Rencontre avec Taha Merghoub, brillant chercheur algérien aux USA

   

 

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De Ghardaïa jusqu’aux laboratoires de renom aux Etats-Unis, en passant par l’Université de Bab Ezzouar d’Alger, le Professeur Taha Merghoub a tracé un chemin parsemé d’accomplissements dans le domaine de la recherche médicale.

Le Professeur en Recherche en Immunologie possède un brillant palmarès, fruit de nombreux efforts. Il vient d’être nommé Directeur-Adjoint du Sandra and Edward Meyer Cancer Center aux Etats-Unis.

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Il n’en oublie pas pour autant son pays et garde un lien très fort avec l’Algérie. Taha Merghoub se livre à nous sur son parcours exceptionnel. Portrait.

Ghardaïa, là où tout a commencé pour Taha Merghoub…

Enfant de Béni Izguen, un village de la wilaya de Ghardaïa, Taha Merghoub a grandi dans la capitale de la vallée du M’zab. Il a fait sa scolarité dans l’école publique algérienne, à l’issue de laquelle il va décrocher son Baccalauréat en Sciences en 1987 à l’issue de ses trois années au Lycée Moufdi Zakaria.

Puis, il se rend à Alger pour intégrer l’USTHB. Là-bas, il va décrocher son diplôme d’études secondaires (DES) en génétique. Taha Merghoub, dont le père était médecin, a grandi avec le désir de faire de la science.

« Mon père était médecin. Je voulais rester dans le domaine. Mon choix s’est porté sur la science car je voyais mon père travailler sans arrêt en médecine. C’était naïf, la recherche, c’est encore pire… », raconte-t-il.

 

En effet, très vite, le futur chercheur va se rendre compte de l’ampleur de ses ambitions et cela dès son projet de DES à l’université de Bab Ezzouar. Le professeur s’était alors porté sur la réalisation d’une enquête épidémiologique à Ghardaïa.

Les premiers pas dans la recherche

Les premiers pas de Taha Merghoub dans la recherche se sont faits avec cette étude, en découvrant un variant de l’hémoglobine D-Ouled Rabah. Cette « surprise » donnera d’ailleurs lieu à une publication dans l’European journal of human genetics, lorsqu’il se rendra en France pour continuer ses études.

Taha Merghoub effectue sa maîtrise en biologie et génétique appliquée à l’université de Paris 7, où il s’intéresse à la différenciation hépatique. Il obtient son doctorat en génétique humaine.

Durant sa thèse de doctorat, Taha Merghoub se penche sur la thérapie génique sans changer les gènes. Sa démarche, ciblant principalement les personnes atteintes de drépanocytose, consiste à éteindre le gène adulte et exprimer le gène qu’on a lorsqu’on est enfant.

 Un post-doctorat à la « Mecque de la Science »

Intéressé et intrigué par les laboratoires américains, Taha Merghoub se rend aux Etats-Unis, où il va travailler dans la continuation de l’orientation de sa thèse.

Le temps passe et le Professeur se trouve un intérêt pour un laboratoire spécialisé dans le cancer . Ce domaine, encore nouveau pour lui, lui permet de travailler et de se former sur les cancers et de développer une vision de la Recherche différente de ce qu’il a connu jusque-là.

Durant ses cinq premières années au Memorial sloan Kettering cancer center à New York, Taha Merghoub s’est détaché du modèle français pour adopter l’approche américaine, plus tournée sur les résultats concrets et immédiats.

Dans les années 2000, Taha Merghoub collabore dans un laboratoire qui travaille sur le mélanome (cancer de la peau) et ce, malgré les différentes opportunités qui s’offrent à lui dans d’autres domaines, comme le génome. Il se focalise alors sur l’interaction entre le système immunitaire et les tumeurs.

« Même si la communauté scientifique considérait cela comme un exercice intellectuel et pas forcément quelque chose qui allait mener vers une thérapie, je suis allé vers quelque chose qui m’intéressait », explique le Pr Taha Merghoub.

Au fil des années, ce qui n’était qu’un concept académique deviendra petit à petit une réelle thérapie, dont les essais cliniques d’une des immunothérapies sera approuvée en 2011, marquant le début de l’explosion dans ce domaine.

Cette étape, que le Professeur Taha Merghoub qualifie de « virage décisif » pour la recherche dans ce domaine, donne lieu à l’approbation d’autres thérapies et protocoles et a servi de base pour des avancées scientifiques concrètes que les gens connaissent et adoptent aujourd’hui.

Sur sa lancée, le Pr Merghoub allie sa spécialité antérieure à son nouveau domaine en proposant une corrélation entre la génétique et l’immunothérapie.

Dans la foulée, le laboratoire s’est développé et d’autres collaborateurs se sont joints à l’aventure. Cette avancée a également été ponctuée d’une étape clé dans la carrière de Taha Merghoub, qui est passé du rang de maître-assistant à celui de Professeur titulaire, le plus haut grade académique atteignable.

A l’issue de son post-doctorat à New York, Taha Merghoub confie avoir eu l’envie de retourner en Algérie si ce n’était le contexte socio-politique instable de la décennie noire qui ne permettait pas en l’état de faire de la recherche scientifique une priorité qui aurait réuni tous les éléments nécessaires pour continuer à mener à bien le travail déjà mené jusqu’alors.

Une nouvelle aventure commence pour Taha Merghoub

Une nouvelle ère s’est dessinée au Professeur Merghoub lorsque, il y a un an, plusieurs établissements de renom se sont intéressés à lui, notamment l’université Weill Cornell. Le Centre Médical, situé à Manhattan, fait partie du groupe Ivy League universities, qui regroupe les universités les plus cotées aux Etats-Unis.

Ainsi, il reçoit le titre honorifique du « track Professor in pharmacology » et est nommé directeur adjoint du Sandra and Edward Meyer cancer center, où il participe, depuis le 15 septembre, à la direction du centre et à l’application de sa vision de la recherche translationnelle.

Une des attractions de ce centre, explique le Professeur Merghoub, est le public qu’il vise. En effet, le Sandra and Edward Meyer Cancer Center vise non seulement l’application des meilleurs traitements et à casser le code de cette maladie meurtrière, mais aussi à les rendre accessibles au grand public. « L’un des buts de cette organisation, c’est d’aider les minorités. Et ça, ça me plaît », confie-t-il.

Algérie : une collaboration scientifique en temps réel

Lorsqu’il évoque l’Algérie, son pays natal, le Pr Merghoub parle d’une envie de faire profiter les Algériens de son savoir et de celui des grands noms de la science. Pour cela, il a entrepris différentes actions pour faire venir ses connaissances en Algérie.

« Lorsqu’on fait un voyage, en rentrant, on ramène des souvenirs à ses proches. Moi, je suis en train de faire un grand voyage, et mes souvenirs je les partage tout au long de ce grand voyage, à chaque escale, à chaque occasion qui se présente, dès que je le peux », explique-t-il.

En partenariat avec l’Algerian American Foundation (AAF-CEST), dont il est membre, Taha Merghoub a mis en place ce qui sera baptisé l’« AAF Summer University » (L’Université d’été de l’AAF).

Son but est d’animer des séminaires de façon périodique et en temps réel en Algérie, afin d’initier les Algériens aux technologies et de partager les dernières avancées scientifiques dans le Monde.

La première édition de l’AAF Summer University s’est tenue durant l’été 2018 a été organisée en partenariat avec l’USTHB à Bab Ezzouar. Pendant une semaine, trente enseignants venus de différentes régions du pays et des quatre coins du monde ont donné des conférences à plus de 300 étudiants. Les cours ont englobé trois domaines : les réseaux intelligents,  biologie, biotechnologie et santé, génie Civil et architecture.

En 2019, l’événement a été organisé dans sa deuxième édition à Batna en partenariat avec l’université Batna 2 Mostefa Benboulaïd, avec l’ajout des énergies renouvelables et intelligence artificielle. Puis, l’AAF Summer University a dû s’adapter à la pandémie mondiale de Covid-19 durant les deux années qui ont suivi tout en continuant à grandir avec l’ajout de la cybersécurité.

Cette année, une cinquième spécialité a encore été ajoutée au programme : le génie mécanique. L’AAF Summer University a accueilli 600  participants, sélectionnés sur candidature, entre la première session qui s’est déroulée les 26, 27 et 28 août et la seconde les 9, 10 et 11 septembre.

Avant l’université d’été, Taha Merghoub a créé une fondation médicale à Ghardaïa en 1998. Cette fondation a été baptisée « Centre Talwit du Dr Salah Merghoub », en mémoire de son défunt père, et a pour but de rapprocher et faciliter l’accès aux soins médicaux pour les personnes qui n’en ont pas les moyens.

« On a essayé de faciliter l’accès aux soins médicaux notamment aux femmes  tout en les sensibilisant aux différentes maladies qui les touchent, comme les cancers du sein et du col de l’utérus. On a commencé par des conférences, puis on a ramené des médecins », détaille le Pr Merghoub.

Concernant ses projets en Algérie, le Pr Merghoub espère contribuer à la mise en place de centres d’excellence dans le domaine du développement de traitement et de la recherche.

« Il y a un potentiel humain énorme en Algérie »

Le Pr Taha Merghoub porte un regard optimiste et plein d’espoir sur l’avancée du domaine scientifique en Algérie. Il évoque un potentiel humain énorme et insiste sur l’importance d’investir dans la ressource humaine et dans la recherche.

« On doit investir dans la ressource humaine et faire des projets qui correspondent à la réalité algérienne en matière de moyens à disposition et de besoins », soutient-il.

Un autre point qu’il souligne est l’importance de cibler des domaines porteurs pour l’Algérie et non pas de copier intégralement ce qui se fait dans d’autres pays. Pour Taha Merghoub, il est primordial d’identifier les besoins du pays dans un domaine et d’essayer de répondre à des « questions algériennes ».

« Il faut que la solution algérienne soit basée sur l’excellence et sur l’obligation de résultats », ajoute-t-il. Pour le professeur Merghoub, la devise est simple : faire son travail et le faire bien.


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