Tourisme : Les paradoxes du marché algérien

par Yazid Alilat.  14.01.2019

Encore en friche, le marché touristique algérien offre de réelles opportunités pour les investisseurs, comme pour les professionnels d’un secteur qui renaît et affiche de grandes ambitions de développement et de croissance. 

Après plusieurs décennies à végéter, le secteur du tourisme a bénéficié de l’aide publique autant pour la construction d’infrastructures que pour faciliter les investissements au cours des dernières années. Selon le ministère du Tourisme, il y a actuellement plus de 2.112 projets touristiques, alors que les prévisions de réalisation portent sur plus de 270.000 lits, dont plus de 100.000 lits sont en cours de réalisation. En fait, si les potentialités touristiques de l’Algérie ne sont plus à démontrer ou à inventer, il y a la problématique générale de réorganiser ce secteur, et de le remettre sur rails. Pour autant, ‘’les perspectives du tourisme paraissent bonnes et encourageantes en surface, mais en profondeur, elles sont pessimistes », estime M. Said Boukhelifa, président du syndicat algérien des agences de voyage dans un entretien au Quotidien d’Oran. ‘’ Si on annonce beaucoup d’investissements hôteliers, soit plus de 270.000 lits (Capacité actuelles de la Tunisie qui ont été construites graduellement) en 40 ans, cela reste toujours, pour beaucoup, des projets non ficelés, non fiables et non viables », souligne t-il. Sur les opportunités pour développer le secteur, M. Boukhelifa estime que le ministère du Tourisme est ‘’esseulé, victime de l’absence d’inter-sectorialité, qui implique le Transport, la Culture, les Collectivités locales, les Finances, la Défense et les Affaires étrangères pour les visas. » Il ajoute, qu’en 2014, ‘’le président Bouteflika, avait instruit le premier ministre Abdelmalek Sellal de réanimer les secteurs de l’agriculture et du tourisme, après la chute du prix du baril de pétrole. Le paradoxe, c’est que cinq mois après, il y a eu un changement de gouvernement et au lieu de renforcer ce ministère, on le dissout et on le rattache, à l’aménagement du territoire et de l’environnement ». Par contre, il estime que les agences de voyages ‘’ont un grand rôle à jouer à moyen et long termes. Car au nord et au niveau des hauts plateaux, beaucoup manquent de professionnalisme, alors qu’au sud et au grand-sud, elles sont professionnelles, car elles font uniquement du réceptif, dans leurs féeriques régions qu’elles connaissent pierre par pierre. » Par contre, le président des agences de voyages estime qu’il n’existe pas ‘’de niches de tourisme de masse pour notre pays, car la massification de notre destination est impossible, parce que c’est le tourisme balnéaire qui peut générer les flux de masse. » Or, ce tourisme balnéaire ‘’est boycotté par les tours opérateurs étrangers depuis les années 1990 », et ‘’il est souffrant ». Fatalement, ‘’les nationaux fuient en été ailleurs, notamment chez nos voisins de l’est. » Selon M. Benkhelifa, il y a ‘’deux formes de tourisme à court terme, qui peuvent être proposées aux touristes algériens, le sud (les Oasis et la Saoura) et l’extrême-sud (Hoggar et Tassili), et le tourisme culturel, grâce à nos 21 sites romains, dont la majorité demeurent méconnus. » 

En fait, ‘’le marché touristique algérien ne peut être que prometteur », estime de son côté M. Hadj Nacer Aflah, patron de l’agence de voyage ‘’Ziryab ». Il a expliqué samedi dans une déclaration au Quotidien d’Oran que le marché du tourisme algérien est ‘’prometteur », car l’Algérie est ‘’classée parmi les neuf meilleures destinations touristiques au monde ». En outre, ‘’l’Organisation Mondiale du Tourisme a classé notre pays comme une destination touristique d’avenir ». Donc, ‘’autant d’atouts pour le tourisme algérien ». M. Hadj Nacer Allah explique d’autre part que ‘’l’Algérie est un pays attractif et neuf car il n’a pas connu les mauvaises habitudes de touristes qui dénaturent l’environnement. Il y a un réel potentiel pour tous les goûts, que ce soit pour le tourisme d’aventure, d’affaires, culturel, balnéaire, thermal,… etc. » Mais, ajoute t-il, il faut que ‘’l’infrastructure suive. Et, surtout, que les hôtels soient aux normes et au standard internationaux ». Il a ainsi relevé avec satisfaction qu’en termes d’infrastructures hôtelières, ‘’il y a des inaugurations chaque jour. De grandes enseignes hôtelières s’installent en Algérie. » Par contre, ce voyagiste estime qu’en termes d’infrastructures, ‘’il y a des investissements locaux à revoir, car ils ne répondent pas aux normes internationales », et donc ‘’le ministère du Tourisme doit intervenir pour réglementer les constructions hôtelières et, surtout, imposer un cahier des charges strict conforme aux standards internationaux ». M. Hadj Nacer Allah estime en outre que l’infrastructure hôtelière doit répondre, pour faire ressortir les caractéristiques culturelles et architecturales de chaque région du pays, notamment pour les villes du sud, à certaines exigences architecturales. ‘’A Ghardaïa par exemple, on ne peut construire un hôtel sous forme d’immeuble, mais construire une structure qui réponde au cachet architectural et social de la région ». ‘’Le respect des normes architecturales locales est un impératif pour mettre en relief les potentialités culturelles, sociales et touristiques des territoires », relève t-il encore. 

Par ailleurs, sur les destinations touristiques des Algériens, Hadj Nacer Allah les classent en deux catégories: ‘’il y a les départs vers des pays comme la Turquie, la Tunisie et l’Egypte en été, car ces pays offrent un meilleur rapport qualité / prix que le marché local. Ici, les prix sont excessifs, ce qui pousse les touristes algériens à chercher, pour le tourisme balnéaire, les meilleures destinations à prix discount. » En plus, ‘’les infrastructures hôtelières sont dans beaucoup de cas à revoir du côté des normes et des offres de services », relève par ailleurs ce tour opérateur pour qui ‘’les pouvoirs publics doivent intervenir pour réglementer autant les normes de construction d’infrastructures hôtelières, que d’offrir de meilleures conditions pour l’accueil et l’hébergement des touristes. » ‘’Le ministère du Tourisme et les pouvoirs publics doivent en fait inverser la tendance, pour qu’il y ait plus de tourisme local, sous toutes ses formes, et moins de tourisme à l’international, même régional ». ‘’Là, le secteur peut apporter sa contribution pour promouvoir la destination Algérie, et représenter une autre ressource économique » pour le pays. En 2018, près de deux millions de touristes ont visité l’Algérie, soit une hausse de 18% par rapport à 2017, selon le ministère du Tourisme. 

Tlemcen : De nouveaux horizons pour le tourisme

par Khaled Boumediene

Le minaret de Mansourah (Tlemcen)

La rencontre de concertation et d’échange sur le projet «Tourisme rural: route de l’olivier» organisée jeudi dernier par l’antenne de l’assistance technique d’appui au programme PAP-ENPARD Algérie (Programme cofinancé par l’Algérie et l’Union européenne) à l’institut national de formation professionnelle de Tlemcen, a permis aux élus, aux membres du mouvement associatif, aux représentants des chambres de l’agriculture, l’artisanat et des métiers, la réserve de chasse, et des directions des forêts et du tourisme, d’aborder la valorisation des produits agricoles, touristiques, artisanaux et forestiers de la zone identifiée, notamment le projet principal porteur de l’olivier au niveau des localités de Sabra et Béni Snous, qui sont très réputées pour leurs produits de terroir et leur savoir-faire. Outre le développement des territoires ruraux et méthodes participatives en vue d’accompagner les acteurs économiques dans leurs activités pour améliorer le revenu et l’emploi, le travail des participants organisés sous forme d’ateliers, a porté essentiellement sur l’identification des ressources à rénover pour la mutualisation de l’ensemble du potentiel régional, pour notamment faire émerger de nouvelles idées valorisantes pour la route de l’olivier et promouvoir les activités à caractère artisanal. 

Selon le chef du projet «PAP-ENPARD ALGERIE» de Tlemcen, Réda Allal, des recommandations ont été formulées à l’issue de cette manifestation. Pour le circuit, les participants ont proposé de compléter la route vers Tafessera, Aïn Ghoraba et Sebdou, et penser à un circuit touristique en boucle (retour vers Tlemcen), reboiser les arbres d’olivier sur la route (par des associations locales et randonneurs), exploiter le barrage de Béni-Bahdel pour des activités de plaisance, sportives, rénover des sites culturels, historiques sur ce site, mettre en place une table d’hôte «Khaïma» de Béni Snous, identifier les arbres millénaires, intégrer la dimension environnementale, et intégrer les plantes aromatiques et médicinales (PAM). Concernant l’hébergement atypique, chambres d’hôtes et tables d’hôtes, les participants ont mis l’accent sur l’organisation des journées portes ouvertes pour la sensibilisation sur la formule du logement chez l’habitant et la table d’hôte avec la participation des différents secteurs (formation professionnelle, agriculture), la vulgarisation de la réglementation en vigueur (foncier agricole), l’élaboration d’une charte du logement chez l’habitant, la proposition d’hébergement à la ferme au niveau de Sabra, ainsi que dans le vieux village de Ouled Belahcène (Béni-Bahdel). S’agissant de l’artisanat, il a été mis en relief la valorisation des métiers traditionnels (halfa, poterie, gastronomie traditionnelles), la formation de formateurs sur l’ébénisterie bois de l’olivier (échange d’expérience avec Sétif et Bordj Bou-Arreridj), la mise en place d’une carte de formation-métiers adaptée à la région, la formation à la production du savon artisanal et autres produits dérivés, le renforcement des artisans locaux, notamment pour la confection de paniers gourmands, le développement de la gastronomie de la région (mettre en valeur les spécificités de la région) en mettant l’accent sur l’olive et le mise en place d’ateliers vivant d’artisanat. 

Pour les huileries, les recommandations ont porté sur la mise en place au niveau des huileries de vitrines commerciales et boutiques des produits du terroir, l’organisation des visites d’huileries (se préparer à l’accueil), l’intégration et la valorisation des grignons d’olive et autres déchets. 

Par ailleurs, des recommandations ont porté sur la société civile, les associations, les collectivités locales pour accompagner les associations communales pour le développement local (AGR) et les fédérer autour du projet, impliquer des animateurs du parc national, accompagner les APC pour le développement local durable, sensibiliser au niveau des écoles et mosquées, sensibiliser sur le nettoyage des villages (réhabilitation des façades), mettre en place une signalétique (panneaux, logos, balisage de la route etc.), mettre en place des toilettes publiques, créer des aires de stationnement, de détente, de services et de vente de produits de terroir, créer un prototype de gîte touristique. Pour le volet formation-entrepreneuriat, il a été mis l’accent sur l’encouragement de la création de micro-entreprises de produits et de services, la sensibilisation des étudiants à l’entrepreneuriat rural et l’implication des maisons de l’entrepreneuriat, l’intégration du tourisme rural dans la formation à l’Université et la formation professionnelle. Pour la visibilité et le marketing, les recommandations émises ont concerné l’élaboration d’un guide avec agenda des principales dates et événements, le rôle des associations dans la promotion (inviter des associations d’autres wilayas), l’organisation d’expositions et marchés, la mise en place d’un musée équipé par des dotations et le développement des offres commerciales. Les participants ont insisté sur la mise en place d’un comité de concertation local de suivi du projet, la mise en place de l’association « Route de l’Olivier » : collectivités locales, PNT et société civile, le classement de la route et l’interconnexion avec les réseaux et circuits euro-méditerranéens, et la création d’une page sur Facebook : Tourisme Rural Tlemcen (https://www.facebook.com/tourismeRuralTlemcen). Cette page permettra selon les participants la diffusion des informations relatives au suivi du projet ainsi que le partage d’idées, les initiatives et les recommandations. 


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