USA-Chine / Un nouveau front ouvert dans la guerre géopolitique globale : la confrontation ?

 

 

Pékin a averti et Washington a persisté. Hier la présidente de la Chambre des représentants US, Nancy Pelosi, a atterri à Taïwan signant la provocation américaine de trop envers la Chine qui annonce la couleur. Plus rien ne pourra plus empêcher l’Empire du milieu de reprendre ses billes, Taïwan y compris.

Nancy Pelosi a mis fin hier à l’ambiguïté de la position américaine sur Taïwan. Une ambiguïté qui avait d’ailleurs plané sur la visite de la représentante démocrate américaine dans l’île jusqu’à la dernière minute. Et c’est en route vers la Malaisie, seconde étape de sa tournée asiatique, que Pelosi a fait escale à Tapei. Une visite contre laquelle Pékin avait averti considérant que ce serait la provocation de trop dans un contexte de tensions exacerbées. Au-delà du fait que la visite de Nancy Pelosi à Taïwan est la première du genre depuis 25 ans, la présidente de la Chambres des représentants US a acté une rupture avec la position américaine sur Taïwan qui a toujours une « ambiguïté stratégique », tendant à ne reconnaître officiellement une seule Chine, mais soutenant militairement l’ancienne Formose.  Or, Pelosi a fait une déclaration, à Taïpei, lourde de sens sur le plan politique, notamment dans le contexte actuel en affirmant que « l’Amérique se tient aux côtés de Taïwan, une démocratie vibrante et un partenaire important la région indo-pacifique ». Ce qui est en soi une reconnaissance implicite de Taïwan en tant qu’État.

Et la réaction de la Chine ne s’est pas faite attendre d’autant qu’elle avait averti et à plusieurs reprises qu’elle ne tolérerait aucune atteinte à sa souveraineté et à son unité territoriale, considérant Taïwan comme partie intégrante d’une seule Chine. Pékin a annoncé hier après-midi qu’elle lancera des attaques militaires ciblées. Le ministère chinois de la Défense est en état d’alerte maximale, déclare le porte-parole du ministère dans des propos relayés par le média d’État, CGTN. Il « lancera une série d’opérations militaires ciblées en guise de contre-mesures, et défendra résolument la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale ». L’agence Chine nouvelle a également annoncé que « l’Armée populaire de libération mènera du 4 août de 12h00 (heure de Beijing), au 7 août 2022 à 12h00 d’importants exercices militaires et des activités d’entraînement, y compris des exercices à balles réelles, dans les eaux suivantes et leurs espaces aériens délimités ».

Taïpei a, pour sa part, annoncé l’entrée de « 21 avions de l’armée chinoise […]dans l’ADIZ (Zone d’identification de défense aérienne, plus large que l’espace aérien) du sud-ouest de Taïwan» et ce, durant la visite de la responsable américaine. Une entrée qui, si elle se confirme, démontrerait l’intention de la Chine d’aller jusqu’au au bout et qu’elle ne craint pas la présence américaine. Une situation qui peut vite dégénérer en conflit ouvert et en une confrontation directe entre les deux géants. Washington qui a déjà annoncé qu’il ne permettrait pas « une invasion » de Taïwan montre les dents et agite la menace d’une confrontation militaire directe. C’est ainsi que la 7e flotte américaine a annoncé que le porte-avions USS Ronald Reagan, qui croise dans la région depuis début juillet, se trouve dans la mer des Philippines, au sud de Taïwan, accompagné du destroyer USS Higgins.

Ce qui n’est en soi que l’aboutissement des manœuvres américaines qui se sont multipliées dans la zone indo-pacifique depuis l’entrée de Biden à la Maison-Blanche. D’ailleurs, si l’opposition entre Pékin et Washington s’était limitée aux questions économiques et commerciales pour amorcer un découplage de l’économie mondiale sous l’ère Trump, l’ère Biden a signé le glissement de confrontation vers le terrain sécuritaire et militaire. Les objectifs fixés pour contenir la Chine ont présidé à la création d’une nouvelle alliance militaire nucléaire dans l’Indo-pacifique liant Washington, Londres et Canberra « Aukus ». Depuis les Américains ont multiplié les provocations, via les nombreux exercices militaires qu’ils ont organisés dans la région, les visites de délégations militaires de haut niveau à Taïwan et les traversées du détroit de Taïwan par des navires de guerre US. Avec les évènements qui se sont accélérés hier, Pékin semble se défaire peu à peu de la contenance à laquelle il s’est attelé jusque-là. Au-delà, de la convocation par le MAE chinois de l’ambassadeur US à Pékin, l’annonce d’opérations militaires ouvre déjà la voie à une opération de plus grande envergure, d’autant que le contexte géopolitique s’y prête et que la Chine a déjà averti par le biais de son ministre des Affaires étrangères qu’elle ne s’arrêterait devant rien pour préserver sa souveraineté et son unité territoriale. La semaine dernière le président chinois Xi Jinping a averti son homologue américain Joe Biden de « ne pas jouer avec le feu » à propos de Taïwan. « Ceux qui jouent avec le feu finissent par se brûler », a prévenu le président chinois. Pékin a averti à plusieurs reprises que les tentatives des Washington de séparer Taïwan de la Chine finiraient par déclencher une guerre. Un second front est ainsi ouvert dans la confrontation géopolitique globale qui se joue actuellement et qui dessine un nouvel ordre mondial avec des blocs de plus en plus marqués, avec Pékin et Moscou alliés à l’Est contre les forces de l’Otan à l’Ouest. Et signe de cette nouvelle alliance qui se consolide à l’Est, la Russie a immédiatement réagi à la provocation américaine hier en apportant son soutien à son allié chinois.


Samira Ghrib


 Des experts affirment que l’entretien Xi-Biden était franc et approfondi et espèrent que les deux pays joueront un rôle de premier plan (SYNTHESE)

BEIJING, 1er août (Xinhua) — Le président chinois Xi Jinping s’est entretenu jeudi soir par téléphone avec son homologue américain Joe Biden, à la demande de ce dernier. Les deux chefs d’Etat ont eu un échange franc sur les relations sino-américaines et les dossiers d’intérêt mutuel.

Dans des entretiens accordés à Xinhua, divers experts et universitaires ont affirmé que les discussions entre les deux présidents avaient été franches et approfondies. Ils estiment que dans un monde marqué par les bouleversements et les turbulences, la Chine et les Etats-Unis peuvent prendre la tête des efforts visant à défendre la paix et la sécurité mondiales ainsi que promouvoir le développement et la prospérité au niveau international.

Ils ont également appelé les Etats-Unis à honorer le principe d’une seule Chine et à mettre en œuvre les trois communiqués conjoints sino-américains à la fois par la parole et par les actes.

DES ECHANGES DIRECTS PROPICES AUX RELATIONS SINO-AMERICAINES

D’après l’ancien ambassadeur des Etats-Unis en Chine Max Baucus, les échanges entre les deux chefs d’Etat sont « très bons » car plus ils discutent, plus il y a de chances que les deux pays puissent résoudre leurs différends.

Le commentateur politique singapourien Ang Teck Sin a souligné qu’une communication franche et approfondie entre les deux présidents était particulièrement importante.

La Chine et les Etats-Unis bénéficient d’une grande marge de manœuvre en matière de coordination et de larges perspectives en matière de coopération, a-t-il ajouté.

Ronnie Lins, directeur du Centre sino-brésilien pour la recherche et les affaires, a noté que l’entretien entre MM. Xi et Biden a envoyé un signal positif au monde suggérant qu’en tant que grands pays, la Chine et les Etats-Unis puissent probablement avancer de concert par souci des intérêts communs de l’humanité.

Il a formulé l’espoir que les deux pays renforceront leur coordination et contribueront à la promotion de la prospérité et du développement dans le monde.

Lucio Blanco Pitlo, chargé de recherche pour la Fondation Asie-Pacifique des voies pour le progrès, un groupe de réflexion philippin, estime lui aussi que la conversation téléphonique entre MM. Xi et Biden a envoyé un signal positif car elle a montré que la Chine et les Etats-Unis accordaient de l’importance à l’impact de leurs relations sur le développement international.

Il faut espérer que les deux pays réussiront à gérer leurs divergences par la communication et le dialogue et préserveront ainsi la paix et la stabilité mondiales, a-t-il indiqué.

Charles Onunaiju, directeur du Centre d’études chinoises basé dans la capitale nigériane Abuja, a relevé que cet appel était intervenu à un moment charnière, alors que les tensions s’accroissent dans le monde et que l’économie mondiale est confrontée à de plus en plus de vents contraires. Dans ce contexte, la communication entre les deux parties au plus haut niveau revêt en elle-même une valeur significative.

D’après lui, Washington a tort de considérer la Chine comme une concurrente et rivale stratégique et cela peut facilement envoyer de mauvais signaux aux peuples des deux pays et à ceux des autres pays.

Il ne fait aucun doute que si la Chine et les Etats-Unis cherchaient un terrain d’entente tout en gérant leurs différends, ils « pourraient être dans une meilleure position pour répondre aux problèmes qui les concernent ainsi que ceux qui concernent le reste du monde », a soutenu M. Onunaiju.

UN ROLE DE PREMIER PLAN NECESSAIRE POUR REPONDRE AUX DEFIS MONDIAUX

M. Lins espère que la Chine et les Etats-Unis joueront un rôle de premier plan dans la résolution des défis internationaux tels que la pauvreté et les inégalités sociales, qui sont des ennemies communes à tous les pays.

Cavince Adhere, spécialiste kényan des relations internationales, a déclaré qu’il était positif de voir que les deux dirigeants cherchent des solutions franches aux problèmes des relations bilatérales. Il a ajouté que sur la base du respect mutuel et de résultats productifs, Washington et Beijing peuvent apporter beaucoup de valeur pour eux-mêmes comme pour le reste du monde.

Gamal Zahran, professeur d’études politiques à la faculté de commerce de l’Université égyptienne du canal de Suez, a exhorté Washington à faire preuve de plus de sincérité dans sa résolution des problèmes économiques et politiques internationaux.

Le monde a besoin que la coopération sino-américaine limite la stagflation et il attend que les deux grands pays surmontent cet état d’incertitude ainsi que le chaos économique et politique qui perturbe tous les pays à l’heure actuelle.

Combler les divergences entre la Chine et les Etats-Unis constitue un raccourci pour répondre de manière adéquate aux questions internationales d’aujourd’hui, a fait remarquer Kwon Ki-sik, président de l’Association d’amitié entre les villes de la Corée du Sud et de la Chine.

Ce n’est qu’en suivant la voie de la coopération que la Chine et les Etats-Unis pourront promouvoir la coopération sur la sécurité internationale, aider le monde à surmonter au plus tôt les impacts de la pandémie de COVID-19 et se débarrasser de la menace de la stagnation économique, avec l’objectif de bâtir un monde plus stable et prospère, a noté l’expert sud-coréen.

LE PRINCIPE D’UNE SEULE CHINE

M. Adhere a souligné que la question taiwanaise demeurait le sujet le plus important et sensible des relations sino-américaines pour la simple raison que les Etats-Unis se sont toujours servis de cette question pour contenir la Chine.

Il ne fait aucun doute que Taiwan constitue une partie inaliénable de la Chine, un fait qui est connu des Etats-Unis, a-t-il fait remarquer, avant d’ajouter que la partie américaine devrait respecter les intérêts fondamentaux et les principales préoccupations de la Chine.

M. Onunaiju a rappelé que les Etats-Unis testaient souvent les limites de la Chine alors qu’ils devraient traduire leurs paroles en actes et cesser de jouer les fauteurs de troubles.

En référence aux propos du président Xi selon lesquels la volonté du peuple ne peut pas être défiée et ceux qui jouent avec le feu finissent par se brûler, M. Kwon a affirmé que cet avertissement de la Chine s’adressait aux forces étrangères qui tentent de saper le principe d’une seule Chine.

Les Etats-Unis doivent cesser de vendre des armes à Taiwan, annuler les actions militaires qui suscitent des tensions dans le détroit de Taiwan et mettre en œuvre les trois communiqués conjoints sino-américains, a poursuivi M. Kwon.

M. Ang a lui aussi relevé l’avertissement de Beijing à destination de Washington au sujet de la question taiwanaise.

Cet avertissement sans équivoque prouve une fois de plus aux Etats-Unis et au monde que la Chine est déterminée à défendre sa souveraineté nationale et son intégrité territoriale, a souligné le commentateur singapourien. « Nous espérons que les Etats-Unis joindront le geste à la parole et s’abstiendront de fréquemment tester les limites de la Chine », a-t-il indiqué.


 

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