Yémen : cinq ans de guerre, une catastrophe humanitaire

   

 

   En mars 2020, le Yémen est entré dans sa sixième année de guerre, cinq ans marqués par les opérations militaires de la coalition conduite par l’Arabie saoudite contre son pauvre et isolé voisin du sud. Pour Riyad, le bilan est lourd : ses ennemis déclarés, les Houthis, sont encore au pouvoir à Sanaa, la capitale, qu’ils ont prise dès septembre 2014, et le pays traverse la pire crise humanitaire depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le Yémen est un État à part dans la péninsule Arabique. Né en mai 1990 sous sa forme actuelle de l’unification de deux entités souveraines, la République démocratique populaire du Yémen (ou Yémen du Sud) et la République arabe du Yémen (ou Yémen du Nord), ce pays de 527 968 kilomètres carrés ne connaît pas l’envol économique de ses voisins grâce au pétrole. Ses richesses sont limitées, et son agriculture, autrefois abondante, est déviée au profit de l’exploitation du qat, arbuste dont les feuilles se mastiquent pour leur effet stimulant. Quelques réserves d’hydrocarbures fournissent des revenus importants aux autorités, mais ne profitent pas au développement du pays, qui reste l’un des plus pauvres de la planète, dépendant des aides internationales.

Sans gouvernement ?

La situation n’est donc pas brillante, lorsque éclate, en janvier 2011, la révolution contre le régime d’Ali Abdallah Saleh, homme fort du Yémen du Nord depuis 1978 et qui préside la nation réunifiée de 1990 à 2012. Ce soulèvement populaire finit par révéler un mouvement fort, les Houthis, engagés dans un conflit armé dans le nord depuis 2004. Dans l’instabilité générale de l’année 2011, ils affirment leur différence régionale, opposée au pouvoir central, qui les a marginalisés et avec qui ils étaient déjà en conflit depuis 2004 (guerre du Saada). En septembre 2014, les Houthis – plus connus localement sous le nom d’Ansar Allah – prennent donc Sanaa, obligeant le gouvernement à s’exiler d’abord à Aden (sud) puis à Riyad, en Arabie saoudite. Six mois plus tard, celle-ci envoie ses avions bombarder les positions houthies, détruisant au passage des villages entiers… Au printemps 2020, Ansar Allah administre la capitale et les zones les plus peuplées et les plus riches du pays, avec la création, en juillet 2016, d’un Conseil politique suprême, organe du pouvoir exécutif.

Quant à l’exécutif du président Abd Rabbu Mansour Hadi (depuis 2012), le seul reconnu par la communauté internationale, il est affaibli et incapable de gouverner, dépendant politiquement et économiquement de sa puissante voisine saoudienne. À Aden, deuxième ville du pays et principal port économique, les partisans loyalistes se font rares, les sécessionnistes du sud ayant pris l’ancienne colonie britannique comme capitale. Le Conseil de transition du Sud y a été proclamé en mai 2017 avec l’aide militaire des Émirats arabes unis. On l’aura compris : plusieurs centres d’exercice du pouvoir, tous concurrents, se sont dessinés, et certains évoquent déjà une nouvelle séparation du pays, comme avant 1990. Pendant ce temps, les bombardements saoudiens ne cessent pas : entre mars 2015 et février 2020, il y en a eu près de 21 000.

Un pays et une société exsangues

S’il est difficile de trouver des données officielles et fiables, tant l’accès sur le terrain est compliqué, voire impossible, l’ONU estime que 233 000 personnes sont mortes dans ce conflit (directement et indirectement) entre mars 2015 et avril 2019. Sur les quelque 30,5 millions de Yéménites, 24,1 millions nécessitent une aide humanitaire, 20,1 millions sont en insécurité alimentaire et 3,65 millions sont déplacés – chiffres en constante hausse depuis 2015.

Les épidémies ont fait leur apparition, avec le choléra, la diphtérie, la rougeole, la dengue, et le Covid-19 (un premier cas a été recensé le 10 avril 2020). L’épidémie s’annonce meurtrière, tant les moyens sanitaires sont inexistants, alors que les Yéménites souffrent de famine et de ressources en eau potable extrêmement limitées. Selon l’administration Hadi, le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté était de 21,2 millions en 2016 ; quatre ans plus tard, ce chiffre est sans aucun doute plus élevé.

Si tous les civils sont concernés, les ONG soulignent les conditions dramatiques des plus jeunes. Pour la période avril 2013-décembre 2018, les Nations unies ont enregistré 11 779 cas de violations graves des droits des enfants, qui sont les premières victimes des bombardements et des mines, quand ils ne sont pas eux-mêmes les combattants… Ils souffrent aussi de la destruction des écoles et des centres de santé. En février 2019, l’ONU estimait à au moins 4,2 milliards de dollars la somme nécessaire pour répondre à un plan humanitaire, sachant que 48 organisations internationales, avec 194 partenaires locaux, étaient présentes sur le terrain. Ces données ne sont que le reflet froid d’une réalité de guerre à laquelle tous les Yéménites, quel que soit leur bord politique ou leur lieu de vie, sont confrontés depuis cinq longues années.

Les Yéménites face à la crise
Un pays en guerre depuis 2015


              La guerre brutale contre le Yémen


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