L’Union européenne amorce sa dissolution

Le Traité du Quirinal, conclu par la France et l’Italie, ainsi que le projet de gouvernement du prochain chancelier allemand, Olaf Schotz, sont incompatibles avec l’histoire de l’Union européenne. Paris et Berlin viennent de poser des actes concrets qui ne peuvent qu’amorcer l’inévitable dissolution de l’Union européenne.

Ufficio Stampa Presidenza della Repubblica
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À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Winston Churchill imagina un système permettant aux Anglo-Saxons de s’assurer que l’Europe occidentale ne tomberait pas dans les mains de l’Union soviétique et qu’ils en conserveraient le contrôle. Il s’agissait de créer un marché commun européen avec les pays ruinés qui acceptaient le Plan Marshall [1].

Les États-Unis et le Royaume-Uni avançaient alors de concert. En quelques années, ils jetèrent les bases de notre monde : l’Otan est une alliance militaire dominée par eux, tandis que ce qui est devenu l’Union européenne est l’organisation civile pour leurs alliés. Certes, les membres d’une institution ne sont pas nécessairement membres de l’autre, mais il n’en reste pas moins que, basées à Bruxelles, l’une et l’autre sont les deux faces d’une même médaille. Les services communs des deux structures sont discrètement installés au Luxembourg.

Après la crise entre Washington et Londres lors de l’expédition de Suez, le Royaume-Uni qui était en train de perdre son Empire, décida d’entrer dans ce qui n’était pas encore l’Union européenne. Si Harold Macmillan échoua en 1958, Edward Heath y parvint en 1973. Mais l’équilibre des forces évoluant encore, le Royaume-Uni quitta l’Union européenne fin 2020, se tournant à nouveau vers son ancien Empire (« Global Britain »).

Tous les documents de l’Union européenne sont traduits dans chaque langue officielle des pays membres. Plus l’anglais qui en est devenu la langue officielle alors qu’il ne l’est plus d’aucun de ses membres. Ce n’est pas parce que les Britanniques en ont fait partie, mais parce que l’Union est sous la coupe de l’Otan ainsi que le précise l’article 42, paragraphe 7 du Traité sur l’Union européenne modifié par le Traité de Lisbonne (qui a remplacé par la force le Traité constitutionnel rejeté par les peuples) [2].

L’Allemagne, qui fut occupée par les quatre vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1990, c’est-à-dire après sa réunification, s’est toujours satisfaite de ne plus être une puissance militaire. Aujourd’hui encore, ses services secrets, réorganisés par les USA avec leur ancien personnel nazi, leur sont toujours tout dévoués, tandis que le Pentagone y dispose de très importantes bases militaires avec fiction d’exterritorialité.

La France, au contraire, rêve d’indépendance militaire. C’est pourquoi Charles De Gaulle, qui avait été le leader de la France Libre durant la Seconde Guerre mondiale, la fit quitter le commandement intégré de l’Otan, en 1966. Mais Nicolas Sarkozy, qui avait été élevé adolescent par le fils du créateur états-unien du réseau Stay-behind de l’Otan (« Gladio »), la réintégra en 2009. Aujourd’hui, les opérations extérieures de l’armée française sont donc, en pratique, commandées in fine par des officiers états-uniens.

Durant des années, l’Allemagne et la France prirent le leadership de ce qui est devenu l’Union européenne. François Mitterrand et Helmut Kohl imaginèrent de transformer le marché commun en un État supranational —toujours vassal des États-Unis— capable de rivaliser avec l’URSS et la Chine : l’Union européenne. Cette structure, à la quelle les États-Unis exigèrent que les anciens membres du Pacte de Varsovie adhérent en même temps qu’ils rejoignaient l’Otan, devint une bureaucratie colossale. Malgré les apparences, le Conseil des chefs d’État et de gouvernement n’est pas un super-gouvernement, mais une chambre d’enregistrement des décisions de l’Otan. Celles-ci sont élaborées par l’Alliance atlantique —toujours dominée par les États-Unis et le Royaume-Uni—, puis transmises à la Commission européenne, soumises au Parlement et en définitive ratifiées par le Conseil.

Il faut bien comprendre que l’Otan à vocation à se mêler de tout : de la composition du chocolat (il y a une barre de chocolat dans la ration du soldat) à la construction des ponts (ils doivent être utilisables par des blindés), en passant par les vaccins anti-Covid (la santé des civils conditionne celle des militaires) ou les virements bancaires (il faut surveiller les transactions ennemies).

Les armées britannique et française étaient les deux seules qui pesaient dans l’Union européenne. Elles se sont donc rapprochées avec les Traités de Lancaster House, en 2010. Mais lorsqu’intervint le Brexit, l’armée française se retrouva encore seule, comme l’atteste la résiliation des contrats franco-australiens de construction de sous-marins au profit de Londres. La seule option qui restait à la France était de se rapprocher de l’armée italienne, pourtant deux fois plus petite que la française. C’est ce qui vient d’être décidé avec le Traité du Quirinal (2021). Cette opération a été facilitée par l’idéologie commune d’Emmanuel Macron (ancien banquier chez Rothschild) et Mario Draghi (ancien banquier chez Goldman Sachs) et leur leadership commun sur la réponse politique à l’épidémie de Covid. Au passage, on remarquera l’invraisemblable jargon politiquement correct dans lequel ce document est rédigé, très loin des traditions latines [3].

Il se trouve que dans le même temps, la chancelière Angela Merkel cède sa place à Olaf Scholtz. Celui-ci n’a que faire, ni des questions militaires, ni des déficits budgétaires français et italiens. L’accord de coalition de son gouvernement [4] aligne la politique étrangère allemande en tous points sur celle des Anglo-Saxons (USA + Royaume-Uni).

Jusqu’alors les gouvernements d’Angela Merkel luttaient contre l’antisémitisme. Le gouvernement Scholz va plus loin en s’engageant à soutenir « toutes les initiatives qui promeuvent la vie juive et promeuvent sa diversité ». Il ne s’agit plus de protéger une minorité, mais de la promouvoir.

Concernant Israël, que le Royaume-Uni et les États-Unis ont créés dans une logique impériale [5], le nouvel accord stipule également que « la sécurité d’Israël est un intérêt national » de l’Allemagne, et promet de bloquer « les tentatives antisémites de condamner Israël, y compris à l’ONU ». Il déclare que l’Allemagne continuera à soutenir la solution à deux États du conflit israélo-palestinien (c’est-à-dire qu’elle s’opposera au principe « un homme, une voix ») et se félicite de la normalisation des relations entre Israël et les pays arabes. Ce faisant, le gouvernement Scholz enterre la politique traditionnelle du SPD, dont le ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel (2013-18), qualifiait le régime israélien d’« apartheid ».

Olaf Schotz est un avocat préoccupé de faire fonctionner l’industrie de son pays sur la base d’un compromis entre les ouvriers et le patronat. Il n’a jamais trop été présent sur les questions internationales. Il a désigné la juriste verte Annalena Baerbock comme ministre des Affaires étrangères. Elle n’est pas seulement une partisane des énergies décarbonées, mais un agent d’influence de l’Otan. Elle soutient haut et fort le principe de l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan et à l’Union européenne. Elle est opposée à la Russie et donc refuse le gazoduc Nord Stream 2 et encourage le projet de terminaux gaziers pour importer du gaz des États-Unis par méthaniers malgré le prix exorbitant de ces installations. Enfin elle qualifie la Chine de « rival systémique » et soutient tous ses séparatismes, taïwanais, tibétains et ouïghours.

Il est prévisible que les politiques de Berlin et de Paris vont donc lentement s’éloigner jusqu’à faire ressurgir le conflit qui opposa les deux pays, causant trois guerres de 1870 à 1945. Contrairement à la publicité, ainsi que je l’ai rappelé plus haut, l’Union européenne n’a pas été créée pour assurer la paix en Europe occidentale, mais pour stabiliser les populations dans le camps anglo-saxon durant la Guerre froide. Le conflit franco-allemand n’a jamais été résolu. L’Union européenne, bien loin de faire la paix, a posé un édredon sur le problème plutôt que de le régler. Durant les guerres de Yougoslavie, les deux pays se sont durement affrontés militairement : l’Allemagne soutenait la Croatie, tandis que la France soutenait la Serbie. Berlin et Paris s’entendaient dans les frontières de l’Union, mais se faisaient la guerre à l’extérieur. Les spécialistes des opérations spéciales savent qu’il y a eu des morts des deux côtés.

Les politiques étrangères qui fonctionnent sont celles qui traduisent l’identité de leur nation. Aujourd’hui, le Royaume-Uni et l’Allemagne poursuivent leur route, fiers de ce qu’ils sont, pas la France qui traverse une crise d’identité. Emmanuel Macron assurait au début de son mandat qu’« il n’y a pas de culture française ». Il a changé de discours depuis, sous la pression de son peuple ; de discours, mais pas de pensée. La France a des moyens, mais ne sait plus qui elle est. Elle poursuit la chimère d’une Union européenne indépendante rivalisant avec les États-Unis alors que les 26 autres membres n’en veulent pas. L’Allemagne commet cependant une erreur en s’abritant sous le parapluie nucléaire états-unien alors que cette grande puissance est entrée en décomposition.

Il est évident que nous venons d’enter dans la phase de dissolution de l’Union européenne. C’est une chance pour chacun de retrouver sa pleine indépendance, tant cette structure est sclérosée. Mais c’est aussi, et surtout, un défi qui peut vite tourner au drame. Les États-Unis s’effondrent sur eux-mêmes et bientôt l’Union européenne n’aura plus de suzerain. Ceux qui la composent devront se positionner chacun face aux autres. Il est extrêmement urgent de commencer à nous comprendre non plus comme de simples partenaires commerciaux, mais comme des partenaires en toutes choses. Ne pas le faire conduira inévitablement à la catastrophe, à la guerre généralisée.

Chacun a pu constater que tous les membres de l’Union européenne —sauf les Anglais, mais ils sont partis— partagent des éléments culturels communs. Ces éléments sont aussi ceux de la Russie qui est plus proche de l’Union que ne l’est le Royaume-Uni. Il est désormais possible de reconstruire l’Europe comme un réseau d’États et non plus comme une bureaucratie centralisée, en s’ouvrant à ceux qui étaient artificiellement séparés par les Anglo-Saxons pour assurer leur domination sur le continent durant toute la Guerre froide. C’est ce dont parlait Charles De Gaulle lorsque, s’opposant à Winston Churchill, il déclarait vouloir l’« Europe de Brest à Vladivostok ».

[1« Histoire secrète de l’Union européenne », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 28 juin 2004.

[2Art. 42 §7 : « Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la charte des Nations unies. Cela n’affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres.
Les engagements et la coopération dans ce domaine demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, qui reste, pour les États qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre ».

[3« Traité du Quirinal », Réseau Voltaire, 26 novembre 2021.

[4Mehr Fortschritt wagen. Bündnis für Freiheit, Gerechtigkeit und Nachhaltigkeit, Sozialdemokratischen Partei Deutschlands (SPD), Bündnis 90 / Die Grünen und den Freien Demokraten (FDP), 2021.

[5« Qui est l’ennemi ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 août 2014.


    Traité du Quirinal: Italiens et Français se préparent pour le jour d’après

                                        par Abdelhak Benelhadj

   Le président français, E. Macron, s’est déplacé à Rome où il a paraphé vendredi 26 novembre avec son homologue italien, Mario Draghi, un traité géostratégique important, aussi bien dans le cadre européen que méditerranéen. Cela s’est passé dans le palais du Quirinal (sur la colline éponyme) d’où le nom du traité.(1) Il s’agit d’une première. C’est, à ce jour, l’unique traité que l’Italie a signé avec un autre pays. C’est le premier que la France signe avec un autre pays depuis le traité de l’Elysée signé avec l’Allemagne (22 janvier 1963). Le projet était en germe depuis 2018. Il n’a pu aboutir plus tôt à la fois à cause des aléas de vie politique intérieure italienne et des désaccords franco-italiens.

Question : l’axe franco-italien ainsi formalisé serait-il un complément au « couple » franco-allemand (scellé 60 ans auparavant) ou vise-t-il un équilibre anticipant l’inévitable sortie de crise pandémique au moment où l’Allemagne et les « pays frugaux » rappelleront aux Européens du sud leurs engagements à d’autres traités ?

– Que contient ce traité ?

On a eu droit naturellement aux formules emphatiques habituelles sur la « consolidation de l’amitié », les « ambitions européennes à renforcer », la « défense de valeurs communes »…

Le président italien, Sergio Mattarella, expert en rhétorique diplomatique, s’en est chargé. « Une relation plus forte entre l’Italie et la France contribue à construire une Europe plus forte, d’autant plus nécessaire aujourd’hui face aux défis que seule une Europe plus intégrée peut affronter ».

Pour ce qui concerne les domaines plus concrets, les protagonistes ont rendu publiques quelques décisions qui auraient pu être convenues sans nécessairement passer par un traité.

Les principaux dossiers traités portent sur la relance d’un Conseil franco-italien de défense et sécurité (2+2), associant les ministres de la Défense et des Affaires Etrangères, sur la mobilité étudiante, les industries culturelles, l’innovation technologique et, cela tombe sous le sens, la coopération sanitaire transfrontalière…

« Nous avons acté aussi, une vocation commune à travers les grands projets d’intérêt européen communs, qu’il s’agisse de l’hydrogène, du cloud ou du spatial. Nous actons un accord important sur le spatial, qui vient donner une nouvelle impulsion à cette industrie, si importante pour nos activités aussi bien civils que militaires, et de la clarification dans le domaine des lanceurs, jusqu’aux nouveaux projets » déclare le président français.

« Nous nous sommes aussi engagés à protéger nos systèmes agricoles. Nous sommes parvenus à une position commune sur ce point : il s’agit d’une question extrêmement importante pour nos deux pays », a répliqué le président du Conseil italien, Mario Draghi.

On pourra trouver tous les détails du traité, avec le texte intégral sur le site : https://www.diplomatie. gouv.fr/fr/dossiers-pays/italie/relations-bilaterales/le-traite-du-quirinal/

Toutefois, la nature de l’accord est profondément politique, anticipant la sortie de crise et la forme que prendra le paysage européen, notamment après la mise en place du gouvernement allemand et les présidentielles françaises.

– Contexte géoéconomique.

La France et l’Italie partagent de nombreux points communs et intérêts. Ils s’opposent sur beaucoup d’autres.

L’Italie fait face à de multiples contraintes. Elle a en particulier trois difficultés structurelles à lever.

– Un déficit démographique chronique avec une population où la part des personnes âgées augmente dans des proportions menaçant sa dynamique et son avenir économique.

– Un déficit budgétaire et un endettement excessif.

– Une productivité plus faible que celle de l’Allemagne, des Pays-Bas ou de la France.

Endettement 2020 :

On observe un creusement global de l’endettement, particulièrement plus élevé dans l’Europe du sud. Certains pays sont plus concernés que d’autres : La Grèce (206%), l’Italie (156%), le Portugal (134%) et l’Espagne 120%. La France a rejoint le top 5 des pays ayant les ratios dette publique/PIB les plus élevés de l’Union européenne.

Les dettes française et italienne sont semblables. Le poids de l’endettement dans le PIB italien, bien qu’en réduction, est masqué par les créations de richesses réalisées dans le secteur informel qui demeure important dans la péninsule. Ne pas oublier que l’endettement italien (comme ailleurs au Japon par exemple) est surtout intérieur, alors que la France est plus nettement débitrice à l’égard du reste du monde.

– L’endettement des ménages et des entreprises est aussi instructif.

D’autres facettes de l’endettement différencient les deux pays. Par exemple, les dettes privées (2020) représentent en % du revenu disponible net des ménages : 91% en Italie, 127% en France(2).

Le ratio dette/excédent des sociétés non financières (en %) (OCDE 2020) est de 7.7 en France et de 4.7 en Italie. Enfin, toujours sur ce chapitre qui aura de plus en plus d’importance dans les années à venir dans les tractations entre membres de l’Euro-zone, une comparaison qui ne manque pas d’intérêt :

En % Part dans la dette publique totale

de la zone euro Poids du PIB du pays

dans celui de la zone euro

France—–23.8—–20.3

Italie—–22.7—–14.6

Allemagne—–20.3—–29.4

Source : www.capital.fr 03 juillet 2021.

Le problème n’est pas (seulement) le niveau de la dette. Le problème c’est surtout l’endettement, la machine à fabriquer des dettes.

Déficit public (2020) :

France : -209 Mds€, soit -9.1% du PIB

Italie : -158.441, soit -9,60% du PIB3

Les déficits publics sont globalement équivalents. Il en est de même des taux de chômage, autour de 9%, même si la mesure de ce fléau compte tenu de son importance politique donne lieu à toute sorte de travestissements et de jeux statistiques sur les différentes catégories de sous emplois. Chaque pays a ses propres travers. Cependant, la différence la plus nette entre France et Italie se mesure dans les soldes commerciaux, un des principaux indicateurs de la performance des économies. Le commerce extérieur italien est structurellement excédentaire, notamment avec la France.(4) Les échanges extérieurs des deux pays sont symétriquement opposés. L’excédent commercial de l’Italie a atteint 63,5 Mds€ en 2020, en hausse par rapport aux 56,1 Mds€ enregistrés en 2019. Inversement, le déficit commercial (désormais structurel) de la France en 2020 a atteint 65,2 Mds€, soit 8 Mds€ de plus qu’en 2019.

– Contexte politique franco-italien.

Il y a une certaine convergence politique entre les deux pays. L’Italie a une vie politique aussi instable, aussi chaotique et incertaine que la France sous la IVème République. Cependant, les Français après avoir érodé ce qui reste de la Constitution de la Vème République, s’accommodent à nouveau, peu à peu, des moeurs en vigueur avant 1958 : réduction du mandat présidentiel, omnipotence présidentielle, confusion des fonctions, adoption de primaires à l’Américaine…

– Limites du traité et de l’«amitié franco- italienne »

On peut comprendre les raisons qui ont poussé Italiens et Français à se rapprocher et à conclure un traité pour faire face à des contraintes semblables. Toutefois, comme on l’a vu à propos de la vie politique, des résultats économiques, commerciaux ou financiers, leur situation n’est pas identique. Il y a même de nombreux sujets sur lesquels Rome et Paris s’opposent nettement.

– Géopolitique bilatérale.

L’histoire et la géographie ont placé la France jacobine au coeur de l’Europe de l’Ouest, un carrefour qui donne à ce pays un avantage géostratégique que ne possède aucun de ses voisins. Aucun pays d’importance (L’Italie, l’Allemagne, la Grande Bretagne, la Péninsule Ibérique, la Scandinavie…) n’est lié à son voisin sans passer par la France. C’est, incidemment, une des raisons pour lesquelles les statistiques touristiques font de la France, à tort, la première destination internationale, alors qu’elle le doit à un « tourisme de passage » qui ne lui est pas destiné. L’Italie – éclatée en régions jalouses de leurs identités et de leurs intérêts – est, au contraire, un pays viscéralement méditerranéen, malgré les tentations septentrionales de la péninsule, la Vénétie, la Lombardie, le Piémont… à partir desquelles la Ligue du nord a répudié le Mezzogiorno : le sud, la Sicile et la Sardaigne.

– Relations internationales.

La Libye. Il y a des désaccords profonds entre Paris et Rome à propos de la Libye, notamment après l’intervention franco-britannique de 2011 (pilotée à distance par Washington) dont on mesure les conséquences sur les pays du Sahel et l’explosion migratoire à travers la Méditerranée. Autre désaccord : l’Italie est hostile au « maréchal » Haftar que la France défend de manière très ambiguë.

– L’immigration.

Il n’y a plus de problèmes migratoires en Italie, à l’inverse de la France où elle constitue le thème favori des politiques et des médias. La campagne présidentielle en cours, même si les Français expriment prioritairement d’autres préoccupations (chômage, pouvoir d’achat, retraites…), c’est l’immigration, la préservation des « valeurs » et la sécurité qui sont au coeur des débats, imposés par le système politico-médiatique. De nombreux Européens, en particulier en Espagne, en Italie, en Allemagne ou en Grande Bretagne, observent sidérés les controverses politiques sur l’accoutrement des femmes, les prénoms des nouveaux nés, la conception française de la laïcité… Dans une Italie démographiquement vieillissante qui voit partir ses jeunes à l’étranger, ce sont désormais les entreprises italiennes qui plaident pour l’immigration. Il n’y a plus de problème migratoire en Italie. Il n’y en a pas davantage en Allemagne où la nouvelle coalition qui va commencer son mandat est ouvertement favorable à l’immigration. La nationalité allemande sera facilitée. L’étranger a été totalement absent de la campagne électorale.

Là aussi, les contraintes démographiques expliquent sans doute ces choix. Cependant, réduire la question migratoire à un simple problème de déficit démographique, c’est passer à côté d’une autre divergence importante entre les Européens.

Cela dépasse les questions économiques et sociales et touche à l’histoire coloniale mal digérée et instrumentalisée en France que méconnaissent l’Italie et l’Allemagne parce que ces pays, même s’ils en ont tiré parti dès le XIXème siècle (cf. Congrès de Berlin, 1885), n’ont pas construit des « Empires coloniaux » similaires à leurs voisins européens (Britanniques, Français, Espagnols ou Portugais).

Cette différence aura des conséquences considérables au siècle suivant.

– La Chine.

L’Italie est le seul pays européen à avoir signé un pacte avec la Chine. Elle a trouvé place dans le réseau « Nouvelles Routes de la soie » (Belt and Road Initiative, BRI) tissé par la Pékin, qui associent de nombreux pays asiatiques et africains. L’Italie entretient des relations économiques et commerciales très fortes avec la Chine, mais aussi avec l’Europe orientale et la Russie. Cela eut un impact indirect sur les relations franco-italiennes.

Janvier 2021, le projet de rachat des chantiers de l’Atlantique par Fincantieri a échoué à cause de l’opposition française… refus mal ressenti par les investisseurs italiens. L’Etat français en détient à ce jour 84,3% du capital.

Le projet d’alliance franco-italienne devait donner naissance à un nouveau champion européen – un « Airbus de la mer »

Depuis 2017, le projet de cession prévoyait que Fincantieri détienne 51% du capital. Le dossier était stratégique, le secteur de la construction des grands navires de croisière constituant encore une chasse gardée européenne face à la concurrence asiatique. Trois chantiers concurrents se partagent le marché : les Chantiers de l’Atlantique, Fincantieri et l’allemand Meyer Werft.

Précisons cependant qu’entre 2007 et 2020, les rachats d’entreprises françaises par des italiennes ont largement dépassé en valeur ceux de groupes italiens dont les français ont pris le contrôle.

Question : pourquoi ce projet a-t-il échoué ? Les Chantiers de l’Atlantique devaient être repris par une alliance nouée entre l’entreprise italienne et le Chinois CSCC pour construire des paquebots.

La présence chinoise dans le tour de table a été la principale raison du refus français et européen.

Que la Chine ait trouvé là une occasion d’accroître son influence et de réaliser une opération favorable à ses intérêts ne fait sûrement pas doute. Les Italiens ne sont pas dupes, mais ils pèsent le coût-bénéfice de toutes leurs relations extérieures, en particulier lorsque l’extension de l’espace de la compétition relativise l’avantage européen. Quand l’essentiel est en jeu, les intérêts nationaux déterminent les décisions des Etats. La « solidarité » dans l’Union reste décorative et déclamatoire à l’intention d’opinions publiques de moins en moins sensibles aux envolées rhétoriques.

Le Bretix depuis la sortie du Royaume-Uni de l’Union et la gestion de la pandémie depuis le début de l’année 2020 le démontrent tous les jours.

Par ailleurs, chacun peut observer ce que l’hostilité de l’Europe à l’égard de la Chine et de la Russie doit à la pression américaine exclusivement et unilatéralement soucieuse de ses intérêts.

Samedi 27 novembre, une journaliste, Christine Ockrent, a conclu une émission sur France Culture, consacrée aux relations franco-italiennes, par une phrase à laquelle aucune réplique n’a été opposée : « C’est l’étroitesse des liens avec la Chine qui expliquent hélas la brutalité de la pandémie en Italie en 2020. »

En d’autres termes, ce serait la Chine qui serait responsable de la tragédie sanitaire italienne alors que seul Pékin a répondu à l’appel au secours de Rome. Les autres pays européens ont refusé publiquement de lui venir en aide. En confondant le lieu où la pandémie est apparue et la responsabilité délibérée de sa diffusion, la journaliste reprend implicitement à son compte la campagne de D. Trump qui dénonçait en ces termes le « Parti Communiste » chinois.

Les Italiens ne l’ont pas oublié.

Contexte historique.

La question est que la compétition est à géométrie variable : ce qui est vrai un jour ne l’est plus le lendemain et ce qui est acceptable pour un partenaire ne l’est pas pour un autre.

Depuis le début des années 1990, le passage de la CEE à l’Union a changé la nature du contrat : les retraits successifs des Etats de l’espace économique, les privatisations, les déréglementations, l’élargissement sans approfondissement de l’Union… l’espace marchand s’est étendu considérablement et la mise en concurrence des partenaires s’est substituée à la coopération.

La décennie Reagan – Thatcher a préparé au cours des années 1980 les changements profonds qui ont suivis dans le monde la décennie suivante, à la faveur de la chute de l’ex-URSS et du système qu’il représentait.

La « Fin de l’histoire » a été le début d’une autre dont on mesure les suites aujourd’hui.

Sur le plan politique, la différence entre les pays s’observe aussi dans le comportement des dirigeants. Autant le président français est bavard et omnipotent, médiatiquement ubique, autant le Président du Conseil italien est réservé et peu disert. Il en est de même de Sergio Mattarella, le très discret chef de l’Etat dont le rôle est avant tout protocolaire. Toutefois, les observateurs les plus avisés lui reconnaissent une influence immense dans les coulisses d’un pouvoir italien traditionnellement labyrinthique.(5)

Ni les Allemands, ni les Italiens (l’histoire les en a guéris), à la différence des Français, ne prisent le charisme chez leurs hommes politiques. Le temps des hommes providentiels (même en France, où « Jupiter » a beaucoup perdu de son aura) est une valeur obsolète.

Par-delà les discours pompeux et les cérémonies formelles, il y a la réalité européenne et mondiale péremptoire qui impose ses lois. Pour s’en convaincre, il suffirait de songer à la manière avec laquelle la crise grecque de 2015 a été traitée.

Une Union qui diverge.

Depuis au moins une vingtaine d’années un gouffre s’élargit progressivement entre Europe du nord et Europe du sud, entre « frugaux » et « PIGS »6, entre « fourmis » et « cigales ». Pays excessivement et dangereusement débiteurs auxquels bien des Allemands n’hésitent pas à ajouter la France. Nous reviendrons dans un autre papier sur les relations franco-allemandes.

Le traité du Quirinal est d’abord un acte hostile contre l’Europe germanique. Une alliance entre deux pays latins, endettés, déficitaires, déclassés économiquement (quelles que soient leurs différences) et l’Europe du nord plus riche, excédentaire et rigoureuse dans la gestion de ses affaires, fidèle aux traités depuis Maastricht et au Pacte de Stabilité.

Une tentative précédente a échoué : celle de N. Sarkozy en juillet 2008 avec son Union Pour la Méditerranée, pour tenter de faire contrepoids à la puissance de l’Europe septentrionale. Projet auquel l’Allemagne de A. Merkel a rapidement mis fin.

On jaugera le poids du traité franco-italien après l’entrée en fonction du nouveau gouvernement allemand et l’élection présidentielle française.

Rapide récapitulatif.

France et Italie se sont retrouvées du même bord pour demander et obtenir un assouplissement des critères en matière de déficit budgétaire et pour mutualiser la dette au niveau européen.

Après d’âpres négociations, l’Allemagne a consenti à convaincre les « pays frugaux » qu’ils consentent à une mise entre parenthèses momentanée du Pacte de Stabilité et Croissance (PSC, Amsterdam, juin 1997).

Le 20 juillet 2020, après une bataille acharnée entre les pays européens, un plan de 750 milliards d’euros crée pour la première fois une dette commune, répartie en subventions (390 Mds€) et en prêts (360 Mds€). Le plan est adossé au budget à long terme de l’UE (2021-2027), qui prévoit une dotation de 1 074 Mds€, soit 154 Mds€ par an.

Le versement des sommes à chacun des pays concernés a mis du temps après examen méticuleux de la situation de chacun des bénéficiaires. Une première tranche (25 Mds€ : 13% du fonds de relance alloués en août 2021) a été versée à l’Italie comme d’ailleurs à tous les autres pays européens. Le reste leur sera versé en fonction de l’avancement des programmes de réformes sur lesquelles ils se sont engagés. La confiance règne…

Il est prévu une somme de 200 Mds€ pour l’Italie, pays qui a été le plus durement touché par la pandémie. De plus, l’Italie s’endette à des taux plus élevés que les pays similaires. Les 200 Mds€ sont composés de deux parties : une partie subventions (donc non remboursées) et une partie de prêts à des taux préférentiels, plus faibles que les taux pratiqués sur les marchés.

La France, par exemple (qui recevra des subventions de 40 Mds€), n’a pas intérêt à solliciter ces prêts car les marchés lui en fournissent déjà à des taux très faibles. Ce n’est pas le cas de l’Italie. Ce qui explique les 200 Mds€.

Fonds conditionnels. L’Europe attend de l’Italie des réformes dans les secteurs suivants : la fonction publique (« vieillissante »), la justice, la politique de concurrence et marginalement la politique fiscale (très inégalitaire).

C’est la première fois que les aides européennes (à l’Italie) sont conditionnées par des réformes. À l’époque de Mario Monti (président du Conseil des ministres de 2011 à 2013), on exigeait de l’Italie des réformes mais sans lui fournir les ressources nécessaires que lui apportent désormais l’accord de 2020.

Le sort du traité du Quirinal reste suspendu à de nombreuses incertitudes.

– Le coronavirus et les multiples réserves de nombreuses surprises ses variants dans un monde inégalitaire où les nations riches et leurs Big Pharma ne se préoccupent que de leurs intérêts. La pandémie permet de masquer (et/ou de révéler) à la fois l’état déplorable des politiques sanitaires des différents pays, une déraisonnable inflation des titres sur les marchés financiers et des patrimoines immobiliers, mais aussi les gouffres qui se creusent, par l’endettement public et privé, entre les nations en particulier entre les pays qui appartiennent aux mêmes ensembles. Cyniquement, redoutant les lendemains de crise épidémique, certains souhaitent qu’elle dure aussi longtemps que nécessaire…

– La présidence française de l’Union tombe au plus mauvais moment : Jusqu’en avril, la campagne électorale interdit la moindre initiative d’importance. Les partenaires de la France ne savent ce qu’il en sortira, même si la reconduction du président actuel fait peu de doutes. Même si tout le monde sait qu’il sera réélu (comme il a été élu) par défaut.

– La nomination du patron du SPD, le « libéral » Christian Lindner à la tête des finances allemandes est un signal clair à l’adresse des pays de la zone euro déficitaires et endettés. Il serait vain de spéculer sur la politique du gouvernement d’Olaf Scholz tant qu’il n’a pas commencé ses activités.

Au reste, le contexte épidémique va servir de machine à entretenir les illusions de ceux qui en ont besoin. Mario Draghi qui a eu à se frotter à l’intégriste Wolfgang Schäuble, le prédécesseur de Lindner, n’en fait sûrement pas partie.

– La situation crise sanitaire actuelle a occulté un processus en cours. Elle a permis de repousser des décisions fondamentales concernant la contradiction dans laquelle elle est enfermée :

* D’un côté, les pays frugaux (dont l’Allemagne) ne peuvent tolérer que les autres membres de l’Union prennent des libertés avec les traités et conventions sur lesquels ils se sont engagés et continuent, pour ainsi dire à puiser dans le « pot commun » et à bénéficier d’un niveau de vie auquel ils n’auraient pu prétendre hors de la zone euro.

Par exemple, il est clair que la France ne peut jouir de taux d’intérêt aussi faibles (nécessaires à la gestion de sa dette) et de notes « compréhensives » des agences de notation, sans la garantie que lui apporte l’Allemagne.

* D’un autre côté, tous les pays savent que la situation de l’Italie et de la France n’ont rien de commun avec celle de la Grèce. L’effondrement de l’économie et des finances françaises et italiennes -qui absorbent une part importante des excédents des pays frugaux- serait une catastrophe pour tous.

L’Allemagne prend peu à peu le leadership en Europe. Dans de nombreux domaines Berlin n’a plus de vrais rivaux. Ce qui explique que dans l’industrie, la monnaie, les finances, le commerce extérieur, le spatial… et même la diplomatie l’Allemagne, de moins en moins discrètement (dans une certaine mesure à son corps défendant), domine ses voisins et organise autour d’elle l’ex-zone mark que n’a jamais cessé d’être la zone euro.

La plupart des puissances le reconnaissent et la tiennent pour leur principal interlocuteur : les Etats-Unis, la Chine ou la Russie (invitée à Washington, format Normandie…

Quelques événements pour fixer les idées.

Avril 2018. Emmanuel Macron effectue une visite d’Etat aux Etats-Unis, la première d’un dirigeant étranger sous la présidence de Donald Trump.

Fin mai 2020, la chancelière allemande décline (se justifiant par la crise sanitaire) l’invitation de Trump à un G7 qui n’aura pas lieu. E. Macron avait déclaré y être disposé…

Juillet 2021. L’Amérique de Joe Biden ne cache pas ses préférences : son interlocuteur européen c’est l’Allemagne. Depuis sa prise de fonction, Angela Merkel a été la première cheffe d’Etat Européenne à être invitée à la Maison-Blanche.

Contre l’avis de Paris (entre autres), J. Biden a cédé à l’Allemagne et mis un terme à son opposition au gazoduc russo-germanique Nord-Stream II.

On sait par ailleurs comment les Etats-Unis, la Grande Bretagne et l’Australie ont torpillé le contrat franco-australien des sous-marins que la France devait fournir à l’Australie. Que ces trois pays veuillent exclure la France du Pacifique, ils ne s’y prendraient pas autrement.7

Ni M. Draghi, ni E. Macron n’ont (encore) été reçus à Washington.

Ce qui est vrai des relations germano-américaines l’est tout autant des relations de Berlin avec les autres « grandes puissances », Pékin et Moscou.

Exemple : le « format Normandie » a été imaginé pour permettre à la Russie, à la France et à l’Allemagne de contribuer à la résolution de la crise ukrainienne.

Paris s’est systématiquement placé dans le sillage de Washington radicalement opposé à Moscou, en particulier sous le mandat de D. Trump. Ce qui explique la dissolution de fait de cette espace de concertation. Il s’ensuit que la France n’est plus un partenaire dans la gestion de ce problème. Moscou discute directement avec Berlin et Paris est exclu. La protestation de E. Macron et de son ministre des Affaires Etrangères n’y ont rien changé.

Au reste, la France ne participe plus à aucun des principaux conflits d’Afrique, du Proche-Orient ou d’Europe. Ses armées dans le Sahel, venues pour pacifier le Mali, font désormais face à un conflit généralisé à tous les pays de la région et à un rejet plus ou moins explicite des gouvernants de ces pays et surtout de leurs populations.

Une Europe « puissance » ?

Pour résoudre la contradiction impossible dans laquelle elle est enfermée, l’Europe pourrait en sortir « par le haut », imaginer une Europe Hamiltonienne dont il fut question en juillet 2020.8

Qu’est-ce que cela pourrait signifier ?

L’explosion de l’Union n’étant pas une option, reste la fédéralisation de la gouvernance et des budgets pour en mieux contrôler l’affectation et l’administration. Fédéraliser le budget et en centraliser l’administration. De la sorte, la monnaie serait alors une vraie monnaie commune et unique à un espace monétaire, économique… mais aussi politique, diplomatique et militaire…

On a relevé avec surprise et intérêt un passage dans le contrat de gouvernement allemand (de 178 pages) qui touche à cette question :

« Nous soutenons, conviennent les trois partenaires de la coalition, la modification nécessaire des traités. La conférence pour l’avenir de l’Europe devrait déboucher sur une convention constituante et conduire à l’évolution de l’Union européenne vers un État fédéral. »

Ce n’est pas une fin mais le début d’un nouveau chantier et de nouvelles confrontations.

Toute la question est de savoir si les nations y consentiraient, donnant à la notion de « souveraineté européenne » un contenu, une réalité et un avenir, sous réserve, cela tombe sous le sens que tous aient une acception identique.

Toute la question est aussi de savoir, sachant ce que cela implique pour les partenaires de l’Union, si tous y consentiraient aussi et de quelle manière procéder…9

Cette perspective a-t-elle été évoquée par E. Macron et M. Draghi lors de leurs échanges autour du traité du Quirinal ?

Ce traité s’inscrirait-il dans cette optique ? L’hypothèse n’est pas absurde.

Avant d’être consacrés chefs d’Etat, ces deux hommes ont été banquiers donc, peu ou prou, administrateurs professionnels du temps.

M. Draghi a été vice-président pour l’Europe de Goldman Sachs de 2002 à 2005, puis gouverneur de la Banque d’Italie de 2006 à 2011 et président de la BCE de 2011 à 2019.

E. Macron a travaillé pendant quatre ans au sein de Rothschild & Co, de 2008 à 2012. Après quoi, il rejoint l’Elysée en qualité de secrétaire général adjoint. Ce n’est pas nouveau.

Chez les Rothschild, il avait été précédé par G. Pompidou de 1953 à 1962, jusqu’à ce qu’il soit nommé premier ministre par C. de Gaulle.

Mais suffit-il d’avoir été banquier pour assumer un destin politique aussi singulier et prestigieux, au moment où leurs pays respectifs et l’Europe sont à la croisée des chemins ?

Après tout l’Allemagne a été dirigée à la grande satisfaction de ses citoyens et à la jalouse admiration des autres dirigeants européens, par une physicienne venue de l’Est où son père a décidé délibérément d’installer sa famille alors que beaucoup de « Ossis » songeaient à parcourir le chemin inverse.

La richesse des relations franco-italiennes ne peut être épuisée par un traité, aussi opportuniste et aussi opportun soit-il.

Nous reviendrons sur l’histoire des liens entre ces deux pays en un prochain article en particulier sur ce que doit la « fille aînée de l’Eglise » à son voisin transalpin.

Notes

1- Construit à la fin du XVI ème siècle au sommet d’une colline, le Quirinal est une ancienne résidence papale et royale (après 1870) qui héberge aujourd ‘hui les présidents depuis l’instauration de la Ré publique en 1946.

2- OCDE : https://data.oecd.org/fr/hha/dette-des-menages.htm

3- Idem

4- Paris, deuxième partenaire commercial de Rome, lui vend voitures, médicaments, produits de luxe et même de l’électricité … En retour, l’Italie, troisiè

me partenaire commercial de l’Hexagone, y exporte voitures, machines ou encore chaussures. A noter que l’Italie est, après l’Allemagne, la deuxième puissance industrielle du continent.

5- « En Italie, la ligne la plus courte entre deux points est une arabesque. Nous vivons dans un réseau d’arabesques. » (Simonetta Greggio)

6- « Cochon » en anglais : Portugal, Italie, Grèce et Espagne.

7- Cf. Abdelhak Benelhadj : «De UKUSA à AUKUS.

La France, dindon de la farce ». Le Quotidien d’Oran 23 septembre 2021.

8- En 1790, Alexander Hamilton, alors premier Secrétaire au Trésor, a instauré la fédéralisation des dettes des 13 nouveaux Etats américains, réalisant ainsi leur unification politique par leur unification budgétaire. Ce qui a permis au président Thomas Jefferson de déclarer hautement : « La prospérité d’une nation dépend en premier lieu du commerce, qui dépend entre autres de la volonté d’autres nations à nous prêter de l’argent. La premièreé tape est de créer une dette nationale. Plus grande sera la dette, plus large sera le crédit. C’est pourquoi je vous recommande en tant que Président du Congrès, d’endosser toutes les dettes prises par les autres Etats, à travers la création d’une banque nationale. Si c’est l’Etat fédéral qui garantit l ’emprunt, les autres seront plus enclins à nous prêter ; et plus grande sera la responsabilité du gouvernement, plus grande sera son autorité. »

9- Tout le monde se souvient du référendum de mai 2005 et du sort fait au projet de Constitution européenne porté alors par feu V. Giscard d’Estaing.


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