union européenne (UE) en Cisjordanie occupée et dans la bande de Ghaza, n’a pas manqué de réagir à cette initiative de rassemblement. Dans un tweet de cette représentation de l’UE à Ghaza, «c’est un signal encourageant». La représentation de l’UE se dit «prête à soutenir tous les efforts à cet égard». Telle une étincelle qui patientait à l’ombre des différends arabo-arabes, le sommet d’Alger semble avoir agi comme un catalyseur, en faveur d’une dynamique nouvelle dans la géopolitique mondiale en gestation.


Mohamed OUANEZAR


                      Mise en oeuvre de la Déclaration d’Alger

                      Un dossier phare du Sommet arabe

L’Algérie va veiller au respect de l’application des principes énumérés dans la Déclaration d’Alger. Cela doit se faire dans un délai ne dépassant pas une année.

Le Sommet arabe, qui se tiendra les 1er et 2 novembre à Alger, aura capitalisé la Déclaration d’Alger et son issue visant à mettre un terme aux divisions inter-palestiniennes. L’Algérie est désignée comme le «parrain» de cette initiative, avec d’autres pays arabes dont le rôle pourrait être prépondérant.
Le prochain Sommet arabe d’Alger va statuer sur plusieurs questions d’importance capitale. Il s’agira, en premier lieu, de relancer la question palestinienne et le processus politique pour une solution durable.
Il y aura aussi la question de la réforme de la Ligue des États arabes, en révisant les mécanismes qui la régissent depuis sa création. La crise au Yémen, le dossier de la Libye et de la Syrie seront à l’ordre du jour du prochain Sommet.
Il est a rappeler que dans l’un des neuf points énumérés dans la Déclaration d’Alger pour réaliser la réconciliation inter-palestinienne, il y a un mécanisme qui doit être activé pour mettre en oeuvre la solution préconisée par ladite Déclaration. Cet aspect souligne qu’«Un groupe de travail algéro-arabe sera chargé de superviser et de suivre la mise en oeuvre des clauses du présent accord, en coopération avec la partie palestinienne et sous la supervision d’Alger».
Le prochain Sommet va nécessairement insister sur cette question afin d’accélérer les chances d’une solution à la crise qui caractérisait les factions palestiniennes. La Ligue arabe, à travers son secrétaire général doit baliser le terrain pour atteindre cet objectif, en coordination avec les autorités algériennes. Le défi est grand quant à la résolution de la crise palestinienne pour aller d’une manière commune à une démarche concrète qui défendra le droit des Palestiniens à l’indépendance et le recouvrement de sa souveraineté nationale.
L’Algérie va veiller au respect de l’application des principes énumérés dans la Déclaration d’Alger. Cela doit se faire dans un délai ne dépassant pas une année. Ce timing est justifié par la nécessité d’«élire le Conseil national palestinien à l’intérieur du pays et à l’étranger, sur la base du système de représentation proportionnelle intégrale, conformément à la formule consensuelle et aux lois adoptées, avec la participation de toutes les forces palestiniennes dans un délai n’excédant pas un an, à compter de la date de signature de la présente Déclaration. À cette occasion, l’Algérie exprime sa disponibilité à abriter la rencontre du nouveau Conseil national palestinien, favorablement accueillie par toutes les factions participant à cette conférence», souligne-t-on. Le deuxième thème, à savoir la réforme de la Ligue des États arabes, va soulever certainement de grands débats, surtout que cette institution n’a pas connu de changement ni de révision dans sa gestion depuis sa création, en 1945. L’approche maintenue pour voter et entériner les décisions des Sommets arabes est désapprouvée par la majorité des pays arabes qui récusent le recours à l’unanimité, sans tenir compte des avis des États majoritaires sur les questions essentielles qui taraudent le Monde arabe.
L’approche algérienne, défendue afin de réformer la Ligue arabe, exige que «le poste de secrétaire général de la Ligue soit assuré à tour de rôle».
L’Algérie souhaite dépasser la réforme formelle de la Ligue arabe en s’intéressant uniquement au fonctionnement organisationnel de la Ligue, mais bien plus profondément que cela, elle vise la révision de fond en comble de la Charte de la Ligue arabe.
Il est clair que l’enjeu n’est pas reluisant et que les approches antagoniques sont d’une ampleur grandissante, mais la situation que traverse le Monde arabe en particulier et les changements que subit le monde en général, imposent aux États arabes de s’adapter et de s’arrimer aux mutations et aux reconfigurations géopolitiques en cours.
Le prochain Sommet arabe sera l’occasion idoine pour les États arabes de mettre en place une nouvelle charte qui déterminera les grandes lignes de l’action arabe commune et les véritables enjeux qui doivent animer le travail des dirigeants arabes pour faire face aux conséquences du nouvel ordre mondial qui s’esquisse actuellement.

Hocine NEFFAH

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