par M. Aziza
A cinq jours de la tenue des élections présidentielles du 12 décembre prochain, la mobilisation se poursuit pour l’annulation du scrutin. Le mot d’ordre de cette 43e marche «grève générale ce dimanche, je ne travaille pas et je ne vote pas» scandaient des manifestants.

Ces derniers reprenaient aussi des slogans entonnés depuis des mois «non aux élections sous la coupe des gangs», «non à des élections avec ces conditions».
Des appels à une grève générale à partir de ce dimanche, 8 décembre, ont été aussi lancés. Sur une pancarte brandie par un manifestant, l’on pouvait lire «le Hirak est un moyen adopté pour exprimer une opinion, la grève est un moyen de pression pour avoir gain de cause». D’autres ont brandi une pancarte sur laquelle il était écrit «je ne vote pas contre mon pays, on est pacifiques et on restera pacifiques jusqu’au changement espéré».
A Alger, la marche était importante. Les manifestants ont encore une fois exprimé leur rejet des élections, qualifiées de «mascarade» vu les conditions et notamment le déroulement «désastreux» de la campagne électorale.
Des manifestants ont également scandé des slogans dénonçant les propos tenus par le ministre de l’Intérieur, Salah-Eddine Dahmoune, et ses déclarations ont été qualifiées de «gravissime» contre tous ceux qui s’opposent à l’élection présidentielle du 12 décembre.
Des jeunes ont brandi une banderole sur laquelle il était écrit «Vous avez volé nos rêves, on ne vous permet pas de voler nos voix». Les manifestants n’ont pas oublié les détenus d’opinion, ils ont exigé leur libération inconditionnelle, évoquant notamment les noms de Lakhdar Bouregâa, Karim Tabbou, Fodil Boumala, Samir Belarbi et Réda Benghriss, ainsi d’autres.
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Il faut apprendre à tolérer nos différences à nous respecter, à écouter les avis contraires, source d’enrichissement mutuel, ceux qui sont contre l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 et ceux qui sont pour, appartenant au 24 millions d’électeurs en leurs âmes et conscience de décider. Personne n’a le droit en Démocratie d’imposer par la violence son point de vue et le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir.
Dans ce cadre le gouvernement actuel intérimaire n’est nullement habilité à se prononcer sur les élections et je tiens à condamner énergiquement les propos inopportuns du ministre de l’intérieur vis à vis l’opposition dont la composante sont des algériens respectables , ce ministre en tant que secrétaire général de l’intérieur ayant été accusé par le passé par le RND pour la wilaya de Tlemcen d’avoir favorisé le trafic des élections , alors que l’Algérie a besoin d’un climat apaisé. Il doit présenter ses excuses. Pourquoi en cette période difficile aiguiser les tensions? Loin des élections du passé, l’élection présidentielle en Algérie du 12 décembre devrait être unique, le haut commandement de l’ANP s’étant engagé devant l’opinion nationale et internationale de ne soutenir aucun des cinq candidats. Dans ce cadre, les candidats doivent être confrontés uniquement aux urnes, éviter des promesses populistes utopiques qu’ils ne pourront tenir , dans la mesure où la situation économique et sociale est d’une extrême gravité, supposant à l’avenir une mobilisation générale, la nécessaire moralisation de la société, la cohésion sociale tenant compte des différentes sensibilités.
1.-Une situation économique et sociale préoccupante.
La balance commerciale de l’Algérie a connu un déficit de 5,22 milliards de dollars durant les neuf premiers mois de 2019, selon la direction générale des Douanes (DGD), citée par l’APS. Ce qui nous donnerait en tendance annuelle fin 2019 6,96 milliards de dollars. A ce montant il faudra jouer les services qui ont fluctué ente 9/11 milliards de dollars entre 2010/2018, ne pouvant pas les réduire fortement, car n’ayant pas investi dans le savoir. Ce qui donnerait pour un minimum de 9 milliards de dollars de services, un solde négatif de 16 milliards de dollars, restant donc un montant de réserves de change en référence au montant du 31/12/2018 de 79,8 milliards de dollars , d’environ 63 milliards de dollars au 31/12/2019 et ce malgré toutes les restrictions, alors que le gouvernement prévoit 51,6 milliards de dollars de réserves de change fin 2020 . Ces prévisions ne sont que la conséquence des hypothèses du PLF2020 qui prévoit une coupe sévère dans les dépenses d’équipements (-18 ,7%) et une légère baisse des dépenses de fonctionnement (1,2%). Le niveau des réserves de change fortement dépendant des recettes de Sonatrach, a été calculé avec l’hypothèse d’un niveau des importations, de 38,6 milliards de dollars en 2020 avec un déficit de la balance des paiements de 8,5 milliards USD en 2020 contre 16,6 milliards de dollars en 2019, soit une baisse de 8,1 milliards de dollars, sans montrer comment combler le déficit de l’offre ayant une économie en léthargie. Or au rythme des indicateurs de 2019, les réserves de change, existant des limites aux restrictions d’importations déjà fortes en 2019, devraient clôturer au 31/12/2000 à 47 milliards de dollars fin 2020 et non 51,6 comme annoncé par le PLF2020, ce qui supposera une loi de finances complémentaire. Car continuer à restreindre les importations de biens et services, l’Algérie étant une économie fondamentalement rentière, le risque est un l’accroissement du taux de chômage qui risque de dépasser les 13% de la population active. Pour atténuer les tensions sociales, avec une population totale en 2019 dépassant 43 millions et une population active dépassant 12,5 millions, le taux de croissance devrait être pendant plusieurs années, avec une nouvelle architecture économique reposant sur les nouvelles technologies, entre 9/10% en termes réels afin de créer chaque année 350.000/400.000 emplois/an, des emplois productifs et non des emplois rente. Conséquence de la paralysie de la machine économique, nous avons assisté en 2019 à la fermeture et à la la sous utilisation des capacités de milliers d’unités dont les matières premières importées, sans compter les équipements, représentent plus de 85%. Diminuer à tout prix les dépenses publiques, ainsi que la facture d’importation de façon drastique, pour essayer de réduire les déficits, sans vision stratégique, ne pourra que conduire à une récession économique avec de graves conséquences sociales et politiques. Evitons d’induire en erreur l’opinion publique que la seule loi des hydrocarbures (toujours le mythe de la rente) va automatiquement augmenter les décembre recettes en devises du pays, l’attrait de tout investissement dépendant du climat politique, du climat des affaires dont la stabilité juridique et en plus pour les hydrocarbures du futur nouveau modèle de consommation énergétique , du vecteur prix international et des couts de Sonatrach qui nécessite un nouveau management qui lui fait cruellement défaut, pouvant découvrir des milliers de gisements non rentables financièrement, alors que Sonatrach avec ses dérivées représente 98% des exportations totales. Les prévisions de l’AIE donnent un cours du pétrole relativement bas pour 2020, le marché des hydrocarbures (pétrole -gaz) étant dominé par les tensions USA/Chine, USA/ Iran, la forte production des USA de la Russie, du Qatar parallèlement à la faiblesse de la demande, la perspective d’une offre abondante et du nouveau modèle mondial de consommation énergétique. A cela s’ajoute la pression des partenaires pour faire baisser les prix du gaz qui représente 33% des entrées en devises du pays, tant du GNL (24%) que les exportations par canalisation(76% Medgaz Espagne) et Transmed, la plus grande canalisation fonctionnant en sous capacité (Italie) en référence au marché spot dont les prix ont chuté de plus de 40% entre 2005/2019.. La baisse en volume de Sonatrach est passée d’environ 65 milliards de mètres cubes en 2000/2002 à 51 milliards entre 2018/2019. A cela s’ajoute la forte consommation intérieure du fait de subventions généralisées non ciblées dont uniquement pour le gaz il est prévu 60 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030 et 100 horizon 2035/2040, ce qui au rythme actuel, et sans une nouvelle politique énergétique, devrait entrainer une baisse très sensible des exportations. Il est fort probable que même la loi des hydrocarbures de 2013 amendée en novembre 2019, aura un faible impact sans l’insérer dans le cadre d’une loi organique de la transition énergétique .Aussi, l’Algérie ne possédant pas une économie diversifiée, devra se préparer à contrecarrer une très grave crise économique 2021/2022, Méditons l’expérience : 2000/ à fin avril 2019, où les entrées en devises ont été supérieures à 1000 milliards de dollars dont plus de 950 provenant de Sonatrach , sans compter les dépenses en dinars, les sorties de devises, importation de biens et services ont été d’environ 925 milliards de dollars et l’Algérie a eu un taux très modeste de croissance entre 2/3%. L’Algérie dépenserait, selon une étude pour la région MENA, deux plus par rapport à des pays similaires pour avoir deux fois moins de résultats : mauvaise allocation des ressources, mauvaise gestion, corruption ou les trois à la fois ?
2.- Solutionner la crise politique pour éviter la dérive économique par une élection transparente
: l’ANP ne favorisera aucun candidat Afin d’éviter les erreurs du passé, l’administration à travers ses anciens réseaux toujours puissants, comme cela a été recommandé par le haut commandement de l’ANP, ne doit favoriser aucun des cinq candidats ce qui nuirait tant à la crédibilité nationale et internationale du pays. ( American Hetrald Tribune-USA- – « Prof. Abderrahmane Mebtoul: “The Widespread Financial Scandals Affecting most Sectors of National Activity Threaten the Foundations of the Algerian Stat »-19 octobre 2019 et AfricaPress Paris Professeur Abderrahmane Mebtoul : Pourquoi l’Algérie risque la faillite d’ici à 2022… et comment la conjurer » 23 juillet 2019). L’objectif étant d’avoir un gouvernement et un président légitime, qui ne sera qu’un début de la solution à la crise politique et économique que vit le pays qui sera confronté à une situation très complexe dans tous les domaines pour relever les défis nombreux, supposant de rassembler toutes les sensibilités et non de diviser. C’est que toute déstabilisation de l’Algérie aurait une répercussion interne et également sur toute la région méditerranéenne et africaine, supposant de profondes réformes institutionnelles et micro-économiques fondées sur un partenariat gagnant gagnant, loin de tout esprit de domination et ce dans le cadre du strict respect mutuel (American Hetrald Tribune-USA- « Prof. Abderrahmane Mebtoul: Any Destabilization of Algeria would have Geo-strategic Repercussions on all the Mediterranean and African Space 28 décembre 2016). -C’est dans cet esprit que nous avons eu deux communiqués officiels du commandement de l’ANP. Le premier en date 30/11/2019, je cite : « « parmi les propagandes colportées et qu’il faut combattre, est celle qui tente de répandre l’idée que l’ANP appuie un des candidats aux prochaines présidentielles. C’est là une propagande dont le but est de perturber cette importante échéance électorale… l’Armée ne soutient personne pour l’élection présidentielle du 12 décembre prochain et seul le peuple plébiscitera le prochain Président à travers les urnes ». Le second en date du 02 décembre 2019, je cite: « en conformité avec les dispositions de la constitution, dans le cadre de l’intérêt que porte le Haut Commandement de l’Armée Nationale Populaire à la réussite des élections présidentielles prévues pour le 12 décembre 2019, dans le respect total de la Constitution et des lois de la République, les personnels militaires exerceront, en tenue civile, leur droit et devoir électoral, par voie directe, à l’instar de leurs concitoyens au niveau des bureaux de votes dans lesquels ils sont inscrits, à travers tout le territoire national ». Pour les autres personnels ne pouvant voter par voie directe, en raison des missions qui leurs sont assignées, ils s’acquitteront de leur devoir électoral par procuration conformément à la loi organique des élections en vigueur. .Quant aux personnels militaires se trouvant au niveau des unités de campagne, ils exerceront leur droit électoral dans les bureaux de vote proches de leur lieu de travail, ou au niveau des bureaux de vote itinérants dédiés à cet effet ». C’est que l’Algérie à travers ses différentes composantes sociales ne sera plus jamais comme avant quelque soit le président qui devra tenir compte des revendications légitimes d’Al Hirak. Il y aura une Algérie avant le 22 février et une Algérie après le 22 février, et fait rare dans l’histoire des manifestations d’Al Hirak , le pacifisme qui a fait l’admiration du monde. Malgré quelques turbulences il n’ y a pas eu de morts. Nous devons aller vers un climat apaisé du fait des importants défis économiques, sociales et géostratégiques qui attendent l’Algérie. Regardons ces manifestations réprimées par la force récemment en Irak où les forces de sécurité ont tiré à balles réelles sur les manifestants et dans bon nombre d’autres pays où la répression a été féroce avec des dizaines de milliers d’emprisonnement. Reconnaissons, une grande maturité à l’ANP et à nos forces de sécurité pour la protection des biens et personnes sans compter la défense nos frontières où l’Algérie supporte des couts importants d’autres pays , devant à l’avenir mutualiser les dépenses. Al Hirak, traversé par des courants idéologiques contradictoires, reflet de l’atomisation de la société civile, en pleine restructuration, il est impossible de s’entendre sur un projet de société, notamment la trajectoire économique. Nous avons des ultra- gauchistes, ultra droitistes, islamiques radicaux et modérés, sociaux démocrates. Mais un dénominateur commun universel anime les manifestations: celui de la défense de l’unité nationale, des libertés, de toutes les libertés, la moralisation de la société, un Etat de Droit, la lutte réelle la corruption sans verser dans des règlements des actes de violence alors que la tolérance a fait sa force. Il faut apprendre à tolérer nos différences à nous respecter, à écouter les avis contraires, source d’enrichissement mutuel, ceux qui sont contre l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 et ceux qui sont pour, appartenant au 24 millions d’électeurs en leurs âmes et conscience de décider. Personne n’a le droit en Démocratie d’imposer par la violence son point de vue et le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir. Le statut quo actuel devient intolérable, avec le risque d’une très grave récession économique et sociale 2021/2022 avec moins de 20 milliards de dollars de réserves de change début 2022 avec un dérapage accéléré de la valeur du dinar et un important processus inflationniste et l’extension de la sphère informelle. Victime de la culture du passé, certains responsables continuent de naviguer à vue, prenant des décisions qui engagent l’avenir du pays sur les schémas du passé. Sur le pan politique et institutionnel, l’objectif est une profonde moralisation de la société et des dirigeants, un véritable Etat de Droit, une réelle décentralisation et non déconcentration autour de grands pôles régionaux pour un espace équilibré et solidaire à travers l’implication de la société civile, sur des réseaux solidaires décentralisés supposant une réforme des institutions dans le cadre d’une vision stratégique de long terme. Sur le plan socio économique, il s ‘agira de concilier l’impératif de l’efficacité économique et une profonde justice sociale, de libérer toutes les énergies créatrices par la dé-bureaucratisation de l’économie, l’instauration une économie diversifiée loin des aléas de la rente des hydrocarbures, une économie de marché concurrentielle loin de tout monopole qu’il soit public et privé reposant sur des filières internationalisées innovantes, une transition énergétique maitrisée au sein d’une loi organique (mix énergétique et subventions ciblées) et de relever le défi écologique pour la protection de notre environnement. Le tout devra s’inscrire dans le cadre d’une planification stratégique 2020/2030, fonction du jeu contradictoire des acteurs internes et externes , sur une nouvelle gouvernance, la valorisation du savoir et le dialogue d’où l’importance de la redynamisation du conseil économique et social en léthargie, une indépendance de la justice, une lutte implacable contre la corruption, contre les fuites de capitaux et donc la corruption qui gangrène le pays renvoyant à la nécessité de contre pouvoirs politiques et redynamiser les institutions de contrôle, notamment la Cour des comptes en berne. Loin de toute vision populiste destructrice.
En résumé, toute action extérieure négative ne peut aboutir que s’il n’ y a pas une économie forte reposant sur le travail et l’intelligence , devant être conscients que toute la société algérienne est fortement dépendante des recettes des hydrocarbures, échappant à toute décision interne, que si le front social et politique interne est lézardé, devant tolérer nos différences, l’unanimisme signe d’absence des libertés étant le signe de la décadence de toute société. L’ingérence étrangère n’est possible que s’il y a divorce entre le régime en place et sa population et s’il y a absence de communications objectives crédibles, vivant dans un monde nouveau avec la révolution du système des télécommunications. La gestion d’un pays doit reposer sur une planification stratégique et non sur des mesures conjoncturelles jouant sur les hypothèses de recettes/dépenses. Diminuer à tout prix les dépenses publiques, ainsi que la facture d’importation de façon drastique, pour essayer de réduire les déficits, sans vision stratégique, ne pourra que conduire à une récession économique avec de graves conséquences sociales et politiques dont l’implosion des caisses de retraite. Certains candidats à l’élection présidentielle du12 décembre 2019, par leurs promesses utopiques irréalisables sont –ils conscients de la gravité de la situation socio-économique qui risque d’avoir des conséquences géostratégiques dramatiques économiques et sécuritaires ? C’est que l’on ne gère un pays en se projetant sur l’avenir 2020/2030/2040, dans un monde incertain et turbulent supposant des stratégies d’adaptations perpétuelles prenant en compte les nouvelles technologies qui modèlent la gestion des institutions civiles et militaires , les entreprises et nos comportements d’où l’importance du primat du savoir .µEn résumé évitons des déclarations incendiaires irresponsables comme cela a été le cas de l’actuel ministre de l’intérieur. Le futur président de la république, et son gouvernement qui auront la légitimité populaire, sont les seuls habilités à mettre en place les réformes souvent différées qui seront douloureuses pour arrimer l’Algérie au nouveau monde, Afin de dépasser l’entropie actuelle, je suis persuadé comme je l’ai mis en relief depuis des mois, après une profonde analyse de la situation de l’Algérie, qu’il est impérieux, à la fois pour notre population mais également pour nos partenaires étrangers, malgré toutes les insuffisances, que l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 se tienne dans une totale transparence. Cela ne sera que le le début d’une difficile transition pour et espérons le, la relance de l’économie et éviter la déstabilisation de l’Algérie . /
Professeur des universités, Abderrahmane MEBTOUL expert international

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