Mohamed VI évoque l’Algérie dans son discours : Quand le Makhzen veut se donner le beau rôle

     par A. Zerzouri

Dans un climat social tendu, marqué par les manifestations des marocains contre la dégradation des conditions de leur vie quotidienne et le rapprochement de plus en plus poussé particulièrement sur le plan militaire du royaume avec Israël, le roi Mohamed VI a concentré son discours traditionnel prononcé à l’occasion de son accession au trône sur les relations avec l’Algérie.

Ce n’est pas une nouveauté, puisque l’année passée, pour la même occasion, Mohamed VI avait consacré 40 % de son discours à l’Algérie, usant d’un ton apaisant et conciliant à l’égard de son voisin. « La main tendue » du souverain a été donc réitéré, le 30 juillet 2022, presque dans le même style employé en 2021. « Nous aspirons à œuvrer avec la présidence algérienne pour que le Maroc et l’Algérie puissent travailler, main dans la main, à l’établissement de relations normales entre deux peuples frères », a encore soutenu Mohamed VI dans un discours radiotélévisé à la nation, samedi 30 juillet. « Je souligne une fois de plus que les frontières qui séparent le peuple marocain et le peuple algérien frères ne seront jamais des barrières empêchant leur interaction et leur entente », a-t-il souligné, en exhortant les Marocains à « préserver l’esprit de fraternité, de solidarité et de bon voisinage à l’égard de nos frères algériens ». Il s’est engagé dans le même sillage à « trouver une issue à la situation actuelle et à favoriser le rapprochement et la compréhension entre les deux peuples ». Non sans évoquer ces parties qui ont fait de l’invective contre l’Algérie un sport national, et que Mohamed VI désigne comme des «individus irresponsables qui s’évertuent à semer la zizanie entre les deux peuples frères». Affirmant dans ce sillage que « les allégations selon lesquelles les Marocains insulteraient l’Algérie et les Algériens », «sont totalement insensées et sincèrement consternantes ». Pourtant, les premiers à offenser l’Algérie sont les plus hauts diplomates marocains eux-mêmes, qui ne manquent jamais l’occasion de verser leur venin contre l’Algérie à travers les tribunes de représentations diplomatiques internationales, notamment onusiennes. Et Mohamed VI lui-même qui ouvre les portes de son royaume aux israéliens, entretenant une coopération militaire très poussée avec l’Etat hébreu, dont les sentiments à l’égard de l’Algérie ne sont pas des plus amicaux. N’est pas dans le tort ce diplomate algérien qui, au lendemain du discours de Mohamed VI en juillet 2021, avait avisé que le discours est destiné à la consommation extérieur, pour montrer à l’opinion international que le Maroc est gentil et que le méchant c’est la partie algérienne, qui ne veut pas prendre cette « main tendue » du roi du Maroc, alors que dans les faits réels, tout est actionné pour nuire aux intérêts de l’Algérie. On peut, ainsi, s’interroger sur l’évolution de la situation dans les relations entre les deux pays durant cet espace d’une année, le temps écoulé entre la première et la seconde « main tendue ». Mohamed VI a-t-il réellement fait le moindre pas dans le sens de l’apaisement des relations avec l’Algérie ? On aura beau chercher, on ne trouvera rien d’apaisant. Par contre, sur le plan des hostilités, rien n’a cessé. Preuve en est le développement accru et rapide des relations avec l’Etat hébreu, notamment sur le plan de la coopération militaire, ainsi que les provocations qui visent l’Algérie, qui n’ont marqué aucun répit tout au long de cet intervalle de temps, notamment de la part du représentant du Maroc à l’ONU, qui pousse à chaque fois le représentant algérien à le recadrer. Des paroles, Mohamed VI serait encouragé dans le réel de passer aux actes pour traduire le fond de pensée de son discours.

Pour rappel, bien qu’on présente le dossier du Sahara occidental comme principal contentieux entre les deux pays voisins, l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques en août 2021 dans le sillage de « la dérive » du royaume à l’encontre de l’Algérie, consistant en la distribution aux membres d’une conférence des pays non-alignés par le représentant du Maroc à l’ONU, en juillet 2021, d’un document exprimant un soutien marocain à l’autodétermination du « peuple kabyle ». Immédiatement après cette attaque contre l’unité du peuple algérien, l’ambassadeur algérien a été rappelé pour « consultations », en attendant des clarifications à ce sujet de la part du Maroc. Mohamed VI n’a jamais donné suite à cette attente, scellant de fait la rupture des relations diplomatiques.


          Le roi du Maroc réitère «une fois de plus» sa main tendue à l’Algérie

Le roi du Maroc Mohammed VI.         AFP

Un contentieux autour du Sahara occidental


AFP


         Rahabi : ce qui se cache derrière la « main tendue » de Mohamed VI à l’Algérie

Mohamed VI a de nouveau tendu la main à l’Algérie, dans un discours prononcé samedi soir à l’occasion de la fête du Trône.

Un discours qui rappelle, dans son passage consacré à l’Algérie, celui qu’il a lu l’année passée à la même occasion.

 Le discours du roi du Maroc comporte un plaidoyer pour l’apaisement avec l’Algérie, avec un appel direct cette fois à la présidence algérienne pour « travailler main dans la main  » à l’établissement de relations « normales ».

 À Alger, on n’oublie toutefois pas que ses propos tout aussi mielleux tenus en 2021 n’ont pas empêché la poursuite des « actes hostiles » du Maroc qui ont mené à la rupture des relations entre les deux pays.

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« Le discours du Roi du Maroc Mohamed VI à l’occasion de la fête du trône évoque les relations avec l’Algérie dans les mêmes termes que ceux  des  années dernières », fait remarquer le diplomate et ancien ministre algérien Abdelaziz Rahabi, qui juge que cette déclaration « ne peut représenter un événement diplomatique ni  ouvrir des perspectives ».

 « La tradition et les usages internationaux recommandent que la bonne volonté ou une offre de dialogue soient précédés de mesures conséquences, qualitatives et à la hauteur de l’objectif déclaré », rappelle le diplomate. 

Or, ce n’est pas à quoi on assiste sur le terrain. L’état des relations entre les deux pays s’est même détérioré et le Maroc reste sur des positions figées vis-à-vis de l’Algérie à l’égard de laquelle il poursuit la même stratégie.  

Pour Abdelaziz Rahabi, le roi du Maroc cherche au contraire à enfoncer l’Algérie et réserve à son pays le beau rôle de la victime disposée à dialoguer.

Les causes de la rupture sont encore présentes

« Une fois encore, il rend l’Algérie responsable de l’échec de la construction maghrébine, du mauvais état des relations bilatérales et cherche à accréditer le sentiment d’un Maroc victime mais disposé au dialogue », analyse-t-il. 

« Dans la réalité, il n’en est rien, poursuit Rahabi ».

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 « Bien au contraire, le Maroc officiel anime une opération de diabolisation de l’Algérie en la présentant comme un allié des puissances et groupes antioccidentaux et sa diplomatie comme hostile aux intérêts américains et européens dont il serait le meilleur défenseur », estime l’ancien ambassadeur d’Algérie en Espagne.

Celui-ci cite la campagne contre la position de l’Algérie sur la guerre en Ukraine et les tentatives marocaines d’impliquer l’Algérie dans les tensions entre l’Iran, les pays du Golf et Israël, « dans lesquelles notre pays ne porte aucune responsabilité de quelque nature que ce soit ».

Sur le plan bilatéral, le Maroc poursuit « une stratégie franchement hostile à l’Algérie en cherchant à déprécier et à falsifier notre longue et riche histoire, à s’attaquer notamment, dans ses réseaux sociaux , à l’institution présidentielle qu’il désigne librement par ailleurs, comme l’interlocuteur privilégié et à mener une guerre systématique contre l’armée algérienne et son commandement », accuse encore Abdelaziz Rahabi qui conclut par cette remarque pertinente : les conditions qui ont prévalu à la rupture entre les deux pays sont encore présentes et n’ont pas été évoquées par le roi.


 

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