LIVRES / SACRÉ FOOT !

           par Belkacem Ahcene-Djaballah 

                                                                                      Livres

La fabuleuse histoire de la Coupe d’Afrique du Nord. Les carnets secrets de la séduisante Mauresque, 1930 -1956. Ouvrage documentaire de Ahmed Bessol Lahouari et Nazim Bessol.Media Sports Editions, Alger, 2021, 206 pages, 1300 dinarsElle est née en 1930… le jour de la célébration du centenaire de la présence coloniale en Algérie… un centenaire douloureux pour les musulmans d’Algérie ! «Je suis une belle mauresque fixant l’horizon avec un plateau d’offrandes sur la tête (… ). J’ai la couleur du sable du désert. Je porte un «seroual» qui dessine agréablement mes formes et il m’arrive jusqu’aux chevilles (…). Sur mon côté droit un sabre montre que je suis une guerrière nourricière et généreuse» (p 3). Elle, c’est la sculpture qui orne la nouvelle Coupe d’Afrique du Nord de football (englobant l’Algérie colonisée, le Maroc et la Tunisie sous protectorat… le tout avec cinq ligues : Tunisie, Constantinois-Algérois- Oranie-Maroc) ). Les occupants ont bien choisi le moment pour tenter de s’imposer face à la Coupe de France qui déjà fait courir les foules (à noter que la première Coupe du monde a eu lieu en Uruguay en 1930, avec une équipe de France comprenant deux joueurs natifs d’Afrique di Nord). C’est évident, la nouvelle instance, l’Union des Ligues Nord-africaines de football étant présidée par Louis Rivet, un des membres fondateurs de l’Us Blida.

Au départ aucun footballeur musulman.Il a fallu attendre une année après pour assister à l’apparition des footballeurs «indigènes», entre autres dans la sélection d’Oranie. Par la suite, les clubs musulmans vont être créés non sans difficultés et conditions (ex: intégrer des joueurs européens). Le combat nationaliste va alors s’y retrouver et comme signes de reconnaissance et de ralliement, il y a, d’abord et avant tout, les appellations et les couleurs adoptées : Mouloudia, Espérance, Wydad…, le vert, le blanc, le rouge… La suite est une longue et parfois belle, parfois heurtée, histoire de rencontres au sein desquelles la politique est souvent, sinon toujours, invitée, tout particulièrement avec le temps qui passe, les publics qui gonflent surtout du côté «indigène» et la montée en puissance du sentiment nationaliste face aux comportements sinon racistes du moins méprisants des ‘Pieds noirs’, dont la quasi-totalité des clubs (pas tous) était financée et soutenue par les gros et grands colons.

1956, la finale USMBA-SCBA n’est pas jouée. Les clubs «musulmans» arrêtent les compétitions et bien des joueurs rejoignent le maquis et le FLN/ALN. C’est aussi la fin de l’Unalf, les Ligues de Tunisie et du Maroc cessant leurs activités et se transformant en Fédérations. Le football du temps des colonisés, c’est fini !

1962 : Les ‘Pieds-noirs’ emmènent dans leur valise la Coupe… .qui se trouve actuellement au Centre sportif de Clairefontaine (baptisé Fernand Sastre, un natif de Kouba)

Les Auteurs : Bessol père et fils, tous deux journalistes sportifs, déjà auteurs de plusieurs ouvrages spécialisés… tout particulièrement dans le footbal. Le père est (comme son défunt père, Bessol Mohamed, membre fondateur de l’USMO, alors joueur-entraîneur et Sg du club) un ancien footballeur (international junior et accession du MCO en Nationale «Une»). Il fut journaliste à «La République», à l’ «APS». Il anime, avec son fils, la revue «Botola»…

Table des matières : Présentation de la Mauresque (Note : 1930) / Il était une fois le CDJ/ 20 chapitres/ La 20ème édition n’aura pas lieu. Note: 1956/ L’adieu à la belle Mauresque/Les résultats/ Index des noms/Remerciements.

Extraits : «Charles El Kabbach est le premier agent de joueurs d’Afrique du Nord… Son fils, l’Oranais Jean Pierre passionné de football ne suivra pas ses traces et préférera une brillante carrière de journaliste» (p 43).

Avis : Pour la première fois, un livre d’histoire du foot en Algérie-fourmillant de détails- à partir d’une épreuve concernant certes directement la «présence coloniale» mais qui à travers cela, a démonté un mécanisme au départ d’exclusion lequel, par la suite, récupéré par des hommes (joueurs, entraîneurs, en Algérie même ou en tant que professionnels en France) et/ou des équipes, a préparé le terrain au sport – en particulier le foot, vu sa popularité et l’engagement des supporteurs- comme arme de combat lorsqu’il s’est agi de libérer le pays. Autre qualité de l’ouvrage… ne plus laisser le champ libre au «historiens» français d’outre Méditerranée écrire ou raconter comme ils l’entendent excluant, minorisant ou méprisant les «indigènes», et décrivant l’Algérie colonisée comme une terre édénique… grâce… à la France.

Citations : «Je (la Coupe) sers d’alibis aux clandestins politiques recherchés par la police. Pour se déplacer, rien de plus facile pour eux que de prendre le train ou le bus des supporters dans lesquels, les militants n’hésitent pas à transporter de gros sacs où l’on est censé trouver de la nourriture pour le voyage alors qu’il s’agit de tract et d’armes (…). Les clubs (musulmans) sont sollicités pour multiplier les matches amicaux entre frères maghrébins» (p130)

C’était le Mouloudia des Hamraoua, 1946-1956. Récit de Ahmed Bessol Lahouari. Médias Sports Editions, Alger 2020, 207 pages, 600 dinars (Fiche de lecture déjà publiée. Pour rappel)

Il est né le 14 mai 1946 sous le nom de Mouloudia Club Oranais ( MCO). Une «ouaâda» est organisée… grâce à la participation financière des petits commerçants du quartier, El Hamri. Une grande et belle aventure allait commencer… avec des hauts et des bas comme pour tous les clubs algériens musulmans de l’époque car les terrains étaient trustés par des équipes pour la plupart composées de joueurs d’origine européenne, les «indigènes» étant certes tolérés, en tout petit nombre, bien que dans la communauté musulmane les talents étaient plus que nombreux et bien meilleurs (pas seulement dans le foot, la boxe – sorte de tremplin idéal pour s’ouvrir les portes d’une vie décente – attirant beaucoup de jeunes).

Bien sûr, il y avait déjà l’USMO, un club possédant déjà un palmarès impressionnant fondé le 1er mars 1926, mais… bref, passons (il était financé par des «nantis»… et le «petit peuple oranais se contentait de remplir les gradins»).

L’USMO restait donc un mirage ne reflétant pas la réalité du terrain, surtout celle des innombrables bonnes graines et des incroyables talents de la balle ronde se contentant, pour les malchanceux, la majorité, de pratiquer le foot dans la rue et dans des terrains vagues avec des balles en chiffon… le ballon coûtant cher, et trop lourd pour les chaussures non adaptées, en général des «baskets» pour les moins infortunés ou généralement, les pieds nus. Sur les seize clubs qui disputaient alors le championnat de l’élite, ils n’étaient que deux clubs musulmans, l’autre club étant l’USMBA (Sidi Bel-Abbès).

Le démarrage ne fut guère aisé et les sélectionneurs, dont Bessol Mohamed, membre fondateur du club, joueur-entraineur et Sg du club, peinèrent pour dégager les meilleurs (le désir de jouer et la seule volonté ne suffisant pas) : bonne technique, bonne touche de balle… et aussi et surtout la capacité d’évoluer 90 mn dans un stade aux dimensions réglementaires.

Premier match… en championnat de district de la ville d’Oran, le dernier palier du système de compétition sur les cinq existants. au stade de l’USMO… contre le Liberté Club Saint Pierrois, issu d’un quartier du centre-ville. Maillot rouge, culotte blanche… et bas verts (les bas bleus de la première mi-temps ayant été changés. A noter que la couleur verte n’était pas prévue dans les statuts).

La suite est une grande aventure, souvent belle, avec des victoires et noms lumineux qui font encore rêver de nos jours (pas seulement dans le football mais aussi dans d’autres disciplines comme la boxe et le cyclisme, et la saison 1954-1955 restera certainement, pour les anciens, la plus belle de l’histoire du club et la plus enthousiaste avec l’accession en Promotion, un rêve de jeunesse des dirigeants d’El Hamri, «toujours sur le pont depuis 1946»), parfois douloureuse (avec des défaites, bien sûr) et dramatique avec une grande mi-temps, celle de l’arrêt de participation aux compétitions durant la guerre de Libération nationale, suite à l’appel du FLN au boycott… et la participation à une autre compétition autrement plus délicate et dramatique… avec des centaines de martyrs, joueurs (dont des cadets et des ju



niors qui rejoignent le FLN/ALN), dirigeants et supporters. El Hamri en camp retranché, une autre Casbah en lutte !

Juillet 62. L’Indépendance du pays… Les entraînements reprennent dans une cour d’école (Avicenne)… L’accession en nationale «Une» durant la saison 63-64… L’aventure continue.

Note complémentaire : je ne peux m’empêcher de reprendre de l’ouvrage une anecdote assez piquante (p 89) dont je conseille la lecture : celle de «Belkacem dit «El Khane», qui met K.o Ben Bella.».Ce dernier, défenseur central, portait alors les couleurs de l’équipe locale de Maghnia… et s’en était pris, à la fin de la rencontre à un supporter hamraoui. Mal lui en pris… la suite de l’histoire, après l’indépendance, est à savourer.

L’Auteur : Voir plus haut Sommaire : Prologue/ 34 chapitres allant de la naissance du Mouloudia à l’appel du FLN au boycott, en passant par la grande famille du Mouloudia et El Hamri en camp retranché

Extraits : «L’avenir immédiat du Mouloudia n’est pas de gagner des titres, mais de mobiliser la jeunesse pour une grande œuvre qui dépasse les stades» (Abouna Omar, premier président du MCO…)

Avis : Un ouvrage un peu trop… riche en informations L’idéal c’est de voir édités des ouvrages du même genre retraçant les parcours, parsemés d’embûches… et de sacrifices, des clubs sportifs (football et autres) algériens… musulmans, durant la période coloniale ; la plupart, sinon la totalité ayant arrêté les compétitions dès le déclenchement de la guerre de Libération nationale… et presque tous comptant des martyrs de la Révolution Commentaire très personnel : Quand on voit les parcours et les sacrifices des anciens dirigeants (et ce jusqu’aux années 80) comparés à ceux des nouveaux dirigeants du sport dit pro’ (certes nécessaire pour dégager des élites), on a l’impression de vivre sur une autre planète où la pratique sportive est le cadet des soucis et l’affairisme et le gain facile, rapide la priorité

Citation : «Le football est le seul sport où le piston n’existe pas. Ou tu sais jouer ou tu ne sais pas et alors tu vas choisir un autre sport» (Les supporters, p 31)

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